Clac.
La porte venait de se fermer avec un grand fracas.
Elle sentit qu’ « on » la réveillait. Elle ouvrit doucement ses yeux caramel. Elle se releva du lit où elle était allongée, et s’étira. Elle avait quelqu’un à accueillir. Sa première mission. « Ils » lui avaient dit quoi faire. Elle posa la main sur la poignée et l’appuya vers le bas, poussant et donc ouvrant la porte. Elle dépoussiéra sa robe noire et réajusta son bandeau orné de dentelles.
La jeune soubrette marcha calmement dans le couloir, songeant que, de toutes façons, il ou elle allait forcer sur la porte pour essayer de sortir après avoir perdu maint temps à observer le hall. C’était fait exprès, en quelques sortes. Que le hall retienne la proie au maximum… du moins c’est ce qu’elle pensait à ce moment-là.
Descendant les escaliers, la main glissant sur la rampe de bois, elle observait la jeune femme qui était en bas. D’étranges cheveux bleus coulaient sur ses épaules, tandis qu’elle croisa ses yeux rubis.
Elle, elle était normale… de grands yeux marron, une masse capillaire châtain qui descendait jusqu’au milieu de son dos. Enfin, cette fille portait sans doute des lentilles et avait usé de teinture pour cheveux.
Elle atteignit finalement la dernière marche, et descendit souplement sur le tapis persan qui recouvrait les dalles blanches.

« Bonjour » dit-elle poliment, faisant une révérence à la jeune fille.

Elle releva la tête, esquissant un sourire. On lui avait dit d’être gentille. Que devait-elle expliquer, déjà ? Ha, oui. Ça y est, elle s’en souvenait. Elle se redressa totalement et, joignant ses mains, regarda en face la nouvelle prisonnière.

« Tu ne peux plus sortir d’ici, comme tu l’as remarqué. »

Elle ne semblait pas particulièrement affectée, ni désolée, de ce qu’elle venait de dire. Elle en était complètement indifférente, comme si cela ne la concernait pas.
Ou alors, elle n'avait pas la moindre once de pitié.

« Tu ne peux plus sortir d’ici, comme tu l’as remarqué. »

Avait dit la poupée déguisée en soubrette. Sa voix était d'un terne déroutant, mais pas assez pour démolariser la nouvelle venue. Celle-ci avait un style bien étrange ... mais connaissant le Manoir, il ne fallait pas s'inquiéter pour autant : la moitié des pensionnaires étaient ainsi.

« Bonjour ! Je m'appelle Soyana ! »

De la joie ... non ? De la nervosité ? Peut être ... Les humains sont si étrange parfois ... La soubrette ne l'était pas, humaine, d'ailleurs ? Seuls les Fondateurs le savent. Bref, la dites Soyana enchaîna dans sa lancée de question à posé avec un sympathique :

« Tu es là depuis longtemps ? »

Quelle question risible, si ça avait été son travail la soubrette aurait éclaté de rire. La question sous entendu dans la première phrase fut ignorée, de même que la deuxième question plus directe. La servante des I. dévisagea avec son éternel grand regard vide de sens la prisonnière et parla lentement, comme si Soyana était un enfant à qui on expliquait quelque chose comme « deux plus deux ça fait quatre. » :

« Plus tard, tu 'recevras' la visite d'un 'ami imaginaire'. »

D'un geste raide, la coquille vide d'émotion passa sa main dans ses longs cheveux avant de continuer sur ses explications :

« Et aussi, tu découvrira que tu seras dotée d'un 'pouvoir'. »

Des choses sans importances : un pouvoir, qu'est ce qu'on allait bien en faire ? Et l'ami ? On le mangeras ? Enfin, ce genre de questions ne se pose pas, donc s'oublie ... Qu'allait elle devoir dire ensuite ? Si Soyana avait d'autres questions elle serait obligé de lui répondre, enfin, des questions en rapport avec sa fonction principale qui est d'accueillir bien entendu. Dans le cas contraire, la poupée ignorerait tout bonnement la jeune femme et continuerait de la fixer de la même façon ... Longuement.

Soyana l'avait écouté avec une réelle attention. Ce n'était vraiment pas le moment, se disait elle, de perdre la tête. La jeune fille continuait de la regarder et Soyana la trouvait tout de même bien étrange.... Mais elle se retrouvait déjà moins seule et cette compagnie la rassurait vraiment. C'était déjà bien de trouver quelqu'un qui lui répondait.
Soyana trouva tout de même ces réponses un peu évasives ou du moins n'en comprenait pas tout à fait le sens.. Elle allait trouver un ami imaginaire et avoir un don ! Elle avait beau se dire qu'elle devait vivre un mauvais rêve, pourtant... tout semblait bien réel.
Demander à cette jeune fille si sortir était possible était chose vaine. Soyanna était prisonnière et elle l'avait bien compris. Un tas de questions se bousculaient dans sa tête. La jeune fille ne parlait plus mais la regardait longuement, sans bouger.
Soyana resta un bon moment sans parler non plus. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à son père et à l'inquiétude qu'il devait déjà ressentir de ne pas la voir revenir du lycée. Et Stéphane ne comprendrait pas non plus, lui qui était son meilleur à qui elle racontait tout...
Soyanna s'avança vers la jeune fille

- Euh... on peut visiter un peu ce batiment ?... et puis j'ai un peu faim !

Quelle question stupide ! Mais rien d'autre ne sortit de sa bouche...

- Euh... on peut visiter un peu ce bâtiment ?... et puis j'ai un peu faim!

Visiter? En un battement de cil elle traita l'information et la demande la nouvelle arrivante : Elle désirait à peine arrivée visiter les lieux et en profiter pour se rassasier.
Le devoir de servir une "invitée" devait être inclue dans ses tâches. Mais pouvait-elle perdre du temps à lui faire visiter le royaume de ses maitres?
Son travail devait se limiter à accueillir, pour une première fois elle n'avait aucunement droit à l'erreur. Sa vie se résumait à cette besogne, ne pas la tenir comme il se doit serait jeter son existence aux orties.
Aucune panique n'apparut sur son visage, ni dans son esprit , le trouble n'existait pas chez elle. Juste une espèce de rapide calcul qui donnait une réponse à cette demande, aussi ses lèvres blêmes n'hésitèrent pas un instant à souffler ses mots.

"Je vous prie humblement de m'excuser une légère révérence fut ajoutée à cette parole , mais les visites ne sont pas incluses dans mes tâches, cependant...Sa main se glissa avec délicatesse dans la poche de son uniforme, par on ne sait -et nous ne sauront jamais- quel enchantement si propre au pensionnat, un paquet rectangulaire. Recouvert d'un tissu beige et tenu par un nœud papillon il abritait en fait quelques ravitaillements.
La servante s'approcha de la demoiselle et déposa le paquet à ses pieds. En se relevant ses cheveux caressèrent le sol soulevant un léger nuage de poussières. Un sourire aimable et si vide pourtant fut accordé à Soyana avant que l'image de cette soubrette ne se brouille et disparaisse sous ses yeux.

Cette jeune fille était vraiment bizarre. Elle avait une voix si... si vide d'humanité ! Méline le sentait bien à l'intérieur d'elle. Et puis la jeune fille avait disparue. Elle l'avait vu et elle ne rêvait pas.. Tout cela était si étrange.
Méline ne se posa pas de questions et regarda à l'intérieur du paquet qu'elle lui avait donné. De la nourriture mais elle n'avait plus faim. Elle la garderait pour plus tard. Il fallait penser à ce qui allait se passer maintenant. Elle était seule et ne le resterait pas, si seulement elle pouvait rencontrer quelqu'un... vite !
C'était possible. La jeune fille l'avait laissé entendre. Elle regarda autour d'elle. La pièce semblait immense à présent et elle détaillait presque chaque endroit. Elle resta ainsi figée pendant un moment.
Quand Méline prit de nouveau conscience de la situation , elle se dit qu'il fallait qu'il se passe quelque chose, là tout de suite. Elle fit le tour de la pièce et vit une porte. Elle s'en approcha en se disant que c'était la seule issue.