- Ferme les yeux...
Ethan vit les deux océans s'évanouirent avant de lui prendre la main.
Ethan poussa l'une des deux lourdes portes, qui s'ouvrit sur une pièce luxueuse et chaleureuse. Elle était cependant, il fallait l'avouer, moins lumineuse que la bibliothèque qu'ils venaient, Izeiha et lui, de quitter quelques instants auparavant. Il resta deux trois secondes à balader son regard dans les moindres recoins avant de se décaler et faire avancer sa nouvelle amie. Toujours les yeux fermés, il l'amena au centre du salon et la fit s'assoir délicatement sur un riche canapé de velours rouge. Il abandonna sa main avant de lui glisser :
- S'il te plait, garde les paupières baissées...
Il l'a vit acquiescer, en silence. L'adolescent s'écarta vers le magnifique piano à queue. Il mesurait plus de deux mètres de long. Ses pieds étaient sculptés de muses et d'arabesques, recouverts de feuilles d'or. Ses doigts glissèrent sur le bois noir de jais, parfaitement lisse. Ethan souleva précautionneusement le couvercle et le maintint ouvert avec la tige. Les cordes s'alignaient de part et d'autre de la queue dans un ensemble implacable. Le système de répétition semblait bien singulier. L'assemblage paraissait plus complexe qu'un jeu habituel. Le garçon ne pouvait qu'être admiratif devant le travail perfectionniste qui se tenait sous ses yeux. Jamais il n'avait vu piano si beau, si parfait. Aucune trace de poussière. On aurait pu croire qu'il n'avais jamais été utilisé.
Ethan fit enfin le tour avant de s'installer sur le tabouret. Quatre vingt huit touches lui faisaient face. Quatre vingt huit touches blanches et noires. Enfin, plus de blanches que de noires. Cinquante deux immaculées contre trente six noires. Ethan craqua machinalement les articulations de ses doigts avant de caresser furtivement le clavier. La première touche s'enfonça. Le marteau frappa la corde qui vibra de toute son âme. Le triolet s'envola - Mi La Do Mi La Do ... - Le timbre de la mélodie était parfaite. Ce piano était vraiment particulier. Ethan ferma lui aussi les yeux. Sa main droite effleurait les touches instinctivement, comme si ses doigts se mouvaient automatiquement. Les notes défilaient dans son esprit - Fa La Do Fa La Do Fa Sib Ré ... - Sa main droite marquait les mesures d'accords graves. Ethan en oublia les derniers incidents et se laissa guider...
* Une voix... douce, posée... *
Ethan sentit comme une présence dans son dos. Une présence familière. Il ouvrit les yeux. Un souffle chaud dans son cou. Une main se posa sur son épaule. Légère. Rassurante. Le garçon pivota son regard mais personne ne se tenait à ses côtés. Izeiha se trouvait toujours sur le canapé, entourée de papillons...