Après une dure journée et une longue soirée à servir les clients du bar où elle travaillait, Anëa rentrait chez elle avec la seule envie de se glisser sous sa couette. Elle n'était déjà pas joyeuse d'ordinaire mais le temps ne l'incitait guère à être de bonne humeur. En effet, un épais brouillard s'était installé depuis la fin de l'après-midi. Anëa avançait à tâtons et n'entendait aucun bruit aux alentours. Bien sûr, la nuit était déjà bien avancée mais elle avait l'habitude et jamais elle n'avait connu le chemin aussi silencieux. Elle n'entendait pas même ses propres pas, ses pieds étaient pourtant chaussés de grosses bottes fourrées qui ne manquaient pas de se faire remarquer sur les pavés en temps ordinaire.

Au bout d'un certain temps, la jeune femme butta contre ce qui semblait un mur. Étonnée, elle sortit sa main gauche de sa poche et la promena sur la surface lisse qui se tenait devant elle. Anëa se déplaça sur la droite, s'aidant de son autre main pour tenter de trouver une issue.

Qu'est-ce que c'est que ce mur ? pensa-t-elle, le brouillard m'a-t-il autant désorientée que cela ?. Enfin, une de ses mains gantées heurta, s'il l'on peut dire, le vide. Mais cela ne dura pas. En effet, la jeune fille ne mit pas longtemps à comprendre qu'il s'agissait en réalité d'une grille. Une espèce de portail qui paraissait assez grand. N'y voyant toujours goutte, Anëa entreprit de trouver une quelconque poignée et cela aboutit. Elle ouvrit la grille qui la laissa passer en grinçant. Essayant de deviner ce qui pouvait se trouver autour d'elle, Anëa aperçut des sortes d'ombres qui devaient être des arbres.

Des arbres, ici ? Moi qui croyait être encore en ville !

Anëa marcha encore et le brouillard se dissipa légèrement, laissant place à une pluie fine et glacée. Et Anëa put voir qu'elle se trouvait dans ce qu'on pouvait appeler une forêt. Elle se trouvait dans une forêt.... Et devant une porte.

Etrange, pensa-t-elle, je suis sûrement en train de rêver. Mais aussitôt, ses pensées lui dirent que si elle rêvait, elle ne penserait pas qu'elle rêvait. C'était une sensation bizarre, une boucle infernale, un cercle vicieux. Et pour couper court à toutes ses interrogations la jeune femme monta les quelques marches qui la séparait de la porte et toucha la poignée. Hésitant quelques secondes, elle poussa finalement la porte. Quelque chose d'irrésistible ne pouvait l'en empêcher. Elle pénétra dans ce qui lui semblait un hall, sombre et désert. Les murs étaient en pierre et des tableaux y étaient accrochés. En s'approchant davantage, Anëa se rendit compte qu'il y avait là un panneau où étaient accrochés diverses feuilles, des notes et des cartes.

"Si vous lisez ces lignes déposées sur ce misérable bout de papier, c’est que vous venez de commettre une grossière erreur, certainement la plus grosse de votre vie. "

Anëa continua à lire, comme pétrifiée. Enfermée. A vie.



Mais qu'est-ce que j'ai encore fait ?

Anëa se sentit soudain oppressée, elle entendit des voix qui avaient l'air de venir de sa propre tête.

Elle se retourna et tenta d'ouvrir de nouveau la porte mais celle-ci resta obstinément fermée. Paniquant, elle s'aperçut que quelque chose se trouvait à côté d'elle. Un ours polaire ! Un tout petit ours polaire ! Anëa étouffa une exclamation. C'était l'ourson de son enfance, son compagnon de rêveries. La jeune fille se rappela les quelques lignes qu'elle venait de lire : alter ego astral. Ce petit ours polaire était son alter ego astral. Anëa était fatiguée. Elle s'assit au beau milieu du hall, en prenant l'ourson dans ses bras, sans vraiment se rendre compte de ce qu'elle faisait.