Alicia avait encore de la difficulté à avouer qu’elle était obligée de rester ici, jusqu’à la fin de sa vie pauvre et misérable vie. Si elle avait été claustrophobe, elle aurait sûrement étouffée bien plus qu’une fois. Pas que cet endroit n’était pas gigantesque, mais…. Bref. La jeune femme était assise dans le couloir, les mains sur la tête et le regard perdu dans le vide devant lui. Pour elle, tout était si.. Récent. Tout ce qui s’était passé chez elle, tout ce qu’elle avait vécu. Elle avait aussi de la difficulté à avouer qu’en elle, dans sa tête, il y avait une autre personne. Liza. C’était elle qui l’avait fait… Jamais elle n’aurait pu le faire même si… Au fond d’elle… --Allez, avoue que je t’ai rendu service ! Ces gros porcs n’ont fait que nous faire du mal ! He he he he. Tu le savais bien avant que j’apparaisse ! Ne fais pas ta capricieuse !! –

Cette voix dans sa tête, Alicia allait devoir s’y habituer. Elle allait continuer de l’entendre pour toujours, et le contraire était aussi vrai. Une voix empreinte d’une dose importante de folie… La brune pouvait le sentir. Un furet se matérialisa devant elle, montant sur ses jambes et ses bras pour venir s’installer sur sa tête. Bones. La jeune femme eut un sourire. Son petit animal imaginaire de son enfance. Jamais elle n’aurait pensé pouvoir le retrouver un jour, surtout pas après son enfance terminée. Elle lui flatta la tête du bout du doigt, laissant retomber sa main sur ses genoux repliés contre sa poitrine. La scène n’arrêtait pas de repasser dans sa tête. Elle qui reprenait conscience, le couteau remplis de sang dans sa main. L’odeur de chair brûlée qui emplissait la pièce et la maison qui commençait à prendre en feu. Mais peut-être… Peut-être Liza avait-elle eu raison de faire ça. Non ! Voyons, on ne tue pas ses parents. Peu importe s’ils étaient monstrueux. Elle les détestait, mais en même temps, elle les aimait.

Alicia décida de se lever. Elle devait marcher. Se dégourdir les jambes pour se changer les idées, c’était le meilleur moyen. De plus, elle n’avait pas encore exploré tout cet endroit et sa curiosité, bien que cachée par de la peur ainsi que du chagrin, était bien présente.


« Tu sais, Bones, cet endroit me fait un peu peur… »


Alicia regardait nerveusement sur les côtés tandis qu’elle avançait. Elle tenait son bras gauche qui longeait son corps avec sa main droite, marchant lentement. Les portes du couloir passaient devant elle. Des fois, ce dernier semblait s’étirer, rétrécir, se rapprocher d’elle. Un petit mouvement de tête rapide pour chasser cette vision était suffisant, ce qui n’empêchait pas la jeune femme de se demander ce qui se passait dans sa tête –Ce qui se passe, ma chère petite Alicia d’amour, c’est que tu es en train de devenir folle ! En fait, tu l’es déjà. Je veux dire… Pourquoi je serais là, sinon ? Dans ta tête ! Hu hu hu hu. Peut-être qu’un jour, tu vas devenir aussi démente que moi ! –


« LA FERME »


Alicia venait de remarquer qu’elle s’était arrêtée et que Bones s’était réfugié dans son cou, comme un petit foulard poilu. Non jamais elle ne voulait finir comme elle. Alicia pouvait entendre son rire qui semblait lointain et proche en même temps. La brune se gratta l’œil avec la paume de sa main. Elle n’avait pas été capable de dormir depuis qu’elle était ici. Ses yeux lui piquaient et des cernes commençaient à apparaître en-dessous. Urgh…

Une était devant elle. Elle ne l’avait même pas remarquée, jusqu’à présent. Comme si la porte avait bougée d’elle-même… Mais ce que la jeune femme n’avait pas remarquée, c’était qu’elle s’était remise à marcher toute seule, machinalement, pour ‘’reprendre conscience’’ ici. Ce n’était même pas Liza. Bref…

Elle posa une main sur la poignée et l’ouvrit. Ce qu’elle vit lui arracha un cri, un sursaut et un mouvement de recul. C’était son père, devant elle qui lui criait qu’il allait la démembrer. Ses chairs brûlées étaient d’un noir d’ébène. Il n’avait plus un morceau de peau, le tout ayant brûlé. Mais le pire, c’était sa gorge. Sa gorge était ouverte e un trou d’environ la taille d’une petite branche, noir. Son paternel se trainait par terre, avec ses mains puis, disparu aussi rapidement qu’il était apparu. Le cœur de la brune battait si fort dans sa poitrine qu’elle croyait qu’il allait décider de sortir de sa cage thoracique et partir en courant vers un des deux bouts du couloir. – Tu deviens folle ma jolie ! Tu vas voir, c’est amusant, la folie. C’est amusant la folie… C’est amusant… La folie… --

Elle avait à peine entendu cette remarque de Liza. Ses yeux étaient fixés sur l’endroit où son père était venu. Elle décida d’entrer lentement dans la salle. C’était une immense bibliothèque. Et pour être immense, elle l’était vraiment. Des tonnes et des tonnes de livres. Alicia s’avançait lentement dans la salle, regardant en haut. La folle avait presque l’air d’un petit animal apeuré. Puis, un bruit à côté d’elle, à quelques mètres. Un autre sursaut provenant de la petite traumatisée, regardant rapidement vers la source du bruit. Soulagement de voir que ce n’était pas sa mère égorgée qui voulait la tuer, elle soupira. Bien que le fait d’avoir quelqu’un près d’elle qu’elle ne connaissait pas intimidait un peu Alicia.


«J-je suis désolée… Je crois que je manque de fatigue… »


Pour elle, ce n’était que ça, mais Alicia n’avait pas idée que tout ça ne faisait que commencer pour elle. La brune regardait par terre, n’arrivant pas à soutenir le regard d’une personne. Elle avait presque le goût de partir tout de suite…

Des feuilles. Des feuilles mortes partout. Ça tombait à côté d’elle. En avant et en arrière aussi. Des feuilles d’automne rouges et ors qui contrastaient avec le décor. Pourquoi cette soudaine apparition autour d’elle ? Dans un endroit rempli de livres ? Ça ne faisait aucun sens. Alicia avait l’air vraiment vulnérable. Elle regardait partout autour d’elle avec de la peur dans les yeux et de l’amertume dans les tripes. La brune avait de la misère à savoir si tout ça était réel ou… Si cet endroit gigantesque n’était que dans sa tête. Comme ces feuilles mortes qui tombaient d’arbres invisibles.

Une main vint se poser sur son épaule, ce qui fit sursauter la mentalement instable. Un regard vif sur cette main douce qui ne lui voulait aucun mal, lui rappelait celle de son père. C’était la première image qui lui vint en tête. Cette main qui semblait si douce, si protectrice… -- Urgh, ne la laisse pas te toucher, Alicia ! ÇA ME LÈVE LE CŒUR. DÉBARASSE-TOI D’ELLE SUR LE CHAMPS – Les feuilles avaient arrêtées de tomber. Elles s’étaient évaporé tel de l’eau qu’on jette sur une plaque brûlante, en vapeur. Cette jeune femme ne semblait pas s’en être aperçue. Elle était même passée à travers quelques-unes.


« Je deviens folle… »


À peine audible, même pour ses propres oreilles, Alicia regardait par terre en se laissant porter par cette étrangère. Bones faisait toujours un anneau de fourrure autour de son cou. Il regardait aux alentours en reniflant l’air. Cet endroit était tout aussi nouveau pour lui que pour elle, mais le furet n’avait pas assassiné ses parents, mis le feu à la maison et couru pendant des dizaines de minutes pour finir ici. Loin dans sa tête, Alicia entendit le rire de Liza qui résonnait. Pour quelle raison elle riait ? Elle n’en avait aucune idée. Elle était dérangée. Son autre personnalité pouvait tout aussi bien rire pour ce qui se passait en ce moment que simplement la forme de la drôle de chaise qu’il y avait devant elle. La fille avec des bouts de métal sur les yeux lui demanda ce qu’il n’y allait pas, mais Alicia ne répondit pas. Comment aurait-elle pu ? Elle était une meurtrière. Les parricides qu’elle avait fait étaient impardonnables, même si en théorie… -- C’est toi autant que moi, ma belle. Que crois-tu qu’elle va faire une fois qu’elle va savoir que tu as tué tes parents ? OH JE SAIS. Elle va sûrement te donner un câlin en disant : « MOI AUSSI OH MON DIEU JE T’AIME SOYONS LES MEILLEURES AMIES DU MONDE » PFFFFFF tu me fais rire. – Ce fut ce qui décida Alicia à se fermer par rapport à ses parents. Devait-elle vraiment se confier à cette étrangère ? Son cœur lui chuchotait qu’elle pouvait. Mais son esprit malade, criait le contraire.

Sans aucun mot, Alicia s’assit sur la chaise qui était, étrangement, aussi molle qu’un lit. Plus molle, même, puisque le lit dans lequel elle dormait n’était pas des plus... Confortables.


«…Je… »


Ses petites mains frêles tremblaient comme des feuilles au vent. Alicia sentait les larmes monter dans ses yeux, mais elle les essuya tout de suite. Non elle ne devait pas lui parler de ça. C’était trop grave.


« Je ne connais même pas ton nom… »


– MAIS QUELLE CONNE. C’est quoi cette chose là à dire ? Tu aurais pu dire n’importe quoi d’autre, mais tu as dit ÇA. HAHAHAHA Tu est ridicule ma chère petite Alicia. Vraiment, vraiment, ridicule – Un frisson accompagna cette voix dans sa tête qui la fit sursauter. Les fatigués, sous-lignés par des cernes, se plantèrent dans ceux de la jeune femme à ses côtés. Elle semblait en meilleur état qu’elle, en tout cas. La brune avait, au moins, réussi à faire partir le sang séché de ses mains, de ses bras ainsi que de sa robe. Ça avait pris du temps, mais au moins, elle n’avait plus à se promener partout dans cet endroit, les membres supérieurs et les vêtements couverts de sang.


« Je ne comprends pas ce qui m’arrive… Il y a quelques jours, j’étais encore chez moi… Avec mes parents.. »


À cette pensée, sa gorge se noua et ce fut trop dur de parler d’eux. Puis, Alicia tomba dans une espèce de transe. Un état d’esprit ou plus rien ne passait. Elle fixait le vide à côté du visage de cette gentille étrangère pendant un nombre indéterminé de temps. Ça avait pu être deux secondes, comme cinq minutes ou trois heures, et encore, ça avait pu être sept ans. Mais non, impossible d’être resté comme ça aussi longtemps. Pour elle, ça avait passé comme un éclair. Ce qui n’avait pas dût être le cas de celle à côt d’elle. Elle avait passé une bonne minute, comme ça, dans les abonnés absents.

La mentalement instable regardait autour d’elle, les étagères de livres et de livres à perpétuité. Jamais elle n’avait eu la chance de lire beaucoup de livres. Ses parents étaient tellement obsédés par la Bible que c’est probablement la seule chose qu’elle avait apprise à lire au courant de sa vie. Elle détestait la Bible. Ça lui rappelait trop ce qu’elle avait fait. Elle finirait sûrement en enfer. Possédée par un démon qui partageait son corps.


« Je vais finir en enfer. »


Son ton était neutre, sans aucune émotion. Comme si ce n’était pas la petite fille toute traumatisée qui se trouvait dans cette pièce. Les ruisseaux coulèrent de ses joues en torrents, par contre, elle ne les remarqua même pas. Les larmes coulent sur Bones. Elles coulent sur sa robe, mais elle ne s’en préoccupe pas. Alicia ne voulait pas aller en enfer. Elle avait déjà trop souffert chez elle. Vraiment… Alicia serre se robe entre ses mains aussi fort qu’elle le pouvait. La jeune femme voulait que a souffrance arrête. Comment pouvait-elle y arriver, toute seule ? C’était impossible, impensable.

…Peut-être que celle-ci pouvait l’aider.