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 Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ]

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Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ] _
MessageSujet: Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ]   Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ] Icon_minitimeSam 26 Mar 2011 - 21:59

Décidément, mon sens de l'orientation en voulait à mes jambes. Il me semblait que cela faisait des heures que j'avais quitté le hall d'entrée pour explorer l'immense bâtisse, et je n'avais fait que parcourir sans fin des kilomètres de couloirs. Enfin, pour ce que j'en savais. Mon horloge biologique, totalement détraquée par le changement de réalité, me signalait qu'il était bientôt l'heure de dormir, ce dont je doutais fort : les rares fenêtres que j'avais rencontrées s'ouvraient toutes sur un splendide ciel étoilé, un ciel de nuit bien avancée. Les quelques romans du genre que j'avais lu ne s'étaient jamais appesantis sur ce cruel effet pervers d'un passage dans un monde parallèle : le décalage horaire. J'en étais toute perturbée, et l'effet ne devait pas avoir été atténué par ma longue errance sans repères dans les interminables corridors. Cela pouvait tout aussi bien faire vingt minutes que deux heures et demie que je cherchais mon chemin à travers ce dédale. Je croyais marcher dans un rêve - malheureusement, il n'avait pas laissé la place au décor rassurant d'un wagon-restaurant même après de nombreux clignement d'yeux. Cette hypothèse s'invalidait d'ailleurs de plus en plus : se rend-t-on jamais compte dans les rêves qu'on a fichtrement mal aux pieds, ou qu'un violoncelle pèse diablement lourd ?

Ce couloir n'en finissait pas. Je le savais, que j'aurais dû commencer par explorer l'étage ! J'y aurais sûrement trouvé... Les chambres des autochtones, peut-être. Avec un peu de chance, s'ils avaient un rythme de vie à peu près convenable et puisque la nuit semblait tombée pour quelques heures, j'aurais aussi pu y rencontrer lesdits autochtones, qui auraient pu m'expliquer mieux que sur le panneau de liège les règles de cette autre réalité. Mais non, il avait fallu que je décide de commencer par ce fichu couloir de ce fichu rez-de-chaussé de cette fichue bâtisse ! Je soupirai en me remémorant cette grossière erreur puis repris mon chemin. Mon regard glanait deci-delà quelques points de repère tandis que j'avançais au hasard. Droite, gauche, droite, droite, gauche, droite, gauche, gauche, droite. Toutes ces tentatives pour suivre mon instinct ne réussirent qu'à m'égarer totalement ; j'étais certaine d'avoir déjà croisé cette armure et sa menaçante hallebarde. Sauf si, évidemment, dans ce monde défiant les règles les plus élémentaires de la logique, les armures se déplaçaient. A vrai dire, cela ne m'aurait pas étonnée outre mesure. Bon Dieu mais qu'est-ce qui m'avait pris ? Ah, c'est sûr, une porte bizarre sur un train, mais oui c'est sans doute le wagon-restaurant. Mais quelle idiote.
Alors que je râlais ainsi - et à voix haute comme il se doit - un insecte se matérialisa brusquement à environ cinq centimètres de mon nez. Non, il ne vola pas pour s'arrêter face à moi depuis un autre point du couloir. Il apparut soudain, il se matérialisa littéralement à partir de rien. J'interrompis ma tirade contre le manque total de sens pratique des jeunes filles confrontées à une situation sortant de l'ordinaire et louchai dessus, dubitative.

- Donc, maintenant, des libellules sortent du néant. Bien sûr, ça coule de source. Un peu de logique, voyons, c'est tout à fait normal.

Aussi normal que ce manoir, en fait. L'insecte fit vrombir ses six ailes, s'éloigna de quelques mètres puis me refit face, attendant sans doute que je le suive. Mais qui irait suivre une libellule vert émeraude ? D'autant plus en un tel lieu : une demeure dans laquelle j'avais pénétré par une porte en bois sur la paroi d'un wagon du Paris-Brest... D'accord. Je n'étais plus à un illogisme près. J'abdiquai mentalement et emboitai le pas à l'insecte avec la nette impression de me prendre pour un personnage de Lewis Caroll. A ceci près qu'Alice n'avait pas eu de violoncelle archilourd à transporter jusqu'au terrier. Et puis, le lapin avait une montre à gousset - elle pouvait savoir l'heure qu'il était. J'avais conscience de la mauvaise foi totale de mes récriminations - j'étais la seule responsable. Mais que voulez-vous ? Il était tard, j'avais mal aux bras, mal aux pieds, faim, et j'étais fatiguée. Et la seule chose qui pouvait me tirer de ce labyrinthe était une libellule, qui avait l'air de voleter totalement au hasard.

- Je sais exactement où je vais !
, s'exclama ladite libellule, sur un ton absolument indigné. Tu ferais mieux d'être un minimum polie avec moi, sinon je m'en vais et tu n'es pas prête de retrouver ton chemin !

Donc la libellule parlait, lisait apparemment dans mes pensées, et était du genre très susceptible. D'accord. Je sentais que ce nouvel environnement n'avait pas fini de heurter mes conceptions du monde et qu'il valait donc mieux acquiescer mentalement aux évènements les plus étranges.

- Tu sais, poursuivit la libellule, tu vas vite t'habituer. Bon, les couloirs font toujours ça aux nouveaux, mais tu apprendras vite à retrouver ton chemin. Ou du moins, telle que je te connais, à faire le trajet de ta chambre à la bibliothèque. Ne t'en fais pas.

Mais oui, c'est cela, et je discuterai avec tous les animaux que je croiserai et je serai heureuse comme tout ! La libellule disparut aussi brusquement qu'elle était apparue, ce qui me permit de faire dans le même instant deux découvertes capitales. La première, grande avancée scientifique de laquelle aucun entomologiste n'entendrait jamais parler - quelle perte pour le savoir de l'humanité ! - était que les insectes sont susceptibles et n'apprécient guère l'ironie pratiquée à leurs dépens. Je venais en une pensée sarcastique de me brouiller avec le seul être vivant que j'avais croisé dans ce foutu manoir et peut-être de ruiner mes seules chances de ne pas finir en spectre oublié dans ces fichus couloirs. Magnifique perspective. Heureusement, ma deuxième découverte m'annonçait un futur proche plus riant : j'étais face à une porte. Son battant légèrement entrouvert laissait passer un rai de lumière qui courait sur le parquet. J'aurais dû me méfier des portes, si l'on prenait en compte mes récentes expériences. Mais celle-ci, en noisetier, avec sa jolie poignée dorée, faisait partie de cette race en voie d'extinction des "portes qui inspirent confiance".

J'entrai sur la pointe des pieds dans ce qui ressemblait fort à un salon : des fauteuils et un canapé qui même de dos semblait très confortable, une table basse, un service à thé, une cheminée, un splendide piano à queue. J'eus le souffle coupé devant la décoration splendide. Qui que fût le propriétaire, il avait beaucoup de goût. Et puis, ce manoir était certainement habité : il restait un fond de... thé ? café ? autre substance étrange ? dans l'une des tasses. Sur le manteau de la cheminée, une horloge m'indiqua obligeamment l'heure : trois heures dix. La pièce semblait déserte, ce qui était somme toute assez compréhensible. C'était tout à fait idéal pour dormir un peu, en attendant le matin pour rencontrer quelqu'un qui m'indiquerait les chambres. J'avais vraiment eu trop d'émotions aujourd'hui, j'étais absolument exténuée. Trop en tout cas pour repartir tout de suite dans mon périple à la recherche d'un lit - le canapé suffirait largement. J'appuyai donc prudemment mon violoncelle sur un des fauteuils - qu'il n'aille pas glisser - et je poussai un soupir de soulagement. Enfin, enfin un peu de repos après ma balade exténuante dans les couloirs et ma confrontation avec une bestiole totalement invraisemblable !

Je sentis dans mon dos l'irrépressible appel des coussins moelleux. Je ne leur jetai pas même un regard. J'étais fatiguée, si fatiguée ! J'avais bien mérité quelques heures de sommeil. Je me laissai directement tomber en arrière sur le sofa - et donc sur la personne qui s'y trouvait allongée.
Oups.
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MessageSujet: ;xd   Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ] Icon_minitimeMar 29 Mar 2011 - 17:32

{J'ai toujours du mal à commencer, alors on peut tabler sur le fait que les prochains postes seront mieux...uu'}

Marcher, marcher, et encore marcher. Il semblait à T.J qu'il ne faisait guère que ça, depuis son arrivée dans l'étrange bâtisse : marcher. Il fallait marcher pour aller en bas, pour aller à l'étage, pour se rendre dans sa chambre, pour trouver le chemin de la cuisine..., jamais de sa vie il n'avait autant utilisé ses jambes que ces derniers jours, il pouvait en jurer. Et puis, il s'agissait aussi de s'y retrouver, dans ce dédales de couloirs et de portes se ressemblant à s'y méprendre. Or, s'il semblait aisé à tout le monde d'aller d'un endroit à un autre sans se tromper de chemin, c'était bien grâce à cette notion magnifique appelée 'habitude'. Et tandis que le jeune Australien avait depuis longtemps pris ses repères dans sa grande maison de bord de mer, il n'en avait pour l'instant pas un seul dans cet immense manoir-ou quoi que ce fut, mais il pensait que ça ressemblait à un manoir, ou du moins à l'idée qu'il s'en faisait. Après tout, il n'en avait jamais vraiment visité, et ne savait donc pas de quoi ça avait l'air exactement. Enfin, il était dans un vieux bâtiment bizarre dont il ne pouvait pas sortir, manoir ou pas, et il n'arrêtait pas de marcher. Que de réflexions profondes, n'est-ce pas.

Droite, gauche, droite, gauche...? Oh, allez, soyons fou! Droite. Il s'engagea résolument dans le couloir qui partait sur sa droite, chantonnant un air de sa connaissance pour briser le silence oppressant qui régnait en cette heure fort matinale. Qui aurait pu lui en vouloir de ne pas réussir à dormir? S'il était parvenu à ne pas céder à la panique malgré l'irrationnel le plus complet de la situation, c'était uniquement parce qu'il l'avait prise à la légère. Comme si tout cela était une immense blague, et qu'elle finirait bien par se terminer. Un jour ou l'autre. De toute façon, il avait bien fallu se rendre à l'évidence ; tout cela était décidément trop réaliste pour être un rêve. Alors si ce n'était pas un rêve, il avait décidé d'un faire un..., hm, comment dire..., un 'break', comme il l'aurait si bien dit dans sa langue natale. Un break qu'il espérait court, dans sa vie déjà très remplie. Il n'avait pas encore eu le temps de tout comprendre (et il doutait pouvoir y arriver un jour, vu le nombres d'informations qu'il fallait enregistrer) mais pensait avoir capté l'essentiel, ce qui avait quelque chose de rassurant. Il s'arrêta quand le couloir se sépara de nouveau en deux, et écarta exagérément ses bras, les laissant retomber contre ses jambes. Oh, non. Que c'était embarrassant, songea-t-il avec un sourire amusé. Eh bien, gauche.

Dire qu'il était perdu aurait été un euphémisme, il en avait bien peur. C'était malin, franchement! Il avait juste eu envie d'aller boire quelque chose, n'importe quoi pour le désaltérer et aider le sommeil à venir à lui ; et s'il n'avait eu aucun mal à retrouver les cuisines, il en avait apparemment bien plus pour retrouver le chemin de son petit lit douillet. C'était bien sa veine, tiens. Il aurait dû se douter que quelque chose comme ça allait lui arriver : après tout, il n'avait jamais été particulièrement chanceux. Comme cette fois, là, où il avait perdu six fois de suite à un jeu de carte pourtant basé sur le hasard. Injuste, qu'il disait, totalement injuste! Le destin devait avoir une dent contre lui, c'était la seule explication un tant soit peu tangible. Et des explications rationnelles et crédibles, en ce moment, il en était un peu à court-aussi étaient-elles toujours les bienvenues, quand elles venaient à lui. Si tant est que l'acharnement du destin pouvait être considéré comme un quelconque début d'explication, évidemment...

Au bout d'un petit moment de marche, il finit par reconnaître les lieux. Ce n'était pas une certitude, bien sûr, loin de là : mais c'était une impression, et pour T.J ça avait strictement la même valeur. Il posa ses yeux verts sur les tapisseries autour de lui, et opta pour la porte qui lui semblait la plus familière. A savoir, s'il ne se trompait pas, celle du...

…, Salon. Oh, miracle! Enfin une bonne nouvelle, son cerveau était encore à peu près en état de marche. Il rentra dans la grande pièce, agréablement chauffée, et ne put retenir un long soupir de soulagement. Pas que les corridors sans fin ne lui plaisaient pas, mais ils devenaient stressant, à la fin. Comme marcher dans un de ces couloirs que décrivaient les auteurs de fictions, ceux qui n'avaient pas de fin et vous ramenaient à votre point de départ quand vous aviez le malheur de vouloir en voir le bout. C'était peut-être exactement ce qu'ils faisaient, à la réflexion. Malmener les promeneurs pour s'amuser un peu. Jugeant que ce genre de pensées n'était pas bon pour sa santé mentale, il les chassa d'un bref geste de la tête. Tant qu'il était là, autant en profiter!

Il se laissa tomber des plus gracieusement sur le canapé moelleux, visage contre les coussins, et inspira profondément. Ce qui eut pour seul effet de le faire tousser comme un asthmatique en crise alors qu'il s'asseyait convenablement, maudissant la poussière et tout ce qui pouvait s'y rattacher, de près comme de très, très, très loin. Ainsi il était en train de jurer en silence contre les noix de coco et son incapacité à jurer, à minuit passé, quand un bâillement l'arracha à sa néanmoins très intéressante occupation. Signe très clair exprimant qu'il était : fatigué. Facile à comprendre, ça, au moins. Et s'il dormait, il n'aurait pas à constater avec la plus sincère des tristesses qu'il ne pouvait plus dire quoi que ce soit de grossier. Le jeune homme remit correctement en place son pantalon noir sur son bassin, et se félicita d'avoir mis une chemise avant de sortir ; il n'aurait pas eu l'air fin, s'il avait été coincé à moitié déshabillé dans les couloirs. Bon, il n'était pas sûr que le bleu-vert bizarre du haut s'accordait avec le noir délavé du bas, mais il n'en avait pas grand chose à faire sur le moment. Quand vous dormez, en principe, on ne vous regarde pas. Il s'allongea donc sur le dos, confortablement, n'allant pas jusqu'à enlever ses baskets pour autant. Et puis, hm, qui sait : on aurait pu les lui voler. De toute façon, elles ne le dérangeraient pas pour dormir, il en était certain.

Et, effectivement, elles ne le dérangèrent pas : il s'endormit presque aussitôt, sombrant dans un profond sommeil tandis que son esprit dérivait à sa guise dans cette contrée merveilleuse où se situent les rêves. Et où il se promena d'ailleurs jusqu'à ce que le destin, encore une fois et dans son infinie bonté, ne décide de venir troubler son repos dûment mérité. Et le destin, pour l'heure, pris la forme d'une jeune fille, qui se laissa le plus délicatement du monde tomber sur lui-qui réagit comme n'importe qui ayant été réveillé en sursaut par il-ne-savait-trop-quoi-encore l'aurait fait: il poussa un cri étouffé, dans lequel personne au monde n'aurait réussi à comprendre quoi que ce soit. De plus il était persuadé, encore plongé dans un état de demi-sommeil, que c'était une sorte de pot de nutella géant qui venait de se renverser sur lui. Jusqu'à ce que, une seconde plus tard, il ne constate que ce n'était bien évidemment pas ça-et la comparaison n'aurait pas été des plus polie, franchement.

«Oh, woh, m'agresse pas, j'ai rien fait!» Il s'arrêta un instant, pas très sûr de ce qu'il disait, de là où il était, de la personne à qui il parlait ou même de l'heure qu'il était. «------, j'ai dormi combien de temps?»

En n'entendant pas sortir de sa bouche le mot qu'il avait tenu à prononcer, il faillit lancer une nouvelle injure ; mais, il fallait se rendre à l'évidence, elle serait restée aussi muette que la précédente.

Oh. Soudain, l'idée, non, l'évidence lui vint : peut-être qu'elle l'avait pris pour un canapé. Ça avait quelque chose d'à la fois très insultant et très flatteur, d'être pris pour un canapé. Enfin. Pour T.J, en tout cas.
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Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ] _
MessageSujet: Re: Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ]   Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ] Icon_minitimeMar 29 Mar 2011 - 22:42

[ Ton post est super, j'étais juste pliée de rire sur la fin =) Bon par contre... Ben désolée quoi. ]

La réaction du canapé ne se fit pas attendre : il rua en émettant un bruit inintelligible, à mi-chemin entre la protestation râleuse et le cri de surprise. Il était visiblement tout étonné de sentir quelqu'un s'allonger à une heure pareille.

- Oh, woh, m'agresse pas, j'ai rien fait !

Non, Armistice. Les canapés ne parlent pas.
Je venais de tirer un Bel au Bois Dormant des bras de Morphée. En d'autres temps, d'autres lieux, j'aurais sans doute comparé la délicatesse du réveil qu'il venait de subir avec la douce mélodie des sirènes de pompier qui résonnaient parfois dans Paris. Il était donc tout à fait normal qu'il soit passablement dans les vapes, assimilant un geste qu'un sofa aurait considéré comme tout à fait amical à une dangereuse menace. Enfin, je lui étais tombée dessus, mais bon quand même... D'accord. Je lui devais des excuses.

Mes pensées avaient beau virevolter sous mon crâne telles des balles de tennis - elles faisaient un mal de chien en rebondissant contre mes tempes ! -, je n'entrevoyais pas l'ombre de l'ersatz d'un début d'excuse. J'avais bien un sacré lot de prétextes prêts d'avance pour les situations les plus hasardeuses, mais rien qui puisse s'adapter aux circonstances présentes. Le classique "C'est pas moi !" ne fonctionnerait pas en l'absence de toute personne ou objet sur qui reporter la faute. Je doutais en effet que le canapé - pardon, le garçon - soit assez stupide pour confondre mon poids avec celui d'un piano. Et puis, je n'avais pas vraiment une tête de piano. "Tu étais tellement irrésistible, je n'ai pas pu m'en empêcher" ? Mais oui, passons pour la nymphomane de service. Bon, le "J'ai fait ça par pur sadisme, pour te réveiller - tu avais l'air tellement ravi de dormir, c'était inadmissible" prononcé avec un sourire angélique serait déjà plus crédible. Cependant, ce jeune homme était la première figure humaine que je croisais dans le Pensionnat ; il n'était sans doute pas très à-propos de passer pour une cruelle dès la première rencontre. En plus, il devait savoir où se situaient les chambres et la cuisine, ce qui était un atout à ne pas négliger pour orchestrer ma survie dans cet endroit maudit. Décidément, il n'y avait pas moyen de mentir. Alors, pourquoi ne pas simplement dire la vérité ?

- Je suis désolée, commençai-je d'un ton assuré, je...

Ma voix s'étegnit. Je quoi ? Désolée, je t'ai confondu avec les coussins ? C'est vrai quoi, quelle idée de ressembler autant à un amas de coussins... Oranges. A rayures marrons. Mais oui, naturellement, le vague bleu-vert de sa chemise pouvait tout à fait passer pour du safran aux yeux de n'importe qui. Et puis il avait franchement une tête de coussin. Tranquillise-toi Armistice, il ne peut que croire un mensonge si réaliste et génial. Mais bien sûr. Autant dire tout de suite qu'on est la pire des idiotes ! Nom de nom, je devrais apprendre à réfléchir avant de commencer mes phrases. D'habitude, le mensonge coulait tout seul. Mais là, toute ma réalité se trouvant modifiée, j'étais prise au dépourvu et je n'avais aucune idée de ce que je pouvais inventer pour m'excuser sans perdre la face, surtout face à un pareil énergumène. Je recourus à une technique vieille comme le monde : raconter des choses n'ayant absolument rien à voir avec l'évènement qui avait eu lieu. En fait, ces paroles devaient presque être, quoique pas exactement, tout sauf en rapport avec la situation. Mais si, ça aurait l'air naturel.

- Excuse-moi, repris-je plus brillamment - sans bafouiller du moins. Je suis nouvelle, je m'étais perdue dans les couloirs et j'étais si fatiguée... Je n'ai pas vraiment regardé sur quel sofa je me jetais. Je te jure que ce n'était pas intentionnel, je voulais pas te déranger.

Je m'assis, passant une main dans la nuque avec un sourire gêné. Quelle cruche mais quelle cruche ! me maudis-je intérieurement. Tu n'aurais pas pu te redresser tout de suite, plutôt que de rester affalée sur ce pauvre garçon en marmonnant des excuses stupides ? Et je n'avais même pas été fichue de mentir correctement, non, il avait fallu que je dise la vérité toute bête, toute nue - enfin la vérité elle-même n'était pas vraisemblable, ce qui me consola un peu. Je me déplaçai sur le canapé avec un manque évident de grâce, demandant du bout des lèvres pardon au jeune lors de mes manœuvres, puis gagnai enfin l'accoudoir. Je lissai ma jupe pour reprendre une contenance. Je levai enfin la tête, portant franchement mon regard sur l'inconnu - haut en bas et puis retour.

Le dernier des crétins aurait constaté que la personne étendue là était absolument tout sauf un canapé à motifs hideux - quoi que la couleur de la chemise ne valait guère mieux. J'esquissai une moue moqueuse, avant de me rappeler que si je voulais un jour sortir du labyrinthe des couloirs, il valait mieux ne pas décourager mes alliés potentiels. Depuis mon accoudoir, je distinguais en premier plan une paire de... Ça avait l'air d'être des chaussures, même si ça n'avait rien à voir avec les souliers de cuir que je voyais habituellement. Enfin, qui dit chaussures dit pieds. Qui dit pieds dit... Oui, les longs bâtonnets enveloppés dans de la toile noire délavée avait des genoux et aboutissaient à un torse humain - malgré, j'insiste, la chemise défiant les normes les plus élémentaires du goût. Enfin, dans ma jupe élimée et mon chemisier froissé, je ne devais guère valoir mieux. Mais tout de même ; moi, je savais me coiffer autrement qu'avec un pétard. Et j'avais des cheveux d'une couleur naturelle, n'oscillant pas entre le gris souris et gris acier. Ce qui contrastait fortement avec le visage jeune et actuellement tout ahuri. Front plissé par l'effort nécessaire à la reconnaissance des lieux, yeux cernés. Visiblement aussi fatigué que moi.

Il battit des cils comme s'il se réveillait tout à fait et ouvrit la bouche pour prononcer un juron - il avait cette expression particulière, entre l'énervement mérité qui fait du mot un réflexe instinctif et l'adulte qui craint encore de se faire savonner la bouche à grande eau. Mais rien, ni bulles ni exclamation furieuse, ni son inarticulé ne sortit de sa bouche. Rien qu'un court silence, vite rompu par les questions qu'il me posa ensuite. Je haussai un sourcil.

- Comment veux-tu que je le sache ? Il est trois heures du matin, j'ai autre chose à faire que de regarder les gens dormir quand même ! Je baissai la tête, un peu penaude, puis repris. Non mais je me suis perdue, c'est quand même dingue. Je suis montée dans le Paris-Brest, et pouf !, et voilà, coincée ici avec ces couloirs qui jouent à cache-cache. Une libellule m'a aiguillé sur une mauvaise voie, en fait je cherche ma chambre. Mais la porte m'a inspiré confiance. Enfin voilà je voulais pas te réveiller, désolée.

Jeune fille, as-tu au moins conscience de raconter absolument n'importe quoi ? Évidemment que oui ! Cette stratégie était tout à fait justifiable en temps normal : noyer l'adversaire en débitant un flot de futilités auxquelles il ne saisira goutte, surtout s'il vient de se réveiller. Enfin, concrètement, j'étais dans le même état d'hébétude que lui et n'avais pas trop la tête à réfléchir la moindre de mes paroles. Plutôt à me libérer des tensions accumulées pendant toute cette foutue journée. Et puis, d'un certain côté je n'avais pas tant à m'excuser que ça. Mais oui, en y réfléchissant, on pouvait rejeter la faute sur lui. Voyons, quelle idée de dormir dans un canapé à une heure pareille quand on connaît l'emplacement des chambres. A moins que... A moins qu'il ne soit tout à fait aussi nouveau que moi, et qu'il ne sache donc pas où dormir. Ce qui m'amenait à la conclusion que... Rien du tout. Je pouvais éventuellement en tirer le réconfort de savoir que je n'étais pas seule dans ce cas. Mais que diable allait-il faire en cette galère ? Il continuait d'émerger tranquillement tandis que les questions se battaient en de longs et sanglants duels dans mon crâne pour savoir laquelle arriverait la première aux centres de la parole. Identité ? Âge ? Profession ? Temps passé ici ? Pourquoi des cheveux gris ? Quelle est cette histoire de pouvoirs ? Insomniaque ? Y a-t-il d'autres gens dans ce fichu manoir ? ... Une seule question d'importance capitale terrassa toutes les autres et imposa son sens caché métaphysique, une question unique qui serait sans doute d'importance dans la philosophie des siècles à venir, une question qui résoudrait les plus grands dilemmes moraux imposés aux philosophes, une question qui...

- Au fait, tu fais quoi ici ?

Non, mais c'était bien aussi de rester dans le pragmatique.
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MessageSujet: Re: Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ]   Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ] Icon_minitimeSam 2 Avr 2011 - 19:31

{Oh, tant mieux alors! Je l'avais rédigé avant, mais j'ai pu le poster que maintenant, désolée. Et pourquoi tu t'excuses?°°}

Si T.J avait eu un pouvoir utile, comme par exemple transposer ses pensées en mots sans avoir besoin d'un crayon, il aurait été intéressant de voir ce qui se serait écrit, là, tout de suite. Tout ce à quoi il pensait était un amas de mots ou d'idées hétéroclites sans grand sens, qui allaient et venaient rapidement dans son esprit, formant des phrases pour le moins inédites. Il n'était pas bien sûr d'être réveillé, mais ne pensait pas être endormi non plus ; et même s'il avait les yeux ouverts, il n'avait pourtant pas l'impression d'être tout à fait là. Un peu comme si..., eh bien oui, comme s'il venait juste de se faire réveiller brutalement. Satisfait d'avoir réussi à aligner quelques pensées cohérentes dans son cerveau embrumé, il tenta de mettre de l'ordre dans ses idées. C'était bien connu, réveiller quelqu'un en le secouant ou en lui sautant dessus-mais se laisser tomber dessus, ça devait marcher aussi, pour ce qu'il en savait-, ce n'était jamais une bonne idée. Et si son cœur avait lâché, hein? Ça aurait été malin! Est-ce qu'il aurait seulement pu lâcher, d'ailleurs? Ça ne l'aurait pas étonné, franchement. Quand le corps commençait à n'en faire qu'à sa tête d'un côté ou d'un autre, le reste ne pouvait décemment pas aller bien non plus. Un arrêt cardiaque à dix-huit ans, ça aurait été une stupide façon de mourir, quand même. Enfin, ç'aurait été une mort à sa mesure. Il avait vécu stupidement, il serait mort stupidement. Juste retour des choses.

Mais le fait était qu'il n'était pas mort, que son cœur battait à une vitesse plus ou moins normale à présent, et que donc il avait encore au moins quelques secondes à vivre de plus. Merveilleuse perspective, qu'il aurait apprécié à sa juste valeur s'il avait été totalement éveillé. Il crut entendre parler la personne-à défaut de plus de précision-qui l'avait tiré de son sommeil, sans comprendre grand chose pour autant. Exactement comme en cours de Sciences, quand il hochait la tête d'un air totalement hébété en essayant de comprendre de quoi ils parlaient. Sauf que là, au moins, il avait une réponse valable pour répondre à la sempiternelle question 'comment tu peux ne pas comprendre quelque chose d'aussi élémentaire?!'. Eh bien, facile : il venait de se réveiller. Note pour l'avenir, essayer de répondre ça à un prof. Note qu'il effaça distraitement une seconde plus tard en se disant que dans l'immédiat, il n'était pas près de retourner en cours. Les habitudes avaient la vie dure, décidément. Pas comme s'il aurait pu oublier en quelques jours ce qu'il avait fait presque chaque jour pendant six ans, n'est-ce pas. Oh, et même avant il allait à l'école! Il ne savait pas même pas combien d'années il avait pu y passer, en tout.

Hm hm, concentration, se concentrer. Une fille, nouvelle, perdue, sofa, et, euh, lui. Visiblement, ils avaient lorgné sur le même canapé, voilà tout. Ou quelque chose comme ça. Ou pas du tout. Il savait plus, finalement. Il la sentit se pousser, sans que ça ne l'incite à s'assoir correctement lui-même-il n'en était pas au stade de vouloir bouger, pour l'instant.

- Comment veux-tu que je le sache ? Il est trois heures du matin, j'ai autre chose à faire que de regarder les gens dormir quand même ! Non mais je me suis perdue, c'est quand même dingue. Je suis montée dans le Paris-Brest, et pouf !, et voilà, coincée ici avec ces couloirs qui jouent à cache-cache. Une libellule m'a aiguillé sur une mauvaise voie, en fait je cherche ma chambre. Mais la porte m'a inspiré confiance. Enfin voilà je voulais pas te réveiller, désolée.

Oh, bien sûr, oui, d'accord, ahun, okay, très bien. Ce que T.J résuma dans un hochement de tête hésitant, essayant d'intégrer toutes les informations qu'elle venait de lui donner, frottant négligemment ses yeux avec le dos de son poignet. Trois heures? Ouch. Ca faisait un moment qu'il dormait, tout de même. Pourtant, il lui semblait s'être assoupi juste quelques instants auparavant, quelques minutes tout au plus ; et pour être franc, il ne se sentait qu'à moitié reposé. Bon, rien de bien étrange dans les faits, puisque dormir une ou deux heures sur un canapé n'avait jamais été la meilleure manière de se reposer, mais tout de même. Il tiqua néanmoins à la mention du 'Paris-Brest', qui, loin de lui faire penser à deux magnifiques villes de France, lui rappelèrent la pâtisserie du même nom. Bien qu'il doutait fortement qu'elle ait voulu entrer dans un gâteau quelconque...

Le jeune homme se redressa paresseusement, plaça correctement son dos contre le dossier du canapé, et étira ses bras au-dessus de sa tête. Moment que choisit la jeune fille-qu'il avait presque oublié, ces trois dernières secondes-pour élever la voix, posant une question des plus judicieuse :

-Au fait, tu fais quoi ici ?

Ses yeux verts se déplacèrent vers la demoiselle, qui pour lui n'avait pas encore de nom ; et il aurait bien répondu sur le champ, si son regard ne s'était pas accroché à sa tenue. Ou à son apparence générale, la nuance était peu importante. Ses vêtements, bien que n'ayant rien d'extravagant ou de choquant au premier abord, le laissèrent perplexe. Hm. Donc soit elle revenait d'une sorte de musée en arrivant ici, soit elle était à une soirée déguisée, soit elle vivait dans un endroit..., hem, reculé, pour rester poli et courtois. Il arrêta de la dévisager, puis lui sourit. Bon, il n'avait pas l'air très réveillé encore, mais au moins il pouvait comprendre des questions et y répondre, ce qui était un progrès non négligeable.

«Ce que je fais là? Bah, je dormais, répondit-il simplement, comme si c'était là l'évidence même. En tout cas jusqu'à ce que tu me tombes dessus, je dormais. A la base, en fait, j'avais soif. Enfin non, d'abord j'arrivais pas à dormir, donc j'ai eu soif, donc je suis sorti de ma chambre, et je suis allé à la cuisine. C'est en voulant remonter que j'ai dû me tromper de chemin, et, bah..., je suis tombé sur le salon, et je me suis endormi là. C'est confortable mine de rien, hein.»

Il haussa un sourcil dubitatif, craignant ne pas être clair, puis se remit à sourire après avoir décrété qu'il avait dû l'être suffisamment-ou tout du moins avait-il fait de son mieux pour l'être. Il étouffa un bâillement derrière la paume de sa main, et reposa son regard sur son interlocutrice. Le tout était de se rappeler de ce qu'elle lui avait dit, maintenant : ça aurait constitué un bon point de départ pour une conversation. Ou pour une..., discussion. Il ne savait même pas s'il y avait une quelconque différence entre ces deux termes, mais peu importe : l'idée était là. Alors, hm. Elle avait dit quoi d'important, déjà..., quelle idée de parler autant, aussi! C'était comme venir réveiller quelqu'un, le secouer, lui apprendre une grande nouvelle et espérer naïvement qu'il allait tout comprendre du premier coup et vous répondre directement, comme ça, plus efficace qu'un robot. Et puis il avait encore la vision du pot de nutella géant en tête, et ça ne l'aidait franchement pas.

«Et puis c'est pas grave, je t'en veux pas, ajouta-t-il en faisant un bref signe de la main, jetant un coup d'œil au cadran de l'horloge. Euhm..., t'es nouvelle, c'est ça? Tu viens d'arriver?»

Il aurait bien ajouté 'et tu débarques de la pâtisserie?', en référence au nom de gâteau qu'il avait cru intercepter (ou que son estomac avait retenu, plus précisément), mais se retint à temps. Sursaut de conscience. Et parce que quand bien même l'habit ne faisait pas le moine, elle n'avait pas la tête d'une fille qui sort d'une boutique de sucreries. Il ne savait pas bien elle avait une tête de quoi, d'ailleurs. Une tête de fille, déjà ; mais il n'aurait pas pu en dire beaucoup plus. Pays, époque, monde? Ça, il avait bien compris qu'on pouvait venir de n'importe où, n'importe quand : il mettait donc à profit son peu de connaissances.

Allez, il se lançait! Soit un autre monde, soit n'importe où sauf l'Australie, à une autre époque. Non, parce que s'il avait croisé une fille habillée comme ça dans la rue, il l'aurait regardée passer, quand même. Quand même.
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MessageSujet: Re: Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ]   Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ] Icon_minitimeSam 2 Avr 2011 - 23:24

Si j'en croyais l'air ahuri de l'inconnu et ses difficultés à articuler la moindre réponse sensée, lui assener une futile logorrhée dès le réveil n'avait pas été une bonne idée. Mais alors vraiment pas. J'aurais dû prendre en compte son état d'hébétude avancée et commencer par des phrases moins difficiles à comprendre - il était peut-être simple d'esprit ? Sa réponse me détrompa aussitôt. Elle était même plus logique que ma question : je pouvais bien le voir, qu'il dormait, puisque c'était vraisemblablement ma chute aussi soudaine que brutale sur son estomac qui l'avait réveillé. Quel manque de courtoisie de le mitrailler d'informations dès qu'il avait ouvert les yeux ! Normal qu'il mette un peu de temps à rassembler ses esprits. Qui n'aurait pas été dans ce cas, tiré du royaume des songes à une heure-pas-possible par une parfaite inconnue ?

Et s'il avait été cardiaque, hein ? Ou médium en pleine transe prémonitoire ? Ou une combinaison des deux ? On en avait vu mourir de saisissement pour moins que ça. Ah, Armistice... Une voix intérieure me récitait mes torts, sur un ton désapprobateur. Monstrueusement désagréable. Peut-être que la libellule était télépathe ? Si elle lisait mes pensées, elle pouvait bien me communiquer les siennes. Ou alors dans un lieu maudit comme celui-ci, je n'allais pas tarder à devenir schizophrène. Déjà, rien qu'à voir la façon dont mes pensées vagabondaient et prenaient une voix, je ne devais plus être très nette. Peut-être même que... L'idée me glaça les sangs. Peut-être que j'étais déjà en proie à des hallucinations. Que je n'étais absolument pas sur un canapé dans le salon d'un manoir hors du monde et du temps. Que ce garçon n'existait pas. Que rien de ce qui m'entourait n'avait d'existence propre. Que j'étais dans une cellule capitonnée, bien au frais à Sainte-Anne et que j'y rêvais. Situation fortement moins enviable que celle-ci, il fallait l'avouer, mais plus crédible.

- Euhm..., t'es nouvelle, c'est ça ? Tu viens d'arriver ?

D'habitude, dans tous les récits dignes de ce nom du moins, l'hallucination n'interrompait jamais le malade en train de réaliser qu'il était bon à enfermer. Il eût s'agit d'un total manquement au protocole. Si protocole il y avait en matière de folie... Je sentais ma raison vaciller devant ces perspectives alarmantes. Comment ma mère avait-elle pu m'envoyer à l'asile sans que je m'en rende compte - car c'était forcément elle ? Et maintenant que j'avais réalisé que toute cette scène était le produit de mon imagination, tout aurait dû se volatiliser. Ça se passait toujours comme ça. Je fermai les yeux, les rouvris. Encore. Encore. Le jeune homme en face ne paraissait guère décidé à se volatiliser. Mieux, il paraissait tout à fait réel. Fortement bizarre, comme tout depuis que ce foutu train était entré en gare, mais réel. Et puis, il est rare que la vérité soit vraisemblable, tous les menteurs vous le diront. Ou vous raconteront un bobard pour le cacher. Un autre point semblait corroborer ma relative santé mentale : même si mon esprit avait été totalement sans dessus-dessous, il n'aurait jamais été capable d'imaginer un être vêtu d'une chemise pareille. Même les pires malades avaient un minimum de goût dans leurs délires psychotiques.

Donc. Partons du principe que je ne suis pas folle - pas plus que d'habitude. Que ce manoir existe, que j'y suis effectivement rentrée par la porte du Paris-Brest en défiant les lois les plus élémentaires de la physique et la logique. Les scientifiques ne vont guère apprécier, mais qu'importe. Que ce jeune homme que j'ai malencontreusement confondu avec un canapé existe. Soyons fous, admettons que ledit canapé aussi possède une réalité tangible, au même titre que toutes les anomalies croisées jusqu'ici. Disons que les libellules parlent et se volatilisent à leur gré, que les couloirs se tordent pour vous égarer. Alors pourquoi, pourquoi cette étrange créature aux cheveux métalliques me regardait-elle avec des yeux de merlan frit ? Si ce garçon était là depuis un certain temps, comme sa question semblait le sous-entendre, il devait s'être habitué à croiser des choses étranges et inexplicables. Non, je n'avais rien d'étrange et inexplicable ! J'étais coiffée et habillée normalement, j'avais une apparence humanoïde. Mais il me regardait comme si j'avais été... Je ne sais pas, un poulpe qui aurait soudainement décidé d'adopter les mœurs anglaises et de se servir une tasse de thé en discutant avec un affreux accent du Yorkshire du temps qu'il faisait. Cloudy, isn't it ? Je ne ressemblais tout de même pas à la fille de Frankenstein, pourquoi levait-il sur moi des yeux si ébahis ?

- Oui, je suis entrée il y a quelques heures, lâchai-je finalement. Je me suis perdue dans les couloirs.

Tout cela manquait cruellement d'enjolivures romanesques. Non, ce n'était pas digne d'une affabulatrice. Il allait falloir que je m'entraîne à raconter des histoires, si je ne voulais pas perdre la main. Je ne savais pas pourquoi, mais j'hésitais un peu à mentir sur mon ancienneté dans le Pensionnat - sans doute parce que c'était facilement vérifiable, et peu crédible vu ma non-adaptation complète à ce nouvel univers. Mais un autre mensonge, plus prometteur, se profilait à l'horizon - un peu de panache, que diable ! J'esquissai un sourire indéfinissable.

- Allons pour les présentations en règle. Je m'appelle Armistice. Et toi ?

J'aurais peut-être dû réfléchir un peu, tout compte fait, plutôt que d'ouvrir la bouche et d'improviser. Encore une fois, ma langue avait pris sa décision sans demander son avis à mon cerveau. Et pour l'occasion, pour se venger peut-être de toutes les bêtises que je lui avait fait raconter au cours de ma vie, elle venait de m'octroyer un sacré patronyme pour toute la durée de ma vie dans ce manoir - l'éternité, si j'avais bien compris. Certes, c'était joli, c'était original. Bien mieux que mon vrai prénom. Ça changeait des Marie et des Jeanne. Mais les quatre syllabes qui avaient roulé sous ma langue étaient porteuses de souvenirs doux-amers ; je pensai instantanément à Peter, que je ne reverrais jamais. Mais allons-y, les dés en étaient jetés. Je ne pouvais plus me raviser. Le jeune homme n'aurait jamais été assez stupide pour ne pas relever un changement de prénom. D'autant plus qu'il avait l'air relativement réveillé, dorénavant. "Ah, non, désolée, je m'étais trompée de prénom, en vrai moi c'est Marie-Espérance." Et puis quoi encore. Mes paroles avaient choisi pour moi ; je ne pouvais plus que continuer et entremêler savamment mensonge et demi-vérités, comme je savais si bien le faire. Un travail d'orfèvre visant à rendre la réalité moins grise, plus improbable. Je m'amusais, je ne faisais de mal à personne. Je ne niais pas, je déformais, question d'éthique. C'était ludique, de déguiser la réalité. Parfois, une sorte de jubilation me venait du mensonge, du vrai gros bobard indécelable. Personne ne pouvait ici connaître la vérité que je venais de déformer, je n'avais pas de papiers d'identité. Quel bonheur qu'un mensonge ne pouvant pas être percé à jour et me débarrassant de ma vieille identité ! Je faisais peau neuve, véritablement. Je recomposais mon passé. J'avais mis le doigt dans l'engrenage, je n'avais plus d'autre choix que de continuer. En plus, c'était affreux, Marie-Espérance.

Je souris au garçon et lui tendis la main. Présentations en règle, présentations en règle... Sans hésiter, je poursuivis :

- Je me demandais, d'où viens-tu ? Et de quand, puisqu'ici la question se pose. Parce que désolée, mais on n'aurait jamais porté une couleur aussi affreuse là d'où je viens, ajoutai-je avec un mouvement de tête narquois vers sa chemise.

Donc ça, c'était fait. Je ne doutais pas, au vu de son habillement, qu'il vînt d'une autre époque que moi. Mais c'était surtout pur amour de la remarque sarcastique - il n'allait sans doute pas se priver non plus, je devais déparer au moins autant que lui dans un coin où on portait des vêtements pareils. Il était difficile de deviner d'où il pouvait venir. Traits européens, peau bronzée - peut-être un Espagnol ? Rha, je ne supportais pas les franquistes. Enfin, il y avait de grandes chances qu'il soit d'une époque postérieure à la mienne. Jamais dans les livres d'histoire aucune image n'avait ressemblé de près ou de loin à un hurluberlu comme celui-ci. Un être du futur ? Un extraterrestre ? Après tout, on échappait ici à la logique et à l'espace-temps habituel. Ou alors, il fallait me prévenir s'il était possible de croiser des épouvantails comme lui à Paris en 1940. Si jamais j'arrivais un jour à sortir, je récupérais le bonhomme et je le plantais au milieu des Tuileries pour effrayer les pigeons. Je ferais peut-être fortune ainsi, qui sait ?

- Et, comment t'es-tu retrouvé enfermé ici ?

Oui, parce que lui n'était sans doute pas assez crétin pour être monté dans un train par la porte la plus étrange à des kilomètres à la ronde. Quoique. Non, on allait lui laisser le bénéfice du doute. Il avait peut-être été enlevé par le maître de céans ou quelque chose comme ça, ou alors il avait toujours vécu ici, ou il ne s'en souvenait plus... Brrr. Peut-être que c'était pour ça, les cheveux gris, parce que cela faisait des siècles qu'il dormait dans ce salon et que ma présence avait réveillé un maléfice et qu'il allait vouloir me tuer et que... Non, sans doute que non. Il devait juste venir d'un coin très bizarre. Pas un fasciste, s'il vous plaît, pas un fasciste. Instant de réflexion. Pas un martien, s'il vous plaît, pas un martien. Je n'étais vraiment, mais vraiment pas d'humeur à expliquer ce qu'était l'Occupation. Ni la France. Ni l'Allemagne. Ni le concept de guerre. Ou de vie sur une autre planète. Donc, je priais pour que l'être devant moi ne soit ni fasciste, ni extraterrestre, ni médecin. Je n'aimais pas les médecins.
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MessageSujet: Re: Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ]   Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ] Icon_minitimeMer 6 Avr 2011 - 18:50

Maintenant que T.J s'était assis, il lui semblait que tout était un peu plus clair. Sans doute sa mère avait-elle raison, alors, quand elle lui disait que travailler allongé n'était pas la meilleure idée qu'on puisse avoir. Au moins ça avait le mérite d'être reposant, rien à dire. Le problème venait peut-être du fait que travail ou réflexion ne faisait pas bon ménage avec repos. Quand on dormait, par exemple, on ne réfléchissait pas : on rêvait, ou on ne faisait absolument rien du tout, suivant les personnes concernées. Le jeune homme, pour sa part, se souvenait parfois de ses rêves alors il ne pensait pas faire partie de cette catégorie étrange de personnes ayant des nuits entièrement noires. Bien que ce n'était pas la question. Il passa sa main dans ses cheveux et étira ses jambes devant lui, se considérant à présent comme assez réveillé pour tenir des raisonnements corrects et compréhensibles. Donc il avait les idées assez claires pour se rendre compte qu'il avait vraiment mis n'importe quoi sur lui en sortant de sa chambre, ou pour penser qu'il devait être aussi bien coiffé qu'un lendemain de soirée. A savoir, pas terrible. Heureusement que la honte n'était pas son soucis premier, n'est-ce pas! S'il avait été une sorte de mannequin très classe posant pour des magazines, par exemple, ça aurait totalement cassé son image. Peut-être aurait-il dû menacer la demoiselle pour qu'elle tienne sa langue? Heureusement pour tout le monde, il se trouvait fort bien au naturel comme n'importe comment, et se fichait complètement qu'on affiche des photos de lui au réveil un peu partout dans le Pensionnat. Ou presque. Il se serait tout de même demandé pourquoi quelqu'un voudrait faire ça, mais..., il y avait un peu de tout ici, alors pourquoi pas. Des sadiques voulant ridiculiser les autres, oui, pourquoi pas.

Il vit la demoiselle ouvrir et fermer les yeux, comme si elle cherchait à mieux voir quelque chose, ou au contraire à ne plus voir quelque chose, sans mot dire. Oui, bon, c'était comme elle voulait. Si elle n'était pas arrivée il y avait longtemps et qu'en plus elle avait envie de dormir, il acceptait qu'elle fasse ce genre de trucs. De toute façon, il allait bien falloir qu'elle accepte qu'elle était enfermée dans ce joli Pensionnat. A moins qu'elle ne le sache déjà? Peut-être l'avait-elle même déjà accepté. Sait-on jamais, hein, certains s'adaptaient très rapidement.

Ses yeux verts ne purent s'empêcher de se poser à nouveau sur la jeune fille quand elle lui répondit, faisant de son mieux pour ne pas avoir l'air de trop la détailler pour autant. Donc elle était entrée il y a quelques heures? Ah, oui, d'accord : rien de bien étonnant à ce qu'elle se soit perdue dans les couloirs, donc. Lui-même n'était pas sûr qu'il aurait réussi à s'y retrouver, juste après être entré. L'idéal pour elle aurait été d'arriver à une heure plus correcte, elle aurait bien croisé à un moment ou à un autre quelqu'un pouvant l'aider à s'y retrouver. Mais passé minuit, évidemment..., quoi qu'il y avait encore du monde debout parfois. Il en était certain pour en avoir fait parti, au moins une fois, depuis les quelques jours qui avaient suivi son enfermement.

- Allons pour les présentations en règle. Je m'appelle Armistice. Et toi ?

Armistice? En entendant son prénom il ne put s'empêcher de regarder ses vêtements, qui lui paraissaient si étrangers, comme d'une autre époque. Drôle de prénom. Ca avait tout sauf une consonance anglophone, aucun doute là-dessus ; il n'avait jamais entendu quelqu'un dire qu'il s'appelait comme ça, chez lui. Enfin, il savait déjà que l'on pouvait venir de divers endroits et époques ; ça n'aurait pas dû l'étonner de voir arriver une Armistice avec de drôles de vêtements. Il n'était pas tout à fait habitué, il fallait croire.

«T.J. Enfin, tout le monde m'appelle comme ça.»

Oui, et c'était aussi bien. Quoi que, pour faire bonne mesure, il aurait pu dire qu'il s'appelait Tyler-John. Ça clinquait un peu plus que ces deux lettres, toutes bêtes, qu'il utilisait depuis toujours. A se demander pourquoi ses parents ne l'avaient tout simplement appelé comme ça, puisqu'ils n'utilisaient que rarement la forme complète de son prénom. Et puis c'était mauvais signe, en général. Ils l'appelaient Tyler, à la limite, parfois, dans un moment de folie. Mais, bon, comme il l'avait dit, pour tout le monde c'était et ça resterait T.J. Il n'avait pas été scotcher des bouts de papiers sur la porte de sa chambre pour rien, hein. Ça faisait ridicule, Tyler-John. Il ne savait pas si les propriétaires de l'endroit seraient content de constater qu'il avait défiguré une de leurs jolies portes, mais tant pis. Ils n'avaient qu'à y penser avant de mettre son prénom en entier, tiens!

Il sourit en retour à la dénommée Armistice, et serra la main qu'elle lui tendait. Il imaginait que ce geste avait une sorte de signification universelle, donc il ne pensait pas risquer grand chose en faisant ça.

- Je me demandais, d'où viens-tu ? Et de quand, puisqu'ici la question se pose. Parce que désolée, mais on n'aurait jamais porté une couleur aussi affreuse là d'où je viens.

Quoi? Comment ça, une couleur aussi affreuse? Suivant le regard de la jeune fille, T.J baissa les yeux sur sa chemise, qu'il tira légèrement pour pouvoir mieux en apprécier ladite couleur. D'accord, c'était assez particulier, mais ça n'en restait pas moins très..., très..., particulier? Quand on aime se faire remarquer, de toute façon, on a un peu de tout et n'importe quoi dans son armoire ; Quand il s'était levé c'était celle-là sur le dessus, voilà tout. Il n'aurait pas été la mettre avec n'importe quoi en temps normal mais, encore une fois, il était tard et il ne pensait pas croiser qui que ce soit. L'australien lissa sa pauvre chemise si durement jugée du plat de la main, sans cesser de sourire. Il n'avait pas de remarque pertinente ou non à faire sur la couleur de ses vêtements à elle, mais leur allure ou leur coupe, il aurait pu faire des pages dessus, pour sûr! Digne d'un livre d'histoire. Pas étonnant qu'elle trouve sa chemise bizarre, dans ces conditions.

- Et, comment t'es-tu retrouvé enfermé ici ?

Il lâcha un petit 'Aha' en entendant ça, comme s'il s'apprêtait à dire la chose la plus intéressante du monde. Ou, en l'occurrence, comme si on lui demandait de parler de lui, ce qui était précisément ce qu'elle venait de faire. Et n'importe qui l'ayant côtoyé un minimum ne pouvait que connaître son amour immodéré pour le 'racontage de vie', comme son meilleur ami l'aurait si bien dit.

«En fait j'étais sur la plage, commença-t-il en passant sa main dans ses cheveux, tentant vainement de les remettre à peu près correctement en place, avec mon meilleur ami. Et puis j'ai voulu rentrer dans ma cabine pour aller chercher un truc, et j'ai atterri ici. Dingue, hein?»

Le jeune homme abandonna l'idée de se donner un air plus présentable, et sourit à son interlocutrice. De toute façon, il souriait tout le temps : quand il ne savait pas quoi faire, ça l'occupait. Ou ça occupait son visage, à défaut d'autre chose. C'était plus agréable que faire la tête, de son avis, et ça ne demandait pas beaucoup d'efforts.

«Et donc je viens d'Australie! Je sais pas si tu vois où c'est, mais c'est sur Terre, en tout cas. Avec l'Europe, les États-Unis et tout. Sinon pour le 'quand', bah, quand je suis parti on était en 2003. Donc je suis né en 1985, ce qui me fait dix-huit ans, répondit-il avec bonne humeur, comme si c'était là une merveilleuse constatation. Et cette couleur est aussi affreuse là d'où je viens, tu sais. Je me souviens plus où je l'ai achetée, d'ailleurs...»

Et tout le monde s'en fichait. Ce qui ne l'empêchait pas de se poser la question, évidemment.

«Et toi, tu viens d'où, quand? Parce que désolé, mais on aurait jamais porté des vêtements aussi bizarre, chez moi.»

'Et puis on ne s'appelle pas Armistice, chez moi', aurait tout aussi bien pu faire l'affaire. Mais tant qu'à faire une remarque sur quelque chose, autant lui renvoyer l'ascenseur concernant les habits. Ce n'était pas méchant, de toute façon, son ton n'aurait trompé personne. Il en aurait presque oublié l'heure, tiens ; il n'y a pas d'heure pour discuter vêtements, après tout.
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MessageSujet: Re: Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ]   Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ] Icon_minitimeVen 8 Avr 2011 - 23:13

Il haussa un sourcil en entendant mon prénom. Il devait ravaler une petite remarque ironique. Il était vrai que pour cette identité-ci, identité que j'étais sans doute partie pour garder assez longtemps, j'avais fait fort. Aucune réflexion, le premier prénom qui m'était passé par la tête - à supposer qu'Armistice soit considéré comme un prénom. Il ne devait guère être donné, en ce moment à Paris, avec la commémoration du onze novembre qu'on avait catégoriquement interdite plusieurs mois à l'avance. Dehors, si j'avais clamé une telle identité, on m'aurait immédiatement arrêtée. Ils auraient appelé mes parents, les considérant sans doute comme de dangereux judéo-communo-terroristes. Il fallait au moins ça pour appeler son enfant Armistice. Quoique les Victoire ne devaient pas avoir la cote non plus. A vérifier. Je notai qu'il faudrait que je me renseigne - avant de me rappeler que j'avais ici peu de chances de pouvoir me livrer à une étude statistiques des arrestations de personnes aux prénoms bizarres en 1940. Peut-être qu'une étude sur les prénoms bizarres en général aurait été très envisageable, en revanche. L'homme à la chemise verte aurait pu constituer un sujet très intéressant. Si tous les pensionnaires portaient des patronymes du même cru... Ce ne serait plus une étude ou un mémoire, mais un essai. Le Pensionnat avait la place de loger quoi, deux cent personnes ? Il devait y en avoir, des patronymes de toutes les époques, de tous les pays. Mais le sien était tout de même vraiment bizarre. Je fus soudain prise d'un affreux doute. Peut-être était-il comme moi ? Peut-être choisissait-il lui aussi de changer de nom ? Peut-être, peut-être... Non. Il avait un sourire trop candide, fort contagieux. Je souris à mon tour en sentant sa poignée de main franche et vigoureuse. Les menteurs ne plissent pas les yeux.

- Tee-Jay ? essayai-je. Cela ressemblait vaguement aux sonorités anglophones que le poste T.S.F crachotait parfois en l'absence de mes parents - dans la plus complète illégalité, évidemment. Je rassemblai mes quelques éléments de phonologie anglaise qui me faisaient un accent à mi-chemin entre le russe et le chilien, et retentai. T.J, plutôt.

Effectivement, c'était mieux. j'étais loin d'avoir le don des langues, mais je pouvais distinguer que ça ressemblait déjà nettement plus au son sorti de sa bouche. Parce qu'on avait beau dire, mais l'accent français appliqué aux prénoms anglophones, c'était quand même très moche. Et s'il était du genre à se vexer quand on écorchait leur prénom... Rappelons-le, j'avais décidé d'éviter de me le mettre à dos. Je guettai sa réaction, craignant un froncement de sourcils réprobateur devant mon accent lamentable, qu'on percevait même à travers ces deux consonnes. Mais non, il souriait comme un ravi. Content de parler de lui, sujet qu'il maîtrisait assez bien, semblait-il. Et il souriait, et il souriait ! Je me demandais comment il était possible d'être aussi heureux de se faire réveiller au beau milieu de la nuit. Si les moindres choses le faisaient sourire ainsi, il devait finir la journée avec de sacrées crampes aux zygomatiques. Mais ça lui allait bien.

Le mien, de sourire, s'éteignit tandis que je me concentrais sur ce qu'il débitait. Je percevais à présent à quel point il était désagréable de voir la personne en face de soi parler et parler en ayant l'impression douloureuse de ne pas posséder un élément capital pour comprendre. Je tentai néanmoins, mot par mot, de trouver le sens. Plage. Oui, je savais ce qu'était une plage enfin je voyais l'idée. Du sable ou des galets, beaucoup d'eau mouillée montant et redescendant à intervalles réguliers, des cris de mouettes. Une plage, donc. Mais il n'y avait pas de cabines, sur les plages. Il y avait eu des familles pique-niquant, il y avait de temps à autre des obus, il y aurait peut-être un jour des Alliés. J'espérais. Mais sur les plages, il n'y avait pas de cabines. Enfin, ça devait être une bizarrerie à mettre au même rang que la tenue vestimentaire, un détail.

Quoi ? Attendez, je n'ai pas suivi.Vous pouvez répéter ? Il avait dit quoi exactement, après la plage et la cabine ? Stupides oreilles. Toujours à se concentrer sur des futilités, sans retenir l'essentiel. Ah, voilà, l'information était parvenue à mon cerveau. Quoi ? La réaction de surprise qui m'arrondissait les yeux passait en boucle.
Australie. Oui, ça, je connaissais. La forme patatoïde au sud du globe terrestre trônant dans la bibliothèque. Il me semblait qu'il y avait surtout beaucoup de moutons. En tout cas, le garçon n'était pas martien, un souci de moins. Ça devait être un coin tranquille, relativement épargné par la guerre, d'où il venait. En fait, c'est là-bas que j'aurais dû aller me réfugier, pas en Bretagne. Ou alors, j'aurais dû essayer de gagner l'Angleterre. Mais pour ça, j'aurais tout de même pris le Paris-Brest. C'était sans doute mon destin que de finir enfermée ici. Si l'on croyait au destin, évidemment. Une autre surprise de taille arriva dans la foulée, stoppant net mon esprit qui allait partir en vadrouille - au diable vauvert. 2003 ? Non, il se moquait de moi. Mais il avait l'air relativement sérieux, autant qu'on peut l'être avec un sourire jusqu'aux oreilles. Honnête convenait mieux. Non, 2003, ce n'était pas possible. J'avais bien vu sur le panneau qu'il pouvait y avoir des gens de toutes les époques, mais mon esprit se refusait à assimiler l'information. Il ne pouvait pas venir du futur, il y avait une erreur, ma temporalité était la plus avancée dans le temps. Mais, n'y avait-il pas toujours plus futuriste que soi ?

- Paris, 1940., répondis-je, un peu sonnée.

Je n'avais même pas eu l'idée de lui mentir. J'étais tout simplement stupéfaite. On nous avait promis un Reich de mille ans, des voitures qui voleraient, des hommes-machines, des manipulations génétiques. Huxley avait créé une société idéale, bénéficiant de tous les progrès technologiques. Mais le petit jeune homme en face de moi n'avait pas l'air très différent des types que je croisais tous les jours. Pas plus intelligent, pas plus fort, sans bras supplémentaire ou troisième œil. Juste un adolescent normal. Alors, ce serait ça, l'an deux mille ? Je ne pouvais m'empêcher d'être un peu déçue. A moins que... A moins qu'il ne cache ses gadgets. Peut-être était-ce une technologie plus discrète, comme un détecteur de mensonges implanté dans le cerveau par exemple. On allait le faire biper, tiens. Il n'avait qu'à ne pas se moquer de mes vêtements.

- Le réseau auquel appartenait mon cousin avait été découvert par les Allemands, il m'a envoyé une lettre juste avant d'être pris pour me dire de quitter Paris en vitesse. J'ai pris un train et je suis arrivée... là. J'avais pris un ton neutre, apparemment marquée par ce souvenir. Je me repris, secouai les épaules, puis demandai : C'est comment, le Troisième Millénaire ? Les voitures qui volent, la manipulation génétique, tout ça... Et tu sais ce que ça a donné, en Europe ?

Pas que, mais l'avenir de mon pays, même imparfaitement décrit par un Australien, m'intéressait un minimum. L'avenir de l'humanité, aussi. Mais je me sentais comme incapable de tenir en place. Je me levai soudain, continuant de l'écouter, allai jusqu'à mon violoncelle. J'ouvris l'étui, récupérai la lettre de Thomas. Une discrète preuve de mon mensonge - un énorme coup de bluff ? Un genre de désir de perfection dans le mensonge, il fallait avoir l'air de dire la vérité. Mais bluff quand même, mettant à l'épreuve mes talents de comédienne. Bah, ce serait facile de lui faire prendre des vessies pour des lanternes. Il ne devait pas lire le français ; je décachetai l'enveloppe.
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MessageSujet: Re: Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ]   Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ] Icon_minitimeMer 13 Avr 2011 - 19:29

Armistice. Armistice..., il répétait le nom de la jeune fille dans son esprit, cherchant à provoquer un écho quelconque ; sans succès. Bon. A l'évidence, il n'avait réellement jamais entendu ce prénom dans sa courte vie, ce qui sans le choquer outre mesure le laissait tout de même un minimum perplexe. C'était un peu comme entendre quelqu'un vous dire qu'il s'appelait Mamadjouadé ou n'importe quoi à consonance typiquement africaine, par exemple. Du côté de Sydney, il y avait tout de même pas mal de mélange : et si la plupart de ses voisins avaient des noms anglophones, il en connaissait quelques uns qui avaient clairement des origines toutes autres. Mais pas d'Armistice dans le coin, non.
Enfin, présentement, ce n'était pas le détail sur lequel il aurait dû le plus se concentrer. Il aurait pu se dire, sait-on jamais, qu'être un peu subtile pour une fois ne lui ferait pas de mal. Ou bien même que, par exemple, cette jeune personne pouvait ne jamais avoir entendu parler de son monde. Pays. Époque. Bref, qu'elle pouvait se perdre en cours de route, alors qu'il débitait joyeusement ses réponses, soigneusement entourée de détails tout à fait inutiles et dérisoires. Ah, si : il avait tout au moins considéré l'idée qu'elle pouvait ne pas connaître l'Australie, ce qui était déjà une bonne chose en soi. Visiblement, il avait sous-estimé l'écart qui séparait leurs deux réalités. A l'expression qui se peint sur son visage alors qu'il parlait, pas bien difficile de deviner qu'elle était loin de trouver que tout cela coulait de source. Elle semblait étonnée, ou tout du moins perdue ; peut-être aurait-il dû expliquer étape par étape? Peut-être. Il était de toute façon trop tard pour se dire ce genre de choses, c'était avant de prendre la parole avec un enthousiasme non dissimulé qu'il aurait dû réfléchir. Mais T.J, c'était bien connu, n'était pas du genre à réfléchir avant d'agir. Il avait toujours parlé avant de plaquer une main sur sa bouche, avait toujours bu dans le verre avant de demander pourquoi ça avait un goût bizarre ; et ses nombreuses mésaventures ne l'avaient jamais fait changer de technique. Comme quoi il y avait des choses qui dépassaient l'entendement, parfois. Il ne perdit pas son sourire malgré tout, attendant sagement que son interlocutrice ne reprenne la parole pour répondre à sa question. Elle avait l'air sonnée, mais pas sur le point de s'évanouir : ça ne devait donc pas être si grave, de son point de vue. Pas le meilleur de tous, certes, mais ça restait son point de vue.

Un petit 'Woh' sortit de la bouche du jeune homme en entendant la réponse tant attendue. 1940? Paris? Paris, c'était la capitale de la France. Et seule ville qu'il connaissait de ce beau pays, par ailleurs. Bien obligé, puisque sa cadette n'arrêtait pas de le bassiner avec la capitale de la mode, là où visiblement il y avait des milliers de robes bien plus jolies que dans les rues de Sydney, et où les flacons de parfum de trois millilitres devaient coûter autant qu'une voiture, il en était persuadé. Toujours est-il que si la ville ne lui était pas inconnue, la date forçait le respect. 1940..., ça faisait d'elle une vieillarde de son époque, et de loin encore! Elle aurait eu, quoi, quatre-vingt ans dans les années 2000? Le fossé, qu'il ne faisait qu'imaginer il y avait seulement quelques minutes de cela, lui semblait à présent bien trop concret. Ils venaient de deux époques tout à fait différentes, et de deux pays eux aussi très différents. Ce qui ne le dérangeait pas outre mesure ; il n'avait rien contre les français, rien non plus contre ceux qui vivaient dans les années quarante. Pris d'un doute, il tenta de se rappeler à quelle époque cela correspondait pour l'Europe. Il n'avait pas tant étudié que ça l'histoire de pays tels que l'Espagne, la France ou l'Allemagne, mais il était sûr que son professeur les avait évoqué plusieurs fois durant sa scolarité. 1940, c'était...

- Le réseau auquel appartenait mon cousin avait été découvert par les Allemands, il m'a envoyé une lettre juste avant d'être pris pour me dire de quitter Paris en vitesse. J'ai pris un train et je suis arrivée... là. C'est comment, le Troisième Millénaire ? Les voitures qui volent, la manipulation génétique, tout ça... Et tu sais ce que ça a donné, en Europe ?

Ah, voilà! Mais bien sûr, la Seconde Guerre Mondiale. Il avait toujours eu du mal avec ses dates, mais il était à peu près sûr de celles-là. 1939-1945. Donc Armistice avait dû partir peu après que ladite guerre soit déclarée, finalement. Un an, ce n'était pas grand chose. Il n'aurait su dire quand ce beau pays avait été pris par les Nazis, mais il était certain que c'était arrivé, et assez rapidement encore. A sa manière d'en parler, il avait l'impression que c'était déjà le cas chez elle. Hmmm... Il réfléchit quelques courtes secondes à ses questions, cherchant que dire. Il ne savait même pas ce qu'il y avait ou non, il y avait soixante ans! Toujours est-il qu'il y avait des choses simples qu'il pouvait évoquer, ce serait déjà ça de fait. Et si ses paroles étaient quelque peu hasardeuses, elle ne pourrait pas lui en tenir rigueur.

«Ben..., c'est cool? répondit-il avec un sourire amusé. Les voitures volent pas, mais elles vont très vite par contre. On a des télés super grandes, en couleur..., ah! Y'a aussi des téléphones portables, des ordinateurs. En fait tout le monde en a un, quoi. La technologie, la médecine, tout ça, ça a drôlement évolué! Pour les manipulations par contre, je suis pas sûr. Je crois qu'ils peuvent cloner des animaux, oui..., si, oui, c'est ça.»

Le langage aussi, se dit-il en tentant de rassembler ce qu'il savait de l'Europe, regardant son interlocutrice ouvrir l'étui de son instrument. Il s'était passé quoi, en Europe, depuis soixante ans? Il n'en avait pas la moindre idée, pour être franc. Il savait que la guerre s'était terminée en 1945, et que les États-Unis avaient sauvés le monde, en quelque sorte. Depuis..., il y avait bien eu la Guerre Froide, et sans doute deux ou trois autres choses du même acabit qui auraient mérité d'être cité, et dont l'oubli lui aurait valu des points en mois dans un devoir. Mais il n'était pas à l'école, et on aurait beau lui taper sur les doigts, ça ne l'aiderait pas à se souvenir. Pas de cours sur lequel tricher, il ne pouvait compter que sur sa mémoire. Si ce brave M. Clayford avait su à quoi allait lui servir ses cours d'Histoire! Lui qui disait toujours qu'il aurait fallu la vivre pour la comprendre, il aurait été heureux comme un roi, ici.

«C'est un peu pareil en Europe, dit-il en la suivant du regard alors qu'elle se rasseyait. L'Allemagne a perdu la guerre en 45, après le..., débarquement Américain? eeeet y'a pas eu de grande guerre depuis. Enfin si, y'a eu des problèmes, mais pas aussi grave. Depuis je crois que l'Allemagne et la France s'entendent même plutôt bien, en fait. C'est la lettre de ton cousin, ça?»
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MessageSujet: Re: Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ]   Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ] Icon_minitimeDim 24 Avr 2011 - 21:20

[ Oui, j'ai appris vendredi que j'étais bonne pour une semaine de vacances au bout du monde sans internet. Mille excuses ]

Cool, le vingt et unième siècle ? Je peinais à décrypter l'affreux anglicisme. On nous avait promis une ère où le progrès technique garantirait le bonheur de l'humanité, on nous avait promis un Reich allemand de mille ans, on nous avait juré que le gouvernement deviendrait plus autoritaire que Staline. Par contre, on ne nous avait jamais parlé d'une température agréable. Je ne croyais pas non plus que ce puisse être la caractéristique la plus marquante pour T.J ; qui parlerait de son époque en degrés Celsius, hormis un météorologue ? Non, il n'avait vraiment pas une tête de spécialiste des cumulo-nimbus. Je ne savais pas exactement de quoi il avait une tête, mais pas d'œuf. Et le grand sourire, là. Comment pouvait-on être joyeux d'une température ambiante agréable ? Bon, c'était toujours mieux qu'un vent glacial ne dépassant qu'occasionnellement la température d'un réfrigérateur. Tout de même, on ne pouvait pas décemment être heureux à cause d'une température ! J'avais sans doute fait une erreur d'interprétation - grâce à mon fantastique niveau d'anglais. Mais il aurait été passablement ridicule de poser la question : "Euh cool ça équivaut à combien de degrés environ ?". Je serais passée pour une extra-terrestre, enfin encore plus qu'en lui donnant mon nom. Peut-être que T.J n'avait pas employé cool dans le sens premier. Peut-être que c'était un genre d'expression répandu à son époque. Je n'osais pas demander, et puis il était déjà passé à autre chose.

- Les voitures volent pas, mais elles vont très vite par contre. On a des télés super grandes, en couleur..., ah! Y'a aussi des téléphones portables, des ordinateurs. En fait tout le monde en a un, quoi. La technologie, la médecine, tout ça, ça a drôlement évolué! Pour les manipulations par contre, je suis pas sûr. Je crois qu'ils peuvent cloner des animaux, oui..., si, oui, c'est ça.»

Ah. Plusieurs informations m'étaient livrées pêle-mêle, dont il m'appartenait de décrypter le sens plus ou moins pertinent. Télés ? Téléviseurs, sans doute. Il y en avait déjà à mon époque, chers et en noir et blanc, qui avaient permis de transmettre le discours du Maréchal. Beau souvenir, vraiment. Mais le monde de T.J semblait bien loin du mien. Des progrès techniques avaient eu lieu, d'après lui. Cela ne me disait rien sur la façon dont ils étaient utilisés, ni sur la suite qu'avait connu l'Histoire après mon... départ. Mais il poursuivait sa tirade, me faisant momentanément oublier la lettre que j'avais entre les mains. Quoi ? De tels changements ? J'ouvris légèrement la bouche sous l'effet de ma stupéfaction grandissante. Les Américains sauveurs du monde, l'Allemagne vaincue puis enfin une entente correcte entre les ennemis héréditaires ? Et plus de guerres, de génocides ? Peut-être qu'ils avaient su réparer les erreurs de mon époque - je ne m'estimais pas responsable. Qu'ils avaient instauré une diplomatie convenable, réglé tous les conflits. Qu'ils avaient en un mot établi un monde idéal.

Stupéfaction. J'étais heurtée violemment par cette idée, dans toute mon âme. Cela me paraissait à peine croyable que la Terre ait pu continuer de tourner. Du moins pouvais-je accepter l'idée que le monde ne disparaîtrait pas avec ma mort. Je n'étais que modérément croyante, je savais bien que mon esprit s'éteindrait un jour comme la flamme d'une bougie et n'aurait rien laissé qu'un souvenir éphémère. Changer le monde, lui être essentielle ? Je n'y pensais pas. Mais il était tout de même bien étrange de s'entendre relater la façon dont le monde avait continué. Sans moi. Dire qu'avec un peu de chance j'aurais pu voir les Allemands s'en aller, assister au Progrès, voir naître déjà vieillarde le troisième millénaire ! Et j'entendais ce garçon à peine plus vieux que moi raconter au passé des réalisations futures. J'étais salement secouée, je tentais désespérément de me raccrocher à quelque chose, n'importe quoi dans cet effondrement de mes repères. Vertige temporel.

Résumons. Il était trois heures du matin dans une bâtisse hors du temps et du monde. Je m'entretenais avec un garçon qui était né soixante-trois ans après moi. J'apprenais en des termes flous mais sans équivoque la résolution d'un conflit mondial que je fuyais quelques heures auparavant. Normal, tout était normal, tentais-je de me persuader. Cela refusait de fonctionner, je me sentais blêmir. Pour cacher mon trouble, je lâchai quelques paroles sans importance, espérant ne pas m'être trompée sur l'interprétation à donner à celles de T.J.

- Ah, c'est... Incroyable ? Délirant ? A couper le souffle ? J'hésitais sur la formule qui traduirait au mieux mon état d'esprit - complètement sonnée par ses révélations. ... Tu as raison, c'est cool, hasardai-je finalement, ne sachant que dire d'autre.

Mais il avait déjà changé de sujet, s'intéressant désormais au bout de papier dont je marquai nerveusement les plis. J'admirais sa capacité à sauter du coq à l'âne - non, du moustique à l'ornithorynque. Il changeait de sujet sans s'embarrasser de fil conducteur à la conversation, répondait à l'une de mes explications avec plusieurs répliques de retard. Je parcourus rapidement la lettre lorsqu'il me posa la question - dûment motivée par mon comportement étrange, il est vrai.

- C'est la lettre de ton cousin, ça ? »

J'allais pouvoir jouer un splendide coup de bluff, faire accroire un joli mensonge. Une sorte d'ivresse m'envahissait à cet acte de falsification du réel. Je n'avais aucun problème de conscience ; après tout, aucun des menus travestissements de la réalité dont j'avais émaillé la conversation ne faisait de tort à mon interlocuteur. Je m'amusais juste un peu, songeai-je en lisant pour la première fois la prose de Thomas.

Non. Pas possible.
Je blêmis de plus belle. Ma mère aux nerfs fragiles se serait sans doute évanouie. Moi, je relisais sans cesse les quelques mots de mon cousin. Ce n'était pas vrai, ça ne pouvait pas être vrai. Je sentais sur moi le regard inquisiteur du garçon du XXIe ; je levai la tête, croisai son regard et balbutiai.

- Ou... Oui. C'est ça.

Comme un automate, je lui tendis la lettre, qu'il semblait vouloir lire. A quoi bon, il ne comprendrait rien, c'était du français. J'étais complètement sonnée. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait, j'étais perdue. Ce n'était pas possible. J'avais sciemment menti, les faits ne pouvaient pas concorder. Mais la preuve était là, entre mes doigts. Pour une fois, j'avais dit la vérité. C'était incroyable, illogique, impossible.
A moins que...

- Mais au fait, cette histoire de pouvoirs ? Jusqu'où ça peut aller, c'est quoi le tien, lesquels tu as déjà rencontrés ici ? Non parce que les explications à l'entrée étaient assez floues quoi.
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MessageSujet: Re: Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ]   Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ] Icon_minitimeVen 29 Avr 2011 - 18:07

Oui, c'était cool. Satisfait de voir que la jeune fille avait l'air de l'avoir compris-du moins un minimum-et qu'elle était d'accord sur le fait que c'était 'absolument trop génial', il acquiesça vivement. Expliquer à quelqu'un qui avait vécu plus de cinquante ans avant qu'il ne vienne au monde comment le monde avait évolué, ce n'était pas simple. Lui qui avait du mal à concevoir la vie sans films tous les soirs, sans voitures performantes et sans Ipod, cette fille lui semblait venir tout droit de la préhistoire. Il n'était plus sûr de quand avait été inventé quoi, n'était pas même sûr de l'avoir su un jour, et ça rendait le tout beaucoup plus compliqué. Il n'avait jamais été bon à l'école, de toute façon. Les ordinateurs non plus, il ne voyait pas comment vivre sans. Et encore! Lui, il n'était pas sans cesse accroché à la technologie, il devait y avoir bien pire que lui. Il aimait sortir et respirer l'air marin, pas rester se bousiller la vue devant un écran quelconque. Mais il n'empêchait que... Ça avait quelque chose d'assez perturbant, tout de même. Un peu comme s'il parlait à un tableau. Une peinture d'une jeune fille des années 40, peinte dans sa jeunesse et prisonnière de cette apparence, sans vieillir d'un pouce malgré les années. Cet endroit était absolument hallucinant, vraiment. Il avait beau le détester, dans un sens, pour l'avoir enfermé contre sa volonté, il lui faisait tout de même forte impression. Pour un peu, s'il n'avait pas conservé un minimum de politesse et de bon sens, il aurait bien tiré sur la joue d'Armistice, pour voir si elle était bien en chair et en os. Impressionnant, oui. S'il revenait un jour chez lui et qu'il se souvenait de tout ça, il serait bon pour l'asile! D'un coup, il voyait différemment ces personnes qui prétendaient avoir vécu des choses, ou avoir des souvenirs de vie antérieures. Ça faisait peur, de savoir que c'était lui qui serait à leur place, s'il avait raconté qu'il s'était retrouvé enfermé dans un Pensionnat avec des personnes de mondes, nationalités et époques différentes, mais qu'ils parvenaient à communiquer tout de même. Cinglé, oui. Hop, une piqure et on en parle plus.

Au moins ici, on ne pouvait que le croire. Il aurait bien fait part de cette brillante déduction à son interlocutrice, s'il n'avait pas dû hausser les sourcils, inquiet. Elle semblait avoir blêmit et, de fait, il se demanda si elle n'allait pas brusquement s'évanouir, ou faire une attaque, ou quoi que ce soit de cet acabit. Il était évident qu'elle était sonnée. Ou, tout du moins, qu'elle n'allait pas bien. Elle tenait toujours la lettre entre ses mains-la lettre de son cousin, donc-et ne semblait pas aller bien, en effet. Peut-être avait-il dit quelque chose qu'il ne fallait pas? Il ne lui semblait pas. Ah, peut-être avait-il été trop brutal? Pour sa part, il aurait été fasciné d'entendre parler d'un monde postérieur au sien, mais ce n'était peut-être pas le cas de tout le monde. Ou alors cette lettre lui rappelait de mauvais souvenirs. Ça, par contre, ça ne l'aurait pas vraiment étonné. Il aurait été bien en peine de dire ce qui n'allait pas, ne pouvant malheureusement pas lire dans ses pensées, alors il se contenta de lui jeter un regard interrogateur alors qu'elle relevait les yeux vers lui.

- Ou... Oui. C'est ça.

Hm. T.J saisit la lettre qu'on lui tendait, ne pouvant s'empêcher d'espérer qu'elle n'allait pas s'évanouir d'un seul coup, sans prévenir. Ses yeux verts parcoururent les lignes noires, et un sourire amusé se peint sur son visage alors qu'il regardait les traits tracés au-dessus des 'e', typiquement français. Dont il n'avait jamais vraiment compris l'utilité, d'ailleurs, mais qu'importe. Bon. Ça ne l'avançait pas à grand chose, étant donné qu'il parlait français aussi bien que le chien de son meilleur ami, mais au moins il l'aurait regardée, cette lettre. Il reconnut un ou deux mots dont il pensait deviner le sens, mais abandonna bien vite sa tentative de décodage. Autant parler morse à un sourd ; il n'y comprenait strictement rien. Ça aurait aussi bien pu être une suite de mots sans le moindre sens, pour ce qu'il en savait. Même si, dans les faits, il savait que c'était la lettre du cousin d'Armistice, ça n'en restait pas moins du chinois pour lui. Ou du français, en l'occurrence.

- Mais au fait, cette histoire de pouvoirs ? Jusqu'où ça peut aller, c'est quoi le tien, lesquels tu as déjà rencontrés ici ? Non parce que les explications à l'entrée étaient assez floues quoi.

Le jeune homme releva ses yeux clairs vers la jeune fille, délaissant la missive pour pousser un long soupir. Non pas qu'il n'aimait pas son pouvoir, loin de là..., c'était fou ce qu'il l'aimait, au contraire! Il allait écrire une chanson en honneur à son pouvoir. Ce serait une suite de blancs traduisant à quel point il l'appréciait, puisqu'il ne pouvait plus prononcer la moindre insulte à voix haute. A moins de l'épeler, bien sûr. Mais épeler une insulte, ça lui enlevait toute spontanéité! Or, évidemment, il ne se disait pas qu'il allait jurer avant de le faire, ça sortait tout seul. Enfin, aucun son ne sortait plus de sa bouche, maintenant, mais l'idée était là.

Il tendit de nouveau sa lettre à Armistice, et lui sourit.

«Ah, bah..., je crois que ça peut aller de tout à n'importe quoi, répondit-il en secouant sa tête de gauche à droite. Regarde, moi, par exemple, je peux pas dire certaines choses. Les insultes, ça c'est sûr, et si je suis pas sincère, en fait, ça marche pas non plus. Regardes bien, parce que tu vas pas entendre grand chose. Ça donne ça : -----, je suis -------. Ou, il est ------ heures du matin, parce qu'en fait il est trois heures, pas quatre. Et je fais pas semblant, hein, je peux vraiment pas le dire!»

Oui, parce que ce n'était pas évident, sur le coup. Il n'avait pas envie que quiconque pense qu'il le faisait exprès, c'était trop frustrant. Et, vraiment, se faire prendre pour un cinglé s'amusant à ne pas dire un mot sur deux n'était pas très amusant. Même si toute situation devait être amusante pour quelqu'un, il en était persuadé, celle-ci ne le faisait pas plus rire que ça. Sûrement parce que quand il voulait nier quelque chose qu'il savait vrai, il était aisé pour tout le monde de savoir qu'il mentait. Peut-être que s'il avait menti sur son pouvoir, tiens... Ça aurait pu lui être utile, un jour. Le jour où il aurait appris à ne pas dire tout ce qui lui passait par la tête, oui. Ou le jour où il saurait réfléchir avant d'élever la voix.

«Mais je sais que certains en ont des utiles, reprit-il sur un ton un peu plus sérieux. Certains doivent pouvoir lire dans les pensées..., te forcer à dire des choses, ou se rendre invisibles, ou devenir super forts. Ça peut être encore plus inutile que moi, par contre! Moi j'ai vite trouvé, parce que c'est facile de remarquer que j'arrive pas à dire tout ce que je veux. Mais je suis sûr que certains ont pas encore trouvé, alors ça se trouve t'as le temps, quoi.»

Le jeune homme laissa s'écouler une seconde, comme s'il cherchait ses mots, puis sourit de plus bel.

«Et puis c'est tout, je crois.»
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MessageSujet: Re: Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ]   Il y a toujours des histoires à dormir debout [ T.J Henskens ] Icon_minitime

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