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 Notre rencontre ? Oh c'était si romantique ! (Eva)

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Notre rencontre ? Oh c'était si romantique ! (Eva) _
MessageSujet: Notre rencontre ? Oh c'était si romantique ! (Eva)   Notre rencontre ? Oh c'était si romantique ! (Eva) Icon_minitimeMer 18 Fév 2009 - 14:42

Ça faisait longtemps qu'il n'avait été aussi tranquille, dans sa tête. Savoir que tout était fini, qu'il n'y aurait plus rien d'autre, plus de drogue, plus d'alcool, plus de bagarre, plus de disputes avec les parents, se savoir hors de portée de son quotidien zombie, ça lui tirait des larmes de soulagement de l'œil. Oh, certes il ne les reverrait plus, ces chers papa et maman, mais qu'importe. C'était bien le choix qu'il avait fait, non, en enfourchant son scooter ? Il tâta son menton rendu rugueux par la barbe naissante de deux jours. Bien sûr qu'il les aimait, bien sûr. Mais c'était toujours mieux d'être loin d'eux que de les savoir morts. Il espérait qu'ils le chercheraient, seulement. Comme il y a près de neuf ans... neuf ans ! Si longtemps ! Il aurait bientôt vécu le double de sa vie de petit garçon têtu de dix ans, faisant mine de fuguer. Mais là il ne l'avait pas fait pour de faux, non il était parti pour de bon ; il était devenu trop grand pour pouvoir s'arrêter et dire que ça comptait pour du beurre.
Il y avait toujours un réconfort à se savoir recherché et regretté. Mais ce réconfort menait également au remords. Il souffrait en parallèle, terriblement d'infliger de telles frayeurs à sa mère, ainsi qu'à son père. Ce qui l'empêchait d'aller se jeter contre la porte avec des cris de fou désespéré, c'était qu'il était certain que quand ils auraient perdu tout espoir, ils se calmeraient et retrouveraient une vie normale, douce, heureuse peut-être même, et que le souvenir de leur petit Arnulf comme ils auraient tant voulu pouvoir l'appeler sans qu'il ne se mette à crier, n'allume plus en eux qu'un souffler de poussière amère, loin derrière un dessous de lit abandonné.

Il ouvrit la bouche et bailla comme un monstre. Qu'y avait-il dans ces borgnes cuisines ? Des borgnes jeunes filles évidemment pas, ah ah ah, se dit-il sans comprendre lui-même en quoi c'était drôle, en poussant la porte du plat de la main. Elle rebondit contre le mur adjacent et lui frôla l'épaule alors qu'il entrait. Arnulf regarda autour de lui, d'un regard un peu hautain ; il ne faisait pas exprès de prendre cet air-là, quand il n'y avait personne pour l'intimider. Il n'y avait pas de frigo, pardon, de réfrigérateur dans cette maison ? Ah, ça... Il était tellement couvert de poussière, de graisse, de tâches, dont il n'osait même pas imaginer la provenance, qu'on en aurait dit euh... rien du tout en fait, ça ne lui rappelait rien du tout. Il ouvrit un à un les placards, tous plus vides et creux les uns que les autres, en hauteur qu'il trouvait. Et des chiffons, ça alors il n'y en avait réellement pas. Eurk. Il sortit son mouchoir de la poche de son jean, en soulevant un pan de sa chemise, et s'en servit comme d'un gant pour ouvrir ce fameux fri- ré-fri-gé-ra-teur. Qui était vide. Clac de fin ; de faim ? Ou plutôt de fermeture d'une porte de frigidaire frigide qui ne lui avait rien fait d'autre qu'être un peu crade et ne rien cacher.


« Saleté ! C'est ça le mal que t'as fait ! Grogna-t-il à l'intention de la couche de crasse. En vérité, il se trouvait assez fâché d'avoir à jeter son mouchoir désormais infecté parce qu'il avait ouvert un frigo vide et sale.

Alors où trouver de quoi bâfrer étant donné que la source principale était tarie ? Il hasarda un œil sur la poubelle, assez grande pour contenir deux ou trois enfants. C'était immonde mais bon, lui ça faisait aussi un bout de temps qu'il avait pas graillé. Un grand manoir comme ça, c'était sans aucun doute plein de jeunes oisifs gaspilleurs qui goûtaient et jetaient immédiatement ce qu'on leur offrait, d'où le désert dans les containers. De plus, elle avait l'air près de déborder, il y avait même un pied qui dépassait.
... un pied ? Curieux et pas encore horrifié, il s'approcha de quelques pas, et put découvrir une jeune femme blonde renversée, sa lourde poitrine semblant écraser son maigre cou. Épouvanté mais toujours en pleine possession de tous ses moyens, il sortit l'étrange personne à demi inconsciente de son lit d'ordures, et la remit sur ses pieds, en la tenant toutefois par crainte fermement aux épaules.


— Euh... ça va ? Ça va ? Demanda-t-il maladroitement.
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Notre rencontre ? Oh c'était si romantique ! (Eva) _
MessageSujet: Re: Notre rencontre ? Oh c'était si romantique ! (Eva)   Notre rencontre ? Oh c'était si romantique ! (Eva) Icon_minitimeMer 18 Fév 2009 - 20:39

Ah rage, ah putréfaction. Encore une fois il avait fallut qu’au moment où le marchand de sable passe, qu’elle avale les cendres dorées et finisse par tousser comme une démente toute la nuit. Au matin il lui semblait que sa gorge avait servi de champs de bataille pour petits soldats de plombs.
Ses toussotements ébranlaient toutes les quelques minutes son squelette, et elle ne cessait de tomber en maudissant tous les maux du monde. Ces derniers jours ne faisaient qu’empirer son état, et elle commençait à regretter de s’épiler à la cire plutôt qu’au rasoir, ça lui aurait donné un facteur rapide de mort simultanée.
Se trainant jusqu’à l’infirmerie, histoire de trouver un gardien de la paix dans une quelconque boîte de médicaments, elle désespérait déjà en songeant à toutes les tonnes de pilules, de cachets qu’elle allait avaler aujourd’hui. Autant s’étouffer tout de suite. Cette minute de lucidité lui sembla utile.

Et fouillant l’armoire à pharmacie, elle songeait sérieusement à comment mettre enfin terme à sa belle vie, ou au moins se sentir débarrasser ne serait-ce qu’un instant de ce corps stupide couvert d’hématomes, mutilé d’un œil, et dépourvu de gaieté. On aurait bien pu dire bonjour à une serpillère le matin ça serait revenue au même.

Ses doigts finirent par enserrer différents paquets, certains tombèrent, et elle revint arpenter le couloir en les ouvrant un par un. Des grosses larmes sillonnaient ses joues (dont une un peu enflée), et ses mains ouvraient maladroitement les tablettes, tremblantes sous chaque spasme que lui provoquait sa toux. Tête basse elle entra dans une salle au hasard. Et ingurgita une douzaine de dolitabs. Ils tombèrent un par un, restant bloqués dans sa bouche, et comme désirant lui offrir un étouffement long et fastidieux, fondaient si lentement que cela redoubla son affliction.

Tout semblait vouloir l’empêcher de hurler son malheur, et ses épaules se balançaient sans cesse désormais à cause : de sa toux étouffée, des trémolos de ses pleurs et de la nervosité provoqué par l’attente d’enfin mourir asphyxié par un paquet de médicaments stupides qui refusaient de fondre.
Pathétique.

Désespérée, ses jambes se mirent à basculer, et elle courut chavirer dans une mer d’ordures, en refermant le toit de l’épave sur elle. Autrement dit elle venait de s’enfermer dans la poubelle.

L’odeur souleva brutalement sa poitrine, celle-ci d’ailleurs la dérangeait, n’étant soutenue par aucun sous-vêtement utile vu qu’elle portait encore sa chemise de nuit. Une erreur d’ailleurs, car les canettes, peaux de fruits, restes ragoutants et autre chose du genre glissaient entre ses jambes, et en voulant les extirper un pied se bloqua à l’extérieur. On applaudit bien fort.
Des bruits divers firent stopper toutes ses gesticulations (de toute manière elle commençait à manquer de force et de motivation). Quelqu’un venait d’entrer, normal à une telle heure de la journée, encore un détail qu’elle venait de négliger.

Le sang lui montait à la tête, et des incompréhensibles borborygmes lui semblaient venir de l’extérieur. Les dolitabs l’étranglaient, et alors qu’elle crut enfin tomber dans les (épluchures de) pommes (moisies), la lumière céleste de l’extérieur, ou la lampe banale de la cuisine lui parvint.
Quelqu’un l’extirpait, encore sonnée, Eva ignorait si elle devait s’en réjouir ou s’en désoler. Le goût des médicaments (encore intacts) et des senteurs ordurières lui remonta tout le long de l’œsophage.
Aussi quand elle voulut répondre à son explorateur de poubelles :


« Ca vaargb… »

On vous épargne la suite, ses mots furent vomis tout en même temps que le tas de dolitabs rebelles, sa bile et une gorgée de sang. L’horrible mélange éclata à leurs pieds malgré elle. On trouve de chouettes cocktails dans les poubelles en fait.
Sanglotant, la pauvre borgne ne parvenait pas à s’excuser, s’étouffant entre chaque syllabe. Ah quelle belle matinée.
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Notre rencontre ? Oh c'était si romantique ! (Eva) _
MessageSujet: Re: Notre rencontre ? Oh c'était si romantique ! (Eva)   Notre rencontre ? Oh c'était si romantique ! (Eva) Icon_minitimeSam 7 Mar 2009 - 23:56

Bon, visiblement, ça n'allait pas. Ca n'était d'ailleurs jamais allé pire. La jolie princesse qu'il venait de ressusciter était littéralement en train de vomir sur ses requins à cent trente euros. Le problème n'était pas vraiment l'argent puisqu'il était riche, le problème, c'était surtout qu'il ne risquait pas d'en trouver d'autres des requins Nike parce que jamais plus il n'oserait porter à nouveau des chaussures sur lesquelles on avait gerbé, aussi belle et douce soit la gerbeuse. D'un autre côté, il fallait vraiment qu'il se demande en quoi des baskets perdues était un fait dramatique quand le dégueulis qui les avait fanées était plein de sang... et de comprimés. Pas si bête que ça le Alan, il devina la tentative de suicide dans ces dolitabs mal fondus. Ses sens offusqués par l'odeur répugnante de boyaux de corps humain l'obligèrent à reculer, laissant sans appui la jeune femme tremblotante. De nature et de santé stable, il avait la chance de ne pas être de ces pauvres qui avaient la fragilité de se mettre à rendre leur estomac dès que quelqu'un d'autre l'avait fait. En marmottant des "euuaargh" et des "pfouhh" grimaçants, il s'appliqua à retirer sans les mains ses baskets garnies, puis son jean bafoué. Qu'importe la pudeur, il n'avait pas à avoir honte en caleçon et en sweat alors que sa seule spectatrice était une vierge nue sous sa chemise de nuit. Par respect d'ailleurs, il évitait de la regarder, son regard retombant souvent sur sa douloureuse et haletante poitrine voluptueuse perceptible sous le vêtement fin.
Il jeta ses effets dans la poubelle même où il avait trouvé Eva.


« Euh... tu veux de l'eau ? » Demanda-t-il, en panne d'inspiration.
Sans attendre sa réponse il attrapa un verre renversé à côté de l'évier, qui semblait propre, et le remplit au robinet. Il le posa sur la table, à côté d'elle, et tira une chaise en lui faisant signe de s'y asseoir. C'était assez inquiétant cette histoire. Une quasi-suicidée... Elle avait de quoi, remarqua-t-il en lorgnant le pourtour de son unique oeil, creusé de cernes bleues. A moins qu'il s'agisse de maquillage coulé par les larmes. Il était assez bouleversé par cette jeune fille qu'il ne connaissait pas, juste au courant pour les dolitabs. Ce qu'avaient dû ressentir ses parents quand il avait fait semblant de vouloir se pendre, ça avait dû être encore pire. Il se sit sur le plan de travail, pas trop loin d'elle au cas où elle essaierait de saisir un couteau et de se le planter dans le ventre.

Il eut un haut-le-coeur. Pfouh, c'était pas ça mais bon ça sentait drôlement pas la rose. Il eut un regard gris vers la grande flaque jaune Blédina. Bon dieu de bois de saleté de bordel de cruche, c'est ce qu'il aurait crié, s'il n'avait pas été en présence d'une dame enfiévrée. En se frottant les yeux de l'index et du pouce, il sauta à terre et se mit à ouvrir tous les placards à sa hauteur.


— Bon je suppose qu'on a pas l'habitude de dégueuler ici... Y a peut-être pas de sciure de bois... Raah je viens de faire tous les placards, y a rien de rien.

Il parlait un peu tout seul, histoire de meubler le silence marqué par la gêne des deux. C'est vrai quoi, dans une situation si embarrassante on n'avait jamais rien à dire ; sûrement par peur de se rendre encore plus ridicule. En tous cas il préférait ça au vide sonore.

— Ah... ?!

Il était certain pourtant d'avoir regardé là... et il venait d'y trouver, exactement ce qu'il fallait, de la sciure de bois dans un bac, avec un balai italien à manche télescopique. Bon, il devait être aveugle. Il dénicha même derrière une boite de gants jetables dont il enfila une paire pour s'amuser à enneiger de copeaux le dégobillis de la blondinette malade. Tout en versant, il se rappela qu'ils ne se connaissaient pas encore.


— Et en fait, tu t'appelles comment ? » Interrogea-t-il d'une voix un peu chantante. Ca ne le dérangeait pas au final de nettoyer ; c'était mieux que de rester atone à se sentir comme un voyeur qui se rinçait l'oeil en surveillant Madame.
Il retira ses gants et les lança avec adresse dans la poubelle. Puis, il marcha tranquillement, tirer une chaise, la placer devant sa belle inconnue, et s'y asseoir d'un air positivement curieux, souriant pour se montrer sous son meilleur jour... en calbute.
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MessageSujet: Re: Notre rencontre ? Oh c'était si romantique ! (Eva)   Notre rencontre ? Oh c'était si romantique ! (Eva) Icon_minitimeSam 21 Mar 2009 - 23:21

Elle enfilait les gaffes comme des perles sur un collier en préparation. Heureusement pour elle son interlocuteur semblait clément, elle le regarda tremblotante retirer les chaussures souillées qu’il s’évertuait à retirer dans des grimaces compréhensibles.
Son regard s’affaissa au sol quand il se mit à retirer son pantalon, c’était bien stupide car ce n’est pas comme si elle n’avait jamais vu tel spectacle (même si dans des cas un peu particulier), mais son image de gentille innocente jeune fille lui collait encore assez à la peau pour qu’elle s’y agrippe. En plus il aurait été rustre de sa part de rester à reluquer le pauvre jeune homme à qui elle venait de massacrer deux atouts vestimentaires.


« Aah, désolée. » Soupira-t-elle en se laissant écrouler sur la chaise qu’on lui présentait, laissant une dernière grande inspiration balloter son torse. Soufflant un vague merci ses doigts fébriles saisirent tant bien que mal le verre, encore secouée par l’enchaînement des événements. L’idée qu’elle venait de tenter un ridicule suicide s’évaporait lentement, comme une mauvaise habitude à laquelle on ne prend plus garde. Pourtant sa raison ne l’avait jamais abandonnée à ce point, ou bien alors peu de fois.
Eva vaguait entre l’état poisseux et l’esprit vaporeux, ses oreilles perçurent tant bien que mal ce qu’il racontait, certainement pour combler l’embarrassant silence qui s’installait. Sa gêne en fut autant renforcée quand elle pu jeter un coup d’œil à ce qu’il fabriquait, ce garçon nettoyait lui-même ses précédentes traces de gerbe, et elle du haut de son trône sirotait d’un air las l’eau froide qui lui réveillait l’appétit.

« Oh il ne fallait pas vous déranger, gémit-elle en se sentant soudainement coupable, et aussi très ridicule, enfin euh merci quand même mais bon… » Sa voix s’apaisa vers des sonorités si basse qu’on aurait pu penser qu’elle se parlait, et tandis qu’Arnulf finissait sa besogne elle fit un discret étirement, le muscles meurtries par sa précédente contorsion foireuse.

« Eva. »

Ses bras enlacèrent ses côtes, le froid commençait à se faire ressentir sous sa chemise de nuit, son œil valide osa s’attarder un bref instant sur les jambes dénudés de Monsieur Propre, elle se mordit la lèvre ; encore un très décomplexé, bon tant qu’il n’était pas trop excentrique. Son peu de moral ne lui aurait pas permis de s’adapter tout de suite à un nouvel énergumène. Se rendant compte de son retard sur la politesse, ses lèvres balbutièrent un : « Ah et vous ? Vous venez d'arriver non ? »
Ce qui semblait plutôt évident, n’importe quel habitué n’aurait pas songé à tenté de faire obéir les placards censés être gorgés de nourritures du pensionnat, pour se rassasier.

La demoiselle se permit de se lever de sa chaise pour aller partir en quête de ravitaillement, regardant distraitement autour d'elle en tentant d'éviter une quelconque confrontation oculaire avec le reste de "compote moisie" couvert de sciures. Elle finit par sortir un paquet de chips au paprika d'une petite armoire grinçante sous l'effort, pour venir le déposer comme un trophée sur la table, se laissant de nouveau tomber sur sa chaise, bien enfoncée dans le dossier. Merveilleux et équilibré repas, mais toujours plus appétissant qu'un crouton de poubelle, ordure ou encore médicaments qui fondent douteux (et immondes, je témoigne). Sans souffler quelconque appréciation de sa trouvaille elle ouvrit le paquet, oreille à l'écoute.
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Notre rencontre ? Oh c'était si romantique ! (Eva) _
MessageSujet: Re: Notre rencontre ? Oh c'était si romantique ! (Eva)   Notre rencontre ? Oh c'était si romantique ! (Eva) Icon_minitimeDim 29 Mar 2009 - 0:34

La jeune fille s'appelait Eva. Oh, très bien. Il oublia de répondre, complètement, et fut surpris par le silence qu'il avait laissé par cette erreur. “Euh...” Il tenta de balbutier quelque chose, mais rien ne sortit, aussi toussa-t-il, pour libérer sa voix autant que pour combler le blanc. C'était bête quand même ! Il y avait tant de choses à dire ! “Tu as de beaux cheveux blonds, on dirait une cascade dorée”, ou bien “C'est fou quand même cet endroit, hein ? Genre je trouvais pas et pouf ! J'ai trouvé ! (la sciure)”, ou encore “En fait, j'ai faim. Pas toi ?” Mais tout cela lui semblait sans suite et fade, et passablement mauvais. Puis il se rendit compte.

« Ah ! Oui, désolé j'ai eu un bug. Il eut un rire léger. Euh, ben moi, c'est ... Alan.

Il adressa un sourire compatissant à Eva, qui semblait toujours bien souffrante, son visage paraissait si pâle, et si fragile ! Il ne pouvait pas vraiment l'aider... ce serait idiot de lui donner de l'aspirine alors qu'elle venait d'essayer d'ingurgiter une poignée de comprimés. Il lui aurait bien fait à manger, d'un autre côté, seulement, il n'y avait rien. Hmm... Il finit par se décider à ôter son sweat-shirt. Il se retrouva donc en polo jaune poussin taille XXL marqué d'un très bleu marine “UNSS OFFICIEL FRANCE” ; ça le dérangeait un peu d'être si mal habillé en présence d'une fille. Non vraiment, s'il fallait qu'il se mette à surveiller la potabilité de ses couches inférieures à chaque fois qu'il devait sortir de sa chambre, il valait mieux qu'il se reconvertisse en ermite.

« Tiens, ça te tiendra plus chaud que ton pyjama,
dit-il en lui tendant son sweat, alors qu'elle venait de lui poser une question.
— Hummm ... Euh ouais ça fait deux jours, en fait,
répondit-il. Tu sais, tu peux me tutoyer, hein !

En effet, se faire vouvoyer par une adolescente, une demoiselle de son âge – bon d'accord, peut-être deux ans de moins ? – le vieillissait affreusement, lui qui complexait déjà suffisamment d'avoir un an de plus que tous ses camarades de classe, à cause d'une crise de maman-poulogie de Madame Pianetti-Restaurant qui, craignant que son fils soit atrophié du cerveau d'apprendre trop vite à écrire et à compter, avait placé son fils dans une école maternelle qui durait quatre ans. Il la regarda mélancoliquement sortir, comme par magie, un paquet de chips d'un placard qu'il avait visité tout à l'heure et trouvé vide. Bizarre bizarre comme dirait Roal Dahl.

Des chips au paprika ? Bon sang, il n'avait jamais goûté. Il plongea la main dans le sachet après Eva, et la récupéra sertie d'une poignée de feuilles jaunes salées. Quand il porta à sa langue l'une de ces tranches de pomme de terre, il eut envie de vomir, comme elle, avec plus de tact toutefois, il l'espérait. Sachant se contenir, il tenta de trouver une excuse. Euh-e-uh-euhh... IRK ! Une souris ! Il y avait un animal à queue – autre qu'un homme – un rat un campagnol un mickey junior un machin immonde il ne savait absolument pas ce que c'était mais c'était laid et plein de poils et ça traînait sur le carrelage de la cuisine. Oh, en vérité cela ne le dérangeait pas tant que ça, seulement, c'était une parfaite excuse pour recracher discrètement les morceaux de chips avarriés qu'il avait dans la bouche.

Ni une, ni deux, Arnulf se jeta par terre, en beuglant “Y a une souris !!!” Il se trémoussa plus ou moins bien pour imiter la chasse frénétique à la bête, tout en essayant d'extirper les fragments dorés d'entre ses dents qui lui donnaient la nausée. Eeeerk... Ayant fini, il s'assit sur ses pieds, agenouillé, satisfait, et regarda tranquillement Eva.
Ah, oui la souris. Cette fois-ci, il retourna se vautrer dans la poussière, en tentant de capturer entre ses doigts le rongeur, pour de vrai. Cette folle s'était réfugiée sous un buffet, tremblotant sous sa fourrure grisâtre. En glissant le bras, il parvint à l'acculer et à la saisir sans peine, et il a serra fort, trop peut-être, tout heureux de sa prise.

Fier, il présenta la sale bestiole sous le nez de sa spectatrice sans doute admiratrice de sa mâle hardiesse. La pauvre avait les yeux exorbités – la souris, pas Eva, sinon j'aurais dit plutôt “l'oeil exorbité” – et manquait d'air tant ses poumons se trouvaient oppressés par les doigts palpitants d'Arnulf.


— Regarde ! Je l'ai eue ! »
S'écria-t-il d'un air ravi, la voix délicieuse, le visage hagard et les cheveux en bataille.
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