Son coeur battait violemment dans sa poitrine. Il battait de l'espoir d'être sortie, de la peur d'être rattrappée par les gardiens dont elle entendait les lourds pas. Le chat qu'elle suivait avait disparu sous ses yeux, mais peu importe; il devait être sain et sauf. Elle était trempée, elle avait froid. Ce n'est pas tous les jours qu'il pleut en février. Ce n'est pas tous les jours qu'une étudiante s'enfuit d'une organisation secrète voulant créer l'arme la plus puissante imaginée à ce jour. Elle menaçait de tomber à chaque pas sur le sol glacée. La demeure aperçue au loin se rapprochait peu à peu. Elle semblait immense, s'étendre pratiquement à l'infini *mais l'infini n'a aucune réalité physique... peut-être est-ce une illusion? Allons voyons, un peu de sérieux! C'est pas le moment d'avoir ce genre de pensée!*
Voyant l'entrée arriver perpendiculairement à sa course, elle accéléra et se laissa glisser, penchée sur le côté pour tourner. La manoeuvre réussie, elle se remit à courir. En montant les grands escaliers de marbre, elle se retourna et vu que ses poursuivants étaient toujours là. Sans hésiter, elle enfonca la porte d'un coup et la referma aussitôt. Elle s'écroula, la respiration difficile, serrant les documents volés.
*Je ne peux pas me reposer tout de suite... ils vont défoncer la porte d'un moment à l'autre. Je dois brûler les plans et appeler la police immédiatement!* Elle regarda brièvement autour d'elle la grande pièce éclairée par un grand et luxueux lustre fait de cristal. Un long tapis rouge et jaune s'étendait sur une partie du sol. Plus loin sur la gauche, un immense escalier s'étirait paresseusement en collimaçon. Elle se releva lentement, secoua ses longs cheveux et décida de parler pour alerter peu importe qui vivait ici.
-Excusez moi! Heu... c'est une urgence. Je m'excuse d'avoir pénétré sans frapper... Pourrais-je emprunter votre téléphone je vous prie?
Ses paroles résonna longuement sans donner de réponse. Il lui semblait tout d'un coup que l'atmosphère avait changé. Il faisait plus sombre. Elle se mit à paniquer, à vouloir sortir tout de suite. Sans réfléchir, elle se jeta sur la porte... qui ne voulait plus s'ouvrir! *Eh bien, si je ne peux plus sortir, ils ne pourront pas plus entrer...* Rassurée à la pensée d'être en sécurité, elle se mit à marcher lentement.

Emanuelle recherchait le calme et la tranquilité. Juste un petit lieu où elle pourrait prier, où elle pourrait se recueillir, et confier ses craintes au Seigneur.

Un ange. Elle avait rencontré un ange. Un ange qui lui avait parler à travers l'obscurité, un ange qui, dans les ténèbres, avait fait revenir la lumière. Voilà ce qu'elle pensait du jeune Solon qu'elle avait rencontré il y a peu.

Elle portait son habituelle soutane bleu nuit, son pendentif avec sa croix bien en vu, sur lequel ses doigts s'étaient refermé durant son trajet à la recherche de son havre de paix. Elle entendit soudain du bruit dans le silence pesant du Manoir. Un bruit de porte que l'on claque. Une nouvelle âme pure prisonnière de ces lieux.

Elle se dirigea donc tout naturellement vers la porte, pour annoncer à celui ou celle qui se tiendrait devant qu'il ne pouvait temporairement en sortir -car il existait forcement un moyen, Dieu ne les laisserait pas ici- et leur apporter un peu de lumière. Il fallait garder espoir. Il le fallait.

- Bienvenue dans le pensionnat Interdit, ma fille.

Ces mots résonnèrent d'un coup dans le silence qui règnait jusqu'alors. Ce n'est qu'à ce moment que Seles remarqua la présence de la jeune fille. Ses petits cheveux noirs tombait gracieusement sur le côté de son visage comme pour mettre en valeur son expression amicale. Elle portait un jolie habit bleu nuit et la croix qui pendait sur sa poitrine révélait son appartenance religieuse.
*Pourtant, ça n'a l'air ni d'une église ni d'un couvent...*
Seles essaya d'empêcher ses pensées de vagabonder et de se concentrer sur l'importance de cette rencontre. Il s'agissait après tout de la première personne en deux ans qu'elle rencontrait hormis des gardiens qui ne faisait que la maltraiter. La situation la rendis nerveuse
-Heu... merci. Et heu bonsoir. Où sommes-nous en fait? Et heu qui êtes-vous? Vous habitez ici? .... Pardon, je dois vous agacer avec toutes ces questions
Elle souria et se gratta derrière la tête en disant ces derniers mots. Au bout de quelques secondes, elle reprit un regard sérieux et ajouta:
-Le pensionnat interdit c'est ça? Quel nom étrange.... mais plus important, y a-t-il un téléphone que je puisse utiliser? ..... ah mais heu je suis rude... j'ai oublié.... Je m'appelle Seles. Seles Levia. Enchantée de vous rencontrer... heu.... j'ai oublié de vous demander votre nom...
Elle se regratta derrière la tête en signe d'excuse et ria

N'Ema regarda la jeune fille qui se tennait devant elle, et sourit d'un air assurer et bienveillant...Une de plus. Une âme pure de plus prit au piège dans cet endroit maudit... Elle lacha sa croix, et s'approcha de cette dernière. Elle hocha vaguement la tête en guise de bonjour, et regarda un instant la porte avec de parler.

- Ne vous inquiétez pas ma fille. Vous ne me dérangez point, et ceci n'est pas vraiment ma demeure...

Elle s'adoosa au mur, et ferma les yeux. Le silence. Malgrè le fait qu'elle y soit habituée, ce silence était lourd, pesant, hostile, plein de particules négatives qui vous fiches rapidement le cafard... Elle repensa au jeune Solon. Ce silence avait réussi à le faire douter du Seigneur. Et elle? Sera-t-elle assez forte pour ne pas douter de sa propre foi? Arrivera-t-elle a garder sa foi aveugle en Notre Père? Et à approter la lumière aux autres? Autant de questions sans réponses que de secondes passées entre ses murs.

- Je suis soeur Emanuelle, du Couvent de Sainte-Marie-de-P.I. Vous venez d'entrer dans une demeure...une bien étrange demeure...Et j'en suis désolée pour vous.

-Enchantée de faire votre connaissance Emanuelle

Les paroles d'Emanuelle ne semblaient pas aller avec l'expression qu'elle affichait. Des paroles assez inquiétantes, mais une expression si bienveillante.

*Est-ce pour me rassurer?*

Pleins de questions se poussaient dans le tête de Seles et elle ne savait pas par où commencer. Elle voulait en savoir plus sur cette endroit étrange comme Emanuelle l'avait qualifié. Elle voulait en savoir plus sur cet Emanuelle aussi. Elle voulait savoir ce qui s'était passé pendant ses deux ans de captivité. Un étrange sentiment lui indiqua que ce serait impossible pour la dernière chose.

Comme il lui fallait bien commencer en quelque part, elle se décida:

-En quoi ce pensionnat est-il étrange? Est-ce que ça a rapport avec les portes qui ne veulent plus s'ouvrir?

*Peut-être ne peuvent-elles s'ouvrir qu'à un moment précis de la journée ou bien seulement une fois par journée?*

Elle se tordit les cheveux encore trempés en attendant la réponse. Elle avait encore froid de toute cette pluie glacée et ne pouvait s'empêcher de frissonner légèrement.

Emanuelle eu un sourire, s'approcha de la jeune fille désigna la porte d'un vaste mouvement de main.

- Vous êtes très perspicace, ma fille. En effet, le fait que la porte ne s'ouvre que dans un sens fait partit de toutes ces petites choses qui, accumulées, en font une grande dose de bizarrie. La porte ne s'ouvre que de l'exterieur. Dans les temps anciens, la porte était-elle une simple porte, ou alors y avait-il une clée? Ou un quelquonc moyen d'en sortir? Je l'ignore. Tout ce que l'on sait, c'est que nous sommes prisonnier du Manoir, et donc à la mercie des I.

Emanuelle détailla la jeune fille trempée. Seles Lavia. Seles...Un nom rare, dont elle ignorait l'origine. Et cette Seles, comme tout le monde ici, avait un passé. Des souvenires. Des espérances peut-être, ainsi que des projets d'avenir...Une famille, des gens qui pensaient à eux...Tout ça avait été détruit en entrant dans ce manoir, comme effacé...

Des pensionnaires qui avaient aussi leurs secrets, leur "jardin", avec des but, des aspirations plus ou moins avouables, et qui avaient parfois commis les pires péchés...Mais aussi monstrueux soient-ils, ils ne méritaient pas ce sort. Mais après tout, Dieu devait avoir une bonne raison pour les avoir enfermé ici, pour les avoir privé de lumière...

*Bon, donc on est tous enfermés on dirait...*

Seles ne s'inquiéta pas outre mesure de ce fait. Après tout, il s'agissait bel et bien d'un fait; que pouvait-elle y faire de toute manière? Elle regarda encore un peu alentour et décida que l'endroit n'avait pas l'air trop mal. Elle se retourna vers la porte un moment:
*Il DOIT exister un moyen!*
-Il existe sûrement un moyen pour sortir... quelque chose qu'il sera possible de découvrir en temps et lieu...

Par contre, une chose agaçait son esprit de façon insupportable. C'était cette sorte de curiosité tenace qui brûle rien que pour une petite allusion, un léger commentaire, sorti d'un coup sans plus de cérémonie. Un détail...

*Mais qui sont ces I?*
-Mais qui sont ces I?

Mais qui sont les I?

La question que se posait également N'Ema en cette instant. Les I, les célèbres et sinistres I. Tout le monde en parlait, mais qui savait vraiment?

- Et bien, voyez-vous ma fille, on ne sait pas vraiment...On pense que les I sont ceux à qui appartient cette demeure, donc ceux qui nous garde prisonnier. D'après la rumeur, ils seraient quatre...C'est tout ce dont je suis au courant, veuillez m'en excuser. Cela répond-t-il à votre question?

Elle lui sourit, et repensa aux mots du jeune Solon qu'elle avait rencontré. Une pauvre âme perdue dans les ténèbres. Elle jeta un dernier coup d'oeil à Seles, trempée jusqu'aux aux os, et regarda le plafond. Que faisait-elle sous la pluie, sans rien pour la proteger?

- Cette demeure cache bien des secrets. La porte, les I, les Alter Ego Astrale, les pouvoirs, et tout le reste... Mais dites-moi, ne souhaiteriez pas vous changer? Vous êtes trempez...

Fit-elle remarquer avec un sourire, en se raprochant de Seles, le regard fixé sur ses vêtements dégoulinants d'eau.

Les I seraient 4? Seles se laissa aller un instant en divers pensée sur le chiffre 4. 4 comme le nombre de côtés etde somets d'un carré. 4 comme un carré parfait. 4 comme un chiffre pair. 4... 4... Mais comme ça ne mena à rien elle reporta son attention sur les paroles suivantes d'Emanuelle.

Ses vêtements trempés étaient effectivement peu confortable. Et puis elle voulait bien aller explorer un peu l'endroit. Voir de ses propres yeux toutes ces bizarreries... Essayer de comprendre tous ces mystères... Cette perspective lui donna en fait l'envie de courir et d'ouvrir toutes les portes sur son passage. Quand était-ce la dernière fois qu'elle avait ressenti un tel désir de découverte? Une telle curiosité? Une telle envie de se lancer impulsivement vers l'avant? Toute cette activité soudaine lui faisait oublier le froid. À vrai dire, elle ne comprenait rien de ce qui arrivait. Elle se sentait complètement plongée dans le néant. Et pourtant, loin d'avoir peur, elle avait de sourire, de rire même. C'était comme si tout devenait tout à coup nouveau.

Un nouveau monde en quelque sorte s'ouvrait sous ses yeux. Un monde qui sans doute sera loin d'être facile à vivre; peu importe, il n'est jamais facile de vivre après tout.

-Eh bien en effet oui, ce serait une bonne idée. Allons-y!

Sans attendre, elle s'élança vers le couloir qui s'étendait au devant d'elles. Elle se retourna en souriant tout en continuant de marcher à reculon. Toujours un pas de plus vers l'inconnu. Mais l'inconnu est toujours moins effrayant lorsque nous n'y sommes pas seuls.