Elle pensait aux jours précédents, mais son dernier souvenir de lui remontait à plus longtemps. Une durée indéterminable, même. La vie dans ce pensionnat l'avait coupée du reste, comme les autres prisonniers, et sa notion du temps avait "diminué". Quel jour était-on, elle n'en savait rien. Quel mois, non plus. Et quand était-elle précisément rentrée? Il y a longtemps, c'était tout ce qu'elle pouvait affirmer. Mais lui, elle ne l'avait pas oublié. Il restait toujours son image, dans un coin de son coeur. Mais, étrangement, elle n'avait pas particulièrement envie de le revoir. Chaque personne croisée, elle frissonna, craignant peut-être que ce soit lui. Et quand elle fut assez proche pour le voir, elle ne le reconnut pas. Juste, pour elle, un pensionnaire comme un autre, aux cheveux longs, de la même couleur que les siens. Ca ne la frappa que quand elle put distinguer avec précision son visage. Son coeur s'accéléra brusquement. Ces yeux, ces traits... Et il l'avait vu. Elle feignit l'indifférence, mais pour ne pas paraître brusque, lança un vague:
-Salut...
Puis manqua de s'éclipser.

Keitaro avait vu Kiochi sans la voir.
Elle était là devant lui mais il ne l'avait pas reconnu, perdu dans le vague de ses pensées.
Ce n'est que lorsqu'elle lui lança un bref "salut" qu'il sortit de sa rêverie et qu'il la vit, enfin.
Il se leva, brusquement, rapidement et sourit maladroitement.

*Merde! Là c'est un besoin de nicotine urgent!*

Oui le stress se faisait fort, son coeur battait tres vite, peut etre trop vite et il devait se calmer.
Mais son paquet restait eternelement vide dans son blue jeans.
Il respira un bon coup se disant que dans une demi heure tout au plus, dans sa chambre il pourra s'en griller une sans se demander si son paquet est a moitié vide ou a moitié plein.
Il se gratta la nuque et dit une peu géné.

Salut...Kiochi.
Tu vas bien?

Son regard fuyait. Son coeur avait maintenu la même vitesse. Elle aurait tant voulu s'enfuir, ne pas à avoir à lui parler, mais resta.
-...oui.
Elle était un peu confuse, ne savait pas si, maintenant, elle pouvait s'en aller, ou devait rester avec lui. Comment devait-elle agir? Comme si elle avait tout oublié? C'était, pour elle, la meilleure solution. Hésitant tout de même, elle leva la tête et le regarda dans les yeux. Elle ne lut rien dans ceux-ci. Ou alors elle s'efforçait de songer à autre chose. Le silence se fit alors long. Elle lança, pour le rompre, un habituel:
-Ca fait longtemps, non?

Keitaro plus que géné se gratta la nuque une nouvelle fois.
Puis calmement il repondit d'un simple "oui".
En effet cela faisait longtemps, mais elle ne semblait pas en avoir souffert.
Alors que lui...lui il avait souffert.
De ne pas savoir avec qui elle était, ce qu'elle faisait...
Il s'asseya et alluma son briquet, machinalement.
Il la regarda et sourit.

Tu peux t'asseoir si tu veux.

Il soupira et ferma les yeux.

*Elle en a rien à faire de moi.
Elle s'en fout royalement.
Qu'est-ce qui ma pris de lui avouer ça alors que maintenant je souffre?*

Keitaro rouvrit les yeux et souffla lentement.

Kiochi...Est-ce que tu m'aimes?

Elle se crispa, et baissa la tête pour qu'il ne la voit pas rouge comme ça. Justement la question qu'elle redoutait. Mais elle aurait du s'y attendre. Avec une relation pareille, c'était capital. Pourtant, ç'aurait été si simple si ce n'était pas le cas, ou s'il ne l'avait pas posée. De plus, elle en avait plus qu'assez, de se torturer l'esprit pour une réponse qu'elle savait ne pas avoir. Afin de fuir la question, elle demanda à son tour:
-Et toi, alors?

Keitaro se braqua legrement.

Moi?
La question ne se pose même pas.
Si je t'aime?
Bien sur que je t'aime.
Si je ne t'aimais pas je n'aurais pas passé des journées entière à me torturer pour savoir si tu pensais ne serais-ce q'un peu à moi.
Tu veux que je te le prouve?
Dis moi comment et je le ferais.

Il se leva et attendit.

Il y eut un silence avant qu'elle ne se décide à répondre à ses questions, une à une.
-... Tu pensais à moi? Moi, je pensais à toi. Mais pas comme tu l'imagines. En permanence, je cherchais à t'éviter. Ou plutôt, je cherchais à éviter ce sujet. Mais, tu le sais aussi bien que moi, c'était inévitable. Je te fuyais, toi et les problèmes qui te suivent. Je suis faible, tu peux le comprendre? Je ne cherche pas à te provoquer, ou perdre ta confiance. Il n'y a pas que toi! Et si tu m'aimes, pas besoin de le prouver, je te crois. Seulement, je ne veux pas te rassurer, en te racontant des mensonges, sur mes sentiments incertains. Si je te dis que je t'aime, je ne veux pas te blesser par la suite, si je suis obligée de t'admettre que c'était faux.
Elle avait dit ça rapidement. Sa gorge se serra, et elle regrettait déjà. Mais elle ne se sentait pas d'humeur à faire plaisir, à qui que ce soit. Elle ne se souciait que d'elle-même, tout en le sachant.

Tu ne veux pas me blesser?
Tu ne veux pas me blesser?!
Le probleme c'est que le mal est déjà fait.
Et ça tu ne t'en es même pas rendu compte.
Je sais bien qu'il n'y a pas que moi mais toi tu ne sembles pas savoir qu'il en est de même dans le sens inverse.

Il fouilla machinalement ses poches et degota, on ne sait d'ailleurs pas comment vu le nombre de fois où il a fouillé ses poches, une cigarette.
Il l'alluma et rejeta la première bouffée dasn les airs.
Il regarda Kiochi, soupira et s'en alla.

Là, elle tiqua.
-Tu fumes?! s'écria-t-elle.
Puis elle se ravisa. Ca n'avait rien à voir. Elle le laissa partir et s'assit sur un banc. Qu'il attrape un cancer, ou autre maladie, qu'il meurt, ce n'était pas bien grave... Si, c'était inquiétant. Seulement, elle était trop embarassée pour songer à autre chose qu'à elle-même. Ses dernières paroles lui revinrent en tête. C'était la vérité, dure à admettre, certes. Tout ce temps, elle avait été tellement égoïste... Elle ne l'avait même pas vu, contrairement à ce qu'elle croyait. Et pour couronner le tout, elle avait osé lui reprocher de ne penser qu'à lui. Vraiment...
Elle attendit encore longtemps, perdue dans ses pensées, avant de regagner le pensionnat.