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 Demain c'est jeudi. { Soren Mülher }

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Cyril Charrier
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• Age : 28
• Pouvoir : Acharnement thérapeutique.
• AEA : Petit Prince, un fourmilier géant de 2m30 de long.
• Petit(e) ami(e) : La dernière a crâmé.

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MessageSujet: Demain c'est jeudi. { Soren Mülher }   Demain c'est jeudi. { Soren Mülher } Icon_minitimeJeu 11 Avr 2013 - 10:05

« Allez, allez, maaarche... »

Ça allait faire deux minutes qu'à demi-chaussé, un sac en plastique coincé dans sa main droite, front appuyé contre le battant de la porte, Cyril appuyait désespérément son portable contre son oreille. Pas de tonalité, rien ; il essaya une fois encore. Il n'y avait plus que ça à faire, de toute façon. Ses yeux étaient rouges d'avoir presque pleuré, ses mains engourdies d'avoir trop essayé : tout dans sa posture et ses murmures étouffés criaient l'abandon. Cette porte ne s'ouvrirait pas. Pas comme ça, pas sans aide. A trop tirer sur la clenche, tenter de glisser ses doigts dans l'interstice et appuyer comme un abruti, il avait réussi à rouvrir sa blessure à l'annulaire : le sang avait coulé un moment puis, tout comme la douleur, il s'était dissipé au profit d'un endormissement agréable. Son débardeur était toujours tâché, ses bras lui faisaient mal et il avait failli trébucher sur ses talons à plusieurs reprises mais non, non non – non, rien à faire, il ne pouvait pas laisser tomber.
Ça allait même plus loin, en fait. Depuis qu'il avait passé la porte de l'immeuble et était entré dans ce bâtiment, il avait refusé de se retourner vers autre chose que la porte. Il ne désirait pas savoir où il était, refusait de comprendre ou de trouver la plus petite des explications pour rationaliser la situation. Il se fichait de savoir dans quel endroit il était arrivé et comment il avait fait pour y atterrir, se moquait complètement du nom de cette baraque ou de la dose de drogue qu'il avait dû ingérer pour être paumé à ce point-là. Tout ce qu'il savait était que Justin allait venir le chercher, qu'il allait rentrer chez eux et que cet épisode de sa vie n'aurait bientôt plus aucune importance. Justin allait venir le chercher dès qu'il se rendrait compte de son absence et tout irait bien, tout irait pour le mieux. Son portable ne captait rien du tout, et alors ? Croire que ça changerait quoi que ce soit était bien mal connaître son ami. Il aurait défoncé la porte de la maison blanche avec ses jolies épaules pour venir le chercher, s'il l'avait fallu.
Ce n'était pas que de la confiance aveugle : c'était la vérité. C'était la vérité et rien que la vérité. Justin ne l'abandonnerait pas comme ça. Il se débrouillerait pour défoncer cette porte. Il y arriverait, hein ?
Sentant les larmes pointer de nouveau, le jeune homme lâcha le sac et écouta la brique de lait s'écraser au sol dans un bruit mat ; tira de nouveau sur la poignée, sourcils froncés par la concentration. Il rangea son portable dans sa poche, se baissa pour tenter d'appréhender le mécanisme, essaya de voir ce qui pouvait bien bloquer un truc si imposant. Mais ses mains lui faisaient mal, il était fatigué, avait faim et voulait rentrer chez lui.
Un rire amer s'échappa d'entre ses dents serrées. Il avait fallu qu'il se sente pris au piège pour enfin se rendre compte qu'il avait un chez lui, hein ?
Son poing s'abattit bêtement sur la porte. Ses doigts étaient toujours rouges mais il ne ressentait aucune douleur ; c'était tout juste s'il sentait sa main tout court, en fait. Considérant que ça devait être un effet bizarre de l'adrénaline, il n'y prêta pas attention.
Quand un bruit de pas résonna dans ses oreilles, en revanche, il ne se fit pas prier pour faire volte-face. Ignorant au mieux le décor, rejetant la réalité de cet endroit avec une belle volonté, il fit un signe de main angoissé au nouvel arrivant. Sans quitter la poignée pour autant, juste au cas où.

« H-Hey ! La porte est coincée, faut que tu m'aides à l'ouvrir. A deux ça marchera peut-être, je sais pas, faut essayer, parce que j'ai vraiment besoin de sortir là, genre ouais, vraiment. »

Au cas où l'autre n'ait pas compris, il ajouta un second « vraiment » aussi angoissé que le premier.

« Sinon Justin va croire que j'ai sauté, marmonna-t-il pour lui-même. Et il aura pas de lait. »

La simplicité de son affirmation réveilla un sentiment d'urgence au creux de son estomac. Il lança un regard implorant à l'inconnu. A deux, oui, ça pouvait marcher.
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• Pouvoir : Son reflet a une volonté propre; maintenant, il arrive même à lui piquer sa place pour un temps limité.
• AEA : Un marcassin qui a tendance à se définir comme un preux chevalier et qu'il évite le plus possible.
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MessageSujet: Re: Demain c'est jeudi. { Soren Mülher }   Demain c'est jeudi. { Soren Mülher } Icon_minitimeDim 14 Avr 2013 - 16:11

...

Pas sous le lit.
Sous les lits, se corrigea Soren en remettant correctement les draps qu'il avait bousculé pour pouvoir lorgner sous les meubles en question. A part de la poussière et quelques objets non identifiés auxquels il n'avait pas osé toucher, il n'avait malheureusement rien trouvé. Son regard bleu se remit à errer dans la chambre, glissant sur les murs et accrochant jusqu'au plus petit détail de cet espace pourtant clos et loin d'être immense. Mais rien, il n'y avait rien.
Soren poussa un soupir puis se frotta les yeux: il avait mal à force de lire le soir dans une semi-obscurité pour ne pas réveiller ses colocataires. Oui, merci, il savait qu'il avait dû bousiller la bonne moitié de sa vision depuis son entrée au pensionnat, et il aurait volontiers enfilé ses lunettes si elles n'avaient pas mystérieusement disparues. Comme ses affaires le matin précédent, et son AEA depuis plus d'une semaine. C'était d'ailleurs pour ce dernier que Soren s'inquiétait présentement, puisque des vêtements, on pouvait en emprunter aux autres et que les lunettes, ça restait en option chez lui jusqu'à ce qu'il ne voit plus rien ou se retrouve cloué au lit par des migraines intempestives. Le Berlinois savait trier ses priorités – en l'occurrence, et en dépit de l'antipathie qu'il ressentait ponctuellement à l'égard du marcassin, il avait peur que Mut se soit fait dévorer ou enfermer par mégarde quelque part.
Il se redressa et lança à la porte un regard découragé. C'était bien beau de vouloir retrouver son ami imaginaire, mais s'il devait faire tout le manoir à sa recherche, il n'allait pas en rire, surtout s'il devait considérer visiter des pièces telles que la cave ou le grenier... Son cœur manifesta son mécontentement en ratant un battement et Soren secoua la tête, désolé. Ce n'étaient jamais rien que des pièces vides mais sombres et des meubles fracassés qui côtoyaient des poupées désarticulées. Pas de quoi avoir peur, surtout en plein jour. Avec la promesse de s'y aventurer s'il le devait (Soren, comme tu es courageux, tu en tremble rien qu'à l'idée), il poussa la porte de sa chambre dans l'optique d'aller vérifier que cet imbécile n'avait pas décidé d'hiberner dans un des placards de la cuisine.

Soren passait rarement dans le hall et ne s'y attardait jamais. Trop prompte à faire remonter en lui quelque tristesse qu'il s'était appliqué à faire disparaître depuis son arrivée, cette grande porte fermée lui faisait monter les larmes aux yeux. Surtout, la promesse de ce qui se trouvait derrière et qu'on lui refusait depuis tant de temps lui donnait envie de se frapper la tête contre le mur jusqu'à ce que la raison s'en échappe pour de bon. C'était pour cette raison que, débouchant sur le palier qui y menait, il se promit de détourner le regard et de très vite emprunter le couloir qui fuyait vers les cuisines. Sauf que, manque de chance...
Une silhouette devant la porte fit cesser sa marche comme s'il avait rencontré un mur invisible.

Soren songea un bref quart de seconde à tourner les talons et revenir sur ses pas; attendre que le nouveau venu qui frappait contre la porte ne se décide à errer à la recherche d'informations pour explorer les pièces à la recherche de son AEA. Sous le voile de la culpabilité se cachait une autre raison au fait qu'il évitait ce lieu: il ne voulait pas tomber sur un nouveau venu et avoir à lui affirmer que rien de tout ceci n'était une plaisanterie. Il ne voulait pas les voir pleurer, ceux-là à qui il avait ressemblé il y avait des années de ça, ni les entendre nier ou crier. C'était trop dur. Mais voilà, Soren était...
Trop sensible pour laisser ce garçon se débrouiller tout seul. S'il pouvait l'aider, il devait le faire. Il voulait le faire. Il hésitait pourtant en alignant les pas sur les marches qui descendaient; et sursauta quand l'inconnu se tourna vers lui.
Mince.

« H-Hey ! La porte est coincée, faut que tu m'aides à l'ouvrir. A deux ça marchera peut-être, je sais pas, faut essayer, parce que j'ai vraiment besoin de sortir là, genre ouais, vraiment. »

Soren se mordit violemment l'intérieur des joues, au risque de les faire saigner. Le plus tranquillement qu'il le put, il termina sa descente et s'approcha du jeune homme qui marmonnait quelque chose à propos de lait et qu'il ne comprit pas. Ce qu'il allait lui dire risquait de ne pas lui plaire... Il maudit son armoire d'avoir joué les kleptomanes et volé ses affaires. Il avait l'air de venir de la même époque que cet inconnu, vêtu comme il l'était, et c'était à ses yeux un ou plusieurs points de crédibilité en moins.
S'il ne le prenait pas pour un fou échappé d'un asile, il aurait de la chance. Le jeune homme aux cheveux blonds prit une petite inspiration et répondit, l'air sincèrement navré, supportant très mal le regard implorant de l'autre mais se refusant à détourner le sien:

« Même à deux on ne réussira pas à l'ouvrir. Elle est... fermée. Et, hmm... Pour toujours. »

A ce stade, il aurait tout aussi bien pu lui dire 'bonjour, j'ai oublié de prendre mes médicaments ce matin'.
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Cyril Charrier
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MessageSujet: Re: Demain c'est jeudi. { Soren Mülher }   Demain c'est jeudi. { Soren Mülher } Icon_minitimeJeu 18 Avr 2013 - 12:24

Ce n'était pas grand chose, non ? L'aider à ouvrir une porte, lui donner un coup de main... Ça ne lui coûterait rien, il n'avait aucune raison de passer son chemin. C'est ce dont Cyril essaya de se convaincre, fébrile, tandis qu'il attendait une réponse favorable de la part du jeune homme. Ce n'était pas grand chose. Ce n'était pas compliqué, ni même bizarre. Si quelqu'un l'avait arrêté dans la rue pour lui dire « j'arrive pas à ouvrir ma porte, tu peux m'aider ? », bien sûr qu'il l'aurait fait. C'était trois fois rien, l'histoire de deux minutes gros maximum. Et puis ce garçon avait l'air gentil, ou pas méchant – pas effrayant en tout cas, quelle que soit sa définition du terme. Pas effrayant, non. Il était blond, pas spécialement grand, plus jeune que lui sans doute, et son visage était empreint d'une sympathie qui avait de quoi mettre en confiance. Quand quelqu'un le regardait avec méchanceté ou mépris, il le voyait tout de suite. Les hypocrites étaient très bien comme ils étaient, et il se fichait bien de savoir s'il jouait la comédie ou non : tant qu'il acceptait de l'aider, son honnêteté n'était pas un facteur franchement important. Ce n'était pas comme s'il risquait de le recroiser ensuite, n'est-ce pas ?
Bien sûr que non.
Perdu et surtout incapable de se poser des questions logiques – qu'est-ce qu'il fait là, où je suis, c'est quoi cet endroit – Cyril se contenta d'espérer que deux personnes suffiraient pour débloquer cette foutue porte. C'était bien ça le problème, avec ces vieux machins préhistoriques : très jolis, les lourds panneaux en bois, mais au moindre problème ça se bloquait, rouillait ou se déboîtait et tout le monde était bien ennuyé. S'il avait été coincé de l'autre côté, encore, pourquoi pas... Mais enfermé dehors ? Non, ça craignait sévèrement.
Dans un soucis de logique, son esprit décida d'ignorer le plafond qui trônait au-dessus de sa tête. S'il réussissait à débloquer cette porte, il rentrerait dans le Hall de l'immeuble. Ça ne faisait aucun doute. Aucun.

Mais le garçon avait l'air gêné et ça, c'était sacrément mauvais signe.

« Même à deux on ne réussira pas à l'ouvrir. Elle est... fermée. Et, hmm... Pour toujours. »


Attends.

Quoi ?

Cyril resta regarder le petit blond, une main sur la poignée, l'autre le long de son corps. Il le regarda une seconde, deux, trois, dix ; cligna des yeux, hébété, puis fronça les sourcils. Ses lèvres s'entrouvrirent sur une protestation silencieuse qui se mua en soupir agacé et, perplexe, il se rendit compte qu'il ne savait ni quoi répondre à cette affirmation, ni quoi en penser. Ce type n'avait pas l'air d'être complètement dingue. Ça ne voulait rien dire, d'accord, mais il n'en avait pas l'air – et cette porte ne s'ouvrait pas, après tout, sans raison, alors qu'il n'avait eu aucun mal à rentrer. Son portable ne captait pas, il n'était pas au bon endroit, et...
Et le lait avait besoin d'être mis au frigo rapidement.

A demi tourné vers l'inconnu, épaule contre la porte, il tenta une énième fois et sans le quitter des yeux de la faire bouger. Pour toujours, pour toujours – n'importe quoi, c'était complètement débile. Pour toujours rien du tout, ouais !
Conscient tout de même que quelque chose clochait, il passa sa main libre dans ses cheveux roux.

« Si tu veux pas m'aider tu peux aussi le dire carrément, répondit-il d'une voix rapide et nerveuse où perçait une angoisse grandissante. Une porte ça se ferme pas pour toujours, on la débloque ou on la défonce ou on appelle les pompiers, et je suis vraiment pressé alors... »

Il avait besoin de sortir, tout son corps le lui criait : cet endroit le rendait claustrophobe, malade et inquiet. Si la porte ne s'ouvrait pas et que personne ne voulait l'aider, d'accord. D'accord. Il n'avait qu'à trouver une autre sortie.

« Fais chier. T'es sûr qu'elle s'ouvrira pas ? »

Il avait l'air moins inquiet, d'un coup. D'un geste pressé, il se baissa pour récupérer son sac plastique. Puisque c'était pour cette satané brique de lait qu'il était sorti à l'improviste, il n'allait quand même pas la laisser là.
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MessageSujet: Re: Demain c'est jeudi. { Soren Mülher }   Demain c'est jeudi. { Soren Mülher } Icon_minitimeVen 19 Avr 2013 - 20:24

...

Que Soren n'aurait-il pas donné pour s'avancer, rassurer le jeune homme d'un sourire, pousser sur la porte et le libérer de son angoisse ? Pouvoir passer le pas de la porte en sens inverse, retrouver ses proches et rire de cette mésaventure, voilà qui aurait constitué une belle fin à cette pièce de théâtre grotesque dans laquelle ils évoluaient contre leur gré. Un joli point final, une fin heureuse pour tous les prisonniers. Malheureusement, au pensionnat, il n'y avait rien de tout ça et la porte ne s'ouvrait que dans un sens, apportant quelques fois les senteurs d'un monde dont ils n'étaient plus autorisé, pour quelques raison injustes, à fouler le sol. Son interlocuteur n'allait pas le croire, c'était évident. Déjà il fronçait les sourcils, perplexe, et poussait à nouveau sur la porte qui résistait vaillamment à tous les assauts. Soren aurait aimé pouvoir sortir de sa poche un mot magique qui aurait tout résolu et l'aurait apaisé.
Mais à part le panneau et ses propres explications, qui auraient sûrement été plus embrouillées qu'autre chose... Il n'y en avait pas, de mot magique. Il était le premier à s'en désoler.

« Si tu veux pas m'aider tu peux aussi le dire carrément. Une porte ça se ferme pas pour toujours, on la débloque ou on la défonce ou on appelle les pompiers, et je suis vraiment pressé alors... »

C'est pas ça, pensa Soren avec une culpabilité qui n'était même pas justifiée. Est-ce que c'était sa faute, s'il ne pouvait pas sortir ? Que la porte était bloquée pour toujours ? Qu'il aurait beau essayer et essayer, ses appels se perdraient dans le vide ? Non, bien sûr que non. Pourtant, il se sentait aussi mal que si c'était lui qui l'avait attiré dans ce piège. Pressé, hein... Le pensionnat s'en fichait, qu'on soit pressé ou qu'on ait tout notre temps, que nos proches se meurent derrière la porte. Ici, ils avaient toute l'éternité à disposition pour regretter et pleurer.
C'était... Une prison de laquelle on ne pouvait pas s'évader. Aussi bête que ça en avait l'air.

« Fais chier. T'es sûr qu'elle s'ouvrira pas ? »

Le rouquin se baissa pour ramasser son sac, petites secondes que le jeune homme aux yeux bleus mit à profit pour trouver une formulation qui ne l'enfonce pas plus qu'il ne l'avait déjà fait. C'était dur, mine de rien, de faire entendre raison à quelqu'un qui venait de débarquer d'un monde où les pensionnats ne faisaient pas disparaître les gens qui y entraient par magie. Ça paraissait même impossible à croire au début, puis on se faisait une raison. Restait à lui faire comprendre que rien de tout ça n'était une plaisanterie avant qu'il ne monte l'escalier à la recherche d'une autre issue. Tempêter ne servait à rien; alors oui, Soren était certain que la porte ne s'ouvrirait plus sur le jeune homme aux yeux foncés. Il avait assez essayé lui même pour savoir que c'était peine perdue.
Maintenant, il fallait qu'il l'accepte. Et c'était loin d'être facile, quand on vous rabâchait que toutes ce choses qui naissaient dans la tête des enfants n'étaient que pure fiction.
Les enfants comprenaient toujours plus vite que les adultes parce que leur imagination n'était pas encore bridée.

Malheureusement, le nouveau venu semblait bien loin de l'enfance.

« Sûr et certain. Ça fait plus de deux ans que je suis bloqué ici et elle ne s'est jamais ouverte... Autrement que pour laisser les gens entrer, je veux dire. »

Très clair, ça va beaucoup l'aider. Plutôt finir de l'inquiéter. Soren promena un regard anxieux sur ce qui l'entourait, et accrocha le panneau de liège censé informer les nouveaux sur leur situation. Il le désigna d'un vague geste du menton à son interlocuteur.

« C'est dur à expliquer, mais tout est écrit là, si tu veux bien lire. »

Le fameux panneau de toutes les interrogations, celui qu'on lorgnait en se demandant quelle sorte de canular ça pouvait être. A question bête, réponse simple: ce n'était pas un canular. S'il ne voulait toujours pas le croire après avoir lu ça, Soren allait être obligé de le promener à travers le pensionnat en quête d'avis pour appuyer son point de vue.
Honnêtement, il n'aurait pas aimé avoir à faire ça. C'était un peu comme détruire tout l'espoir qui subsistait: il ne savait pas s'il s'en serait complètement remis un jour.
Le pauvre.
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MessageSujet: Re: Demain c'est jeudi. { Soren Mülher }   Demain c'est jeudi. { Soren Mülher } Icon_minitimeDim 28 Avr 2013 - 6:26

Un endroit sans fenêtres ni portes de secours, ça n'existait pas. Cyril était formel. Et si de prime abord il aurait été tenté de croire que ce Hall était hermétiquement clos – pas d'ouvertures à l'horizon, à part cette foutue entrée qui refusait de le laisser passer – il était suffisamment pragmatique pour réussir à se convaincre que ce n'était pas le cas. Par-delà une de ces portes qu'il distinguait devait se trouve des couloirs éclairés de fenêtres, ou bien une pièce quelconque qui donnerait sur l'extérieur ; il n'aurait qu'à sortir par là. Ce ne serait pas facile et il risquait de se casser quelque chose s'il se laissait tomber de l'étage, mais ce serait mieux que rien. Et puis il avait son lait. Pas question de le laisser tourner en le trimbalant au soleil toute la journée.
C'est donc docile, quoi que nerveux, que le rouquin attendit la réponse de son vis-à-vis. Son air ennuyé ne l'alarma pas, son anxiété évidente non plus. Tant qu'il sortait, hein, le reste n'avait pas grande importance. Si ce garçon était névrosé, triste pour lui mais ce n'était pas ses affaires – et encore une fois, il était pressé. Justin allait flipper s'il ne revenait pas suffisamment vite. Et pas sûr que le mot sur le frigo suffise à l'empêcher d'inonder son portable d'appels inutiles.

« Sûr et certain. Ça fait plus de deux ans que je suis bloqué ici et elle ne s'est jamais ouverte... Autrement que pour laisser les gens entrer, je veux dire. »

Comme absent, Cyril sortit son portable de sa poche et regarda l'heure ; ahun, mauvais. Il avait traîné en chemin et avec tout ça, il aurait déjà dû être rentré. Cet imbécile devait être réveillé et le chercher un peu partout. L'imaginer décoiffé et paniqué le fit rire plus qu'autre chose : s'inquiéter n'était pas encore en option. Il allait le revoir bientôt, pas la peine d'imprimer ce souvenir dans ses rétines comme si c'était la seule chose qui lui resterait de lui pour le restant de ses jours.
Il se surprit à le faire, pourtant. Juste au cas où.
Sourcils froncés, l'air plus réflexif qu'énervé, le jeune homme détailla son interlocuteur. Deux ans ? Mais il devait pas avoir plus de quinze seize ans, ce garçon – ou peut-être dix-sept, il était assez nul pour mettre des âges sur des visages. Comment aurait-il survécu tout seul pendant autant de temps, abandonné dans un endroit sûrement en ruines ? Il serait mort de faim. Sans compter que si un truc pareil avait existé, ça se serait su. Une vague de disparitions, ce genre de choses. L’endroit aurait été découvert, démoli puisque dangereux. Fin de l'histoire. Les portes qui ne s'ouvrent dans un sens, ça n'existe pas.

A part la Mort, à la limite. Il contempla l'idée d'un air las.
Fais chier. Il était pas mort, quand même ?

« C'est dur à expliquer, mais tout est écrit là, si tu veux bien lire. »

Ses yeux foncés suivirent le mouvement du blond. Sceptique mais complaisant malgré tout, il haussa les épaules en signe d'impuissance avant d'avancer à pas nerveux vers le panneau de bois. Lut. Fit la moue, lut encore, plissa les yeux. Appuya une main contre le mur pour mieux déchiffrer le contenu, jeta un regard en biais à l'inconnu.
Puis, quand il eut fini, il se retourna sagement dans sa direction. Interloqué, un peu exaspéré aussi – il n'avait pas que ça à faire – le jeune homme fit de son mieux pour ignorer tout les problèmes que son entêtement faisait émerger dans le scénario. Ce garçon avait l'air sincère, ces mots semblaient un minimum réfléchi, trop bizarres pour être totalement inventés. Mais non, rien à faire. Le blocage fut partiel mais efficace.

C'était une blague et rien d'autre. Point final.

« Ouais. Écoute. » Il plongea sa main dans la poche de son jean, fouilla dans l'autre ; en sortit finalement un crayon, qu'il fit tourner entre ses doigts. « Moi aussi je peux écrire n'importe quoi. Mais je suis pressé. Je veux pas que mon lait tourne. »

Comme pour appuyer ses paroles, il balança le sac au bout de son bras. Rangea le crayon, se mordit l'ongle du pouce.
C'était un peu trop tiré par les cheveux. Juste un peu trop.

« On est pas morts, hein ? »
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MessageSujet: Re: Demain c'est jeudi. { Soren Mülher }   Demain c'est jeudi. { Soren Mülher } Icon_minitimeMar 30 Avr 2013 - 1:40

...

Le regard que le nouveau venu lui lança depuis le panneau d'affichage gêna Soren; il tordit nerveusement ses mains dans son dos, se demandant s'il allait croire ce qui était écrit ou s'il allait falloir insister un peu plus. Il ne savait pas s'y prendre, lui. Il était maladroit dans ses indications et redoutait de devoir faire de la peine aux autres. Or, s'il y avait bien quelque chose qui avait de quoi vous arracher quelques larmes ou quelques regrets, c'était le fait de devoir rester enfermé ici à tout jamais, sans nouvelles de ses proches et du monde extérieur. Enfin, sans nouvelles... Il avait cru comprendre qu'une technologie plus avancée permettait d'en recevoir mais pas d'en donner. Au fond, c'était peut-être pire. Comment rester de marbre face à des touches incapables de taper le plus bref 'je vais bien' ? Il détailla de nouveau le rouquin, pensif. Il devait venir de la même époque qu'Emrys, grosso modo. Et s'il lui disait sa date de naissance, le croirait-il ? Est-ce que ça l'aiderait à accepter la situation ?
Il chassa bien vite cette idée grotesque de son esprit. Bien sûr que non, il ne l'aurait pas cru.

Soren le regarda revenir vers lui, un fond d'espoir au cœur. Les mots alignés avaient beau avoir l'air d'un canular, certains s'y accrochaient pour donner une raison à leur présence en ces lieux. C'était plus rassurant de savoir où on était et quoi faire que se laisser flotter sur un océan totalement inconnu. S'il te plait, crois moi, crois le panneau, s'il te plait, je jure que je ne te mens pas... Ces mots faillirent bien jaillir de ses lèvres tant l'idée qu'il insiste et qu'il ne puisse pas le convaincre l'effrayait.
S'il te plait ?

« Ouais. Écoute. Moi aussi je peux écrire n'importe quoi. Mais je suis pressé. Je veux pas que mon lait tourne. »

Le blond lança un appel au secours au tapis rouge, qui n'en avait malheureusement strictement rien à faire. S'il avait été plus imposant ou plus courageux, il aurait pu agiter les bras, appuyer les évidences et utiliser les bons mots pour l'amener à voir les choses en face. Quand parler ne suffisait pas, on devait parfois utiliser la force. Mais lui, qu'est-ce qu'il pouvait faire, à part répéter les mêmes choses encore et encore... Une vague d'impuissance le submergea. Il eut beau se répéter que ce n'était pas en se plaignant qu'il allait arranger les choses, cette sensation ne le quitta plus. Il aurait pu rester immobile là, à ne rien dire.
Il remercia l'inconnu quand sa voix le sortit de sa petite léthargie.

« On est pas morts, hein ? »

Soren secoua immédiatement une tête surprise.

« Non ! On est juste... ailleurs. Et tu pourrais rentrer chez toi si c'était une plaisanterie. »

Sauf que ça n'en était pas une. Ahahaha; oui, peu de gens trouvaient ça drôle. C'était loin de l'être. Les yeux bleus de l'Allemand descendirent jusqu'au sac que le jeune homme tenait à bout de bras. La fin de sa phrase précédente ricocha dans son esprit et il peina à en décrocher le regard. Il ne fallait pas que le lait tourne. D'une manière ou d'une autre, c'était important pour lui. Il ne fallait pas que le lait tourne.
Ça faisait mal, de ne pas pouvoir lui ouvrir avec un sourire. Il voulait se rattraper, même si ce n'était pas sa faute.

« Si tu ne veux pas que ton lait tourne, il y a une cuisine par là. »

Il désigna la porte donnant sur le couloir qui partait vers les profondeurs du manoir. Il y avait un réfrigérateur dans lequel ils pourraient mettre le lait pour l'empêcher de tourner – et avec un peu de chance, ils ne croiseraient ni Halloween, ni Heather. Avec un peu de chance, la cuisine serait présentable. Avec un peu de chance, le frigo ne lâcherait aucune insulte et ne garderait pas le lait pour lui.
Avec un peu de chance, il accepterait de l'écouter et le croire sans froncer les sourcils. Oh, et...

« Je m'appelle Soren. »

Ça aussi, c'était important.
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MessageSujet: Re: Demain c'est jeudi. { Soren Mülher }   Demain c'est jeudi. { Soren Mülher } Icon_minitimeMer 8 Mai 2013 - 21:40

La mort ; la mort. La mort. C'était plausible. C'était même, en fait, une des hypothèses les plus sensées vu la situation. La mort, ça réglait tout. Du moins en était-il persuadé. Il tenta de se rappeler s'il avait pu faire un détour par le pont, traverser la rue juste au bon moment ; l'éclat de l'eau ou d'un pare-brise aurait pu, peut-être – et il disait bien peut-être – attirer son regard la seconde de trop. C'était possible. Il ne se souvenait pas s'être levé ce matin-là avec des idées pareilles en tête, pourtant. Était incapable de se souvenir si oui ou non ce qu'il avait fait depuis son réveil était seulement arrivé. Ça pouvait n'être qu'un rêve. Il pouvait tout mélanger. Cette brique de lait était à peu près la seule certitude à laquelle il réussissait à se raccrocher pour l'instant.
Le garçon secoua la tête, catégorique. Malgré tout, Cyril ne jeta pas cette possibilité aux oubliettes. C'était un peu plus crédible que « tu es enfermé sans la moindre raison dans un pensionnat magique, bon courage ». Il n'avait jamais été spécialement fan des histoires de pouvoirs et de sorcellerie. C'était trop facile.

« Non ! On est juste... ailleurs. Et tu pourrais rentrer chez toi si c'était une plaisanterie. »

Ouais ; ouais. Sans doute. Pas faux. Il leva le nez vers le plafond, l'esprit vide de la moindre pensée cohérente. Il se disait que c'était injuste, que le lait ne devait pas tourner : qu'il avait faim, que cet endroit avait l'air grand, qu'il voulait rentrer chez lui, si seulement il avait un chez lui. Justin l'attendait, ses chaussures allaient encore se barrer la route s'il courait. Le jeune homme n'était plus très sûr de ce qu'il devait penser ou non, de ce qui était pertinent, évident. Il voulait du cohérent, du concret, du facile ; son cerveau se contractait douloureusement sur ce besoin d'explications typiquement humain qui le torturait plus qu'autre chose.
Pourquoi, hein, pourquoi ? Il n'avait fait que sortir acheter du lait. C'était ridicule.

« Si tu ne veux pas que ton lait tourne, il y a une cuisine par là. »

La simplicité de la remarque, tandis qu'il suivait des yeux la direction indiqué, le rassura un peu. Juste de quoi se remettre à réfléchir à peu près convenablement, les doigts serrés sur la poignée du sac. Le lait pesait un poids rassurant, habituel ; il se concentra là-dessus. Sur ça et la voix normale, parfaitement humaine du garçon qui lui faisait face. Ça n'avait pas l'air d'être un rêve. C'était trop bizarre pour être la réalité. C'était... Plus ou moins rien, à l'heure actuelle.

« Je m'appelle Soren. »

Plus ou moins rien. Et ce type s’appelait Soren. Il accepta l'information sans broncher, sourcils froncés sur un désarroi sincère. D'accord, Soren, peu importe, s'il voulait. Cyril n'était pas encore prêt à accepter que ce soit vrai, mais il pouvait admettre sa présence sans risquer la crise de nerfs. C'était déjà un pas en avant.
Pas qu'il fit la seconde suivante, sans plus se préoccuper du tableau qu'il abandonnait derrière lui.

« Cyril, répondit-il d'une voix lasse. Je veux bien que tu me montres la cuisine. 'fin ouais. Je crois. »

Coup d’œil à sa brique de lait. Si le frigo marchait, en tout cas. Un autre pas, encore un autre : il s'arrêta devant Soren, hésitant. Il n'avait pas spécialement envie d'ouvrir la marche.

« Mais peut-être que je suis mort quand même, insista-t-il ; comprendre, il avait besoin de comprendre. J'aurais pu réussir, ou, ouais, tu vois. Bam. Je sais pas. »

Une brève sonnerie résonna depuis sa poche, l'empêchant d'expliquer à son hôte que ce n'était décidément pas impossible qu'il ait réussi à sauter de ce foutu pont – et que donc il devait être mort lui aussi, qu'il s'en soit rendu compte ou pas. Ses doigts se refermèrent sur le petit appareil, ses yeux parcoururent brièvement le message. Il n'essaya même pas de répondre. Pardon, Justin, tu vas devoir te passer de petit-déjeuner. Si les messages ne passaient pas tout à l'heure, ils ne passeraient pas plus maintenant.
Il se mordilla la lèvre. Les sensations de sa main étaient encore floues, comme endormies.

« Merde. » Merde, oui ; merde, merde. « Attends, deux secondes. Je me sens mal. Deux secondes. »

Il se pencha un peu, mains appuyées contre ses genoux. Du calme, du calme.
Il aurait vraiment tout donné pour avoir une porte de sortie, là.
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MessageSujet: Re: Demain c'est jeudi. { Soren Mülher }   Demain c'est jeudi. { Soren Mülher } Icon_minitimeLun 13 Mai 2013 - 17:11

...

Soren n'avait jamais envisagé la mort comme une alternative viable à leur enfermement; les tombes qui dressaient leurs silhouettes décharnées dans le cimetière étaient là pour lui rappeler que même ici il pouvait faire un faux pas et glisser dans les escaliers. Que s'il l'avait voulu, il aurait pu prendre son envol du haut de la tour et s'écraser dans l'herbe comme un oisillon trop pressé de quitter le nid. Ils n'étaient pas morts, non: mais faire la différence ne tenait qu'à eux. Au moins une chose qui n'avait pas changé de chez eux à ici, pensa amèrement Soren, quoi que les murs du pensionnat donnaient bien plus envie de se coller une balle dans la tête que ceux de sa maison, à Berlin. Pas un rêve, pas l'enfer non plus, le pensionnat était juste une seconde réalité qui côtoyait la leur d'assez près pour les empêcher d'oublier, mais pas suffisamment pour qu'ils puissent la saisir en tendant le bras. C'était cruel, ni plus ni moins.
Soren ne savait plus quoi faire. Avec du recul, il aurait préféré que ce garçon se roule à terre en gémissant et pleurant; ça aurait été plus simple à gérer que cette expression perdue et vide à la fois qu'il aurait aimé effacer du tableau d'un simple geste de la manche. Les relations humaines, les sentiments, c'était bien plus compliqué et bien moins automatique que ses équations et ses règles de grammaire. Il n'y avait aucun théorème à retenir par cœur pour arranger assurément la situation. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était parler et parler en espérant faire naître un sourire de compréhension sur le visage du rouquin.

C'était sans doute trop demander, lui-même s'en rendait compte. Pourtant, ses lèvres ne perdaient pas espoir et brûlaient toujours d'une envie insatiable d'éloquence et de gentillesse.

« Cyril. Je veux bien que tu me montres la cuisine. 'fin ouais. Je crois. »

Il n'arrivait pas à l'esquisser autrement que maladroitement, son sourire. Il se forçait à garder une expression affable en songeant que mimer celle de son interlocuteur ne leur serait pas d'une grande aide. Or, il voulait l'aider, lui. Cyril, c'était ça ? Cyril... Il hésita à prononcer le nom à voix haute pour voir comment dansaient les lettres une fois sorties de sa bouche, mais il ne le fit pas. Il préféra se raccrocher à la voix de Cyril et à la manière dont il le prononçait. Il nota distraitement qu'il avait l'air fatigué mais ne pensa pas à mentionner l'existence des chambres. Chaque chose en son temps.
Soren était un peu trop nerveux pour servir de guide chevronné à un parfait inconnu, et ce malgré ses presque trois ans d'ancienneté. Les mots qui suivirent l'obligèrent à lever la tête; il n'avait pas remarqué à quel point le nouveau pensionnaire était grand, de loin.

« Mais peut-être que je suis mort quand même. J'aurais pu réussir, ou, ouais, tu vois. Bam. Je sais pas. »

Il offrit un nouveau hochement de dénégation à cette idée qui le mettait décidément mal à l'aise. Si lui était mort, ça impliquait qu'il l'était aussi; mais Soren était certain d'être en vie. Il respirait, riait, pleurait parfois aussi. Est-ce qu'un fantôme était encore capable d'éprouver la joie et la colère ? Une image en noir et blanc, une poigne froide dans un cimetière la nuit, c'était tout ce que lui inspiraient ces apparitions vaporeuses dans l'imaginaire collectif. Halloween n'en faisait pas parti, c'était différent. Il n'y avait pas eu de canon baissé dans sa direction; il était encore en vie.
Un bruit sourd l'arracha à ses pensées et à la réponse qu'il préparait. Cyril plongea sa main dans sa poche pour en ressortir son portable, qu'il fixa un très bref instant. Le cœur de Soren se serra d'appréhension, et il n'osa pas demander si tout allait bien. Il eut la réponse quelques secondes après, de toute façon.

On pleure un bon coup, ensuite ça va mieux.

« Merde. Attends, deux secondes. Je me sens mal. Deux secondes. »

La panique afflua vite jusqu'à ses mains, qui s'élancèrent comme pour empêcher Cyril de chuter – quoique considérant leur différence de taille, il avait plus de risques d'être entrainé que de réussir à le maintenir sur ses deux jambes. Elles se posèrent sur ses épaules dans un geste qu'il trouva horriblement inutile. Qu'est-ce qu'il pouvait faire ? Il ne pouvait pas rester sur le côté à attendre que tout passe, c'était au dessus de ses forces.
Il y en avaient des choses au dessus de ses forces, dis donc. Un peu trop.

« Ça va aller ? Tu veux que j'aille chercher de l'aide ? »

Qui, ça lui importait peu, sur le coup. N'importe quel pensionnaire qui n'ait pas l'air de sortir d'un zoo ou d'un asile ferait l'affaire. Ses yeux bleus se promenèrent sur le décor, mais il n'y avait pas âme qui vive à l'horizon.
Respire, ça ira mieux. Respire. On mettra le lait au frigo et je pourrais t'expliquer que cet endroit a beau avoir l'air d'une prison, elle a aussi ses bons côtés.

Et sois convaincant, mon enfant.
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MessageSujet: Re: Demain c'est jeudi. { Soren Mülher }   Demain c'est jeudi. { Soren Mülher } Icon_minitimeJeu 30 Mai 2013 - 22:07

Sa tête tournait ; ses doigts, petit à petit, recommençaient à être parcourus de chaleur et de sensations. Ce n'était pas comme ça qu'il avait imaginé la mort, non. Loin de là. Il voyait encore, entendait encore, sentait encore – vivait encore, en somme, alors ça n'avait... Aucun sens, aucun. Il voulait bien croire que son abonnement soit sacrément complet, mais recevoir des messages d'un côté à l'autre ? C'était ridicule. Même en admettant qu'il imaginait ce message, ça restait ridicule parce que pour lui, la mort se résumait au néant. Le vide, le noir, l'absence, le rien : la paix, rien que la paix. Un silence parfait, plus de sons ni d'odeurs, plus de décor, plus d'amis, plus d'ennemis, plus de conscience, même plus d'âme. Le contraire de la vie. Tout simplement. C'était ce en quoi il croyait, ce à quoi il aspirait – sa fin à lui, son happy end préféré. L'enfer, le paradis, c'était n'importe quoi. Il n'y croyait pas. N'y avait jamais cru. Les mains posées sur ses épaules étaient trop réelles, leur chaleur trop humaine. C'était désagréable, détestable, haïssable, c'était...
Une torture, de sentir les larmes bêtement lui monter aux yeux.
Le forcer à vivre enfermé dans un endroit bizarre – non, le forcer à vivre, pour commencer, était d'une cruauté insurmontable. Il n'avait rien fait pour mériter ça, ne voulait pas rester ici, ne voulait pas être particulier, ne voulait pas être choisi, ne voulait pas de futur, pas de demain, pas de jeudi, pas de mains sur ses épaules. Il voulait qu'on l'abandonne. S'était persuadé que c'était ce qu'il voulait. Parce que c'était plus facile, hein ? Puisqu'il n'avait plus la force de s'accrocher.
Et là, vraiment, il n'avait plus envie de s'accrocher.

« Ça va aller ? Tu veux que j'aille chercher de l'aide ? »

De l'aide ? Sans se redresser, yeux fermement scellés, Cyril secoua sa tête de droite à gauche. S'il inspirait comme ça, expirait doucement, se mordait la lèvre et pensait à autre chose, n'importe quoi, sa gorge devrait se desserrer suffisamment pour lui laisser le temps de parler. Mais pour dire quoi, au juste ? Qu'il voulait rentrer, que cet endroit n'était définitivement pas fait pour lui ? Lui demander quelle était la partie la plus haute de ce foutu manoir, où trouver une arme à feu, des couteaux... Comme s'il lui aurait répondu, hein. Personne ne lui aurait répondu. C'était pareil partout : donner une corde à un suicidaire, jamais de la vie. Ce n'est pas une solution, ça s'arrangera, ça ira mieux, tu verras, accroche-toi. Juste encore un peu, tu verras. T'en vas pas.
Sans brusquerie, parce que ce garçon ne lui avait rien fait et qu'il ne voulait pas l'inquiéter plus que nécessaire, le jeune homme redressa le dos. Il avait envie de pleurer mais s'y refusa fermement ; ce n'était pas le moment. Ce n'était jamais le moment. Quand il serait seul, peut-être. Le regard des autres le paralysait de mille façons, et pas parce qu'il était timide ; c'était juste une question de... Savoir-vivre, tiens.
Haha. Triste à en pleurer.
A inquiéter les autres, on attirait l'attention sur soi. Lui n'en voulait pas.

« Ça va, je vais bien. Ça va, répéta-t-il en pinçant l'arrête de son nez entre son pouce et son index. C'est juste... »

D'un geste nerveux, il éteignit le portable au beau milieu d'une nouvelle sonnerie. Pour l'instant, c'était trop difficile. Il ne voulait pas le lire. Pardon, Justin.

« Que ça, tu vois – il agita le portable dans sa main droite, le cœur serré – c'est... Tout. Ce à quoi. Je veuille revenir, alors...»

Son bras retomba le long de son corps, abattu. S'il ne croyait pas le panneau, rien ne s'expliquait ; s'il croyait le panneau, il devait accepter l'idée qu'il ne sortirait jamais. Ne reverrait pas son père, ne dirait pas au-revoir à sa mère, ne déposerait plus de fleurs sur la tombe de Céline, ne mangerait plus jamais son petit-déjeuner avec Justin, ne l’ennuierait plus jamais, n'entendrait plus jamais sa voix. Et peut-être que ces souvenirs auraient du le tirer vers le haut, le pousser à chercher une sortie, mais c'était... Comme une vague de noir et de pessimisme envahissant de ses jambes jusqu'à ses poumons.
Si c'est comme ça, je saute par la fenêtre ; c'était puéril, mais qu'est-ce qu'il s'en fichait.
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MessageSujet: Re: Demain c'est jeudi. { Soren Mülher }   Demain c'est jeudi. { Soren Mülher } Icon_minitimeDim 9 Juin 2013 - 21:12

...

La négation du rouquin ne rassura pas Soren, qui s'évertuait à tourner la tête dans tous les sens afin de saisir un visage ou une silhouette parmi le décor. N'importe quoi, n'importe qui qui puisse les aider; il n'avait pas assez confiance en lui pour rester seul avec le jeune homme. Il avait peur qu'il s'évanouisse, il avait peur qu'il fasse une crise d'angoisse, une crise de n'importe quoi d'autre, qu'il se fasse mal – ou pire – sous ses yeux. Qu'il panique et que ses mots, qui se voulaient rassurants, n'aient pas le moindre effet ou l'effet inverse. Alors quand il se redressa et que ses mains restèrent bêtement accrochées dans l'air, hésitantes, Soren lui lança un regard sincèrement paniqué. Il y avait de l'inquiétude dans ses prunelles bleues, cette lueur qui ne les quittait jamais vraiment, même en présence d'amis. Encore là à penser le pire, toujours aussi pessimiste. Tout ça parce qu'on ne savait jamais, et que cette expression n'avait qu'une connotation funeste à ses oreilles.

Lèvres serrées, il pria pour que Cyril aille bien.

« Ça va, je vais bien. Ça va, c'est juste... »

La sonnerie, brusquement coupée, fit sursauter Soren. Il lança un regard interloqué au portable, que Cyril agita doucement.

« Que ça, tu vois, c'est... Tout. Ce à quoi. Je veuille revenir, alors...»

L'allemand se rembrunit visiblement, yeux baissés vers le tapis rouge qui descendait les escaliers jusqu'au hall. A la moindre mention de sortie, au moindre souvenir qui dégringolait des lèvres d'un pensionnaire, le cœur du jeune homme était tenaillé par un sentiment amer et désagréable. Oui, lui aussi il avait été comme ça; lui aussi il avait pleuré et frappé la porte parce que tout ce qu'il avait, tout ce à quoi il tenait se trouvait de l'autre côté de la porte. C'était pourtant toujours le cas, alors pourquoi fuyait-il de plus en plus l'espoir de l'extérieur ? Il se refusait à accepter qu'il n'y croyait plus, quand bien même la lassitude qui envahissait peu à peu son esprit lui hurlait le contraire.
On retrouvera nos familles, si. On sortira un jour d'ici. Avec les années, ces phrases répétées semblaient destinées non plus à rassurer les autres, mais à se rassurer soi-même. A se persuader.

Soren dégagea ces pensées d'un hochement négatif. Il redressa la tête, espérant avoir l'air plus sûr de lui, plus convaincu aussi. Il n'aurait plus manqué qu'il grimace et enfonce son interlocuteur. S'il avait voulu l'achever, il n'aurait pas pu mieux s'y prendre.
Ses mains passèrent derrière son dos.

« Je sais, ce n'est pas facile, mais... (il avait l'impression d'ânonner inutilement, mais décida que le silence serait plus pesant encore et se fit violence) Mais rien n'est perdu, je veux dire, on cherche un moyen de sortir. On finira forcément par trouver. »

Son sourire se fit le plus encourageant possible tandis qu'il avait honte de ce demi-mensonge. Ils cherchaient une sortie, c'était vrai; mais ils n'avaient aucune garantie, et la route qu'ils empruntaient était peut-être une impasse, avec une immense déception à la clé. Il se rassura en se disant que Cyril était nouveau et qu'il avait besoin de prendre son temps, de s'habituer aux lieux et au fonctionnement du manoir. D'être épaulé et rassuré, sans trop en faire. Soren soupira et repris, chassant le malaise de sa voix du mieux qu'il le pouvait:

« Si tu veux, après avoir déposé ton lait à la cuisine, tu pourras... te reposer. Si tu en as besoin. Il y a des chambres, à l'étage. »

Il désigna du menton l'escalier par lequel il était descendu plus tôt. Ses yeux revinrent vite sur le visage Cyril, papillonnant néanmoins régulièrement du décor aux yeux foncés du rouquin.

« Ou parler. Si tu as des questions ou quoi que ce soit d'autre. »

Il avait besoin de s'excuser pour être aussi inutile, aussi. Il était à deux doigts de le faire.
Dans ces moments-là, il aurait aimé être Emrys ou Iwasara, ou même Claris; ils s'en seraient mieux sortis que lui. Bien mieux.
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MessageSujet: Re: Demain c'est jeudi. { Soren Mülher }   Demain c'est jeudi. { Soren Mülher } Icon_minitimeDim 16 Juin 2013 - 3:45

Épaules affaissées, Cyril n'eut le courage ni de froncer les sourcils, ni de pincer les lèvres. Les nœuds de son cerveau se resserraient un peu plus à chaque seconde, bloquant envies et pensées dans une voie à sens unique menant tout droit vers un cul-de-sac : derrière ses yeux, c'était le blanc le plus total. Il n'avait pas la force de pleurer, de crier, de protester. Juste de rester planté là, son sac dans une main, son portable dans l'autre, l'air aussi parfaitement stupide qu'un camé qui redescend lentement sûr terre – et que n'aurait-il pas donné contre un cachet, un somnifère ou une bouteille quelconque. Ça l'aurait aidé. Il n'aurait plus eu à s'inquiéter, au moins pendant quelques minutes. Le temps de s'assurer que tout ça était bien réel. Qu'il était bel et bien coincé là ad vitam aeternam. Que ce n'était pas juste une organisation bizarre ou un tour qu'avait décidé de lui jouer son esprit, en mode hallucinations et compagnie. Parce que ça, au moins, ça aurait eu le mérite d'être crédible.
Moins radical que la mort, aussi.
Un peu trop fragile à son goût, trop près des larmes et de l'abandon pur et simple, Cyril s'efforça de fermer les yeux pour se reprendre. Il avait beau peiner à penser correctement, calmement, positivement, il n'était pas méchant pour autant. Soren avait l'air vraiment gentil, lui aussi. Il ne voulait pas l'inquiéter. Pas lui causer d'ennuis. Qu'il soit sincère ou ricane intérieurement, quelle importance ? Le jeune homme n'avait vraiment pas la force nécessaire pour se préoccuper de moqueries dont il n'entendait même pas l'écho. Si ce garçon avait la décence nécessaire pour feindre la gentillesse, ça lui allait. C'était mille fois mieux qu'être violent.
Les contours de son portable lui brûlaient la peau. Justin devait tellement s'inquiéter. Le connaissant il devait déjà s'imaginer les pires scénarios, et...

« Je sais, ce n'est pas facile, mais... Mais rien n'est perdu, je veux dire, on cherche un moyen de sortir. On finira forcément par trouver. »

… Et il serait perdu, sans personne à qui réveiller le matin.
Lèvres serrées, cette fois, il releva des yeux brillants vers Soren. Il ne voulait pas de « on finira par trouver » ; il voulait des solutions maintenant, tout de suite, sur le champ. Les « un jour », les « bientôt » et les « ça ira » retombaient comme autant de briques dans son estomac fragile. Ça le rendait malade. Il avait beau savoir que tout le monde disait ça, que c'était gentil, que c'était poli, que c'était optimiste, que ça aidait à aller de l'avant – rien à faire, il ne pouvait pas. C'était à en donner des coup de pieds aux murs. Parce qu'il manquait de volonté, parce qu'il était cruellement fatigué, parce que... Parce qu'un million de choses l'empêchaient constamment d'aller où que ce soit. Parce qu'il ne bougeait jamais et que ça, ça ne changerait pas. Il se connaissait.
Alors non, ce n'était pas facile. Non.
A la mention de chambres, tout les muscles de son corps soupirèrent de soulagement. A s'être levé trop tôt et avoir une fois de plus roulé du lit, ses courbatures se comptaient par dizaines : cette histoire de porte et de pensionnat magique le lui avait fait oublier jusqu'alors. Un faible sourire au visage, il attendit que son interlocuteur ait fini de parler pour hocher la tête. S'il piquait une crise de nerf et allait se poster près de la porte en tirant de toutes ses forces chaque fois qu'un sursaut de conscience viendrait agiter son corps fatigué, il n'en bougerait plus. Même lui ne tenait pas à en arriver là. Pas pour l'instant, du moins.
Se connaissant, il pouvait presque prédire avec quelles fenêtres il aurait bientôt le plus d'affinité. Il trouvait ça presque drôle ; très spirituel. C'était sa blague à lui. Un jour, il réussirait à la réciter jusqu'à sa chute.
Là encore, il trouvait cela extrêmement drôle. Respire profondément.

« Okay. » Il rangea le portable dans sa poche, les mains encore tremblantes, puis battit des cils pour chasser tout reste de larme. « T'inquiètes. C'est pas ta faute. »

Parce qu'il avait l'air de ceux qui ont peur de mal faire, il aurait aimé lui tapoter l'épaule ou être plus convaincant. Jugeant que ça aurait été déplacé, il décida finalement de s'abstenir. Ce n'était pas vraiment dans ce sens-là que le réconfort était censé venir, vu la situation.

« C'est que de la fatigue, je suis pas en état de réfléchir, on devrait... Tu devrais, reprit-il avec un rire nerveux, juste me montrer les cuisines, et, les chambres, comme ça je pourrai dormir et... »

Et tout ira mieux ? Et tout sera comme avant ? Et ça n'aura été qu'un mauvais rêve ?
Ses doigts se resserrèrent sur la poignée du sac ; il baissa les yeux sur le plancher.

« … Tu pourras me repréciser des trucs demain, si j'ai besoin ? »

A ce stade, il avait plutôt l'impression que ce garçon – seul lien tangible avec l'endroit – risquait de disparaître à tout instant. C'était ridicule, mais il avait besoin d'être sûr que ce n'arriverait pas.
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• Pouvoir : Son reflet a une volonté propre; maintenant, il arrive même à lui piquer sa place pour un temps limité.
• AEA : Un marcassin qui a tendance à se définir comme un preux chevalier et qu'il évite le plus possible.
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MessageSujet: Re: Demain c'est jeudi. { Soren Mülher }   Demain c'est jeudi. { Soren Mülher } Icon_minitimeMar 25 Juin 2013 - 15:52

...

Il s'en sentirait responsable jusqu'au bout, Soren le savait. Il avait beau ne connaître que le nom de ce garçon et rien d'autre, il se sentirait coupable s'il choisissait de se défenestrer le lendemain. Comme il l'avait accueilli, il avait maintenant la sensation qu'il lui incombait de s'assurer de son bien-être et de ne pas le laisser désespérer, le rassurer sur des indices qui ne venaient que trop éparses et des sorties que personne ne trouvait. Le jeune homme aux cheveux blonds avait peur des responsabilités, peur de tout faire de travers et surtout des conséquences. Que Cyril choisisse la mort plutôt qu'un enfermement à vie était son choix et celui de personne d'autre: pourtant il aurait la sensation d'en être le fautif. Une fois de plus inquiet et rongé par un devoir qui n'avait pas lieu d'être, il regarda le jeune homme ranger son portable dans sa poche, ses oreilles cherchant les aspérités dans ses paroles. D'instinct, il lui aurait pris le bras et aurait insisté, lui aurait demandé s'il était certain de bien se sentir. Lui aurait rétorqué que si, c'était sa faute. Qu'il était là et qu'il devait l'aider, qu'il serait coupable si quelque chose allait de travers. Au lieu de ça, peut-être plus raisonnable, il resta droit et ne dit rien.
Ça ne fait rien, ça ne fait rien. Courage.

« C'est que de la fatigue, je suis pas en état de réfléchir, on devrait... Tu devrais juste me montrer les cuisines, et, les chambres, comme ça je pourrai dormir et... »

Et ?
Soren hocha la tête, jetant un vague coup d'œil au couloir pour se remémorer sans la moindre erreur le chemin qui menait aux cuisines. Ça allait faire trois ans qu'il s'y rendait plusieurs fois par jour, il ne pouvait pas se tromper; ni de couloir, ni de porte. Il se tortura pourtant les neurones, leur infligeant une quinzaine de fois en l'espace de quelques secondes à peine le plan entier du manoir et les détours à prendre. Tracé au crayon rouge dans son esprit mis un peu trop à contribution depuis le début de la journée, il ne s'accorda une pause que lorsque Cyril se remit à parler.

Cuisines, chambres, cuisines, chambres. Son nom devait être marqué. Cyril. C'était simple à retenir. Il faillit pousser un soupir en se rendant compte qu'il en faisait une fois de plus un peu trop. Un jour, ça allait lui jouer des tours.

« … Tu pourras me repréciser des trucs demain, si j'ai besoin ? »

Ah. Soren hocha immédiatement la tête, comme si la moindre hésitation pouvait être fatale. Il avait la chance d'être naturellement disponible et à l'écoute des autres; il répondrait à toutes ses questions. Le seul problème, c'était qu'il avait peur de ne pas pouvoir l'éclairer sur tous les points. Il en connaissait des choses, sur le Pensionnat Interdit. Mais est-ce que c'était assez ? Il n'avait même pas pris la peine de trop se pencher sur le phénomène Rudy. Tout ce qu'il savait, c'était qu'un ancien pensionnaire avait laissé trainer des feuillets qui pouvaient conduire à une brèche dans les murs gris de cette prison éternelle. Il ne savait pas combien avaient été récupérés, ni où on les avait trouvés et qui avait fait la découverte... Tout ce qu'il avait retenu, c'était le mot 'maison' qui se détachait sur ce fond noir qu'il contemplait depuis des années.
Peut-être que pour Cyril, ça suffirait.

« Bien sûr. Je te monterai ma chambre, au cas où, alors si tu as besoin d'aide, n'hésite pas à venir me voir. »

Il eut la pensée stupide de vouloir se mettre à la place de Cyril. Est-ce qu'il se serait fait confiance ? Balayant ses pensées d'un geste du bras, il désigna le couloir et s'y dirigea, assumant que le rouquin le suivait.

« On va d'abord aller poser ton lait, alors. On ira voir les chambres après. »

Pas comme si un nouvel arrivant voulait tout voir comme s'il s'agissait d'un camp de vacances. Puisqu'il était fatigué, il devait se reposer, ça lui éviterait de faire des bêtises.
Soren espéra que, la tête claire, il n'aurait pas les idées plus sombres.
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MessageSujet: Re: Demain c'est jeudi. { Soren Mülher }   Demain c'est jeudi. { Soren Mülher } Icon_minitimeVen 28 Juin 2013 - 2:26

Il y avait toujours eu – presque toujours eu – des accents définitifs dans le sourire de Cyril ; comme si ses lèvres s'étiraient uniquement par gentillesse, par commodité. Pour rassurer, vaguement, donner le change sans réussir pour autant à avoir l'air convainquant : en général, ça suffisait. Les autres n'aimaient que rarement se mêler des affaires de quelqu'un, encore moins s'il avait l'air d'aller mal. S'encombrer de poids morts représentait une trop lourde responsabilité. Il ne leur en voulait pas pour ça. Au contraire, même. C'était une réaction normale, qu'il savait apprécier à sa juste valeur – parce que, au final, l'indifférence était plus facile à gérer que la compassion. Se foutre en l'air, c'était une chose. Emmener les autres avec soi... C'était complètement différent. C'était sûrement pour ça, au fond, que la présence de Justin avait toujours été un frein si important à ses tentative imbéciles d'en finir avec la vie. On a beau se dire qu'ensuite ce sera leur problème et rien que leur problème, qu'on aura plus à s'en préoccuper et que ça n'a donc aucune importance, ça en avait malgré tout. Ça en aurait toujours, dans une moindre mesure.
Pourtant c'était bien lui qui fixait ce garçon en espérant sincèrement que, si besoin était, il pourrait l'aider. Juste au début, juste au cas où – juste ceci et juste cela, oui, mais ça revenait au même. Pour un peu, il s'en serait voulu. Seulement ça paraissait toujours irréel ; ça paraissait toujours ridicule. Par peur d'une chute trop brutale, par peur d'avoir mal, le jeune homme se raccrochait à ce qu'il pouvait. Tentait de minimiser l'impact, au cas où il vienne à redescendre. Ce n'était pas le genre de chute qui le tuerait, non. Ça ferait juste mal, et il n'en avait vraiment pas envie. Vraiment pas.
Soren avait l'air réel, lui. Vivant. Vrai. Parfaitement normal. Il n'y avait rien d'autre dans les environs qui donne un tant soit peu de crédibilité à cet endroit : juste lui. Alors pour l'instant, oui, il avait besoin de le garder dans son champ de vision. C'était rassurant.

« Bien sûr. Je te montrerai ma chambre, au cas où, alors si tu as besoin d'aide, n'hésite pas à venir me voir. »

Le sourire du rouquin se crispa un peu ; il acquiesça en silence, sagement. Soulagé, aussi. Que ce soit juste poli ou sincère, il avait sa permission ; cette certitude lui suffisait. Il ne faisait que rarement l'effort de démêler le vrai des faux-semblants. Ça n'en valait pour lui pas la peine. Qu'on rit dans son dos, peu importe – s'il ne comprenait pas quelque chose, s'il avait un problème, au moins aurait-il un point de repère. C'était mieux que rien. Définitivement.
Et s'il s'avérait que la sortie était vraiment bloquée, qu'il ne réussissait pas à se faire à l'idée...
Poing serré sur la lanière du sac, un peu hébété encore, il emboîta le pas à son guide. Il y avait toujours des sorties. Toujours. Si eux n'en avait pas trouvé, lui se créerait la sienne. Une fenêtre ou une corde lui suffirait amplement ; il n'était pas difficile.

« On va d'abord aller poser ton lait, alors. On ira voir les chambres après. »

La voix de Soren le tira de ses conspirations morbides contre lui-même. Ses yeux foncés se baissèrent instinctivement vers la brique de lait qui s'agitait doucement au bout de son bras, prisonnière de sa prison de plastique. Le ticket de caisse devait encore traîner là-dedans, lui aussi. Ces détails, aussi ridicules soient-ils, contribuaient à l'étrangeté de la scène : se dire qu'il avait passé une porte, ses courses à la main, et qu'il s'était retrouvé enfermé à tout jamais dans un pensionnat soit-disant magique... Ça tenait du mauvais film d'horreur. A le vivre, il commençait à comprendre l'incrédulité des protagonistes ; il n'y avait aucune bonne façon de réagir à ça. On ne vous l'apprenait pas.
Une petite goutte de sang roula le long de ses phalanges abîmées. La plaie, à peine visible, était déjà presque entièrement refermée.

« Je devrais peut-être mettre mon nom dessus.» Peu inquiet de penser à voix haute, il fronça les sourcils. « Qu'on me le vole pas, tout ça... Au cas où, quoi, tu vois. Je sais pas combien de temps ça se conserve. »

Dans un sourire amer, il se demanda lequel des deux tournerait avant l'autre. Et au fond, peu importe.
Dans les deux cas, il en aurait le cœur brisé.
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MessageSujet: Re: Demain c'est jeudi. { Soren Mülher }   Demain c'est jeudi. { Soren Mülher } Icon_minitimeVen 28 Juin 2013 - 16:16

...

Au début, Soren avait pris l'habitude de compter ses pas d'une pièce à l'autre; de voir combien de foulées il y avait du salon aux cuisines, de la bibliothèque aux dortoirs, de la salle à manger au parc. Il réglait ses jambes et se remémorait les nombres pour ne pas se perdre. Une fois qu'il avait appris à se diriger seul et ne plus se perdre à chaque embranchement, les chiffres avaient peu à peu disparus de son esprit pour n'être plus aujourd'hui qu'un très vague souvenir. Il ne savait même plus combien il y en avait du hall aux cuisines, ni même s'il avait fait le compte un jour. Le pensionnat était grand, bien plus grand que sa maison, et intercalait les portes donnant sur les différentes pièces avec les portes pièges. Ouvrir une porte sur un mur, ça ne lui était jamais arrivé auparavant; ici, ça lui arrivait régulièrement. Il ne voulait pas perdre Cyril, ni même se tromper et pousser la clenche sur du vide. Tout ce qu'il leur fallait, c'était un réfrigérateur et un lit: quelque chose de tangible et connu à quoi se rattraper quand on vacillait. Soren s'était accroché aux touches ivoires du salon comme s'il s'était agit de son propre piano.
Une brique de lait, un portable et un sac. C'était peu de valises pour passer l'éternité. Mais certains étaient arrivés avec un manteau sur leurs épaules pour seul souvenir.

« Je devrais peut-être mettre mon nom dessus. Qu'on me le vole pas, tout ça... Au cas où, quoi, tu vois. Je sais pas combien de temps ça se conserve. »

Soren se retourna vers Cyril et acquiesça avant de reposer son regard droit devant lui, histoire de ne pas se prendre un mur dans le nez à la première occasion. Il devait bien y avoir des marqueurs dans les cuisines; certains pensionnaires laissaient trainer de ces choses sur les tables... Il n'osait imaginer l'état de certains tiroirs, rempli à ras-bord d'objets hétéroclites et sans rapports les uns avec les autres. Avec un peu de chance, la soubrette ne serait pas passée et en plongeant la main dans l'un d'eux, il trouverait ce que Cyril cherchait.
Et s'il ne trouvait pas, il chercherait jusqu'à ce qu'il trouve. Cette brique de lait avait trop d'importance pour le rouquin, et si s'assurer qu'elle était à sa place tous les matins pouvait le retenir de faire quoi que ce soit de regrettable, alors ce n'était pas négligeable. Soren aimait à se dire que c'était ce genre de petits détails qui empêchait de poser un pied sur le rebord de la fenêtre. Qu'en y prêtant attention, on pouvait sauver des vies.
S'il avait dû porter ce sac qui se balançait au bout de son bras, il était certain qu'il aurait pesé du plomb dans sa main crispée.

« Tu devrais, oui. Les pensionnaires ne font sûrement pas attention à ce qu'ils prennent. Mais je suis sûr que si tu marques ton nom, ils n'oseront pas y toucher. »

Il mentait un peu; il n'était pas sûr que même avec son nom en lettres capitales en travers du carton, des distraits ou des personnes qui s'en fichaient tout simplement n'en verseraient pas le contenu dans leur verre. C'était un pari à prendre, mais ce n'était pas non plus comme s'ils avaient le choix. C'était ça ou laisser le lait tourner dans son sac en plastique, dans un coin de la chambre: il serait mieux au frais.
C'était peut-être la énième fois que Soren se sentait stupide, mais ce sentiment revenait le hanter sans se soucier de ses précédentes incursions. C'était désagréable, ça lui tordait l'estomac, mais il n'y pouvait rien, strictement rien. Il paniquerait le jour où le lait caillerait. Il paniquerait le jour où le lait serait introuvable. C'était tellement important pour Cyril que ça l'était pour lui aussi, maintenant.

« C'est par là. »

Le blond désigna une porte plus loin, souriant de nouveau à son camarade.
Parfois, les gens ne comprenaient pas qu'un objet insignifiant puisse être si important aux yeux d'un autre. Souvent, Soren se disait qu'ils n'essayaient pas de voir ou de comprendre.
Bien trop souvent, il se disait que c'était triste.

Un, deux, trois...
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MessageSujet: Re: Demain c'est jeudi. { Soren Mülher }   Demain c'est jeudi. { Soren Mülher } Icon_minitime

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