Phoebe Salinger n'avait rien d'élégant en se présentant devant l'immense porte de l'entrée du manoir. Ses cheveux étaient en bataille (mais cela ne changeait peut-être pas vraiment de d'habitude), ses vêtements salis, elle avait une grosse marque rosâtre sur la joue gauche -c'était le côté où la jeune fille s'était endormie sur le sol- et ses yeux encore tout engourdis par son récent sommeil. Ce manoir, elle ne l'avait pas vu en s'endormant d'ailleurs. Mais elle se rassurait en se disant qu'elle avait été tellement épuisée par sa course qu'elle n'avait même pas eu la force de le voir. Il faisait très noir autour d'elle et l'on ne voyait que les ombres à la fois majestueuses et terrifiantes des arbres de la forêt qui l'encerclait. Le bâtiment surplombait le reste et des lampes avaient été placées juste en dessous du toit, ce qui permit à Phoebe de ne pas s'écraser de tout son long en montant les quelques marches. Elle n'était pourtant pas du genre à "s'écraser de tout son long" mais elle aurait été incapable de gravir ses marches dans l'obscurité. Arrivée en 'haut', elle leva la tête et constata que les battants étaient considérablement grands. Ils étaient plutôt jolis d'ailleurs. Nombreux dessins, signes et symboles y étaient gravés. En y regardant mieux, la jeune fille put lire "Pensionnat Interdit".

Pas banal.

Phoebe toqua à la porte colossale (car elle avait noté qu'il n'y avait pas de sonnettes) et l'on entendit les coups frappés résonner à l'intérieur, dans la pièce qui devait être le hall. Elle ne savait absolument pas quelle heure il était mais elle doutait qu'on puisse l'entendre s'il était nuit (et il était indéniablement très tard -ou très tôt, tout est relatif-). Ayant attendu 10 bonnes minutes, elle sut que personne ne viendrait lui ouvrir et décida de rentrer. Si on la surprenait, elle dirait simplement qu'elle avait froid dehors (ce qui était vrai) et qu'elle était venue ici dans l'intention de se réchauffer un peu avant de repartir. Elle trouva la poignée assez difficilement et la tourna doucement. Le petit "clic" significatif lui appris que la porte était ouverte. Elle l'entrouvrit et jeta un œil à l'intérieur. Le mobilier était dans le style victorien et les murs tapissés de tissus magnifiques. Elle entra et ferma la porte. Celle-ci, très lourde, se referma très lentement pour enfin revenir à sa place initiale. Phoebe sentit alors qu'elle n'aurait peut-être pas du aller ici. Mais le temps n'était plus aux regrets et elle observa attentivement ce qui l'entourait. De nombreuses portes s'ouvraient sur le hall et ce qui devait être l'escalier principal menait à l'étage dont on apercevait un petit bout. A sa droite, se trouvait un couloir qui devait aller aux cuisines. A sa gauche, une cheminée où crépitaient les flammes. A coté, une porte qui s'ouvrait sur la bibliothèque (c'était entrouvert). Devant le feu, se trouvaient 3 canapés en velours et sur l'un d'eux... se trouvait quelqu'un. Elle aurait été incapable de dire si cette personne était une femme ou un homme, un enfant ou un adulte. Seul le haut de sa tête dépassait. L'inconnu(e?) dû sentir son regard car il (elle?) se retourna...

La vitre éclata en mille-morceaux, engloutissant par la même occasion le ballon blanc qui avait causé ce trouble. On pouvait l'entendre rebondir à l'intérieur dans un écho des plus sombres. Le plus grands des trois frères pointa de son doigt la grande porte en bois, ordonnant à la plus jeune d'aller chercher le ballon. Celle-ci ne put qu'hocher la tête et obéir. Elle avancait lentement, ses genoux tremblaient nerveusement, la bâtisse n'ayant rien de très attrayants à première vue.
Mirei tourna la tête, suppliant du regard ses bourreaux. Ils ne la rappelèrent pas, non, c'était bien trop amusant. Elle déglutit et se rapprocha de l'entrée, posant sa main droite sur la poignée glacée. Un grincement sinistre s'en suivit et elle secoua la tête, essayant d'oublier et de prendre son courage à deux mains, -ou ici la poignée- pour tirer la grande porte vers elle et réussir à se faufiler à l'intérieur. Elle n'eue pas besoin de pousser la porte, celle-ci se refermant toute seule, lentement, terminant son supplice dans cliquetis significatif.
Mirei se retourna vivement, appuyant sur la poignée qui ne bougeait plus. Son poul commenca à s'accélérer alors que la vitre n'était plus brisée.
S'adossant à la porte, elle observa la pièce, le temps sembait s'être arrété quand une pression cotnre sa cheville la ramena sur terre. Le ballon... était revenu à ses pieds.

Un panneau attira son attention, quelques feuilles y étaient punaisées. Elle se mit à les lire, un peu déconcertée et pas très rassurée, surtout si cela était... Vrai.
Elle se laissa tomber sur un des canapés qui encadraient un feu de cheminée. Et les questions affluèrent dans sa tête. Et si... Elle était vraiment coincée là... Ses frères, viendraient bien la chercher ! ... Non, ils se moquaient bien d'elle. S'enfoncant un peu plus dans la chair du divan jusqu'à sentir quelque chose dans son dos, quelqu'un ? Mirei tourna la tête, croisant le regard d'une jeune femme un peu... Disons déjà qu'elle sortait de nul part et qu'à première vue, elle n'était pas très 'présentable'. La jeune fille lui présenta un léger sourire.

-"Hum... Bonjour."

Ou bonsoir ? Elle n'avait plus vraiment conscience du temps sur le moment. Elle était juste là, perdue et paniquée, alors le temps...

C'était donc une fille. Elle semblait avoir dans les 14 ans. Celle-ci lui adressa un léger sourire et lui souhaita un :
"Hum... Bonjour."
Bonjour ? Pour autant qu'elle sache, il faisait nuit noire... Elle lui répondit d'un mouvement de tête. La jeune fille aux yeux d'or la fixait et sembla remarquer l'état de ses habits. Phoebe épousseta son pantalon avec sa main droite et en profita pour prendre une cigarette dans sa poche.
-Je peux ? demanda-t-elle en montrant ce qu'elle venait de sortir.
Elle n'attendit pas la réponse de l'autre, l'alluma et la mit à la bouche. Elle regarda alors mieux la personne qui lui faisait face. Elle n'était pas très grande et avait un visage encore enfantin, des cheveux couleurs d'encre qui lui retombaient un peu sur les yeux. Elle portait enroulé autour de son cou une écharpe de couleur qui ravivait l'ensemble des tons de ses vêtements mornes.
Voyant qu'elle enfumait la pièce et gênait visiblement son interlocutrice qui, elle aussi, la contemplait, elle écrasa sa cigarette par terre, se baissa, ramassa le mégot et éparpilla les cendres en soufflant dessus.
-Excuse-moi. Je m'appelle Phoebe. Phoebe Salinger. 16 ans.
Et elle se mit à marcher dans la hall d'un pas nonchalant et passa devant des feuilles punaisées au mur qu'elle n'avait pas encore remarqué. Ces histoires de pouvoirs, d'enfermement à vie, d'alter ego et autres ne lui firent ni chaud ni froid. Elle était juste curieuse de connaître sa nouvelle aptitude et son "alter ego astral". Être prisonnière d'un manoir, ou du "Pensionnat Interdit" comme il était écrit, ne la gênait pas outre mesure. Sa pauvre existence ne lui avait jamais plu et ce bâtiment allait peut-être lui redonner un peu d'ambition (ou pas, d'ailleurs). De plus, elle était objective, vu le nombre de pièces que semblait contenir la maison, elle en aurait pour bien longtemps avant de les avoir toutes visitées. Une chose la ravissait : savoir qu'elle garderait cet âge pour toujours l'enchantait. En gros, elle s'en préoccupait peu, elle était juste un peu déçue de savoir qu'elle ne connaîtrait pas d'autres pays que le sien.
Elle retourna vers la jeune fille, qui la considérait gravement, se demandant sûrement comment Phoebe encaissait la nouvelle.
-C'est bon, c'est rien.
L'autre ne semblait visiblement pas de son avis mais peu de personne aurait réagi comme la jeune Salinger l'avait fait et elle le comprenait très bien.
-Ouais, tu dois pas penser pareil que moi. C'est pas grave. En fait, ça change pas grand chose à mes habitudes. Enfin, je crois.
Ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas parlé comme ça, seule face à quelqu'un, en fait ça datait de ses rendez-vous avec les psychiatres.
-Et toi, comment tu t'appelles ? Quel âge ? Ça fait longtemps qu't'es enfermée ici ?
Elle était un peu direct et elle s'en rendait compte. C'est qu'elle n'avait pas l'habitude de faire connaissance avec quelqu'un...

La jeune femme hocha la tête en guise de salutation puis se mit à épousseter son pantalon, même si il faudrait surement un peu plus que ça... Elle sortit alors une cigarette de sa poche, lui demandant quand même si cela ne la génait pas. Un peu, mais son avis l'importait peu puisque déjà elle portait le petit rouleau de tabac à ses lèvres. Un silence assez pesant s'installa, moment pendant lequel elles se fixèrent, seulement jusqu'à ce que la fumée malsaine de la cigarette commence à faire naître des larmes aux creux des yeux de Mirei et qu'elle toussote légèrement. Quelques manipulations de la clope plus tard, celle-ci se retrouvant courbée et écrasée, la jeune femme s'excusa, prenant le temps de se présenter dans la foulée. Mirei resta silencieuse, elle pensait encore à ces textes que Phoebe était entrain de lire. Y croire ? Ou pas ? D'après ces mots, elle n'avait pas le choix puisqu'elle resterait ici éternellement. Ses poings se ressérèrent sur le sofa alors qu'elle fixait tragiquemement la 'nouvelle'. Son visage s'attrista quand elle répondit à son regard par un 'c'est rien'. C'est rien ? Rien... Non ce n'était pas rien ! Elles étaient coincées ici pour toujours, sans contact avec l'extérieur, sans avoir le droit de revoir leur famille... Eux, ils continueraient à grandir, elles, non.
Effectivement, elles ne pensaient pas la même chose, et que Phoebe prenne ces informations aussi simplement... Ca la rendait encore plus triste. Mirei n'arrivait pas à se faire à cette idée... Même si en même temps, elle n'était là que depuis quelques minutes, ou plus, le temps ne bougerait plus, alors qu'importe.

-"Je..."

Mirei déglutit avant de reprendre la parôle, un peu plus sure d'elle.

-"Mirei Sky. J'ai 16 ans comme toi. Et..."

Elle baissa les yeux, scrutant son poing fermé sur le divan.

"-Je viens juste d'arriver."

Elle releva la tête, vérifiant si Phoebe était toujours présente.

-"Ca ne te fais ni chaud ni froid cette histoire? Savoir que jamais tu ne rentreras chez toi..."

En même temps, est-ce qu'elle en avait envie ? Retourner auprès de ses frères ne l'enchantait pas vraiment, et personne ne l'attendrait puisqu'elle évitait toutes relations sociales.