La curiosité est un vilain défaut. Eden en avait payé le prix fort et lorsqu'elle ouvrait les yeux, le paysage qui se trouvait tout autour d'elle la faisait tressaillir sur place. C'était comme si elle était en plein cauchemar. Pourquoi avait-elle été envoyée au milieu de nulle part ? Elle s'était pincée une bonne dizaine de fois pour essayer de se rassurer, en vain.. En essayant de reprendre ses esprits, elle remarquait que dans sa sacoche il y avait un vieux bouquin en trop.. Il n'y était pas avant. Mais elle n'avait pas le temps de regarder ce qu'il en était vraiment puisqu'elle avait la mauvaise impression d'être oppressée et cela la mettait mal à l'aise. Cette sensation lui venait du mal-être qu'elle ressentait en dehors de sa librairie.. Il n'y avait plus d'odeur de poussière, plus d'odeur de page, plus l'odeur de tabac que fumait son père et qu'elle appréciait sentir lorsqu'elle ouvrait la boite à cigare.. Elle était perdue, loin de son petit paradis.. Cette douce musique qu'elle écoutait tant de fois lorsqu'elle travaillait, cette Gymnopédie n°3 d'Erik Satie qui la faisait parfois chantonner lorsque le temps lui paraissait long.
Entreprendre de trouver une personne susceptible de l'aider lui parvenait subitement, sans doute exténuée par la chute et par la panique dont elle avait éprise . En temps normal, une idée comme celle-ci ne lui serait jamais parvenue, puisqu'elle s'était toujours débrouillée seule auparavant, cependant, elle n'allait pas pouvoir trouver la solution en solitaire. Il était temps pour elle de se prendre en main et de reprendre ses esprits, ce qu'elle ne manquait pas de faire instantanément. Elle se levait et se dirigeait un peu partout dans l'endroit désert avant de se retrouver nez à nez avec un immense bâtiment aux allures majestueuses. Durant un instant, Eden cru rêver, mais à l'évidence, elle était en plein cauchemar. Elle devait mettre un terme à cette "mascarade" et elle décidait de pousser la grande porte qui surplombait le bâtiment. Le grincement des gonds la faisait s’arrêter quelques instants avant d’entrer à l’intérieur. Et qu’elle ne fut pas sa surprise en constatant que l’intérieur était absolument sublime, loin de ce qu’elle pouvait s’imaginer. Pourquoi quelqu’un qui avait les moyens était-il venu vivre ici, dans cet endroit perdu et inconnu ? Il fallait être fou ! Alors qu’elle s’avançait hésitante, elle remarquait un panneau d’affichage dans le hall, sur lequel étaient affichés plusieurs bouts de papiers et photos. Et en lisant ce qui était inscrit, Eden se mettait à rire. Mais d’un rire jaune. Si bien qu’elle se précipitait vers la porte d’entrée par laquelle elle venait de passer. Elle se mettait à tirer, tirer de toutes ses forces jusqu’à ne plus pouvoir… Mais la porte ne bougeait pas d’un millimètre.


Eden sursautait, regardant dans toutes les directions possibles, rien. Hormis cette rainette à ses pieds qui lui semblait totalement inoffensive. Elle la prenait dans ses mains en la regardant de plus près en souriant un peu, à la vue des jolies couleurs de la petite bête.


La jeune femme lâchait la bestiole qui retombait au sol, saine et sauve. Eden était terrifiée de voir qu’une grenouille parlait, et si en plus celle-ci se révélait insolente, elle n’allait surement pas s’en sortir indemne. Elle observait la rainette qui n’avait pourtant pas l’air de savoir parler, ni d’avoir des caractères humains.


Tandis que Yama lui faisait miles et uns reproches, Eden se redirigeait vers le panneau d’affichage afin de mieux le parcourir, quand l’une des « lettres » évoquaient un certain pouvoir que pouvaient avoir les personnes qui rentraient dans cet établissement. Bien sûr, cela faisait sourire la jeune femme, mais étant donné les conséquences, elle regardait quand même ses mains, se disant qu’elle n’en avait apparemment pas. Elle soupirait, contemplait le hall en soupirant, pour enfin plonger son visage entre ses mains.