Le couloir paraissait sans fin. Certes la comparaison était facile, et il y avait à parier que son état de stress avait une tendance à rallonger ses pas autant que les minutes qu'il parcourait dans l'endroit. Pourtant il était déjà passé devant plusieures portes closes et différents tableaux. Peut être était-ce un couloir circulaire ? Même sans cela, il existait des édifices assez vaste pour se perdre dedans, il était déjà rentré dans ce genre de musée à l'atmospère étouffante. Lui, le réveur, le théatral, vivant toujours dans ses fantasmes, se devait pour une fois de rationnaliser et de réfléchir logiquement. Autant dire qu'il n'était pas sorti d'affaire. Les différentes portes autour de lui étaient comme autant d'entrées tentantes. Peut être l'une d'elle possédait la sortie, que ce soit vers l'extérieur ou sous forme d'un téléphone, d'un ordinateur, ou de quoi que ce soit de réel qui le raccrocherait à sa réalité. Mais c'était aussi autant de toiles d'araignées effrayantes. Qui sait ce qu'il trouverait derrière ? Qui sait si il ne verrait pas la confirmation des mots du garçon ? Pour le moment il n'arrivait pas à se décider.

Kaza fit une pause, et prit le temps de redresser correctement la manche de son kimono. Le lourd tissu, peut approprier à une fuite ou une marche rapide, s'était décider à glisser de son épaule, laissant sa mise un peu défaite. Rien de bien méchant pour son époque, mais probablement d'une impudence outrageuse pour qui aurait porté le kimono quelques siècles auparavant. Ses cheveux aussi lui posaient quelques soucis. Il soupira et défit l'attache de son chignon, libérant une crinière chatain qui s'épanouit sur son épaule. Il les ramassa dans une main, et se confectionna rapidement une queue de cheval ahute qu'il assura grace à l'attache, utilisant les peignes décorés pour retenir les longues mèches qui menaçaient de venir lui chatouiller les yeux. Prendre le temps de s'occuper de son apparence, dans les circonstances, semblait étrange. Mais c'était un tic d'acteur de théatre, de toujours s'assurer de son apparence avant de monter en scène, quelque chose, et cette normalité le rassurait, lui donner un ancrage dans sa réalité. Il ne pouvait pas encore céder à la panique.

Une fenêtre se découpait dans le couloir, bien visible dans sa forme d'arche. La vitre, non le vitrail, était teinté, et d'aussi près, il n'arrive pas à en distinguer le motif. Non, tout ce qui l'intéressait était ce qu'il pouvait deviner derrière ces couleurs bleutés et sombres. Un paysage étrange, un peu dévasté, mais qui n'avait clairement rien à voir avec Kyoto, quelqu'en soit le quartier. Il y avait vraiment un soucis.

" Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront ...."


Le poème de Kipling lui revenait en tête, impromptu, les vers prononcés par une lourde voix chaude, celle qu'il avait toujours imaginé être celle de Kipling, scandant les mots destinés à lui donner de la force et à le soutenir alors qu'il restait devant ce spectacle...

Après l'intrusion pour la moins étrange accompagnée de ces explications hésitantes et non moins étrange du jeune homme brun dans le hall, et la fuite affolée de l'acteur à ses propos, Kusuri n'avait pas hésité longtemps avant de prendre congé du jeune homme avec une politesse reservée. Il ne lui semblait guère fiable sur l'instant. Après les escaliers, il avait prit le couloir opposé à celui pris par Kazahaya. Suivre le jeune homme ne lui était même pas venu à l'esprit. Il n'était pas dans sa nature de se raccrocher aux autres. Independant et individualiste, il n'attendait pas d'aide et n'imaginait pas qu'un quelconque soutien mutuel ait put naitre, malgré la situation. Il n'avait de toutes façons que trop peu à voir avec ce jeune homme bien trop différent de lui, usant de mots étranger et d'un comportement pour le moins décalé.

Le bas de son kimono, bien que marbré de boue déjà à moitié sèche, glissait sur le sol avec une certaine grace, accompagnant la démarche lente et presque princière de l'apothicaire.Ses 2 mains, jointes à hauteur de poitrine, couvertes par les manches de soie, lui donnaient l'air de sortir d'une fresque antique...Ce qui était quelque part presque le cas. Le visage calme et grave, il décortiquait les paroles du jeune homme du hall. Il avait été la seule personne vivante autre que le jeune acteur qu'il avait croisé ici. Passant devant une haute fenêtre dont il ne pouvait distinguer le haut noyé dans l'obscurité du haut plafond, il regarda au dehors. En ombres chinoises, les frondaisons d'arbres inconnus ondulaient au clair de lune. Vision qui l'eut ravis en d'autre temps. Il fronça légèrement les sourcils. Ces arbres n'étaient ils pas ceux de la forêt qu'il venait de quitter ?

Il n'avait pas le sentiment d'avoir quitté son monde. Les faits assemblés lui semblaient pourtant coherents. Certainement ce batiment était il celui d'une sorcière, tel Yama-uba. Un endroit malefique ou l'on risquait de se retrouver piegé. Cela n'expliquait pas encore totalement l'aspect étrange de l'enfant du hall et les mots du jeune acteur, mais cela avait au moins le mérite de donner une certaine cohérence à cette étrange affaire...
Le couloir demeurait obstinement desert, comme s'il eut voulu le plonger dans le déséspoir. Ce tour la était bien raté, songea t'il avec une froide indifference. Il dodelina de la tête, son cheville meurtrie se rappellant à son bon vouloir sous la forme de douleurs sourdes et épisodiques. Ou allait il ainsi ? Il n'en était à la verité pas encore à chercher une solution. Si sorcière il y avait, prête à dévorer son coeur, il ne chercherait pas à résister. Il se contentait pour l'instant de constater.

Alors qu'il prenait l'angle du couloir, un immense vitrail s'offrit à son regard, lui laissant voir un grand croissant de lune violacé entouré de moults symboles et figures dont il ne parvenait à saisir la signification. Figé devant ce vitrail, son kimono dévoilant son épaule de manière outrancière, le jeune acteur était la. Kusuri haussa un sourcil. Ils étaient partit dans des directions opposés, comment se faisait il que...

"Cette demeure ne veut pas que je vous laisse seul semble t'il"

Kusuri aurait put être son precepteur, et kazahaya un jeune noble un peu évaporé. Seul le décor péchait un peu, troublant détail dans cette nouvelle scène de theatre que l'apothicaire venait de poser sans vraiment s'en rendre compte. Il nota distraitement le changement de coiffure du jeune homme. Il avait toujours l'air d'une fille ainsi coiffé. Il s'était d'ailleurs surpris à songer "elle". La costume était réellement parfait, la subterfuge indecellable. Un instant, le jeune homme vint à douter. Peut être s'agissait il réellement d'une jeune femme, qui...Non, l'épaule était trop anguleuse, et c'était un acteur, chose dont il était sur. Il eut un sourire contrit, portant une manche de kimono à ses lèvres pour dissimuler l'expression malvenue.

"Angoissé ? Cela ne justifie guère votre tenue jeune fille."

C'était certainement ce qui était le plus proche de la plaisanterie pour lui.

Le ciel était sombre ce jour là et Moewyn, toujours aussi déprimée, le coeur en milles eclats, traversait le couloir afin de se rendre dans sa bien triste chambre qui ne ressemblait à rien sauf un gigantesque depotoire.
Tête baissée, le regard dans le vague et le teint blafard, des larmes chaudes coulaient le long de ses joues creusées par l'inquiétude et par l'anémie.
Depuis combien de jours n'avait-elle pas touché à un bout de pain ou à un cookies au chocolat dont elle raffolait d'ordinaire?
Assez pour avoir perdu une bonne dizaine de kilos qu'elle jugeait superflus auparavant.
A présent la jeune femme ressemblait à un épouventail avec ses éternelles robes noires de velours et ses bottes en cuir.
Non pas que cet accoutrement fut laid mais sa longue crinière rousse était en bataille et le eye liner qui se mariait parfaitement avec ses yeux mauves avait coulé.
Si on ne la connaissait pas on aurait pu dire qu'elle sortait tout droit d'un film d'épouvante dans lequel elle tenait le rôle de la méchante.
Et même pour ceux qui avaient l'habitude de la frequenter , elle était méconnaissable.
Elle qui s'efforçait de toujours garder le sourire pour cacher sa peine ne prenait plus le soin de cacher son malheur et sa détresse aussi grande fût-elle.

Dans le couloir, deux personnes se tenaient face à face.
Moewyn n'aurait pu dire s'il s'agissait d'hommes ou de femmes et à vrai dire elle ne chercha pas à le savoir.
Tout ce qu'elle voulait c'était se reposer dans son grand lit noir avec ses idées noires, si toute fois elle arrivait à trouver le sommeil, chose qui sans doute ne se passerai pas.
Arrivée à leur hauteur, elle entendit des voix mais n'écouta pas.
Elle s'en fichait éperdumment et sa curiosité s'en était aller.
Autrefois elle aimait à attrapper des bribes de phrases pendant ses promenades mais à présent plus rien ne lui faisait envie.
Dans sa grande maladresse et de toute sa splendeur, Moewyn percuta l'épaule d'un(e) des deux inconnu(e)s et se prit les pieds dans sa longue robe.
Ne prenant pas la peine de se rattraper à quoique ce soit, elle s'étale au sol, meutrie et éclata en sanglot.
Elle se recroquevilla sur elle même quelques secones puis finit par se relever pour demander pardon à celle ou celui qu'elle avait bousculé.
Tête toujours basse, le dos courbé elle se rependit en excuses, les larmes ne cessant de couler sur son visage livide.
Le genou douloureux et les mains pleines d'échardes, Moewyn grimaçait de douleur.
Decidemment rien n'allait et rien ne s'arrangeait.

"Veuillez excuser mon imprudence. Je vous en prie excusez moi, je suis sincerement désolée."

Une voix grave manqua de le faire sursauter, mais il recomposa assez vite son visage, tournant vers l'homme qui arrivait un regard entre méfiance et curiosité. Méfiance non pas envers l'homme, mais plutot pour ses paroles, et tout ce que que cela pouvait signifier sur la demeure. Il aurait préféré que celui-ci l'ai suivi, tout simplement, plutot que de se poser de nouvelles questions.
Un nouveau commentaire lui fit baisser les yeux, génés, comme pris en faute aux yeux d'un supérieur. Il aurait pu l'ignorer, ou se rebiffer, mais il était tellement plus simple de se placer en position d'élève, ou du moins de cadet, face à l'homme, et de suivre ses conseils, s'offrant au moins un point d'appui et d'ancrage dans cet univers étrange. Plutot se laisser bousculer un peu, pour le moment du moins.

Il remonta une fois de plus la lourde manche de kimono dans un geste délicat, dissimulant la peau nue aux regards, et faisant retrouver à sa mise un coté impeccable et cérémonieux.

" Je doute que cela gène qui que ce soit ici. A part vous."

Il songea à corriger le mot jeune fille. Il ne l'avait pas fait en première intention, car des semaines de répétition à une pièce à se faire passer pour une femme supprimait l'automatisme, du moins avec le costume, et surtout à cause d'un bruit de pas qui lui fit tourner la tête vers une troisième arrivante.

C'était une jeune femme rousse vétue d'une longue robe noire, qui titubait vers eux, le visage crispé sous ses larmes. Elle ne faisait pas plaisir à voir, mélange de douleur, de peur et... surtout parfaite inconnue sortie de nul part. Il était sur de ne pas avoir entendu ses bruits de pas avant qu'elle ne soit très proche. Se prenant les pieds dans sa robe - à moins qu'elle ne se soit cogné avant contre Kusuri ? Il était mal placé pour le voir - elle tomba au sol, de tout son long, d'une manière qui révélait beaucoup de fatigue ou un instinct théatral.
Kazahaya commençait vraiment à en avoir assez de jouer selon un pièce inconnu.

Pourtant, il était trop gentil pour abandonner quelqu'un à son sort, et sans même réfléchir, s'agenouilla avec délicatesse et préciosité, la seule façon dont on pouvait le faire avec un kimono comme le sien, et posa une main sur le bras de la jeune fille.

" Demoiselle ? Allez-vous bien ? Que se passe-t-il ? "

L'apothicaire considera en silence le jeune acteur qui, docile, remit en place la manche de son kimono dans un geste délicat et feminin, qui entretenait l'illusion de son rôle. Un court instant, ils entretinrent à eux 2 une normalité rassurante, et ce même si ni l'un ni l'autre n'aurait voulu l'admettre. Kazahaya laissa alors échapper quelques mots, auquel Kusuri n'eut pas le temps de répondre, alors qu'une jeune femme arrivait vers d'une démarche lente qui n'était pas sans rapeller celle de certains creatures venues des ombres. Elle heurta son épaule, pas assez fort pour lui faire le moindre mal, mais le jeune homme se recula tout de même d'un pas, les sourcils froncés.

Alors que Kazahaya se baissait avec gentilelsse, Kusuri n'esquissa pas un geste pour se baisser ou aider la jeune femme, qui pour lui n'en était certainement pas une. Son arrivée était trop décalée, trop mise en scène, elle parvenait à l'être encore plus que ne l'était cet étrange batiment. Et tout dans son apparence dénonçait...

"Voici donc la sorcière des lieux."

Enonça t'il d'un ton docte. Un autre, doté des mêmes convictions, aurait certainement tiré Kazahaya en arrière pour le proteger. Mais cette idée ne vint même pas à l'esprit de l'apothicaire. Chacun ses soucis. Il posa neanmoins un long regard calme sur le jeune homme, comme pour le mettre en garde de ce qu'il allait faire. Dans ses cheveux jouaient alors quelques éphèmères couleurs provenant du vitrail.

Ses propos étaient certes décalés et auraient put sembler totalement incoherents. Ou pas. Après tout, n'étaient ils pas dans une étrange demeure à la porte bloquée, dans une situation cocasse et décalée depuis qu'ils s'était rencontrés ? Kusuri venait d'une époque ou le mystique secondait au quotidien. Les monstres, demons et autres sorcières étaient pour lui tout aussi crédible que tout autre phénomène, et la situation portait bien à soutenir son affirmation, énoncé avec le calme unique des adultes, toujours campés sur leurs positions et certains de savoir ce qui était vrai et ce qui ne l'était pas.

Elle s'attendait à recevoir des réprimandes, des coups, des injures ou que sais-je encore.
Elle reçu de l'aide et une injure.

" Demoiselle ? Allez-vous bien ? Que se passe-t-il ? "

Moewyn leva les yeux vers la main secourable et essuya ses joues, effaçant le noir qui avait coulé.

"Je...Je vais bien merci. Ce n'est rien. Pardonnez moi."

"Voici donc la sorcière des lieux."

La remarque la toucha en plein coeur. Cette remarque n'était pas fausse mais dans la bouche de cette personne et dites de cette façon, cela ressemblait plus à une insulte qu'à une remarque.
Bléssée, elle se remit à pleurer.

*Si cet energumène savait de quoi je suis capable il me montrerait un peu plus de respect.*

Ravalant sa rancoeur, Moewyn se tourna vers la jeune femme qui avait une voix étrangement masculine et baissa la tête.

"Pardonnez moi si je vous ai offensé. Ce n'était pas dans mon intention que de vous bousculer."

Moewyn epousseta sa robe et rajusta ses cheveux sans lever les yeux. Cela aurait été la pire des impolitesses.
Elle attendit que son interlocutrice daigne accepter ou rejeter ses excuse pour pouvoir s'en aller.

Contrairement à Kusuri, Kazahaya n'avait pas vécu dans un monde où la méfiance était de mise et où l'obscurantisme était une part intégrante du mode de vie. Si bien que quand il croisait un inconnu, il n'avait nul méfiance, nulle peur ou haine à son égard. Bien sur, il y avait la méfiance inhérante à chaque humain inconnu, mais dans son esprit ne venait pas la possibilité qu'on puisse lui faire du mal, du moins physique, de manière volontaire. Il n'y avait que dans les films ou dans les faits divers que l'on se faisait sauvagement agressé par un inconnu au moindre coin de rue.
Si bien, que là où son ainé se montrait méfiant et sarcastique, lui ne voyait qu'une jeune femme en détresse.

" Ce n'est rien. Vous êtes sure que çà va aller ? "

Kaza lui offrit un petit sourire, très doux.
Peut être était-ce de la stupidité de se montrer aussi ouvert mais... si il avait remarqué le coup d'oeil de l'autre homme, pour lui les sorcières n'étaient qu'un folklore amusant à raconter, intéressant à jouer dans les pièces, mais pas une réalité à affronter. Ni même à y croire.
Il essayait, dans la mesure de ses maigres moyens, de ramener la réalité à sa version de la normalité, où la magie et les concepts de sorcellerie se vendaient en millions d'exemplaires sous formes de livres pour la jeunesse avec un héros balafré et à lunettes.

" Attendez..."

La voix de Kaza prit un versant plus insistant, une pointe de détresse sous jacente dans ses mots malgré l'effort qu'il avait de garder un visage impassible. Quand il sortirait d'ici, oui quand, et pas si, il aurait surement fait de gros progrés en art dramatique, si il en avait jamais eu besoin. C'est ce qui s'appelle être plongé dans son rôle.

" Qui êtes-vous ? Et surtout quel est cet endroit bizarre ? "

Il voulait de nouvelles explications. Les vraies cette fois.

Les mots énoncés par Kusuri n'étaient ni insulte ni remarque, plutôt simple constatation, qu'il considérait comme véridique. Il était de ces personnes qui préferaient croire à leurs propres mensonges et les imposer aux autres plutôt que d'admettre ses doutes ou son incapacités. Il était comme la plupart des adultes, car ainsi va le monde, et à se ballader le coeur à vif l'on ne pouvait que devenir fou. Vivre et cohabiter, c'est imposer sa vision. Et l'apothicaire ne voyait pas en cet instant une adolescente au coeur en peine mais bien quelque sorcière prête à abuser de lui et de la naiveté du jeune acteur.

C'est un regard froid qu'il posa sur elle, alors qu'elle recommençait à pleurer, égrenant de bien amères pensées à son égard. S'il savait de quoi elle était capable ? Il n'en avait aucune idée, mais se doutait bien qu'elle disposa de grands pouvoirs. Pour lui, elle était une sorcière. Et c'était bien pour cela qu'il n'était pas prêt à se montrer conciliant ou apeuré. L'honneur l'en empêchait.

C'est avec des termes des plus poli, voir timide, qu'elle répondit aux inquiétudes de Kazahaya. Immobile, un peu en retrait, Kusuri considerait la scène en silence, le menton levé avec dédain aux paroles angoissées de brun. Neanmoins, un demeura silencieux, quelque peu interessé par les mots qui allaient s'échapper de ces lèvres tremblantes. Certainement la sorcière allait elle se reveler à eux et les dévorer. Cela serait certainement douloureux.

La personne en question ne rejeta ni n'accepta ses excuses.
Tant pis, Moewyn ne lui accorda pas plus d'importance que lui, lui accordait du dédain.
Elle se tourna vers celui qui lui avait tendu la main et répondit à ses questions d'une voix un peu plus assurée.

" Ce n'est rien. Vous êtes sure que çà va aller ? "

"Oui, ne vous en faites pas pour moi, j'ai l'habitude de...tomber."

" Attendez..."
" Qui êtes-vous ? Et surtout quel est cet endroit bizarre ? "

"Je m'appelle Moewyn. Moewyn Nigthblack. Et cet endroit bizarre est un manoir, il appartient à P.I ou O.I enfin c'est difficile à dire. Mais...une seconde, ne vous a-t-on rien expliqué en bas? Vous n'avez pas été accueilli?"

Moewyn poussa un long soupir et releva la tête, un peu plus présentable à présent.

*Je vais devoir tout reprendre depuis le début.*

"Je suppose que vous avez remarqué que vous ne pouvez pas sortir de ce manoir?
Nous sommes un peu moins d'une centaine dans votre cas.
Nous sommes arrivés un jour de pluie pour nous abriter et puis quelqu'un est venu nous annoncé que nous ne pourrions plus sortir de cette demeure.
Et pourtant nous avons tout essayé mais nos recherches ont été vaines.
Il semblerait que ce soit un mauvais tour du propriétaire.
Dans quel but? Nous ne le savons pas.
Toujours est-il que nous vivrons enfermés jusqu'à la fin de nos jours.
Enfin enfermés n'est pas le mot juste puisque nous avons un parc, une foret, un lac à notre disposition mais dépassé une certaine distance nous ne pouvons plus avancer."

Moewyn reprit son souffle et regarda son interlocuteur.

"Jusque là est-ce que ça va? Vous a-t-on expliqué pour le pouvoir et l'alter égo astral? Je sais bien que tout ceci semble difficile à avaler, moi même j'eus du mal à y croire, il faut un temps d'adaptation."

Elle ne souriait pas, l'expression qui lui collait au visage était plutôt de la compassion.
Elle savait très bien qu'il était toujours difficile pour les nouveaux arrivant de croire à cette explication qui ne semble pas rationnelle.

Malgré son mascara qui avait coulé et lui laissait de longs sillons sur ses joues pales, créant des cernes artificielles qu'il n'aurait pas dédaigné pour un masque de Nô, elle était plutot mignonne, quand elle leva la tête vers lui en soupirant. De longues mèches rousses brillantes et de grands yeux qui trahissaient une ascendance qui n'était en rien japonaise. Européenne ? Il y avait pas mal de rousses en Europe du Nord, il se souvenait des cours de géographie. En Orient, il y avait surtout de bonnes teintures. Sa tenue semblait plus occidentale aussi, mais ce n'était guère un élément utile à remarquer... il y avait autant de japonaises en yukata qu'en jupe ou pantalons plus classique. Sur le coup, son kimono de cérémonie, ample et encombrant, l'aurait surement fait plus remarquer dans les rues modernes de Shinjuku que la jeune demoiselle devant lui. Kusuri... était un exemple parfait de japonais tellement traditionnel qu'il pouvait presque entendre le glissement d'un katana retournant dans son fourreau en l'observant. C'était troublant, aussi perturbant que troublant pour quelqu'un qui passait la plupart de sa vie à se glisser dans la peau de ce genre de personnage. Et il ne pouvait nier à ce genre de personnage taciturne une sorte d'ascendant.

Moewyn se présenta, et sembla surprise un instant avant d'entreprendre de donner des explications. Explications calmes, posées, et relativement complète puisqu'elles ressemblaient presque à la lecture d'une notice d'utilisation. Il supposait qu'elle avait peur d'oublier quelque chose, ou bien que cela venait d'une lassitude à répéter ces mêmes mots à différentes personnes. C'est probablement l'état de choc qui lui faisait analyser si placidement le ton et la façon dont elle donnait les informations, plutot que réagir à la signification des mots en eux mêmes. C'était bien ce que leur avait dit le jeune homme plus tot, celui qu'il n'avait pas voulu croire.
Un coup monté, une vaste mascarade ? Ca ne pouvait être que çà.
Comme coup de grace, la sorcière rajouta quelques notions abstraites sous forme d'une question étrange.

Kazahaya cacha le bas de son visage derrière la manche de son kimono, mais la paleur de son visage n'était pas dissimulable de cette manière. Tous ses muscles s'étaient crispés, comme si son corps refusait en bloc l'idée que son esprit n'arrivait pas non plus à assimiler.
Un filet de voix ténu finit par répondre.

" Ca va..."

Kaza rebaissa séchement son bras et leva le menton, la bouche pincée en une expression à la fois hautaine, agacée et en colère. Pas dirigés contre la jeune femme devant lui, mais contre la situation générale. Elle ne se trouvait qu'être son incarnation devant lui.

" En fait, non, çà ne va pas. Suis-je le seul à trouver complètement stupide et irrationnel d'être coincé dans un manoir digne d'un décor de film d'horreur sans budget, avec un scénario qui regroupe tous les clichés de X-files à Buffy ? Sans oublier les acteurs tirés tout droit de Kenshin ! "

Son regard se dirigea sur Kusuri avec éloquence pour signifier qui était le dernier réchappé de l'ère Edo, minus le katana ou les cicatrices.Sa tirade finie, il ferma la bouche, attendant une réponse, espérant une réponse logique qui éclairerait sa lanterne. De la bonne lumière pouvait-il même l'espérer. Au fond de sa tête s'agissait la pensée, tout aussi logique qu'il réagissait comme une personne en état de choc qui ne peut refuser ce qu'il voit. Le comédien, lui, se souvenait aisément de jeux de scènes et d'effets spéciaux.

Les lèvres pincées, Kusuri ne daigna pas ciller aux explications. C'était la 2eme fois pour sa part qu'il les entendait, plus ou moins semblables. La comedie était bien montée. Mais quel crédit pouvait on bien accorder aux paroles d'une sorcière ? Ses propos étaient bien trop abruptes et manquaient de finesse pour qu'il ne daigne ne serait ce qu'y croire. Kusuri coula un regard vers Kazahaya, s'attendant à y trouver la même expression agacée qu'il devait arborer en ce moment, et s'en délécter. En lieu et place de cela, ce fut un visage pâle et défait qu'il put apercevoir dans les lueurs colorées du vitrail. Une main levée devant les lèvres, il semblait sous le poid des mots énoncés par la sorcière. Elle avait bien reussit son affaire.

Perdant toute retenue, le jeune acteur se lança alors dans une tirade hysterique dont il ne comprit que la moitié des mots, bien que se sentant étrangement visé par les derniers termes. Seuls les mots "stupides" et "irationnels", bien que peu élegants, trouvaient une certaine grâce à ses yeux. Malgré cela, il se permit un soupir entre ses lèvres pincées, avançant d'un pas pour saisir le jeune homme par l'avant bras, sa main fine à la poigne ferme emergeant des replis de son kimono. Il se pencha légèrement vers Kazahaya, une longue mèche de cheveux venant glisser de son épaule pour effleurer celle du brun.

"Gardez votre calme Shiori, ou vous êtes perdu."

Pas qu'il pensa alors sincèrement que l'un ou l'autre puisse s'en sortir...Quoique. Cette jeune personne la faisait tout de même une bien étrange sorcière, à narrer une histoire sans queue ni tête, et à se comporter de la sorte. Lachant le bras de Kazahaya, Kusuri se redressa de toute sa hauteur, regardant la jeune femme d'un oeil fixe, le menton levé avec dédain. Il avança vers elle, venant la couvrir de son ombre tandis que le vitrail derrière lui faisait jouer quelques couleurs dans ses cheveux sombres.

"Prouvez nous vos propos, très chère."

Le ton froid et dur employé par un homme habitué à être obeit s'éleva comme un claquement, contrebalançant totalement les mots pourtants polis. L'apothicaire semblait être capable du pire en cet instant.

" En fait, non, çà ne va pas. Suis-je le seul à trouver complètement stupide et irrationnel d'être coincé dans un manoir digne d'un décor de film d'horreur sans budget, avec un scénario qui regroupe tous les clichés de X-files à Buffy ? Sans oublier les acteurs tirés tout droit de Kenshin ! "

"Mais! je..." dit-elle dans un soupir.

*Hum ça va être plus difficile que je ne le pensais.*

La situation se compliquait, comment allait-elle faire comprendre à ces deux personnes qu'elle disait bien la vérité.
L'un comme l'autre à présent, semblait nourir une profonde haine envers elle et elle savait que le moindre faux pas lui serait fatal.
Demander de l'aide? Non ça ne pourrait qu'empirer.
Moewyn allait donc devoir s'en sortir seule.

"Gardez votre calme Shiori, ou vous êtes perdu."

*Perdu? Il le serait oui s'il se trouvait devant un zombi et qu'il réagirai de la même façon...*

Moewyn leva les yeux au ciel et soupira.
Les deux personnes qui se trouvaient face à elle avaient l'air de sortir d'une pièce de théatre, une mauvaise pièce de théatre.
S'ils savaient qu'il s'agissait là de la strict vérité...
L'un des deux, celui qui l'avait traité de sorcière, s'avança vers elle et se dressa de toute sa hauteur, sans doute pour l'intimider.

"Prouvez nous vos propos, très chère."

"Très bien, suivez moi!"

La seule solution était le parc et c'est là qu'elle les conduisit.

Le menton relevé, l'air borné, Kazahaya fixait la jeune fille dans l'attente de sa réaction. Sous les longues manches de son kimono, ses poings étaient serrés, et quand il regarderait ses mains plus tard, il y verrait surement autant de petites demi lunes incrustées dans la paume qu'il avait de doigts. Une grande main fine surgit de nulle part, attrapant son poignet avec une certaine fermeté, le surprenant suffisament pour lui intimer le silence et lui faire tourner le regard vers l'autre homme, qu'il avait presque oublié comme un spectateur. Il n'était pas suffisament brutal pour réveiller un réflexe de défense chez lui, il était juste... insistant. Son calme était contagieux, ou imposant, et le jeune homme inclina légèrement la tête. Kaza serra les lèvres, regardant tour à tour les deux autres personnes autour de lui. Kusuri exprima toute sa méfiance, demandant des preuves concrètes. Preuves concrères qu'il n'était pas sur de vouloir, au cas le plus improbable où il est justement des preuves à observer. C'était déjà bien assez stressant sans preuve matérielle. Et si il avait eu un zombie devant lui... contrairement à ce que croyait la sorcière, il aurait surement su, un peu, comment réagir. Il était suffisament geek pour çà, comme tous les jeunes de sa génération.

La jeune femme soupira devant eux. La scène semblait s'inverser, comme si c'était elle qui commençait à trouver étrange, voir agaçante, l'incrédulité des deux autres personnes. L'hopital se moquait vraiment de la charité.
Puis, mue par un sentiment subit, apparement peu éprouvée par les émois, si ce n'est par leur incrédulité, elle se redressa, et leur ordonna de la suivre.

Kazahaya la regarda partir, son visage un masque pale et opaque à la lecture. Suivant l'influence de Kusuri, il reprenait son apparence de calme et de manière de japonais traditionel.

" Et bien suivons alors."

Les mots, prononcés mezzo voce, n'étaient destiné à nul autre que lui. Suivre la jeune femme de son pas mesuré forcé par le kimono était ardu, mais la curiosité était trop profonde pour rester à se morfondre sous un vitrail en attendant que quelque chose - ou quelqu'un de plus sensé - arrive.

Suite dans le parc .