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 Pretty Face.

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Pretty Face.  _
MessageSujet: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeSam 10 Nov 2012 - 21:11

Pretty Face.

ft. Valora Eaton.


    Il ne faut pas cesser de se recycler.


      « Hé. La moche. »


    Ce surnom lui est resté depuis le premier jour de son arrivée. Je m'en rappelle encore, de cette fille si démodée et contente d'avoir fumé une indus. Et ça fait déjà quelque mois que je me coltine une nouvelle baltringue, autre que l'invisible, quelques mois que je n'arrête pas de la croiser. Je ne peux que m'en rappeler, en conséquence du nombre flagrant de mes connaissances ici. Cette moche et moi, addition de deux affreux, nous entendons mieux, assez bien, plutôt pas mal. On s'emmerde, on glande et puis elle est supportable. Calme, conne. Et puis elle est moi au masculin. Et puis elle est mon contraire parce qu'elle n'est pas aussi douloureusement consciente de sa séquestration. De toute façon, ils se réconcilient sur l'oreiller.

    Faites-moi ça fantasmes violents de vengeance comme mécanisme de survie.

    Frustration accumulée, finesse des mots économisant inutilement l'usage de la langue autre part que sur le corps de la fille. Je me relate ainsi avec Valora Eaton. Elle me sert de léger torchon lorsque ma fragilité d'homme fait surface. Et puis inversement. Notre intimité est notre tabou, notre passé est une explication maladive à nos actions. De temps en temps, sans que Rahel ne le sache, parfois pour ne pas soulever les pires frayeurs du monde, souvent pour mentir, uniquement mentir. Encore une fois trop peu confiant envers la fille qui permet ma survie mentale et envers la fille qui permet ma survie physique, je me débarrasse de la première pour aller geindre sur l'autre. Il faut que je la voie.

    Rien de moi n'est original. Je suis l'effort combiné de tous ceux que j'aie jamais connus.

    Me voilà devant Valora, tête baissée, silencieux. Mes lèvres se collent brutalement contre les siennes comme mon poing rencontrait brutalement la joue de l'autre quelques jours avant. Je lui agrippe le bras, presque fou, presque violemment, presque comme un kidnapping. Je l'emmène à l'endroit fermé le plus proche, ce qui se trouve être les cuisines. Il n'y a personne, tant mieux. Pris d'envies incontrôlables, je lui fais l'amour, tendrement mais bestialement, sur la table des cuisines. Ça grince, ça fait du bruit. Et puis ça ne dure même pas si longtemps que ça. À peine un peu de préliminaires, à peine un peu le visage entre ses jambes, et puis ça se termine facilement. Il faudrait que je m'excuse, peut-être, après, après. Je suis simplement, intrinsèquement pervers, clairement trop humain pour ne pas pallier à ce genre de besoin primaire.

    À moitié nu, le pantalon remis d'une main, rapidement, tous les deux allongés sur la table de la cuisine. Transpirant, essoufflé. Je ferme les yeux et imagine, heureusement que ce n'est pas une autre personne que Valora. Heureusement, parce que j'ai terriblement honte, je voudrais chialer, puis crever. Et j'aimerais être une fois, lui lâcher un sourire agréable, celui avec les dents. Les mains sur le visage, larmoyant si j'avais assez de larmes, n'arrivant pas à regarder en face la personne que je venais de niquer sur la table des cuisines.

      « Pourquoi... Tu te laisses faire. »


    Soupir. Trop affirmatif pour que ma phrase soit une question, plus une remarque. Peut-être même une plainte mal formulée. Il faudrait que je m'excuse. Contrarié de ce que je viens de faire, chose que j'arrive à garder en moi quand je suis avec Rahel, chose que je n'arrive plus à maîtriser quand j'arrive devant Valora. Merde...

    Il faudrait que je m'excuse.

      « Tu mérites. Hm. Quand même, mieux que moi. »


    Il faudrait que je m'excuse.

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Pretty Face.  _
MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeSam 10 Nov 2012 - 22:26

    I AM VULNERABLE. STARVED FOR KINDNESS, AND WHEN I RECEIVE IT, I LOSE MY MIND.

    Ça faisait un moment. Je veux dire, ici on ne sait jamais vraiment ni la date ni l’heure, mais j’avais eu le temps de m’ennuyer sévère avant de le voir à nouveau dans les parages. Il faut dire que l’endroit est vaste, et peuplé. J’ai appris à repérer tous les coins sombres, les coins à l’abri de la lumière, naturelle ou artificielle. Personne n’arrive jamais au même moment, certains ne ressemblent à rien, des animaux, même moins que ça. Pourtant, ils survivent, ils s’adaptent, ils s’y font. Il y en a même qui ne veulent pas partir, qui ne veulent plus. Ici ou là, ma vie sera toujours aussi merdique, mais je suis un être humain, je me rattache à ce que je connais, et j’ai si peur de l’inconnu que je le rejette, qu’il me fuit et, au final, je suis toujours dans ces recoins humides, les yeux à demi-plissés tant ma tête me lance. Ces migraines n’arrêteront jamais.

    Ça faisait un moment que je n’avais pas deviné sa présence. Que je n’avais pas senti la lumière crue des ampoules rouler sur lui. C’est toujours pareil. Quand je commence à me fondre dans le décor, à ne faire plus qu’un avec la tapisserie derrière moi, il est toujours là pour me décoller comme un vieux pansement. Ça fait mal, c’est sûr, c’est obligé. Ça arrache, ça picote, ça démange, et puis la croûte s’en va, jusqu’à la prochaine blessure, la prochaine plaie rouverte. Cercle vicieux qui n’en finit jamais. Étrangement, je n’arrive pas à le repousser comme ce connard de Finn, mais d’un autre côté, je n’arrive pas à lui céder complètement, comme j’ai été conne conne conne de le faire avec cet enfoiré de Swann Casey.

    Ce qui est marrant, et ce à quoi je pense quand mes lèvres explosent contre les siennes, c’est qu’on aurait jamais du se rencontrer. Pas plus que je n’aurais du croiser toutes ces personnes hors-cadres, incongrues et, bon sang, un peu effarantes. Lui et moi, peu importe à quel point on peut s’entendre, à quel point nos batailles paraissent réelles, à quel point son corps contre le mien est lourd, j’arrive pas à me sortir du crâne que rien n’est réel. Je suis en manque, c’est vrai. Ça fait un bail que je n’ai pas été complètement défoncée, comme je l’étais chaque jour à Ennis, terrain vague de la médiocrité humaine. Du coup, je suis plus nerveuse que jamais, mais si loin, si loin. Comme si je me fichais pas mal de me réveiller en sursaut, la nuit, cherchant à côté de ma main ouverte un joint, un sachet de conservation plein d’herbe ou de poudre blanche. Même les clopes j’ai du mal à m’en procurer. C’est comme si on était en pleine guerre et que tout ce qui pouvait faire vivre un homme était rationné. Cet endroit était une torture, une thérapie ou mon crâne menaçait d’imploser à chaque instant.

    On aurait jamais du se rencontrer, je me dis, alors qu’il me tire comme un dingue. Je trottine derrière lui, je n’ai pas le temps de réfléchir. Quand il vient me voir, la première chose que l’on fait, c’est se mélanger, trouver chez l’autre ce qui nous fait défaut. On se sent pas mieux après, on se saute pas dans les bras, on se remercie pas. Lui et moi, on se sauve pas. Je veux dire, on n’est pas des chevaliers en armure, et plutôt crever que d’être une princesse en détresse. On est deux gros débiles cachés derrière de la violence, du désœuvrement et du pathétisme. On est deux gros débiles. C’est peut-être ça qui fait l’alchimie, c’est peut-être pour ça qu’après tout ce temps, tout ce temps, on prend encore le temps, d’aller très vite.

    Je ne disparais pas, dans ces moments. Je suis comme lui, je suis comme n’importe quel foutu humain, je suis une bête qui grogne quand on caresse ce bout de peau, quand on mord cette partie-là. Je suis contente, ravie, de devenir cet animal brutal, ce morceau de chair qu’il dévore. Ça me fait mal, un peu, après, mais pendant, je suis là, je suis dans cette cuisine, dans cet endroit qui file des frissons – et pas de plaisir. Le métal froid frotte contre mes cuisses nues, j’ai une petite douleur dans le bas du dos, et mes cheveux sont en désordre, encore plus que d’habitude. Je suis omnisciente. Je pige tout, j’analyse tout, je ressens tout. Ses hanches finissent de torturer mon bassin. Il s’éloigne et je prends le temps de dégourdir mes jambes, à moitié recouvertes de mon vieux jean. J’attends un peu avant de me baisser et de le remonter, vite. Mon sweat est encore sur le sol, mais je suis trop fatiguée pour le récupérer. Je récupère mon soutif sur le coin de la table et je l’agrafe, encore allongée.

    Il est essoufflé, comme s’il venait de courir un marathon. Je souris doucement, pour ne pas qu’il se penche et voit mon air ravi de sa fatigue. Pas un seul instant je ne m’attends à ce qu’il va dire. J’observe son torse qui s’abaisse et se regonfle, ses mains qui recouvrent son visage.

    — Pourquoi... Tu te laisses faire.

    Je me relève à demi, l’avant-bras posé sur la table. J’attends un peu, parce que je ne sais pas très bien s’il attend une réponse, ou s’il parle davantage pour lui-même que pour ce que je peux en penser. Ça nous arrive, parfois, de dire des trucs juste pour les dire, parce qu’on a personne d’autre à qui les dire.

    — Tu mérites. Hm. Quand même, mieux que moi.

    Là, j’ai carrément les yeux écarquillés, à l’intérieur. Je rêve ou il vient de me faire un compliment déguisé? Je m’assois carrément en tailleur, parce que je n’arriverai pas à réfléchir à quelque chose d’aussi intense allongée sur le dos, l’entre-jambe encore plein de son foutre rageur.

    — Et bien, heu, je sais pas.

    Je pose l’index contre mon menton, en pleine réflexion.

    — Tu vois, si j’avais pas envie, je te laisserais pas l’occasion de le faire. Silence. Enfin, ‘Ther, c’est quoi toute cette guimauve, d’un coup? … Tu veux un câlin?

    Comment réagir autrement? Ça n’avait jamais paru aussi sérieux. Ça n’avait jamais eu l’air de le rendre aussi, aussi mélancolique. Et moi, je ne sais pas gérer les crises, je ne sais même pas soigner une plaie physique, alors une plaie que je ne pouvais même pas atteindre avec mes yeux!

    Je pose une main maladroite sur son épaule nue. Qu’est-ce que je devais dire? Qu’est-ce que j’étais censée dire? Inconsciemment, ma paume alla se poser sur sa poitrine, et descendit plus bas. Je n’avais plus très envie qu’il me prenne encore, alors je la fis légèrement remonter, et je me contentai de tracer des dessins invisibles sur son torse dévoilé.

    — Tu veux boire quelque chose? Une bière?

    Non mais quelle conne.
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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeSam 10 Nov 2012 - 23:42


    Dear Valora,
    Fuck you.
    Ether

    Il faudrait que je m'excuse.

    Non. Je ne sais pas, il faudrait, mais je n'en ressens pas l'envie. De toute façon, mes lèvres ne se décolleraient jamais pour former un pardon minime. Valora dit, elle ne me laisserait pas l'occasion de fourniquer avec si elle n'en avait pas envie. Je me demande alors si c'est réel, si je culpabilise trop alors que ce n'était pas tout à fait un viol. Et puis ce silence qui me paraît clairement méprisant renfrogne mon sentiment coupable. Elle continue. Guimauve, puis, coup, puis câlin. C'est mauvais, ça s'enchaîne pas, et je n'arrive jamais à savoir comment il faudrait que j'interprète ses mots. Alors souvent, je me tais. Là, fatigué par tant d'efforts, je ne soulève pas non plus. Sa remarque ne se fait pas entendre comme agréable, son guimauve me fait froncer les sourcils, son coup me fait penser que je n'ai jamais agit de cette manière avec elle alors ça m’embarrasse, et puis son câlin est pire que tout. Mais cette atmosphère effrayante ne dure pas si longtemps que ça.

    Sa main chaude vient se poser délicatement, volontairement sur mon épaule découvert. Et puis, alors que mes deux mains sont encore posées sur mon visage, sur mes yeux clos et sur ma honte, je sens les siennes sur mon corps. Et j'ai trouvé ça plus tendre que ce qu'il s'est passé il y a quelques minutes, secondes. Plus tendre que n'importe quoi, une caresse tellement insignifiante, mais preuve que je n'ai jamais expérimenté ce genre d'attention avec Rahel. Je me dis, j'ai bien fait d'échapper à celle-ci, pour aujourd'hui. Je déplace une de mes mains pour dégager un œil, pour la fixer d'un œil impénétrable. Les sinistres caresses sur mon corps nu me fait du bien. Vraiment plus que quand j'avais ma verge dans son organe féminin, vraiment plus que quand je me trouvais à subir les assauts de sa langue sur ma verge, vraiment plus que n'importe quoi.

      « Tu veux boire quelque chose? Une bière?
      Bière. »


    Du tac au tac, sa main se détache de ma personne et j'ai immédiatement froid. Assez froid pour dire que j'ai quand même envie d'une putain de bière. Assez pour que sans raison, je me mets à m'allumer une clope. Et c'est assez pour dire que tout ça, c'est juste putain d'automatique. Je ne sais plus qui haïr, alors c'est moi-même que je hais. C'est juste que je ne peux pas m'empêcher d'ignorer quelque chose. Alors voilà. Assis sur la table, le corps à demi à poil, je la regarde, Valora et son corps, Valora et son jean, Valora et son soutif, Valora et ses bières en main. Je ne comprends pas cette scène. Je vis une scène pour que quelque s'y passe, quel est le but de cette scène, c'est ce que je me demande perpétuellement. Je ne peux pas m'imposer une scène où rien ne se passe, puisqu'elle n'existe pas.

      « T'en niques combien d'autres ici, à part moi ? »


    Pas un merci. Mais il fallait enchaîner sur quelque chose. En bon petit merdeux, évidemment. Le cœur serré, le cœur battant, le cœur existant, je secoue des mots, je secoue tout ce que je n'ai jamais secoué vis-à-vis de cette fille. Mettre au clair, peut-être, ce qui n'a jamais dû être mis au clair. Ça ne ferait que la déchirer, elle et moi. La haine est peut-être périphérique, la peur au centre. Ce monde ici, me montre probablement ses plus beaux attraits, mais je suis aveuglé par ce qui ne m'appartient pas, par ce qui m'est inconnu. Alors je rejette l'idée de la beauté. Tout ce qu'ici pourrait m'offrir de plus, en fumée.

    J'aimerais lui faire l'amour, pas avec mon corps, avec mon cœur.

    Et puis, combien d'autres, que j'ai dit. J'attends une réponse directe, zéro, cinq, une dizaine. Sa réponse me fait un peu flipper, c'est vrai. Gorgée de bière, latte de cigarette, cendre sur le carrelage. Mais mon cœur fuit tout le temps, parce que je ne crois en rien. Dis moi, les autres en disent quoi ? Dis moi, est-ce que les autres savent que je suis un connard plein de puissance quand je baise ? Dis moi, est-ce que tu proposes des câlins à tes autres putain de bites de remplacement quand ils font mine d'être triste ? Ce n'est pas de la possession qui m’agresse, ni la jalousie, j'en suis possiblement loin, c'est juste une conscience maladive qui me bloque la respiration par obstruction de trachée. Combien d'autres déversent leur foutre dans ton trou élargi par mes fréquentations. Méchanceté gratuite, haine payante. Je suis direct mais pas trop.

    Pas comme avec Rahel, ou les pires mots surgissent instantanément. Avec Valora, c'est plus fragile, plus tendre, moins sentimental. Mais beaucoup plus apaisant. Je ne peux comparer que ces deux, je suis en proie de deux entités qui me font crever, qui me font ressusciter. Ce sont mes seuls points de référence, et c'est d'un tel ridicule que je ricane doucement. Gorgée de bière, latte de cigarette, cendre sur le carrelage.

    Je voulais le contraire d'un miracle.
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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeDim 11 Nov 2012 - 1:06

    WORDS DO NOT EXPRESS THOUGHTS VERY WELL. THEY ALWAYS BECOME A LITTLE DIFFERENT IMMEDIATELY AFTER THEY ARE EXPRESSED, A LITTLE DISTORTED, A LITTLE FOOLISH.

    J’ignore son regard fixe, ça me gêne et si nos yeux se croisent, ça nous gênerait tous les deux. Et si ça ne le gênerait pas, moi je serais doublement mal à l’aise et je ne peux pas le supporter.

    — Bière.

    Je saute prestement de la table, et je me jette presque sur le frigo industriel qui trône au fond de la pièce. La vérité c’est que je n’ai qu’à tendre mon bras, tellement la cuisine est minable, mais ça permet néanmoins de m’éloigner un peu de son corps. J’entends le bruit d’une flamme qui crépite et va tranquillement se coucher au fond du briquet. Je déniche un pack de bières dans le fond du congélateur. Ça ne m’appartient pas, mais ici, tout ce qui n’est pas à toi le devient tôt ou tard. Et ce qui t’appartient disparait, simplement. Je déchire le carton des deux mains, je me coupe sous la phalange de l’index, je peste. Je prends les deux bières d’une main, le menton posé sur les capsules fraîches. Je referme la porte du réfrigérateur de l’autre main et je m’avance doucement vers Ether. Je lui tends une bouteille, et je retourne m’adosser à la table où il est toujours installé, comme si c’était le lit le plus confortable de la baraque.

    — T'en niques combien d'autres ici, à part moi?

    J’avale de travers. Au fond de ma gorge, ça me pique et la boisson amère est restée coincée et me brûle. Pourquoi est-ce qu’il parle de ça? Je croyais qu’on ne parlait pas des autres, surtout pas. Avec lui, quand je le sens entre mes jambes, je pars. Il n’y a jamais eu que lui et moi, jamais les autres, jamais ces gens qui étaient fades autour. C’est comme s’il brisait quelques chose de solide qui s’était érigé entre nous, sans même qu’on le remarque. Il a brisé le mur qui nous séparait des autres, mais aussi le voile précieux et plus tenace qui nous protégeait l’un de l’autre. Pourquoi veut-il savoir ça?

    Je penche la bouteille en verre contre mes lèvres et je presse les goulot contre ma bouche. J’aspire une longue rasade de liquide, je reprends contenance. Même s’il veut connaître cette chose intime, lui dire la vérité ne me dérange pas. Je pourrais lui mentir, inventer mille amants, milles queues et milles endroits. Mais s’il pose la question, c’est qu’au fond, ce genre de fausse vérités le bouleversera plus qu’il n’y parait. Peut-être même qu’il me laissera tomber. Et après, qu’est-ce que je deviendrai? Est-ce que je disparaîtrai vraiment? Est-ce que je m’enfoncerai réellement dans les murs de la bâtisse, jusqu’à devenir une légende même pas racontée? Le mieux, c’est que je lui dise tout le temps la vérité, toujours. Avec Ether, ce sera la vérité, ou rien.

    Je fais rouler la bouteille entre mes doigts.

    — Que toi. Même si la vérité, c’est que je me fais plutôt niquer, si tu veux tout savoir.

    Un peu de sarcasme, ça n’a jamais tué personne, et ça rend une phrase de loser moins misérable. J’ai pas vraiment tout le temps du monde pour m’envoyer en l’air avec n’importe qui, avec ces gens qui me sont antipathiques et en plus trouver le moyen de sortir de cet endroit nul. Puis de toute façon, Ether apparaît quand j’en ai besoin, alors...

    — File-moi une clope, je dis, tendant l’index et le majeur ouverts en V vers lui.

    Ça a toujours été comme ça. Pas de politesse inutile, de merci de chochotte, de s’il te plaît de tapette. Y a pas besoin, n’est-ce pas? On est tous les deux dans la même merde, plus ou moins. S’il veut pas, tant pis, c’est pas grave, je me débrouillerai. Mais généralement, il est plutôt cool avec ça. Il doit les chier, les paquets de cigarettes. Ici, même le goût particulier des roulées me manque. Même le fait de lécher le papier collant et de serrer la feuille autour du tabac me manque.

    Le pire, c’est que Noreen doit être morte, sans moi, à l’heure qu’il est. Non, le pire, c’est que maman doit encore être en train de tousser, bien en vie, cette chienne. Impatiente, je sautille sur place, d’un pied à l’autre. Dépêche Ether, j’ai envie de fumer, j’en ai besoin. Vite, vite. Comme il prend son temps, je lance, l’air de rien:

    — Si t’as envie de parler... Pourquoi tu me parles pas de ton amoureuse qui te colle aux fesses?

    Sourire innocent. Enfin, presque. La clopeee.
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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeDim 11 Nov 2012 - 1:52


    J'ai une boule dans la gorge, c'est de la rage en fusion.

      « Que toi. Même si la vérité, c’est que je me fais plutôt niquer, si tu veux tout savoir.
      La blague. »


    En fait, je la crois. Ce n'est pas nécessaire de creuser plus, j'imagine. Et j'espère, surtout. Elle dit la vérité, c'est moi, le déni total. Valora est drôle, elle a une pointe d'humour sarcastique intenable qui me plaît plutôt. Plus que l'humour saccagé qui m'appartient, l'humour détruit de la pauvre fille que je supporte et qui me supporte presque tous les jours. Baiser, que moi, en fait, je la crois, en fait, ça me rassure. D'avoir, vérité ou non, la pseudo-vérité de sa propre gueule, la gueule qui quelques minutes auparavant, gémissait légèrement. Pas de quoi réveiller tout un dortoir de gamin, mais des souffles rauques, des soupirs profonds. Elle se fait niquer, par moi, uniquement par moi. Et le pire, c'est que ça n'est pas désagréable de savoir que son vagin n'est souillé que par moi, moi, moi.

      « File-moi une clope. »


    On est quand même dans un putain d'endroit magique et terrifiant, où quand on demande des clopes, on peut en avoir. Quand on demande de quoi se shooter la gueule, de quoi se doper avec de la merde, de quoi se tirer une balle dans le cerveau, tout ça, on peut l'avoir. Mais elle me demande systématiquement des clopes, chaque fois, après l'amour, chaque fois, quand nos regards se croisent, chaque fois, qu'elle n'a rien à dire. Je fouille dans ma poche de mon jean pour lui balancer ce paquet à la con dans la gueule, sa réplique m'arrête. Elle tend les doigts, vers moi, et mine de rien, elle évoque un sujet que je n'aime pas. Un sujet qui me fout sur les nerfs alors que je viens de décompresser avec cette partie imposée de jambe en l'air.

      « Si t’as envie de parler... Pourquoi tu me parles pas de ton amoureuse qui te colle aux fesses?  »


    C'est vrai, je ne peux pas lui en vouloir. Je n'ai pas dit, à Valora. Je ne lui ai rien dit, à propos de nous. Elle pense juste qu'on s'apprécie, peut-être. Elle s'imagine alors que je fourre cette fille là autant que je la tire, elle, Valora. Ça me dérange, de lui raconter, d'un autre, ça me démange. Parce qu'il faut que je me justifie, sûrement. Parce qu'aussi, je suis putain de lâche. Je suis figé, le paquet de clope ouvert, prêt à desservir une cigarette. Amoureuse qui me colle aux fesses. C'est complètement faux, elle a totalement tort. Je n'ose pas m'imaginer sa réaction, si je lui disais que je l'ai presque baisé, une fois. Je l'ai presque baisé parce que je n'ai presque pas commencé, qu'elle était presque en position de faiblesse, que je l'ai presque forcé, et que c'était un presque viol qui n'a pas abouti. C'est pour ça qu'elle me colle au cul. Parce que je fais mine de pas m'en rappeler, et que j'ai besoin de soulager ma conscience de minable qui me crie de ne pas lâcher Rahel. Si elle crève, ce sera alors ma faute, et je serais comme un abruti assisté qui ne saurait pas quoi faire.

    Je reprends mes esprits, à peu près. Pourquoi je ne lui parle pas de mon amoureuse qui me colle à l'anus ? Bonne question. Je lui plante la cigarette entre les doigts et je réfléchis à ma réponse. Je ne sais pas comment la lui donner, d'ailleurs. Ça me perturbe, ce genre de question. Pourtant, on avait toujours dit que nos vies intimes respectives resteraient dans un silence de cadavre, et qu'on ne ferait jamais la catin mal-baisée et le crevard décérébré à nous mettre en confidence. Je considère ça assez dangereux, de lui dévoiler mes tendons d'Achille. Elle pourrait les couper, encore plus cruellement qu'avec l'autre. Voilà, c'est que je suis une chichiteuse qui a peur de se faire découper par des sentiments sexuels.

      « Je croyais qu'on ne parlait pas de ça, laideron. »


    Soupir. Fumée de tabac brûlé.

      « Je l'ai jamais niqué, cette conne. Elle est là à cause de moi. »


    Le seul aveu du jour à propos de Rahel. On pouvait y aller doucement. On avait toute l'éternité pour ça. Alors je laisse traîner, si Valora est curieuse, elle voudra peut-être approfondir. Alors elle me dirait d'elle même ce qui fait son présent à elle. Et on pourrait parler tranquillement comme deux vieux bons potes, impossible pour le moment. Je ne m'en veux pas forcément de l'avoir entraîné avec moi, elle m'a cherché dans cette boîte, après tout.

    Je fixe de nouveau le corps de Valora. Je reluque avec envie ces formes – inexistantes au niveau de la poitrine – que je viens de toucher avec ardeur. Mon regard se pose sur sa clope, qui se consume en douceur. Je connais une chose de Valora, de son passé. C'est qu'elle venait tout juste de se faire prendre avant d'entrer dans ce merdier. En fait, je l'avais remarqué le jour où je l'ai aperçu.

      « Et toi, c'qui le dernier mou du gland qui t'a baisé avant d'venir là ? »


    C'est comme ça qu'on joue, nous.

    Pas ici, ailleurs.
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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeDim 11 Nov 2012 - 15:26

    AND ONCE THE STORM IS OVER, YOU WON’T REMEMBER HOW YOU MADE IT THROUGH, HOW YOU MANAGED TO SURVIVE. YOU WON’T EVEN BE SURE, WHETHER THE STORM IS REALLY OVER. BUT ONE THING IS CERTAIN. WHEN YOU COME OUT OF THE STORM, YOU WON’T BE THE SAME PERSON WHO WALKED IN. THAT’S WHAT THIS STORM’S ALL ABOUT.

    Encore une fois, j’ai envie de ravaler tous les putains de mots qui viennent de sortir de ma bouche, les attraper des deux mains et les renfoncer bien profond, tout au fond de mon œsophage, les entendre se digérer et s’évanouir dans l’acide de mon estomac. Plus tard, je n’aurai plus qu’à tirer la chasse sur leurs tronches horribles. Mais je vois ces paroles, ces lettres qui volent jusqu’à lui, et je les vois l’effleurer, le toucher, le pénétrer. Mon indélicatesse est incontrôlable, je suis incapable de la maîtriser, de garder les pensées pour moi. Je suis une handicapée de la discussion, handicapée du tact. Je sais que c’est bien, parfois, de ne pas dire les choses, de les conserver en soi, d’y réfléchir plus que nécessaire, mais je n’arrive pas à m’écouter, je n’arrive pas à m’en empêcher. Et je sais bien que je suis une idiote, que malgré tout ce changement, moi, moi, je n’ai pas changé.

    Il est confus, je le vois. Un peu embarrassé, un peu lointain, il fige une indu entre mes deux doigts entrouverts. Mon ventre soudain se détend, et je le laisse réfléchir, est-ce qu’il devrait me répondre, ou pas, devrait-il tout me raconter de cette nana, ou juste ce qui ne me blesserait pas. Au fond, j’ai juste dit ça pour l’embêter, pour le faire réagir, pour le sortir de sa léthargie, qui, finalement, m’incommodait moi. J’ai juste renvoyé la balle de celluloïd. Ton tour de te creuser le cerveau, Ether. La clope au bec, je me penche pour récupérer mon sweat. Je l’enfile précautionneusement, en évitant de plier cette cigarette inespérée. Une manche, la deuxième, je pousse doucement la tête dans l’orifice et bascule la capuche en arrière. D’une main, je fouille la poche kangourou et j’en sors mon propre briquet, celui de Tierney, mon papa, en fait. Le zippo en chrome, celui que je lui ai piqué un jour, en despi.

    Nihil sicut nobis.

    Je sais fichtrement pas de ce que signifie la gravure, et je n’ai pas eu le temps de demander avant de me retrouver coincée ici.

    — Je croyais qu'on ne parlait pas de ça, laideron.

    J’élève la tête vers son visage. Alors que j’ouvre la bouche pour lui dire que je m’en fous, il dit rapidement:

    — Je l'ai jamais niqué, cette conne. Elle est là à cause de moi.

    Deux toutes petites phrases, et voilà que la balle de ping-pong me touche en pleine tronche. Je sens presque sa morsure sur ma narine droite, ma joue, le coin de ma bouche, la brûlure amère de celui qui perd. Je ne sais pas comment je me serais comportée si quelqu’un d’Ennis m’avait suivie. Je n’ose pas dire “mon passé”, “ma vie d’avant”, pour moi, elle est toujours d’actualité cette vie, ici c’est juste un stand-by, une petite pause, une bulle d’air plus ou moins frais. Mais cette bulle finira bien par se prendre dans un coin pointu, par exploser, et elle me laissera retomber, sur le bas-côté de cette route paumée, sale, désillusionnée, choquée. C’est forcé, sinon, qu’est-ce que je fais ici, bon sang, c’est quoi cet endroit sans sens?

    Je regarde Ether par-dessous mes cils. Il est beau, c’est sûr. Il est beau comme un fruit exotique, comme un reportage animalier sur la savane. Sauvage, étranger, différent. Intouchable. Est-ce qu’il est vraiment si beau? Il fait peur, il est brutal, violent. Ses yeux lancent des éclairs, même tout à l’heure, lorsqu’il était penché sur la table, le visage derrière ses mains d’homme. Il est noir, il est effrayant. Mais ici, ici, il est mieux qu’un soleil. Il est cette zone grise où je peux me cacher, où mes yeux endoloris trouvent un refuge sombre. Il est cette ombre qui m’attire comme un aimant, comme le contraire d’une lumière qui m’attire, comme si j’étais un papillon contre-nature.

    — Et toi, c'qui le dernier mou du gland qui t'a baisé avant d'venir là?

    Hm. C’est sûr, c’est Ether qui m’a accueillie, le premier jour. Ou le dernier, je ne sais plus trop. Quand Swann Casey m’a abandonnée là, presque comme s’il savait que dans cet endroit personne ne viendrait jamais me chercher. Comme s’il savait l’enfer que c’est. Conneries.

    Je finis ma bière, je finis ma clope. Je tombe sur le sol, contre le réfrigérateur. Je suis fatiguée de tenir sur mes jambes. Je pense à Noreen, à chaque fois que je suis avec lui. Mais je n’arrive quand même pas à imaginer Ether en Seoirse. Quel salaud.

    — À cause de toi? Je hausse un sourcil.

    Je gratte du bout de l’ongle le carrelage dégueulasse, le joint qui se décolle.

    — Moi, je suis là à cause de ce dernier mou du gland. Vous êtes de la même espèce, mais vous vous connaissez certainement pas, je ricane.

    Swann Casey, pourtant, il ne ressemble pas à Ether. Ether, quand il a finit de baiser, de me baiser, il reste sur la table inconfortable de la cuisine et il me parle de cul, il boit de la bière et il fume. C’est quand même mieux.
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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeDim 11 Nov 2012 - 16:25


    Extra-lucide.

      « À cause de toi?
      Hm. »


    Réponse vague, invérifiée. Sale. Je ne sais pas bien, en fait, je ne suis pas si sûr que ça, maintenant que Valora me le re-confirme indirectement. Je n'arrive pas à dire, oui, c'est moi, le connard qu'a eu l'audace de faire une double-arrivée, une double mort. Un suicide collectif, si ce n'est que ce n'était pas volontaire. C'est en partie à cause de moi, et je me méprise pour ça. Je ne suis toujours pas libre, ici, enchaîné par une relation qui à la base, partait de mauvaises intentions, de malsaines actions. J'aurais dû la laisser là-bas, j'aurais été moins conscient. J'aurais dû ne jamais la rencontrer, comme je n'aurais jamais dû être né, pour la bonne cause. C'est aussi en partie à cause d'elle, je le conçois. C'est moi qui en a fait le geste, c'est moi qui l'ai tiré vers la porte de la fin, mais c'est elle qui a provoqué cette fin. Ce n'est pas ma faute, dénégation complète, dénigrant, protestation abominable. Que je fous la faute sur le dos de celle que j'ai mis en pièce. Ce n'est pas moi.

    Elle continue sur ce qui ne la concerne pas elle, alors que je lui pose une problématique en pleine face. Valora n'est pas facile, vraiment. Elle est probablement plus simple que Rahel, qui ne parle que par mensonges interposés. « À cause de toi ? Hm. », et c'est tout. Du moins, jusqu'à que je termine de penser, elle dit.

      « Moi, je suis là à cause de ce dernier mou du gland. Vous êtes de la même espèce, mais vous vous connaissez certainement pas. »


    Valora a la rage, je peux le sentir, et puis j'imagine. La haine se fait ressentir jusque dans ma propre moelle, alors que ce n'est pas la mienne. J'en possède une autre, envers une autre personne. Valora et moi nous ressemblons beaucoup, elle est mon moi au féminin, ma haine partagée, mon ironie visqueuse de la vie, ma fin. Je ne connais pas l'enfoiré qui se coltine la haine d'une sale grognasse, je n'ai pas envie de le connaître, au moins sommes nous de la même espèce. Des hommes. Refus d'en être totalement conscient, je hausse les épaules. Sa réponse est vaine, elle ne m'atteint pas plus. Je voudrais juste, en savoir un peu plus, si on me l'autorisait. Alors je me l'autorise, alors je vends des morceaux de moi contre des morceaux à elle. Pour ne pas que rien disparaisse, pour que tout puisse se remplacer, se transformer et former de nouveau un moi. Et à comme je remplace à chaque fois, rien de moi n'est mon vrai moi. Tout est collecté, assemblé, faux.

    Notre conversation est pire que déstructurée, elle ne ressemble à rien, ce qui change du silence presque habituel après chaque montée de foutre. Je parle de moi pendant que je lui pose une autre question, elle me répond à ma question pendant qu'elle parle de moi. Et ainsi de suite, jusqu'à qu'on puisse se remplir de nostalgies qui ne nous appartient pas. C'en est si ridicule que je ça m'apaise. Je n'ai plus à subir le poids de mes gravillons sur mon épaule droite, elle m'en débarrasse d'une partie tandis que je porte le sien sur mon épaule gauche. Ça paraît peut-être moins lourd, mais c'est pareil, au final. C'est juste qu'il faut s'ordonner d'oublier.

      « Ce connard t'a lâché, j'en parierai ma vie. Et tu es détruite, comme une vieille tapette ? »


    Ricanement insupportable. Et puis je reprends une mine grave.

      « Ne l'approche pas, jamais. »


    Menace pensée. Je n'ai pas envie qu'elle se fréquente, je n'ai pas envie qu'elles échangent ne serait-ce qu'un seul mot. Parce que j'ai peur qu'elle se comprennent, j'ai peur que, s'appuyant sur leur nature de femelles, elles s'éloignent. Parce que Rahel est ce qui me maintient en vie, mais c'est aussi le seul élément qui ne m'empêche de mentir et d'évoluer. De me faire passer pour ce que je ne suis pas, m'empêcher de recommencer, tout commencer. Et être différent. Valora est aussi ce qui me permets de souffler, de respirer, et de prendre une pause quand j'ai le cerveau qui s'embrouiller à travers tous les mots dégueulasses de l'affreuse. Ma menace murmurée est aussi confiante que je suis nerveux. Je suis sacrément nerveux, ça ne m'arrive pas souvent, quand je suis dans mon aire de repos, avec ma drogue de cul, mon antidépresseur, mon moyen de décompression.

      « J'veux d'l'alcool fort. »


    Viens, bourrons-nous la gueule. Jusqu'à qu'on se réveille l'un sur l'autre, encore une fois complètement nus, de la gerbe dans le coin, du foutre refroidit sur le sol, dans un lit tellement pas confortable qu'on en aurait des courbatures et des bleus le lendemain, jusqu'à qu'on ait un trou de mémoire, une gueule de bois à vouloir s'en tailler les veines, jusqu'à qu'on puisse pisser de l'eau de javel. Deuxième cigarette, j'en balance une à Valora. Je ne sais pas si elle a compris, mais je sais qu'elle va en trouver. On a tout ce qu'on veut, ici, si ça, ce n'est pas une sorte de bonheur, je me demande vraiment ce qu'est le vrai bonheur. Je sais que quand je bois, je bad, je sais que quand je fume, je bad, je sais que quand je me pique le bras, je bad. Je sais que je vais vouloir faire des choses que je ne ferais jamais, je sais que je vais pleurer en m'apitoyant sur ma jambe niquée, je sais que je vais être tellement pathétique que je vais aussi en chialer. Mais je sais qu'avec Valora, ce n'est pas grave, je sais qu'elle n'est pas mieux que moi.

    Et ce plan est foireux, ça pue l'pétard mouillé.
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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeDim 11 Nov 2012 - 17:36

    HOLDING ANGER IS A POISON. IT EATS YOU FROM INSIDE. WE THINK THAT BY HATING SOMEONE WE HURT THEM. BUT HATRED IS A CURVED BLADE. AND THE HARM WE DO TO OTHERS, WE ALSO DO TO OURSELVES.

    Ether ne fait qu’hausser les épaules. Qu’aurait-il pu faire de plus? Il n’y a plus grand chose à faire. Je regrette, chaque jour un peu plus, je regrette. La douleur creuse un ruisseau, une rivière, un fleuve, un océan de mal-être, de nausée. Il y a l’avant Swann Casey, et l’après. Il y a le pendant aussi, le durant. Pendant trois petites minutes, non, pendant tout le trajet, même lorsque j’étais sagement à côté de lui, quand nous étions comme deux amoureux, partant en week-end comme des amoureux, j’étais bien. J’étais au sommet de la plénitude. Le climax du moment le plus heureux de ma vie de merde. Swann Casey, dans sa voiture d’occase, me promettait un avenir calme et tranquille, m’emmenait loin de toutes ces horreurs: de la pauvre et pathétique Noreen, de ce las papa, de cette chienne de mère, de petit-ami à peine convenable, de ce terrain vague où je m’oublierai. Swann Casey, pendant ces quelques minutes, c’était un peu un ciel bleu après la tempête.

    — Ce connard t'a lâché, j'en parierai ma vie. Et tu es détruite, comme une vieille tapette?

    Je me rends compte que je ne l’ai pas lâché des yeux. Ses lèvres s’ouvrent, l’air s’échappe avec les mots, se referment. Je replie les genoux contre ma poitrine. Je n’ai pas vraiment froid, mais je ne suis pas à l’aise. Je ronge un bout de peau contre l’ongle de mon petit doigt.

    — Ta gueule.

    Moi, détruite? Ce n’est pas pour Swann que Valora tombera en morceaux. Je n’ai rien à détruire, mis à part quelques os. Je suis en colère, je suis furieuse contre lui, parce que c’est la seule raison que j’ai trouvée à mon enfermement. Si Swann ne m’avait pas emmenée ici, s’il n’avait pas fait ça, ou bien ceci, je serais encore chez moi, assise tranquillement sur le plan de travail de la cuisine, donnant fièrement mon bulletin falsifié à papa, pas du tout impressionné. Je déteste Swann Casey, parce que ce qu’il est me manque tellement, ici. Je pense bien le retrouver chez Ether, mais c’est faux, complètement faux. Swann Casey et Ether sont à l’opposé, et le truc, c’est que je m’en rends bien compte. Et je suis encore plus pleine de rage contre ce salaud de Swann Casey.

    — Ne l'approche pas, jamais.

    Je ne comprends pas tout de suite. Qui je ne devrais pas approcher, jamais? Swann Casey? Aucune chance. Même si j’étais à Ennis, j’aurais trouvé un moyen de l’éviter. Et puis, ça fait tilt. Comme une ampoule qui s’allume sous mon crâne. L’image tape dans ma tête, agresse ma migraine, je plisse les paupières. C’est psychologique, mais je n’y peux rien.

    Il parle de l’Autre. La deuxième fille, ou la première, la première, c’est moi qui suis la deuxième. Seulement la deuxième? Ou davantage? Je décide que je m’en fiche. Ether a toujours été là depuis le début, peut-être pas autant que je le souhaiterais, mais suffisamment pour continuer à désirer sa présence, son corps, sa sueur.

    — Aucune chance, je dis dans un souffle inaudible, vaguement préoccupée.

    — J'veux d'l'alcool fort.

    Je pose mes paumes sur le sol, et me pousse vers l’avant. Debout, la main tendue vers la poignée du frigo, je me dis que je suis un peu trop facile, comme fille. Un peu larbine, un peu docile. Puis, du coin de l’œil, j’aperçois la canne posée négligemment, et je me dis que prendre une bouteille, n’importe quel crétin peut le faire sans problème. Je me dis que j’en ai envie, aussi. Je fais passer la pilule, avec les moyens du bord.

    Le frigo est toujours rempli. Toujours. J’ai arrêté de me demander par quel miracle, si jamais je me le suis vraiment demandé. Je n’ai jamais été très curieuse, et si je survis, c’est parce que j’ai toujours dépendu des autres. Pourquoi tout stopper ici? Aucune raison. Alors je compte toujours sur une autre âme, plus dégourdie, je me débrouille comme ça. Si jamais tout le monde venait à mourir, je crois que je n’aurais qu’une seule possibilité, le lacet de ma tennis. Si je suis seule, je ne sais pas quoi faire. Alors je ne fais rien.

    Je tire de là une bouteille de whiskey bon marché, comme papa en avait l’habitude. L’eau, qu’il l’appelait. Toujours au frais. Pas besoin de verre. Je referme le frigo avec les fesses, fais rouler une gorgé du liquide ambrée contre mes gencives, avale. Je ramasse la cigarette que m’a envoyée Ether mais que je n’ai pas réussie à rattraper. Je la pose entre mes dents, tends la bouteille ouverte et une fois dans les mains d’Ether, j’allume la clope.

    — Swann Casey est un pauvre con. Je lui en veux, parce que je suis ici, et pas lui. Je lui en veux tellement, mais tu sais quoi, regarde, je dis en lui montrant mon poignet gauche, celui qu’il a serré en me tirant ici, c’est le seul bleu que j’ai. J’ai de la chance, quand je me dis que le corps de ma sœur doit en être recouvert, quelque part dans un casier de la morgue.

    Je crois que je n’ai jamais autant parlé. Même à Finn, je ne me souviens pas de lui avoir parlé autant. Mais Finn avait tout sous les yeux, Finn a vu le visage de Noreen, si on peut appeler ça un visage, il a vu la fureur de Seoirse. Il a tout vu, Finn.

    — Tu ferais mieux de boire, et de me raconter ta famille. J’adore les histoires de famille.

    Rictus narquois, yeux fixes.

    Le whisky n’est pas très bon, mais c’est fort, et c’est ce qu’Ether voulait. Je ressens déjà la chaleur au creux de mes reins, et mon mal de dos a presque disparu. Je détends mes jambes devant moi, et je continue de mater Ether. Il n’y a rien d’autre de toute façon.
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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeDim 11 Nov 2012 - 21:39


    Best day ever.

    Je la sens nerveuse, même gênée. Elle se replie contre elle, comme si elle avait besoin de cacher quelque chose, comme si elle avait envie d'éviter quelque chose. Elle veut se limiter, d'être pudique même. Dans cette position, elle veut se renfermer, et j'aimerais qu'elle ne fasse pas cette connerie. Mais je ne dis rien. Son ordre m'arrête de penser, ta gueule, casse-toi et toutes les autre insultes que je balance sans cesse. En permanence, jusqu'à ce que ça en devienne une sale habitude, collés à mes lèvres, accrochés à ma façon de parler, un tic de parole. Des insultes légères qui n'atteignent jamais leur cible, tout comme je les crache sur Valora, et sur l'autre.

      « Ta gueule. »


    Son ta gueule me fait penser que j'ai visé dans le bon. Alors je m'imagine des scènes atroces qui me rendent désagréables. Un sale enculé qui aurait tiré Valora comme je le fais ici. Ce connard qui l'aurait faite jouir avec ses doigts, cet homme qui l'aurait fourrée sans autres préliminaires. Et puis, une Valora contente, souriante pendant qu'elle le regarderait lâcher sa semence. C'est si sale, si infecte que je chasse instinctivement ces pensées absurdes. Et elles reviennent à l'assaut. Il l'aurait porté contre une porte, un mur, il l'aurait posé sur des cuvettes dégueulasses pleines de crasses d'autres gens, il l'aurait lâché sur un tapis d'un couloir quelconque. Et puis se rendant compte de sa connerie, il serait parti. Valora, triste comme elle l'est maintenant, avec sa gueule de vieille pute achevée déterrée, elle serait passée au travers d'une porte fermée. Toute seule, dans ce lieu flippant. Laissant derrière elle l'homme qui venait cruellement de la lâcher pour aller en prendre une autre dans une forêt.

    Aucune chance. Et comme un blaireau, je me sens rassuré, malgré le peu de conviction qu'elle a foutu dans sa phrase pour me l'annoncer. Puis exactement comme Rahel l'aurait fait, elle ne se plaint pas et ramène ce que j'ordonne. Une forme de pitié, qui me troue l'égo, mais donc je m'habitue peu à peu. Ça fait pitié parce qu'elles ne savent peut-être pas que je sais que au détriment du fait que je sois un homme, je suis handicapé. Alors le reste de leur conscience humaine qui n'est pas délabrée leur permet de fermer leur gueule, assez gentiment pour me servir bien que je suis un connard fini.

    Du whisky, écœurant à la bouteille. Mais je n'y prête pas attention. Je ne bois pas pour le goûter, je ne bois pas pour l'apprécier. Je bois pour soûler. Le liquide bon marché semble réchauffer mon cœur, mon corps et jusqu'à ma douce difficulté à saisir ses paroles.

    Swann Ca... Il s'appelle donc Swann, la dernière queue de son époque qu'elle a pu goûter. Et elle raconte à moitié. J'essaye de saisir les entre-lignes qui forment son peu de phrases explicatives. Un pauvre con, comme je m'en doutais déjà pas mal. Elle lui en veut à en crever, sa rancune est compréhensible, je pense. Je ne compatis pas, je n'ai pas envie de m'abaisser à compatir une pauvre jeune pute en dèche d'amour et de cul qu'elle était à l'époque. Est-ce qu'elle en a beaucoup changé en venant ici? Je ne sais pas, je ne pense pas. Valora dévoile un poignet lisse, blanc et antérieurement meurtri par son sois-disant pauvre con de Swann. J'apprends alors pour la première fois qu'elle a une sœur. Je ne m'y connais pas bien, en relation familial, ayant toujours été un fils unique et précieux de parents libres.

      « Tu ferais mieux de boire, et de me raconter ta famille. J’adore les histoires de famille. »


    Je vois déjà, mais il me reste encore à raconter ma famille, d'après elle. Ça ne me dérange pas, puisque je n'ai que de vagues souvenirs de mes proches, ma famille. Je me souviens mieux de mon coach rude et possédant du caractère que de mes parents trop communs, qui me laissaient tout faire, tout tester. Au moins, ils m'aimaient, pas suffisamment pour me materner une fois que j'avais grandi et une fois que j'avais été détruit.

      « Je vois encore mon coach et mon équipes penchés sur moi pendant que je suis enfoncé dans mon lit d'hosto, jambe en moins. »


    Je ne parle jamais de ça. Pas de ma famille la plus précieuse, différente de la famille de naissance. Jamais de la tragédie qui a hanté tous mes jours jusqu'ici. Je ne donnerai pas les détails de ce point culminant de ma vie, je suis sûr et certain que je vais en chialer, alors non. La seule chose que je puisse dire, c'est.

      « Cambriolage chez mon père et ma mère. »


    Je pointe un doigt sur ma cuisse handicapée.

      « Il avait un putain de couteau de cuisine. »


    Ça, ce n'est pas douloureux de s'en rappeler. Ça ne me dérange même pas qu'elle se foute de ma gueule parce que je me suis fait niqué par un couteau de cuisine. Ça ne me gêne pas de raconter cette connerie hilarante, mais je ne l'ai jamais fait. Ni à Rahel, ou peut-être un soir où j'étais mort sous l'alcool, sous la drogue. Inconscient, devant des gens qui n'en savaient rien, qui n'en voulaient pas entendre un mot. Volontairement, je crois que Valora est ma première. Ce sont les conséquences qui me mordent, pas les faits. C'est quand j'étais à l'hosto, ivre de douleur, fatigué de mon réveil que j'ai pris cher.

    Je t'en prie, froisse moi.


    HRP :: Je ralentis, prends ton temps, j'te laisse jusqu'à mercredi :3 /shot
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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeLun 12 Nov 2012 - 16:50

    LOST OPPORTUNITIES, LOST POSSIBILITIES, FEELINGS WE CAN NEVER GET BACK. THAT’S PART OF WHAT IT MEANS TO BE ALIVE. BUT INSIDE OUR HEADS - AT LEAST THAT’S WHERE I IMAGINE IT - THERE’S A LITTLE ROOM WHERE WE STORE THOSE MEMORIES. A ROOM LIKE THE STACKS IN THIS LIBRARY. AND TO UNDERSTAND THE WORKINGS OF OUR OWN HEART WE HAVE TO KEEP ON MAKING NEW REFERENCE CARDS. WE HAVE TO DUST THINGS OFF EVERY ONCE IN AWHILE, LET IN FRESH AIR, CHANGE THE WATER IN THE FLOWER VASES. IN OTHER WORDS, YOU’LL LIVE FOREVER IN YOUR OWN PRIVATE LIBRARY.


    Derrière la porte, il est là. J’ai eu peur que Seoirse soit revenu, puis j’en ai eu marre en pensant que c’était Finn qui avait cogné. Mais lui, j’aurais jamais cru. Il m’avait quasiment jamais adressée la parole, et moi je n’y arrivais tout simplement pas. Il était la figure un peu idéale de ce que j’aurais voulu pour moi, le bonhomme qu’on imagine sur papier glacé, pas tout près de toi. Derrière la porte, il est là, finalement. Je suis sur le cul, bouche bée. Il ne dit rien, ni bonjour, ni conneries du genre. Il m’attire vers lui, contre lui. Il m’embrasse comme si mes lèvres étaient la dernière nourriture sur terre, et même si c’est débile et affreusement cul-cul, je me sens bien, je me sens fondre comme un morceau de guimauve trop près du feu. Sans penser une seconde à la brûlure qui vient juste après, à l’odeur de cramé qui plane, menace tangible que je décide d’ignorer. Pourquoi moi? Je ne me pose même pas la question, je ne suis plus là. Je suis ailleurs. Je flotte au-dessus du sol, je plane au-dessus des escaliers, à moins que ce ne soit lui qui me porte.

    Et puis me voilà, sombre idiote aux yeux écorchés vifs.

    Tout ce qui me rappelle Swann chez Ether, c’est sa sauvagerie un peu brouillonne, son empressement quand on mélange nos substances. Mais si je peux regretter infiniment mon unique expérience Swann Casey, Ether, il me rend pas folle de rage, il me fait pas me détester. Ether il a d’autres blessures, mais c’est comme s’il les avait au même endroit que moi. Nous deux, avec nos corps, on fait tampon et on arrive à ignorer la douleur quelques heures, le temps d’une cuite, le temps d’une débauche complète. On est plus que des animaux, rien qu’une enveloppe vide. Vite.

    — Je vois encore mon coach et mon équipe penchés sur moi pendant que je suis enfoncé dans mon lit d'hosto, jambe en moins.

    Ether avait un coach, un coach et une équipe? Quel genre d’équipe? Un truc sportif, un truc de mec hyperactif. Il me parle de sa jambe, celle qui boîte, celle qui marche de traviole. Y a trop d’ombre entre nous, trop de choses qu’on tait. Mais c’est pas plus mal parfois, ici, la lumière me fait mal au yeux, au point qu’il y a des jours entiers où je ne veux rien voir. Rien voir du tout. Même si c’est littéral, je me dis qu’au fond, j’ai jamais rien voulu voir, et que c’est rien d’autre qu’une autre punition. M’enfermer ici était pas suffisant, apparemment. J’ai l’impression d’être aux portes du paradis, et qu’on me teste une dernière fois. Sera-t-elle capable d’ouvrir les yeux, définitivement? Sûrement pas. Et puis, j’allais jamais à l’église, le dimanche.

    — Cambriolage chez mon père et ma mère.

    Il me montre sa cuisse malade, celle qui a la tremblote. Celle qui justifie sa canne. Je suis son geste du regard, toute attentive.

    — Il avait un putain de couteau de cuisine.

    Je hausse un sourcil. Je pensais pas qu’un simple couteau de cuisine pouvait faire autant de dégâts. Enfin, dégâts, il traîne sa jambe, c’est pas si grave, si? Je veux dire, il arrive encore à me prendre vigoureusement. Et puis, je me rappelle instantanément. Ma mémoire courte m’a toujours jouée des tours. C’est pas drôle. Ether avait un coach, un coach et une équipe. Je suppose qu’une jambe bousillée, ça détruit une équipe, et ça fait fuir le coach, non?

    — T’es une sorte de héros, alors?

    J’ai pas des masses envie de mettre les pieds dans le plat, mais, bon, je suis un tout petit peu curieuse. Ou pas, en fait. Je me fiche de sa réponse, mais, je sais pas, après une telle histoire, je suis obligée de m’intéresser à son passé, ce qui a fait d’Ether Ether, et je parie que sa jambe est une sorte de bouquin. Un mode d’emploi, en quelque sorte. Je fixe un point sur le mur derrière lui.

    — Et tes parents...?

    Et s’ils étaient vraiment morts? Si Ether n’avait pas envie de répondre à ma question stupide? Je lui prends la bouteille des mains, je retourne m’asseoir à côté de lui, là où est posée sa jambe valide. Je fais tomber le whiskey sous mon palais, je me sens plus légère, c’est peut-être pas si cool de parler autant de choses si sérieuses. Je me souviens pas de la dernière fois qu’on ait échangés des souvenirs pas marrants. Des souvenirs graves, tristes.

    — C’était quoi ton équipe? Ça se voit que tu faisais du sport, quand même, je glousse.

    Grosse débile.

    Je touche son avant-bras. Je ne sais pas pourquoi, mais je n’arrête pas de m’empêcher de le toucher, mais je n’arrive pas toujours à m’en persuader. Peut-être parce que tout est tellement irréel ici, il faut que je sente sa peau sous la pulpe de mes doigts, sinon, Ether n’est pas vraiment ici.

    Au fond, je sais que mon raisonnement est niqué. Ether n’est pas forcément ici, si son corps est chaud sous le mien. Il faut que j’arrête de penser qu’une personne n’est qu’une superficie. C’est à cause de ça que je suis tombée, c’est à cause de ça que Swann m’a coincée. Parce que je sais pas qui sont ces gens, je sais pas qui ils sont, à l’intérieur. Ce qu’il que j’arrête, c’est d’en avait rien à foutre de qui ils sont, à l’intérieur.
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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeMer 14 Nov 2012 - 19:37




    Je n'ai pas peur de la vitesse.

      « T’es une sorte de héros, alors?
      T'es conne.»


    En fait, sa remarque est drôle. Finalement, trop héroïque, et la conséquence a été trop ironique. Un héros qui termine dans la came, qui baiserait n'importe quelle pute dans une ruelle sombre, un héros qui se retrouve avec une jambe en piteux état, canne de vieux en main. Sa question est assourdissante, et sonne mal dans mes oreilles. De la crasse totale, c'est débile, comme commentaire. C'est inutile, comme questionnement. Ce n'est même pas la peine d'y penser, c'est absurde, ça blesse, ça rouvre la plaie qui me faisait perdre mon sang pendant des années, des années. Du sang au compte-goutte, du mépris au sens léger. Elle en sera peut-être rassasiée, elle, après avoir écouté toute ma vie. Elle finira même par se lasser de ma perpétuelle violence interne. Cette petite lumière de connerie qui m'anime en tant qu'Ether. Alors elle finira par me regarder avec cette expression, ce comportement et cette atmosphère traduisant la pitié. Pitié.

    Comme si j'ai envie d'entendre ça.

    Personne ne me regarde plus hautainement, ils voient trop bien que je fais pitié, que je peux être qualifié de 'oh le pauvre', avec ce visage repoussant, écœurant à vouloir compatir, comprendre. Ils ne peuvent pas comprendre, ils voient que je suis mal. La preuve, je n'ai pas pu croiser un seul regard de travers une fois détruit. Ils ne compatissent pas, ils ne peuvent se résoudre à le faire. Mais ils sont sévèrement attristés, de manière la plus hypocrite qui soit. Un jour, un gamin fait une remarque sur ma canne, pourquoi il tient un bâton comme papy, le monsieur ? Et la mère lui cloue le bec, il ne faut pas dire ça chéri, c'est impoli. Elle l'éloigne avant de l'entendre dire, en soulevant une nouvelle fois sa curiosité non-assouvie, bah pourquoi ? Ce n'est pas sa faute, au monsieur, il est handicapé. Il ne faut pas dire ce genre de chose devant les handicapés, pense au monsieur, comme il doit être triste.

    Tout ça, ç'a été la faute à personne.

    Que la mère crève. Je préfère encore le gamin impoli qui demande des crasses et qui gratte les croûtes que sa mère qui éloigne le mal de son fils abruti comme ses pieds. Ça me rend fou. Vous pouvez tous me sucer la merde que j'ai dans mon tendre cul.

    Et moi je réponds.

      « Et tes parents... ?
      Mes vieux ? Qu'est c'j'en sais.»


    Je n'en sais vraiment rien. Je les ai vu à l'hosto, une fois, deux fois peut-être. Refus obstiné de parler de mes vieux. Cette question, bien trop personnelle à mon goût, semble se référer aux râles poussés par des mômes pendant qu'ils vomissent. Sa question commence à foutre sur les nerfs, conduit à une rage qui bout. Ça me torture l'esprit et ça amène progressivement une intolérance à sa familiarité vis-à-vis de mon intimité. Une répulsion violente, je suis putain de phobique de mon passé. L'ouverture même du sujet de mes vieux me fait imploser. Mes vieux, je les ai presque jamais vus quand j'allais bien. J'étais trop intégré à ma nouvelle famille pour penser à me rapprocher de la vraie. Je passe mon temps avec mes frères, mon nouveau père et mon amour de toujours. Le basket comptait et compte plus que la vie familial. J'ai choisi l'amour sentimental à l'amour familial. L'amour sincère, l'amour pour lequel j'aurais consacré ma vie entière. Le son singulier d'une balle de basket claquant sur ma paume une fois, sur le sol deux fois.

      « C’était quoi ton équipe? Ça se voit que tu faisais du sport, quand même.»


    Quoi? QUOI?
    C'est terminé. La répulsion du souvenir de mon ancienne vie remonte comme de la gerbe. Je suis jaloux du Ether d'avant, je suis raciste de mon passé, et le Ether de maintenant me dégoûte. Alors je me venge sur la première chose que je suis capable de détruire. Je me tourne sauvagement, lueur de révolte dans les yeux, et je retire sèchement la main qui touchait mon avant-bras. Je ne suis pas furieux, agressif mais en réalité tellement triste. Ma main frôle la sienne, celle qui tient la bouteille, mes doigts se dérobent sous les siennes et je soustrais rudement la bouteille de sa possession. Ma main libre coulisse de son ventre jusqu'à son cou, glissant par sa poitrine. Et je serre, pas trop vite, pas trop fort. Le soulèvement de cette-dite poitrine me fait desserrer la prise. Je veux qu'elle vive encore, un peu. Je ne veux pas me frayer un chemin vers l'annihilation. Je serais abattu, si je crevais quelqu'un. Mon regard troue le sien, son regard troue le mien. Fureur et passion, exaspéré et puis colérique. Je ferme les yeux, relâche son cou féminin. Je reprends ma place, je m'arrache avec la moitié de la bouteille dans la trachée, je tousse et je retiens mes injures.

      « Salope. »


    Résiste à la tentation.

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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeMer 14 Nov 2012 - 20:51

    LE POUVOIR DEMENTIEL QUE PROCURE UNE ARME A UN PAUVRE TYPE SANS IDEES, SANS COURAGE, SANS RIEN D’AUTRE QUE SA HAINE DE LUI-MÊME ET DES AUTRES.

    Du bout des doigts, je caresse la marque invisible qu’il a laissée à mon cou. Ma nuque est endolorie, mais je souffre davantage du geste. Un cerveau humain est insensible à la douleur. Faut juste apprendre à s’y faire, et la douleur sera comme la toile de fond. C’est comme ça que je vis, que je survis. Je suis vexée et... mince, je suis triste et fâchée. Ether n’avait jamais levé la main sur moi juste dans le but de me faire mal. Je serre mon cou entre mes mains, je collecte la chaleur, j’enrage en silence. Je jette un regard plein de colère. Je suis comme un animal blessé, un chat auquel on aurait marché sur la queue. Je crache presque, dents à l’air, ma fureur. Je suis touchée au plus profond de ma carotide. Ma gorge me serre, mais ce n’est pas à cause de la trace rouge qui s’étale sur mon cou. Une boule se forme tout près de ma glande salivaire ou je sais pas trop quoi. Je ferme mes poings, je rage, je rage, rage.

    Salope salope salope.

    — Salope toi-même, je lâche faiblement, acide.

    J’en peux plus, là. Je veux juste partir. C’est vrai, ok, je voulais qu’il la boucle à propos de son passé. Je m’en tape, de ce qu’il a fait, de ce qui l’a fait. Ceux qui étaient à ses côtés ne le sont plus, et à présent, il est entouré de deux nanas barges. Tout de suite, il est avec moi. Sérieusement, je voulais juste détendre l’atmosphère, et lui il attrape mon cou comme un vulgaire lapin dégommé par un chien de chasse, un lévrier de merde. Je suis pas un lapin, je suis loin d’être la proie. Mais Ether, j’y peux rien, même avec sa jambe invalide, il surpasse ma force un million de fois. Et j’enrage, j’enrage, rage.

    J’ai voulu obtenir une réaction, un petit quelque chose, n’importe quoi. Fais attention tes souhaits, naïve. Je voulais pas qu’Ether me touche, pas de cette façon. Je vais pas lui balancer que moi, j’ai dit des trucs graves, vraiment graves. Ma sœur, je sais pas ce qu’elle fait, où elle est, si elle est seulement encore en mesure de faire des trucs, d’aller quelque part. J’en sais rien, et ça me tue. Ether il évoque sa jambe, le souvenir de sa jambe. Il sous-entend plein de choses, laisse imaginer à quel point c’est dur, chiant, à quel point tout ce qui se rapproche de sa jambe débile est terrible. Sa jambe, physiquement, et puis ce que son handicap entraîne. Le regard des gens, surtout. On a tous croisé un môme handicapé, un triso, et on a tous détourné le regard. C’est la nature humaine, d’éviter la confrontation, d’éviter ce qui est gênant et, au fond, d’éviter ce qui nous occupe pas. Ce môme en fauteuil roulant, je le connais pas, et j’ai pas envie de l’aider. La première proposition n’est pas obligatoire, évidemment.

    La pitié, c’est qu’un masque qu’on ces types hypocrites, qu’on cette population, le monde tout entier. La vérité, c’est que personne n’en a rien à foutre des histoires d’autrui. C’est un échange biaisé. Tu parles et tu écoutes, pour pouvoir parler. Rien de plus. Je donne, tu dois donner plus, je dois surenchérir pour montrer ma supériorité, sans fin, sans arrêt. Pas de pitié, juste de l’égocentrisme concentré.

    Je ne peux pas dire que je suis différente. Je suis pareille. Je suis pas plus pire, pas mieux. Je suis juste cette fille qui sourit à ce gamin handicapé, mais qui a les yeux posés sur le goudron. On ne voit pas, mais on montre. On fait semblant de voir, pour les autres. Même pas pour nous-mêmes. C’est pitoyable? C’est humain, c’est la règle, pas de médiocrité dans ça, juste la culture, l’habitude. C’est la norme. Et Ether, tu es passé de l’autre côté de la barrière depuis longtemps maintenant, deal with it.

    — Ça te fait du bien, de me jeter plus que ton foutre à la gueule?

    Je dis ça en me rapprochant lentement, serpent qui rampe jusqu’à la souris. À mon tour d’être prédateur, à mon tour d’apprécier la chasse. Je n’irai pas voir si l’herbe est plus verte ailleurs, ça prendrait trop de temps. Malgré mon cou meurtri, mon corps ankylosé, Ether reste un bon coup. J’ai envie de dire, ça compte d’autant plus avec son état, mais c’est avec ce genre de remarque qu’Ether enserre mon cou de l’étau de ses paumes. Alors, désolée, mais cette fois je passe.

    Je glisse un doigt sur la bouteille quasi vide. Je remonte mon index sur sa propre main, le rallongement du whiskey. Doucement, l’avant-bras, doucement, l’épaule. Je prie pour qu’il ne soit pas pris d’une envie de faire du mal, de me faire du mal. Soigneusement, la clavicule, doucement, la nuque. Je passe une jambe entre les siennes, je colle ma poitrine contre son torse. Et puis, ma main valide est rejointe par celle qui serpentait contre son cou à hauteur du bassin. Mes paumes étreignent ses hanches, mes doigts s’infiltrent dans cet espace étroit entre la peau, douce et le jean, rugueux.

    — Toujours fâché?

    Je susurre. Pour le coup, j’accepterais qu’il me traite de salope. Ici, ce serait justifiable, justifié. Voilà ce que ferait une salope. La salope, elle s’éloignerait aussitôt. Mais une salope conne, ça réfléchit moins vite. Alors je recule doucement, et je me colle, raidie par l’adrénaline, contre la paroi froide du réfrigérateur. À jouer avec le feu, je commence à avoir trop chaud.
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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeSam 17 Nov 2012 - 21:35




    Ma colère gronde, j'te ferai cuire au micro-onde, j'irai pisser sur ta tombe ce s'ra immonde, comme la fin du monde.

    C'est ce que je redoute le plus. Qu'elle soit déçue malgré le fait qu'elle sait qui je suis. Violence payante, contre une violence subtile et non-intentionnelle. Sa violence verbale était intentionnelle, je devine. Évoquer mon passé n'est pas le meilleur moyen d'en savoir plus sur moi, plus la curiosité s'approfondit, plus je me cache pour éviter de soulever les douleurs qui réveille ma cuisse morte. Elle doit le savoir, depuis le temps. Les quelques mois de muet sur la vie réelle, derrière ce rêve. Ce ne sont pas les souvenirs qui me butent l'air de rien, ce n'est pas non plus Valora et ses questions, c'est juste moi. Machiste, peut-être. Je prétends qu'elle est la cause de tout tandis que le celui qui essaye de se souvenir les bons moments, je me perds et j'en souffre. Instantanément, elle devient une espèce de souffre-douleur. De défouloir.

    Si mon destin est de pourrir ici, alors ce n'est pas plus mal d'avoir perdu tout espoir en venant ici. Si je pouvais encore jouer en venant ici, je serais déjà mort, quoique ce n'est pas bien différent de ma situation actuelle.

    L'alcool me remue de l'intérieur. L'introduction de l'alcool me censure et me fait perdre. Je voudrais pas la vexer mais sa main sur ma peau me file pas particulièrement des frissons. Parce que je sais que cette petite larve ne le fait parce qu'elle a encore à donner, pas vraiment pour se refaire culbuter le derrière par un putain de handicapé. Je ne bouge pas, j'ai dû mal à gérer le stress, je suis abruti par l'alcool et je ne réagis pas de suite à ses assauts de petite timpe enragée. Elle me chauffe, joue avec mes envies de cul permanent, et se décolle, comme pour dire qu'elle plaisante. Le frigo derrière elle, elle attend que je vienne, sûrement. Et comme je perds la raison, même si je sais qu'elle est là à me frapper la première, j'agis prévenant du rejet. Descendant de la table, je bannis ma canne et me colle contre elle. La main sur la joue, qui descend vers le menton, soulève. À deux millimètres de ses lèvres, je ricane. Je retiens l'envie d'écraser mes lèvres alcoolisées contre les siennes, je retiens l'approche de son visage par force physique et je reste ainsi. Quelques secondes. Une minute. Elle ne dit rien, je ne dis rien. Ce silence m'intéresse, il va se passer quelque chose. Ou alors, c'est l'excitation que fourni le whisky qui éveille tous mes sens chamboulés. Ma vue se détériore, ça tourne un peu, la gerbe reste encore dans sa prison. Et je ris, comme un déterré, un psychopathe prêt à violer une femme, une idée malsaine en tête. Rien de ça, seulement du rire. Un rire pathétique, qui réclame sa part de pitié.

    Chialer n'est pas une bonne idée. Rire non plus. Mais quitte à rien branler, autant rire. Logique de saumon fumé, l'alcool ne détériore pas seulement ma vue, mais toute mon existence, du début jusqu'à la fin. Et puis la mort s'en bat les couilles de la vie, clamser en étant bourré. Clamser pour abus de drogues, de sexe, de javel dans la pisse. Ce serait une belle putain de mort, une belle atteinte au nirvana. Impuissant comme sous amphèt, mon corps chauffé et réchauffé se colle encore plus à son opposé. Sa main libre passe sous le teeshirt, et mine de rien, descend et attrape une fesse.

      « Quoi, t'as pas assez donné tout à l'heure? »


    Faut pas jouer comme ça avec moi, putain. Quelle suceuse. Quel destin tragique de m'avoir rencontré, moi, et pas un autre qui ne penserait pas qu'à la tirer n'importe où, n'importe comment, par n'importe quel trou et n'importe quelle position.

    J'ai mal aux côtes à force de rester debout dans une position étrange, la douleur dans mes reins me fait reculer, lâcher son visage et le contact entre sa fesse gauche et ma main gauche. Je la dégage légèrement du frigo, l'ouvre, et chope une bière. Calmons-nous. Doucement. Je veux pas encore finir dans le ravin. Je me rends compte que j'ai l'impression de gesticuler dans tous les sens, j'aime trop ça pour ne vouloir me calmer. J'adore faire peine à voir, quand le monde autour de moi dit que je suis complètement mort.

    On pourrait me décortiquer, se rendre compte que je suis simple à comprendre, aussi simple qu'un gamin. Que je suis l'équation entre le temps et le malheur, accompagné d'une inconnue. Faut que je défronce les sourcils, mais je n'apprends pas. Je n'attrape rien, ne cherche pas les efforts, alors je ne saisis pas même la petite luciole de bonheur qui pourrait éventuellement se présenter devant moi.


    C'est bête et méchant.

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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeLun 19 Nov 2012 - 21:00

    Peut-être que ça paraissait romantique, au fond. Quelqu’un qui serait entré par hasard dans la cuisine lugubre aurait trouvé ça so lovely. Ether qui me tient le visage, nos figures crispées par la tension, ma main qui touche sa peau, nos regards qui se cherchent. Tant de nervosité, ça voudrait forcément dire quelque chose, n’est-ce pas? Seulement, il s’agit d’Ether; seulement, il s’agit de moi. Une seconde, un ange qui passe. Et puis son rire effrayant. J’écarquille les yeux, merde, j’y avais cru, j’y avais cru un dixième de seconde, mais merde: j’y ai cru. Le son qui s’échappe de sa gorge me file des frissons, la chair de poule. Si Ether était totalement stable et sain d’esprit, moi je ne serais pas dans ce foutu endroit. Parfois, nous jouons au jeu de celui qui est le moins névrosé. Et parfois, c’est l’inverse, c’est comme une surenchère du pire de nos pensées. Ether est capable du mieux, mais surtout du pire.

    I WANT TO WIPE OUT ALL THE SAD IDEAS THAT COME TO ME WHEN I AM HOLDING YOU.

    Il se décide enfin à me lâcher, ce que je souhaitais, mais que je ne me parvenais pas à faire. Mes membres sont incapables de bouger, et j’ai l’impression que toute conscience, toute réflexion m’a abandonnée. Je ne réfléchis plus, mais pourtant, je le sais, que je ne réfléchis plus: j’y pense. C’est comme si je me regardais du plafond, comme si je voyais la scène entière. Il regarde d’un côté, je regarde à l’opposé, comme un vieux couple malade. Nous ne sommes même pas un couple, nous n’avons pas ce type de relation. Pourquoi devrions-nous nous brouiller pour de telles conneries? Pour tenter de retrouver un semblant de vie réelle, la vie qui coule à l’extérieur? Comme une gamine qui étale deux gros ronds de roses sur ses joues, qui chausse les escarpins rouges de maman, et qui se pointe devant elle. Regarde maman, je suis grande. Je suis comme toi. Est-ce que nous sommes aussi pathétiques que cette enfant? Elle est juste devant moi, je la devine presque. Elle attend qu’on essuie ses joues, qu’on l’enlace. Tu as tout le temps de grandir. Tout le temps.

    ALL YOU EVER THINK ABOUT ARE SICK IDEAS INVOLVING ME, INVOLVING YOU.

    Avons-nous le temps? L’éternité, ici? L’éternité, c’est longtemps, c’est sûr et certain? Ether et moi allons continuer à nous chercher ainsi pour l’éternité? Pour toujours, toujours, à l’infini, toujours la même chose, de la même façon, au même instant. Je ne veux pas. Je veux que tout ça ait une fin, savoir que ça se termine forcément, au bout, au moins parce qu’on crève. Au moins parce qu’on peut s’éloigner, s’installer à des kilomètres l’un de l’autre, faire comme si il n’avait jamais existé, comme si nous n’avions jamais vécu. Ici, c’est impossible. Ici, peu importe que je ne le supporte plus, je le retrouve toujours. Toujours.

    — Je n’en peux plus, ‘Ther.

    I WANT TO ERASE EVERY NASTY THOUGHT THAT BUGS ME EVERY DAY OF EVERY WEEK.

    Je glisse une main dans mes cheveux. Je le regarde, je cherche, je ne sais pas, l’approbation, l’écoute, l’attention. … De la compassion? Je me laisse chuter au ralenti sur le sol. Je replie mes jambes sur moi-même, pose mes coudes sur mes genoux relevés et je laisse tomber mon visage entre mes deux paumes ouvertes. J’en ai marre.

    — Je veux sortir. Je vais devenir folle.

    Je sens les larmes me monter aux yeux. Je ne veux pas qu’elles coulent, je ne veux pas m’humilier devant lui. Ça va, on ne partage rien, je ne vais pas lui montrer ce que je ressens quand je craque. Il ne sait même pas quelle gueule je peux avoir quand je souris vraiment, quand je souris parce que je suis heureuse. Je retiens un hoquet, un sanglot. Depuis que je suis ici, je ne me suis pas sentie heureuse une seule fois.

    Je m’essuie le coin de l’œil avec mon poignet, derrière la barrière de mes cheveux. S’il dit quelque chose, le moindre mot, s’il me parle une seule fois de mon état, je lui pète la deuxième jambe.

    — T’as raison, peut-être que je mérite mieux que toi, je couine. Peut-être que c’est toi qui mérites mieux.

    Je passe mes mains sur mes tempes, mes joues, et je les agrippe, comme si j’essayais de retirer la peau, le masque, comme si j’essayais de disparaître. C’est ridicule, mais je suis furieuse, je crois que je ne supporte vraiment plus cette vie qui n’en est pas une. Je griffe mon visage en le serrant si fort. Les larmes coulent, je n’arrive plus à les empêcher de tomber, je n’arrive plus à me concentrer sur ce que mon corps fait.

    — Putain, je chouine, tant qu’on reste coincés ici, ça rime à rien, tout ça.

    Je renifle, je me frotte le nez. J’ai l’air misérable, j’ai l’air d’une connasse capricieuse. Ether n’y pourra rien changer, je le sais, mais, je ne sais pas trop, est-ce que ça me fait du bien de me laisser aller comme ça, devant lui? Aucune idée, tout de suite, mes entrailles me font tellement mal que j’en ai la nausée. Ça-y-est, je deviens allergique à cet endroit.

    YOU NEVER TELL ME WHAT IT IS THAT MAKES YOU STRONG AND WHAT IT IS THAT MAKES YOU WEAK.
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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeMar 20 Nov 2012 - 20:32



    J'suis comme toi on se ressemble sang pour sang.

    Qu'est-ce qu'elle fait, mon dieu qu'est-ce qu'elle branle putain, qu'est-ce qu'elle fait ?!

    Trop faible. Elle glisse le long du frigo et je me recule d'un pas. Psychologiquement de trois pas. Quatre. Jusqu'à ne plus la voir clignoter devant mes yeux. Elle semble mal, je ne la calcule qu'à peine. Et je le sens légèrement responsable de sa crise de nerfs soudaine. Je n'aime pas quand on fait ça devant moi, quand elles se mettent à chialer parce que je les aurais fait chier, à peine plaisanté. Recroquevillée sur elle-même comme une gamine, elle profère des mots violents qui sortent avec une réelle faiblesse. De toute façon, en venant ici, on devient tous fous. On est pas un seul à être dans un état vraiment normal, on devient tous quelque peu tarés, c'est juste l'intensité qui varie. Je ne lui dis pourtant pas, moi aussi j'aimerais bien. Moi aussi, devenir fou pour de vrai, devenir fou à tout oublier, à tel point que je ne saurais plus qui je suis. Un légume qui ne sait quoi faire, ni comment, ni pourquoi. Comme ça, je serais plus fixe dans mes positions, plus stable en tant que fou instable. Je ne pense pas trop, j'évite de penser. Ni sur quoi faire dans ce genre de situation, ni comment faire pour tenter de la calmer, ni la façon de la consoler. Je la laisse crever dans son malheur et je me tais.

    J'essaye de me convaincre que ce qu'elle dit me touche, que ça me concerne tout aussi bien. J'ai peur de découvrir que je préfère rester ici, avec Rahel. Parce que je n'ai plus rien là-bas, que je ne veux même pas savoir comment va mon ancienne vie là-bas, comment vont mon ex-coach, mon ex-équipe et mon ex-famille proche. Je m'auto-persuade que leur vie maintenant m'intéresse. Mais je ne suis pas plus curieux que si c'étaient les vies d'inconnus. Ce genre de pensées me refroidissent et me font réfléchir sur moi-même, est-ce que je suis encore humain; depuis que je suis ici. Est-ce qu'il me reste un peu de dignité à garder, un peu de famille à voir, un peu de passé à projeter dans le futur. Moi aussi, je veux retourner, moi non plus, je veux rester ici. L'éternité ? Trop court quand j'y pense. Trop court pour me dire que j'ai encore le temps. Trop court pour arriver à temps là-bas, tant qu'il me reste rien. Trop court pour m'approprier Rahel à part entière. Et surtout trop court pour crever.

    Mériter mieux. Je ne rigole pas à sa stupide réplique antipathique. C'est pathétique. Je n'ose même pas me demander au nom de quelle connerie je lui ai sorti ça, plus tôt. Mes conneries semblent l'apprivoiser, cette catin pleurnicharde. Je la regarde jurer, se lamenter. J'étais pareil. Je suis pareil, putain, putain, qu'est-ce qu'on a l'air cons. Je m'accroupis, me mets à sa hauteur et lui retiens les poignets. Qu'elle ne s'arrache pas les yeux à force. Je les tire plus vers moi. Ma cuisse me tire, alors je m'affale mon cul sur le sol. Et puis comme si je me parlais à moi, je lui dis.

      « Arrête, c'est bon, ça suffit. Tu veux sortir salope ? Tout le monde le veut, quasiment. Tu as laissé quelque chose d'important derrière toi ? Abandonne, résigne-toi, on ne peut pas sortir. On ne peut plus sortir. »


    Pause. Regard planté dans le sien comme un couteau de cuisine dans ma cuisse.

      « Et tu sais pourquoi ? »


    Pause. Regard appuyé, plus sévère, plus effrayant, plus agacé.

      « C'est trop tard. On a perdu le timing pour encore pouvoir convoiter la sortie de ce trou à rat. Cette prétention, cette ambition, fallait pas l'oublier. »


    Cruel. Je lui fais comprendre que c'est sa faute, que ce n'est pas la sienne si elle est là mais que c'est la sienne si elle y est encore maintenant. Fallait lutter avant, c'est trop tard de se plaindre et de se lamenter maintenant. Fallait t'y mettre dès le début. Pas après s'être faite sautée par le gars le plus handicapé de la Terre. En tout cas, pas devant moi. C'est une grande erreur. Je me suis résigné, j'espère seulement que la porte va se fermer complètement, que plus personne chialera en entrant ici et que plus personne ne viendra réclamer réconfort après une baise, après violence. Je sais bien qu'il ne faut pas je la laisse aller maintenant, que si je la laisse ainsi et que je pars, elle ne me reviendra jamais. Qu'elle ira se couper les cordes de ses poignets ou le souffle par la corde. Alors je soupire, la tire vers moi en la faisant glisser et je serre la prise, comme un serpent prêt à bouffer. Je lui caresse le dos, elle mouille mon épaule autrement qu'avec sa chatte et je l'enlace le moins moi possible. Le plus inhabituellement possible. Première et dernière fois, promis, juré, craché.


    Est-ce qu'il te reste un peu de morale?

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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeDim 25 Nov 2012 - 19:11

    SOMEDAY YOU REALLY MIGHT END UP REJECTED BY SOMEONE YOU LOVE.

    J’ai cramé un fusible. L’eau qui coule de mes yeux a infecté l’énergie électrique à l’intérieur de mes neurones. J’ai disjoncté. Je disjoncte. Burn out, et depuis ce moment, il y a un avant et un après, encore. C’est pénible, d’être aussi lucide sur soi-même, sans pouvoir y modifier quoi que ce soit. C’est comme si je n’étais plus moi, que j’étais témoin, témoin d’un truc stupéfiant, d’un truc pathétique option larmes dans les chaumières. Il faut croire que le nouveau millénaire, ça ne m’a jamais réussit. On aurait tous du crever d’une attaque informatique, rester sur le carreau. Je serais jamais entrée dans cet endroit, et j’aurais jamais eu à me regarder depuis le plafond, spectre immatériel, inutile. Je ne peux rien faire.

    Je vois Ether se défiler. Je le savais, je l’ai toujours su, je le sais. Ether n’est pas le bon, il ne le sera jamais. Si bon il y a, le mien est de l’autre côté de la porte. Ether n’est pas pour moi, et moi, je suis à peine à sa portée, je le soulage du mieux que je peux, et mes efforts, de toute façon, resteront vains. Ether n’essaye pas, j’en suis certaine, mais j’oublie la solitude, j’oublie le froid, j’oublie les désagréments les minutes que je passe avec lui. C’est bon à prendre, toujours mieux que le rien qui m’habite continuellement.

    — Arrête, c'est bon, ça suffit. Tu veux sortir salope? Tout le monde le veut, quasiment. Tu as laissé quelque chose d'important derrière toi? Abandonne, résigne-toi, on ne peut pas sortir. On ne peut plus sortir.

    Il tient mes poignets fermement, mais c’est tout comme s’il venait de me gifler. J’ai la joue meurtrie sans même qu’il l’ait touchée. Peut-être parce que je me suis débattue, marre de ses mains qui m’entravent, qui m’empêchent. Alors le coup est parti tout seul, et je me suis auto-frappée. Je me sens bête, bête, je ne suis qu’une idiote, et j’en ai assez de penser ça. Je ne suis pas plus con qu’une autre, que n’importe qui.

    — Et tu sais pourquoi?

    J’anticipe la prochaine claque. Celle qui viendra de l’intérieur.

    Je regarde Ether. Je hausse les épaules, je le regarde d’un air de déterrée. J’en ai rien à foutre, de ce qu’il va dire, même si ce qu’il dira me blessera forcément. Je le déteste.

    — C'est trop tard. On a perdu le timing pour encore pouvoir convoiter la sortie de ce trou à rat. Cette prétention, cette ambition, fallait pas l'oublier.

    Ici la Terre, on appelle Valora Eaton. Valora Eaton, vous recevez? … Sur quelle putain de planète êtes-vous allée vous écraser?

    Je suis une lâche. Entre deux sanglots, j’ouvre la bouche, j’essaie de trouver quelque chose de cinglant à lui cracher à la figure, mais je ne trouve pas. La rage m’a abandonnée, je n’ai plus la force d’être toujours en colère. Je préfère imaginer qu’à sa manière il me réconforte. Ether, c’est certain, il n’a plus envie de partir. Peut-être qu’avant même de partir, il en avait le désir. Moi, je voulais quitter Ennis. Je voulais quitter le terrain vague, mais pas pour quelque chose de plus vague encore. Je rêvais diversité, mais pas multiplicité des genres, des espèces, je rêvais changement, pas distorsion de la réalité. De quoi pouvait bien rêver Ether, avec sa jambe toute cassée? Guérison, pas la prison.

    Il m’emprisonne de ses bras, comme si on n’était pas suffisamment enfermés ici, comme si on devenait pas tous claustro dans cette maison. Mais c’est doux, c’est confortable. C’est comme Noreen et ses yeux de panda, comme papa et ses larmes de joie. Je hoquète encore un peu, pour la forme et doucement, je lève mes bras derrière le dos d’Ether, je les remonte lentement. Je conserve l’instant dans ma chair. Je ne griffe pas son dos, je l’effleure du bout des doigts. Au niveau de ses omoplates, je m’arrête et je pose les paumes à plat. Il a une odeur particulière, que je reconnaîtrais entre toutes. C’est Ether, c’est tout.

    Le visage niché au creux de son épaule, contre sa nuque, je souffle. Je récupère mon souffle, j’arrête de chialer, je me repose. Et, en même temps que la dernière goutte, je soupire:

    — Papa me manque...

    Et puis je me redresse brusquement. Les bras tendus, entre le torse d’Ether et ma poitrine, je le fixe intensément. Je remarque ce que je n’avais jamais remarqué: les traits de son visage, les os derrière la peau, qui dessinent sa mâchoire, ses lèvres, ses sourcils, le grain de sa peau. Non, Ether n’est pas pour moi.

    Je rattrape ses épaules et le resserre contre moi. Ether n’est pas pour moi. J’agrippe la peau derrière son cou, et j’embrasse un bout de chair sur sa nuque. Ether n’est pas pour moi. Je fais glisser mes doigts contre les muscles de son dos, et je me colle plus en avant. Ether n’est pas pour moi. J’écarte les jambes et je les enlace autour de sa taille, jusqu’à ce qu’il soit complètement assis. Ether n’est pas pour moi, mais tout de suite, il est avec moi. Tout de suite, il a ses lèvres contre les miennes, et, oui, je me l’autorise: Ether est pour moi.
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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeDim 25 Nov 2012 - 21:00


    J'encaisserai la décharge de tout le monde. J'encaisserai la tienne.

    Je ne suis pas attendri pour le moins du monde. Pas avec cette réplique de gamin, complètement gelé à la surface de ses lèvres. Moi aussi, je pourrais le dire, ma jambe me manque putain, le basket me manque, courir pour suer et suer en courant me manquent, mes couillons de faux-frères me manquent et ma vie me manque. Tout me manque, dans l'ordre, j'ai tout perdu à partir du moment où ma jambe a commencé à me manquer. Alors papa, maman, foutue famille. Qui finira par oublier notre existence, qui va finir par la renier, est-ce que ce n'était pas un rêve. Et puis ce sera tout, pas de, mon pauvre Ether, pas de, j'espère qu'il va bien là où il est, pas de, jamais je ne t'oublierai mon enfant, pas de, je t'aime. Il ne restera plus qu'une vague de souvenirs quand ils vont regarder les photos de moi bébé, de moi gamin, de moi adolescent, de moi futur basketteur. J'espère qu'il n'est pas mort, j'espère qu'il va bien, et bien si, je suis mort. C'est pour tout ça que je ne réponds pas, à cette phrase enfantine, parce que je le pense, moi aussi. Mon passé me manque. Je ne peux plus aller de l'avant, alors ça ne sert à rien d'oublier, je préfère rester ici. À attendre.

    Je n'ai pas été attendri quand elle a parlé de papa Eaton, mais quand elle se colle contre moi, je le deviens. Parce que je ressens encore mieux sa solitude, son besoin d'être même superficiellement aimée, un instant, en un regard. Ses lèvres se joignent à mon corps, je la laisse faire en un sourire. Parce qu'elle a le don de me réconforter, plus que je ne suis capable de le faire avec des mots. Parce que ce morceau de chaleur contre moi est plus puissant qu'un sale et crasseux « je t'aime », plus puissant que des jolis mots alignés pour former de jolis phrases qui ne valent plus rien quand on les oublie. Je la sais seule, je me sais seul. Elle vaut mieux, je vaux mieux. C'est qu'ensemble, plus rien n'a d'importance. C'est que quand je l'embrasse, Rahel, moi-même, les autres, les monstres gardiens de la prison, les monstres emprisonnés, ne valent plus rien non plus. Je viens d'ailleurs.

    Pas forcément parce que c'est Valora. J'aurais pu répéter cette scène avec n'importe quelle conne qui m'aurait suivi le premier jour. Mais c'est parce que Valora est la seule conne qui a osé le faire. Seule conne qui pouvait me supporter plus que je ne me supporte. Une chienne qui ne sait plus quoi faire de sa vie, encore plus perdue qu'un suicidaire. Et bordel, ça m’attendris. Cette situation absurde, le secret d'un amour presque sexuel, presque physique avec les moyens du bord. Je ne sais pas, j'aime ça. Cette scène pleine d'amour, de rejet et de violence. Valora en premier plan, dans le rôle principal de la prisonnière qui doit sortir de là. Et puis moi, dans un second rôle, le personnage inutile, qui la baise dans une cuisine et qui raconte des conneries presque à l'eau de rose. Des truc qui donneraient des frissons réels. Des sales mots qui ne donneraient jamais envie au spectateur d'être à la place de la pauvre héroïne. Héroïne, héroïne, tout ça, tout ça.

    Avec Valora, ce n'est jamais que du pur sexe. 'fin, c'est ce que j'essaye d'en déduire. Pas pour une envie pressante comme la chaude pisse, pas le genre de besoin à devoir se découper l'intérieur d'une poche de jean pour pouvoir se masturber n'importe quand. Plus par solitude. Parce que le contact humain, le peu de chaleur qui envahit le corps est, seulement, juste, trop, envahissant. C'est le meilleur moyen de combler un manque d'humain, de compagnie, de chaleur et de cul. Tout ceci, en même temps, simultanément. C'est gagné pour elle, ce n'est pas une perte pour moi non plus. Ma main traverse le long de son dos et s'y fige. Je passe l'autre main sous son haut. Peau contre peau. Ça ne m'excite pas tout particulièrement, même si elle est prête à repartir pour un nouveau tour, ça ne me dérange pas de m'arrêter là.

      « Val, reprends-toi.  »


    Deviens pas trop folle, s'il-te-plaît. J'en ai assez avec une seule, de folle.

      « Écoute, Val, si tu as peur, on peut tenter de crever.  »


    C'est con, mais je sais qu'elle ne le voudra pas. Parce qu'elle a encore de l'espoir. Elle espère encore qu'elle pourra peut-être, même si c'est dans des millions d'années, rentrer. C'est con, mais j'utilise son espoir pour le mener à mal. Je l'empêche de crever parce que je serais embêté de ne plus l'avoir, c'est égoïste, et tout. Mais elle n'ira nul part, je suis propriétaire de Val. Mes lèvres rencontrent une fois de plus les siennes, à plusieurs reprises. On peut tenter de crever, Val. Tu seras légèrement tentée, au début. Mais si demain, la porte s'ouvrait, hein ? Il te reste encore un peu d'espoir, c'est flippant, l'espoir, ce n'est pas à la portée de tout le monde mais c'est un sentiment effrayant. On ne va pas mourir, Val. On va attendre ton retour là-bas, mais en attendant, c'est avec moi qui tu vas attendre, c'est tout ce qu'il y a à savoir.

      « Je peux te serrer la trachée, si tu veux. Continuer ce que j'ai commencé tout à l'heure.  »


    Tu ne choisiras pas cette option, parce que ça t'a fait mal, et que ça te fera encore plus mal si je n'arrête pas au moment où je l'ai fait tout à l'heure. Et si j'y mets encore plus de force et de volonté, tu souffriras comme jamais tu n'as souffert. Et tu as peur de crever, et tu as peur d'espérer t'effacer de ta propre vie par un miséreux tas d'ordure. Une fois, deux fois, trois fois, mes lèvres sèches se vont à la rencontre des douces lèvres de Val. C'est comme impulsif, et je la serre contre moi, je n'ai jamais été aussi doucereux de toute ma vie, je crois. Je n'ai jamais été aussi agréable et paisible depuis que je suis ici. Je ne souris pas, mais intérieurement, je jubile.

    Alors remettez-vous, c'est du passé !

    hrp ; je deviens glauque ;;

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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeLun 26 Nov 2012 - 19:59

    THE GREATEST PLEASURE IN LIFE IS DOING WHAT PEOPLE SAY YOU CANNOT DO.

    Il a sa main contre ma peau, juste sur l’abdomen. Le froid me fait frissonner, et, sans savoir pourquoi, je suis terrifiée. Il brise l’instant en parlant. Je ressentais quelque chose, quelque chose de vraiment fort. Mieux que la peur, et, je peux le dire sans problème, mieux qu’un orgasme. Je suis terrifiée. Terrifiée non pas pour moi, mais pour quelque chose de plus fort. Ether, moi, nous ne sommes que deux petits êtres, deux petits riens dans l’immensité du monde, de la galaxie. Je suis terrifiée pour autre chose que ma petite personne, par autre chose que les banalités qui devraient m’effrayer. Je suis si terrifiée que j’oublie où je suis, vraiment. Je croise le regard d’Ether, et retiens un flot de larmes. Merde, je suis vraiment une chochotte.

    — Écoute, Val, si tu as peur, on peut tenter de crever.

    Et puis il parle de trachée, je ne sais même pas où elle est, cette trachée! Il me fait peur, mais sur le coup, je ne sens pas ce sentiment, cette émotion. Tout ce que je sens, c’est cette terreur, qui me terrifie. Le laisser continuer? Certainement pas, il romprait ce qui est en train d’arriver, ce qui est en train de se passer, ce qui est en train.

    J’écarquille les yeux et mes lèvres s’entrouvrent, comme un poisson hors de l’eau. Mes mains, comme des branchies s’agitent d’avant en arrière, se balancent rapidement et puis atteignent leur rythme de croisière. Puis, elles s’écroulent. Je me rends compte que je suis stupide, mais on est tous les deux suffisamment sous l’influence de drogues pour savoir que c’est complètement indépendant de ma volonté. Mon corps est parvenu à atteindre sa propre conscience, et même, sa propre inconscience. Je le laisse vivre en autonomie depuis trop longtemps pour revenir en arrière, point de non-retour.

    — T’es dingue ou quoi, ‘Ther? Je suis en train de vivre la chose la plus incroyable depuis. … Depuis!

    Je secoue la tête pour signifier depuis combien de temps. C’est vague. Je n’ose pas dire “depuis toute ma vie”, car cela voudrait dire que je considère le Pensionnat comme partie intégrante de ma vie, ce qui est complètement faux, totalement faux. “Depuis que je suis ici”, “depuis que je te connais”, “depuis que je suis perdue”. Tant d’expressions, pour faire comme si je savais depuis combien de temps. Ce que je ressens est nouveau, je ne l’ai jamais ressenti, du moins, pas de cette manière. Ça ne ressemble à rien de connu, rien. Je n’arrive même pas à décrire sa cause, ses effets, les conséquences, l’instant présent. Ce que je ressens est indescriptible. Non, une hallucination est indescriptible, ce que je vis, ça n’existe pas, c’est irréel.

    Veux-t-il que je meure? Que je disparaisse? Le veux-t-il vraiment? Si je crevais, quelque chose changerait-il pour lui? Je veux dire, autre chose que le corps qu’il s’entête à baiser? Valora existe-t-elle pour Ether, ou ne suis-je qu’une cavité chaude, une parmi d’autres, une parmi la centaine d’autres?

    Il m’embrasse, mais est-ce qu’il m’embrasse vraiment? Est-ce moi qu’il embrasse, ou Val’, la fille anonyme qui lui fait une petite place? Quelles lèvres est-il en train d’embrasser?

    Je tilte.

    Une fois, deux fois, trois fois, je me pose la question. Ether me voit-il comme je le vois?

    Je tilte.

    Alors qu’il me serre contre lui, que nous sommes plus proches que je ne l’ai jamais ressenti auparavant, je sais. Je sais, mais je ne suis pas certaine. Je suis sûre de moi, mais de lui, le sais-je?

    Je pose d’un geste lent mes paumes autour du cou d’Ether. J’exerce une certaine pression, pas trop forte, suffisamment pour qu’il s’inquiète un peu, juste un tout petit peu. Je lèche du bout de la langue le long de sa mâchoire, et je serre plus fort. Je devine les veines sous la peau.

    — Et toi, ‘Ther, veux-tu que je continue?

    J’ai tilté. Ether n’est pas pour moi, mais je suis pour lui. S’il veut que j’aille plus loin, il faudra qu’il m’y tire lui aussi. Je ne pars pas sans lui, je ne pars plus. Depuis le début, c’est si clair, limpide. Depuis le début, Valora suit Ether comme un toutou. C’est instinctif, et si l’amour doit être quelque chose, l’amour doit être involontaire. J’apprends que je ne suis qu’une coque remplie du foutre d’Ether, et pourtant, je suis heureuse, heureuse pour de vrai.

    Il fallait bien que ça arrive un jour.

    … Autant que ce soit dans un endroit qui n’existe pas.
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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeLun 26 Nov 2012 - 21:38




    Je ne peux plus courir, alors c'est à toi de me courir après.

      « T’es dingue ou quoi, ‘Ther? Je suis en train de vivre la chose la plus incroyable depuis. … Depuis! »


    Elle s'arrête. Je ne fais que penser très fort la suite dans ma tête. Depuis qu'on est là, est la seule réponse qui puisse coller à la suite de celle-ci. Parce que la vie avant ne compte plus pour moi, alors je l'applique pour tout le monde. J'espère seulement qu'elle ne compte plus non plus pour elle, j'en serais triste. Ça ferait peine à voir, de la part d'Ether, de moi. Je ne suis pas vraiment dingue, je l'ai juste toujours été depuis... Depuis ! Approximativement depuis que je n'ai plus de vie, depuis que je suis mort intérieurement. Depuis la perte de mon premier amour dont je n'ai pas su me remettre. Elle dit des choses, qui me font mal au cœur. Elle a peur de crever, comme tout le monde, j'imagine, comme moi. Mais elle le renie. Elle renie le fait qu'elle ne peut plus vivre. Ça se voit, incroyable, incroyable. La seule chose qu'elle fait ici, c'est parler à des inconnus dont elle ne reverra sûrement plus la gueule, ou se faire péter la rondelle dans une cuisine où des centaines de gens sont susceptibles de passer. C'est pathétique, dans ce cas, je ne vois pas ce qu'on peut perdre. Elle n'est même plus capable de s'adresser correctement à moi sans chialer en pensant à papa Eaton.

    C'est un monde crypté qui nous rend fou qui rend folle. On a plus de destin tracé ici, alors c'est peut-être précieux pour certains, c'est avantageux pour d'autres. Qui échappent à ce qui les séquestraient, forcément. Et puis je sens une légère pression sur mon cou, une plus grande quand elle me regarde avec ses yeux de biche. Ça ne me fait pas peur, j'aimerais bien qu'on puisse me crever aussi facilement. Je devine que je suis un trouillard que quand je n'ai plus de souffle, que quand ma fierté s'autorise à détaler comme un lapin. Je ne cligne même pas des yeux, je soutiens son regard, et plus elle serre, plus je pense à rien. L'alcool tue, c'est peut-être ce genre de situations qui se sont répétées, c'est à cause de ça qu'on nous interdit l'abus. Ses mains froides, presque brûlantes empoignent mon cou d'homme, il lui faut ses deux mains pour tout recouvrir. Elle m'étrangle, ça se voit, je deviens rouge. Je me crispe mais je ne dis rien. Puis elle me pose la question, où il faut répondre oui ou non. Où il faut que soit je crève, soit que je rejette la faute sur elle et que je perde une dignité.

    Je veux vivre, quelque chose dans ce genre.

    Ses mains étriquent mon cou, j'ai mal. J'aimerais respirer, mais je ne dis toujours rien. Continue, si tu en as le courage. Peut-être que tu finiras par faire un meurtre. J'aurais pu, prendre ses poignets et les enlever de ma gorge rougis. Mais je ne le fais pas, je me demande si elle est capable de continuer, et si je lui disais oui. Il ne me reste pas grand chose, ici, ça se limite à Valora, à Rahel. Et à mon futur qui ne mérite plus un regard. De toute façon, c'était l'une ou l'autre, Valora, Rahel. Il suffisait de faire la pioche si je voulais mettre fin à ma vie ridicule dans un pensionnat tout aussi ridicule dans le sens. Mais c'est bizarre, c'est bizarre. Quand on était coincé dans notre cage à miroir, et que Rahel a suggéré la mort, je n'ai pas pu m'empêcher de lui racler la face, violemment. Pourquoi je ne le fais pas avec elle ? Je me demande quelle est la différence entre ce que je ressens pour Val et pour Rahel. À vrai dire, j'aurais voulu qu'elles crèvent toutes les deux, que mon passé crève, que je crève pour la fin. Après m'être rendu compte qu'il ne me reste plus rien.

    Je ne veux pas mourir. Je veux vivre.

    Mes mains tremblantes cherchent frénétiquement les poignets de mon assassin, et je resserre la prise, et je l'enlève, et je respire. Dans l'ordre. Je préfère que vous creviez avant moi, c'est clair et net, maintenant. Mal mal mal, mort, suicide. Ça n'existe pas. Pas dans ce monde, pas avec moi, pas avec elle. Alors je la regarde, je souris avec peine. Je respire. Je respire, alors je ne peux pas te laisser continuer, j'en suis désolé. Mon souffle tiens moins d'une minute, alors ça fait approximativement moins d'une minute que tu tenais mon cou comme tu tenais un serpent à éradiquer entre tes doigts. Ça ferait peur à voir, sérieusement, si on nous voyait, nous baiser, nous embrasser, nous crache dessus, nous frapper, nous étrangler, nous aimer. Je l'aime comme jamais je n'ai aimé quelqu'un de ma vie, comme j'ai aimé le basket, presque. Pas tout à fait. Pas encore ça, mais presque. Comme jamais je n'ai eu de copine de ma vie, comme mon seul amour se résumait au sport, je ne sais pas bien. C'est flou, c'est dangereux, c'est bien trop vague. Et ça me fait douter trop longtemps, trop longuement.

    Je n'aime personne.
    Je n'arrive même pas à m'aimer moi-même.

      « Val. »


    Je fais rebondir une balle invisible. Un ballon de basket, entre ma main droite et le sol à quelques centimètres. Anti-stress, anti-nervosité. J'étouffe, ça ne me ressemble pas, je tousse. Je ne suis pas un type respectable. Faut qu'elle arrête. Je l'embrasse.

      « On arrête. La baise, toi et moi, on arrête. Tout. »


    J'en ai marre.

      « On est pas compatible, putain, Val. Matte comment on s'arrache dès qu'on termine de niquer. Matte comme on est dégueulasse, tous les deux ! »


    Et la discussion prend une tournure étrange. Ce n'est pas ça que je voulais. Je ne le pensais pas, je me lève avec difficulté. Je me redresse et repose mon cul sur le bord de la table. La discussion devient étrange, elle devient trop sensible, trop amoureuse, trop chiante. Ce n'est pas pour moi, ce n'est pas pour elle, elle ne devrait pas subir ce genre de choses. Je ne suis pas d'accord avec moi-même, je perds mon sang-froid. Je n'avais pas envie de dire ça. Mais il fallait que je le dise. Ça me fait paniquer, qu'on devienne comme ça. C'est pas comme ça que c'est censé finir, on est pas censé pousser notre relation comme ça. C'était juste, purement sexuel, purement. Putain, j'y croyais, j'y croyais. J'étais persuadé que ça pouvait marcher, mais non. Il ne faut pas que ça continue, j'y croyais.

    Unconsolable.


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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeDim 2 Déc 2012 - 11:59

    I SUPPOSE I’M THE ONE RESPONSIBLE FOR DESTROYING MYSELF.


    Je croyais que c’était terminé. Que mes mains allaient serrer si fort, toujours plus fort et qu’il allait s’écrouler, qu’il allait s’étendre sur le sol. Inconscient, peut-être même mort. Je n’ai jamais vu la mort de mes yeux, elle n’a été qu’une image furtive, une découverte macabre que j’entendais au pub, dans la bouche de maman qui se plaignait de mourir, de voir le tunnel quand il ne s’agissait que de la lumière jaillissant de l’ampoule de la chambre. À quel point ai-je imaginé la mort comme quelque chose d’inatteignable, presque inexistante? Je fixe un point sur le visage d’Ether, un point que je ne vois même pas. Je suis déconnectée.

    Mes mains se dégagent de son cou alors qu’il me les retire. C’est comme si je voyais à nouveau. Qu’est-ce qu’on a fait, qu’est-ce qu’on a encore fait? J’ai envie de chialer, mais ça ne va pas, ça ne marcherait pas. C’est lui qui a été à deux doigts de la mort, de la fin, pas moi. Moi j’étais la méchante, j’ai jamais été la méchante. Si j’étais quelqu’un, je serais la bonne poire, pas la méchante. J’ai pas suffisamment de caractère pour avoir un rôle si important, mais je suis pas suffisamment niaise pour avoir le premier.

    — Val’.

    Je tords mes doigts, je n’ose pas lever la tête et me confronter à son regard. Je me tais, je sais que si j’essaie de parler, ma voix sera rauque, et qu’aucun mot n’en sortira. Je détester bafouiller. Mais il me coupe presque la parole que j’essayais tant bien que mal d’exprimer, avec un baiser qui hurle de me la fermer. Je n’y réponds pas, pas vraiment. Ce n’est pas un vrai baiser, c’est un avertissement, le signal de quelque chose de mauvais, mauvais.

    — On arrête. La baise, toi et moi, on arrête. Tout.

    Je lance un œil à travers mes cils. Mes doigts continuent à se tordre de nervosité. Continue.

    — On est pas compatible, putain, Val’. Matte comment on s’arrache dès qu’on termine de niquer. Matte comme on est dégueulasse, tous les deux!

    J’ai envie de crier n’importe quoi. J’ai envie de lui dire que je ne suis pas dégueulasse, tu dis des conneries. Mais je sais qu’une part est vraie, qu’une part en moi est ce dégueulasse qu’il dit. C’est comme ça, je n’y peux rien, je ne sais pas ce que je cherche, ce que je comble en agissant de la sorte, mais ça me fait autant de bien que ça me bouffe. Je croyais qu’Ether était comme moi, et qu’il comprenait autant ce qui me faisait honte que ce qui lui faisait honte. Peut-être qu’il avait seulement honte de moi, honte pour moi.

    Je regarde Ether se lever, s’éloigner de moi, de mon petit corps replié, dans un coin, qui fait pitié. Il s’assoit en face de moi, sur la table, en hauteur. Il me surplombe, l’enfoiré, comme s’il valait mieux. J’ai l’impression d’avoir été larguée, pire, d’avoir été rejetée. Nous ne partageons pas les mêmes sentiments, mais je pensais que ce que nous ressentions s’assemblait plutôt bien. Y a juste rien qui va, rien. Je veux faire une crise, taper du pied, le frapper, mais ça ne me ressemble pas. Je suis plutôt du genre à aller me coucher, demain ça ira mieux, demain tout ira mieux, fuir le regard lourd d’Ether, la honte, l’humiliation, comme si c’est moi qui avait fait quelque chose, dit de travers.

    — Pourquoi tu dis ça? Tu t’emballes comme si j’avais fait ma demande, ‘Ther, c’est, je bafouille putain, c’est, respire Valora, mens comme d’habitude: c’est pitoyable.

    Je n’y crois pas, je n’y crois plus. Je n’espère même pas qu’il me croie, je tente juste de sauver le mobilier, de dégager les débris de verre avant que quelqu’un d’autre ne se coupe le pied et tombe à genoux, de douleur.

    — Si c’est que tu veux, d’accord, on arrête. C’est pas comme si t’étais le seul type mal dans ta peau du coin, et je peux toujours me masturber.

    Conneries. Bon sang, faut que je m’arrête de dire de la merde, un jour. C’est pas le seul type en mal-être, mais c’est le seul Ether, et c’est le seul dont j’ai envie. J’ai envie de plus rien, sauf de lui. Alors je m’en fous, je fais semblant, pour qu’il n’ait aucun problème à se tirer, comme ils le font tous. En me tirant dans la cuisine, Ether était Ether, je n’aurais jamais cru qu’en étant si près de la sortie, Ether se confondrait à Swann Casey.

    — Moi j’ai pas envie d’arrêter, ‘Ther.

    Et je le plante là. J’ai pas envie qu’on continue à se faire du mal, et ça ne pourra pas s’arranger. Là, tout de suite, maintenant, je ne supporte plus la vue d’Ether. Je préfère fuir, m’en aller, lui laisser le temps. Je le quitte en lui laissant savoir que je peux revenir, s’il le souhaite. Je me relève sur mes coudes, et je plie les genoux. Une fois debout, j’évite de le regarder. Derrière la porte entrouverte, le Paon me fixe, il me nargue. En le suivant, je sais que j’ai fait le bon choix.

    Et je lance la balle à Ether. Elle est dans son camp.
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MessageSujet: Re: Pretty Face.    Pretty Face.  Icon_minitimeMar 4 Déc 2012 - 17:12




    Ceux qui ne se souviennent pas de leur passé sont condamnés à répéter.

      « Pourquoi tu dis ça? Tu t’emballes comme si j’avais fait ma demande, ‘Ther, c’est, c’est, c’est pitoyable. »


    Je rougis comme un con au mot demande. Demande de foutu baston pour gamin, demande de mariage, demande de tu veux sortir avec moi, demande de fiançailles, demande de tue-moi à coup de pelle, demande de enfile ta chatte sur ma pine, demande frappe-moi jusqu'à que j'en sois plus capable d'ouvrir ni la gueule, ni les yeux. Ça dépassait tout ça, c'était comme un coup de pioche dans le cœur. Si je dis que je ne ressens rien pour Val, je mens. Mais je dis que je ne ressens rien, en outre, je ne sais pas ce que je ressens. Mais y'a quelque chose, pour sûr. Avec Val, je ne suis plus ce sale John Doe que je suis perpétuellement. Le néant. Rien. John Doe, l'équivalent de l'inconnu, M. X, nom que l'on donne aux cadavres non-identifiés à la morgue. Ouais putain, je sors de la peau du cadavre inconnu pour me faufiler entre les jambes de Val, et à partir de là, je peux dire que je suis Ether, Ether Empolham. Mais je ne me vois pas, avec elle. Je ne vois ni chemin, ni avenir, ni après. Pas de page suivante. Juste la fin. Les pages vides de la fin d'un livre qui ne servent à rien. C'est fusionnel, mais c'est tout, il n'y a pas quelconque transformation.

    Ceux qui se souviennent de leur passé ont tendance à vraiment faire foirer toute l'histoire.

      « Si c’est que tu veux, d’accord, on arrête. C’est pas comme si t’étais le seul type mal dans ta peau du coin, et je peux toujours me masturber. »


    Ma main me cache le visage. Visage de déterré, perplexe et honteux. Ce visage si monstrueux quand il se trouve avec Val. Je ne veux plus avoir à me montrer davantage aussi débile. Le seul type mal dans sa peau. C'est moi, c'est une partie de moi, c'est ma complète personne. C'est comme ça qu'elle me voit, un vieux mec taré handicapé et mal dans sa peau. Un dépressif qui consomme, un sale dépravé qui picole pour faire passer les restes, un petit adolescent boutonneux qui ne bouffe que des fastfood et qui fume pour faire croire qu'il est rebelle. Ça me rend nerveux, encore plus que je ne le suis habituellement. Il y a une notion de continuation qui se relève quand je veux arrêter, il y a une route qui se fraye à travers moi pour me montrer la voie, et puis qui me fait regretter, oublier, exploser pour aller la rattraper. Choper son poignet, lui dire, désolé, c'était pas moi, c'était l'idiot handicapé qui se plaint dans mon cœur. Ce n'est pas ce que je veux, voilà. Voilà, c'est ça, casse-toi, crois que je vais te courir après, crois que tu peux gagner. C'est ça, c'est ça, espère jusqu'à t'en dessécher la gueule.

    Ceux qui se souviennent de leur passé s'en retrouvent paralysés.

      « Moi j’ai pas envie d’arrêter, ‘Ther. »


    Ce n'est pas moi qui rougit, juste ma connerie d'instinct de mâle qui semble s'éveiller de temps en temps. Moi non plus, je n'ai pas envie d'arrêter. Je n'ai jamais eu envie. C'est juste que j'ai sorti ça parce que c'était dangereux, peut-être parce que j'ai peur de toi. Peur que tu continues de m'enserrer le cou jusqu'à que mort s'ensuive. C'était ça, dont j'avais peur, pas de toi. J'ai encore peur de la mort, ça fait pitié, mais je ne suis pas encore prêt. Je ne suis pas assez désespéré, ça veut dire que je peux encore faire quelque chose avant de crever. Quelque chose d'autre que j'ai laissé derrière moi, là-bas, trop loin, là où je n'espère plus retourner. J'ai plus envie d'y retourner, putain. J'avais tellement peur de perdre, que quand je l'ai perdu, je n'avais plus rien. Je n'arrive même plus à en rêver, un pour mon auto-thérapie, deux pour ma bite.

    Ouais, je baise mes souvenirs morts comme un nécrophile. Je m'aime tellement que je préfère me voir mort. Voilà comment on peut terminer simplement une relation. Mentir, go go gadget aux mythos. Mentir, simple et efficace, tellement réel, tellement créatif, tellement vrai, tellement sincère. Ça coule le regret de partout, mais ce n'est pas grave. C'est comme ça que ça devait se finir, relation, sexe, amour. Tout a une fin, presque. Et je me demande si je ne devrais pas aussi en finir avec Rahel, ouais, comme ça, je n'aurais plus rien à quoi m'accrocher, ouais, comme ça, je pourrais peut-être encore mentir une dernière fois. Et ouais, comme ça, mourir dans mon coin, seul et malheureux, sans faire de mal à plus personne, à moi-même, uniquement à moi-même. Parce que je remue et je remue toutes les douleurs qui me tiraillent pour une raison inconnue.

    Ceux qui sont capables d'oublier leur passé sont bien en avance sur tout le reste d'entre nous.

    Mes deux mains cachent mon visage rouge, mes deux mains m'évitent de la regarder partir. Comme ça, ouais, comme ça, je ne vais pas vouloir la rattraper et l'étreindre comme je le fais jamais. Mais comment suis-je parvenu à la décision de cet engagement absolu ? Je ne sais pas, j'ai juste voulu couper. C'est peut-être moi, retour en arrière et renaissance historique, en pleine reconstruction de ma vie telle qu'elle tournerait rond jusqu'à ne serait-ce que quelques semaines. Au temps où mon dysfonctionnement fonctionnait lui aussi magnifiquement. Pour m'empêcher de ressentir quoi que ce soit, je me sors une autre clope. Je cogne violemment la table de mon poing libre, et je rage quand elle n'est plus là. C'est ça, essayer d'oublier, c'est ça, essayer de tout lâcher. Je largue un cri d'émotion, cigarette violemment tirée sur toute sa longueur.

      « Et putain, putain, putain, putain, putain, putain, … putain. Putain... »


    Qu'est-ce que j'essaye de me prouver ? Que je suis un taré qui n'éprouve rien.
    Qu'au fond, je n'en ai rien à foutre de personne.
    Qu'est-ce que Jésus n'irait PAS faire.

    Il faut bien qu'on troque sa jeunesse contre quelque chose...


    FIN.

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