Melvyn s’en souvient comme si c’était hier.
Gwen, majestueuse, magnifique Gwen, tournoyant comme la plus gracieuse des ballerines étoiles –elle n’avait jamais eu quoi que ce soit à leur envier, elle en était depuis toujours. La glace qui brilait de milles éclats, le son des patins y retombant, y glissant, l’ambiance absolument magique qui l’entourait…
Melvyn, cinq ans, ne pouvait détacher ses yeux de la sublime patineuse tandis que Kyle, son meilleur ami d’enfance, tentait de lui fourrer une crêpe au nutella dans la bouche.
Il se souvient de tout : de son cœur qui battait la chamade, de l’excitation qui emplissait un peu plus ses poumons à chaque inspiration, de l’admiration totale qu’il ressentait, de son abstraction complète du monde extérieur… Et tout cela, il en était à présent certain, ça n’avait rien à voir du tout avec son stupide crush sur la demoiselle.
Il se souvient avoir pensé : « Ah… Moi aussi, je veux être comme elle. »
Et c’est ainsi que commença sa vie, sa vraie vie.
—‒—
En deux ans de pratique, la seule chose à laquelle Melvyn était devenu vraiment bon, c’était mettre de la pommade sur ses nombreux bleus. Son père était catastrophé, sa mère enthousiasmée, ses frères inquiets et son meilleur ami admiratif.
Lui était juste plus déterminé que jamais, ce qui faisait sourire son professeur, Chris, qui lui accordait toujours du temps supplémentaire sur la patinoire, le regard attentif aux moindres de ses mouvements.
Il grimace lorsque son élève s’étale pour la quinzième fois de la journée sur la patinoire, les joues rougies non seulement pas l’effort, mais également par l’embarras. Il n’eut besoin que de quelques secondes pour se hisser à nouveau sur ses patins, ses fins sourcils froncés, une moue ennuyée sur le visage.
« Tu te déconcentres toujours en plein milieu du saut, comme si quelque chose retenait ton attention. Qu’est-ce qui a ? Une jolie fille dans les gradins ? »
Melvyn prend un couleur plus prononcée tout en balbutiant un rejet très peu convaincant, son regard gris se portant automatiquement et absolument contre son gré sur les gradins toujours rempli de filles qui papotaient tranquillement après leur pratique. Chris se prit à sourire de la pureté du petit blond. Le fait que Melvyn était un grand timide n’avait rien d’un secret, pour l’avoir vu essayer de faire la conversation à un autre patineur de son âge, il pouvait en témoigner, c’était catastrophique. Le pauvre ne pouvait absolument rien faire dès qu’il se retrouvait en groupe, ce qui expliquait bon nombres de ses chutes ; en revanche, dès qu’il était seul, il patinait comme s’il avait été né pour le faire.
Aux yeux de son professeur, c’était un gâchis énorme, non seulement car si le garçon voulait faire des compétitions, cela allait s’avérer très compliqué avec sa condition, mais aussi tout simplement pour lui, le pauvre, qui avait difficilement une vie sociale, déjà à son jeune âge. Lui-même avait eu un mal de chien à installer un climat assez confortable pour que le blond puisse lui parler sans ressentir l’immédiate envie de prendre ses patins et s’enfuir, alors les autres… Il s’inquiétait, oui, et pas à tort.
« Tu veux qu’on arrête là ? »
Un énergique ‘non’ de la tête et un air déterminé lui indique qu’il n’est pas encore l’heure d’abandonner tout espoir pour le petit blond. Il se battait, il se battait vraiment plus que n’importe qui d’autre, avec un courage respectable pour un garçon aussi timide que lui. Pour être honnête, Chris lui enviait un peu ce trait de caractère qui le poussait à aller jusqu’au bout de tout, envers et contre tous. Autant de détermination dans un si petit être ne devrait pas être permis.
Melvyn se remit à patiner avec vigueur sur la glace, manquant certes toujours cruellement de grâce, quelque peu raide, et pourtant si fier et brûlant de volonté qu’il attirait déjà l’œil aussi facilement qu’un adulte avec des années de métier dans les jambes.
Alors qu’il s’écrase une nouvelle fois à l’entende d’un cri particulièrement aigu, Chris ne peut s’empêcher de penser que le petit garçon deviendra sans aucun doute un grand patineur.
—‒—
« E-écoute, je-je te trouve super mignonne, tu vou-voudrais pas sortir avec m-moi ? »
Melvyn, dix ans, un mètre vingt-trois, hausse un sourcil, Kyle, dix ans, un mètre quarante-deux, tente de ne pas s’étouffer dans son sandwich tandis que Drew, onze ans, un mètre quarante, les joues plus rouges que des tomates fraîches se prépare à recevoir la réponse qui va changer toute sa vie.
Ça fait un moment ( une semaine) qu’il l’observe, cette jolie blonde qui traîne toujours avec le grand châtain qui semble toujours sur le point d’éclater de rire. C’était le coup de foudre, pour sûr, aucun doute sur le sujet, et elle est la femme de sa vie avec qui il aura trois fils et une fille et ouvrira une boulangerie. Sur tous les points, elle était parfaite, à ses yeux. Extrêmement jolie, elle attirait le regard de nombreux autres garçons qui reculait souvent face à son garde du corps joueur de rugby, mais pas Drew, qui était un garçon courageux. La belle blonde était également raffinée, toujours impeccablement habillée, elle mangeait doucement, souriait doucement, parlait doucement, et courrait même doucement, très délicatement. Elle était vraiment totalement cent pour cent sa femme idéale.
Ce beau lundi était le bon, il allait l’avoir.
Ca l’amuse beaucoup, Kyle, tous ces garçons qui pensent avoir une chance avec Melvyn. Enfin, tous ces garçons qui croient dur comme fer que Melvyn est une fille, pour être plus précis. Il est vrai que de loin, l’illusion est parfaite, lui-même, s’il ne l’avait pas connu depuis sa naissance, prit des bains avec ou ne l’avait vu se balader nu chez lui, se serait peut-être fait prendre. Mais non, heureusement, il était du bon côté du filet et pouvait observer avec délice les marioles se faire rejeter sans la moindre petite once de culpabilité. S’il devait se sentir mal, c’était pour son meilleur ami. Pas parce qu’il se faisait prendre pour une fille pratiquement tous les jours, non, ça, il gérait comme un chef. Ce qu’il gérait moins, c’était de devoir s’adresser à quelqu’un d’autre. Pauvre enfant.
Ca l’amuse beaucoup moins de devoir répondre à toutes ces confessions, le petit blond. A force, il commençait à avoir l’habitude qu’on le prenne pour une fille ; c’était au moins la dixième fois rien que cette année, le record étant de quatorze l’année dernière. Ça ne le dérangeait pas plus que cela, et quand bien même, il n’aurait jamais la force de s’en plaindre ouvertement, à part à ses proches. Une de plus, une de moins… Il angoisse déjà. Oh mon dieu. Il ne sait même pas son nom, son âge ou quoi que ce soit. Il déglutit lentement, repose son propre sandwich et tente de cacher le fait que ses mains tremblent légèrement.Ca ne devrait pas être si dur de parler à quelqu’un, il s’améliorait, vraiment. Rejeter, c’était une autre question.
« Impossible. Je suis un garçon. »
Il ne trouve pas plus simple, pas plus clair que cela. Pendant un long moment, le brun l’observe, bouche bée, yeux légèrement plissés comme s’il essayait de voir s’il disait vrai. Melvyn rentre ses épaules, se sent rétrécir, ferme douloureusement les doigts sur son pantalon et arrête de respirer. Kyle lui lance un regard et sous la table, s’il avait regardé sous la table, le blond aurait pu voir un pouce en l’air qui lui était destiné.
« Oh. Désolé. Bye. »
Drew a l’air aussi perturbé que perplexe alors qu’il tourne le dos et s’éloigne, aussi raide qu’un piquet de métal. Ça se finit toujours ainsi, rien de nouveau, et plus jamais il ne les revoyait.
Il y avait bien eu cette fois où le garçon avait dit que ça ne faisait rien s’il était aussi un garçon, ce qui avait provoqué un vent de panique chez Melvyn et lui avait fait prendre la fuite ; il n’était pas revenu pendant deux jours, de peur qu’il ne revienne à la charge. Heureusement, le garçon avait dû comprendre le message et n’était pas revenu l’ennuyer.
Kyle passe un bras autour de son épaule, l’air rieur.
« T’étais parfait ! Tu sais, je crois qu’on devrait enregistrer ta réponse et simplement sortir l’audio à chaque fois qu’un garçon vient, ça te changerait la vie. »
Le blond se détendit quasi-immédiatement au contact de son ami, se laissant aller dans son étreinte, le temps que le tremblement cesse. Il esquisse un sourire.
« T’sais quoi, c’est pas une si mauvaise idée que ça. Pour une fois. »
La nouvelle semble réjouir au plus haut point le sportif qui sort rapidement un calepin de sa poche afin d’y griffonner l’idée. Melvyn le surnommait le calepin de l’horreur, pour Kyle il était toute sa vie d’idées de génie –donc absolument toutes plus atroces les unes que les autres. Le nombre d’idées rayées qu’il peut apercevoir –code pour ‘déjà mise en services’- lui donne des vertiges, il préfère ne pas y penser. Kyle avait appris à faire des bêtises et autres idioties avant même de marcher et ses idées révolutionnaires lui vaudront un jour la peine de mort, Melvyn en est certain, lui qui se retrouvait bien trop souvent en plein milieu de celles-ci.
Le châtain redresse la tête, comme subitement piquer par le doute.
« Mais ça leur fera pas plus de mal ? Je veux dire, ils se sentiraient pas encore plus idiots ? Ce serait méchant… »
Le patineur roule de ses yeux gris. Kyle tout craché, un trop grand cœur.
« Et alors ? Rien à faire. C’est amusant. »
C’est au tour du rugby de rouler de ses yeux bleus. Melvyn tout craché, l’esprit noir de naissance. Il avait peut-être l’air d’un ange en mission sur terre, toutefois son cœur était plus sombre qu’une forêt dense dans la nuit ; il ne faisait que trop souvent les frais de sa violence.
« Ah, si les trente et quelques garçons qui étaient à tes pieds pouvaient t’entendre.
-Ils reviendraient en rampant, va. »
Melvyn, dix ans, un mètre vingt-trois.
—‒—
Le garçon fixe sa mère vider la bouteille de sirop d’érable sur sa part de gâteau d’anniversaire comme s’il s’agissait de vulgaire crème anglaise tout en chantonnant joyeusement, absolument consterné. A côté de lui, il peut voir l’expression de Ryan s’assombrir considérablement à la vue de son pauvre gâteau se noyant dans le sirop de vie des canadiens. S’il en doutait encore, Melvyn en est à présent certain ; l’on ne trouve pas plus canadien que Sharleen Leroy dans ce bas monde.
« Tu crois qu’elle va tout pouvoir avaler, » murmure Zack à sa gauche, ses cheveux blonds pâles trempant malencontreusement dans la crème anglaise. Tel un gentil frère, Melvyn les lui ramasse et les essuie avec la nappe. Ryan hausse les épaules, l’air perturbé. Ce ne serait pas la première chose étrange que leur mère faisait. Lorsque Zack était encore en bambin, les deux ainés l’avaient clairement vu verser une bonne moitié de la bouteille de sirop dans son petit plat tout préparé comme si c’était la chose la plus normale au monde.
A ses côtés, Dorian lui souriait comme si elle était la huitième merveille du monde, et certainement qu’à ses yeux, elle l’était. Il avale sans piper mot le morceau de gâteau qu’elle lui propose au bout d’une cuillère, sans aucune honte ou restreinte et l’espace d’un instant, les garçons se sentirent étrangement adultes. Leurs parents avaient toujours l’air d’adolescents, ce peu importe leur âge ; de toute manière, aucun des deux ne semblaient jamais vraiment âgé, en particulier leur père qui avait le même visage depuis aussi longtemps que Melvyn pouvait se souvenir, une ou deux rides en plus. Honnêtement, c’était légèrement flippant. Les gênes Leroy, qu’il disait, les gênes.
« Ew. »
Melvyn n’est pas certain de ce qui avait provoqué ce bruitage de dégoût ultime chez Zack entre le gâteau au sirop ou le comportement de ses parents. Ça n’a pas vraiment d’importance. Son père lui lance un regard noir et il se redresse immédiatement, envoyant valser un peu de crème sur Melvyn au passage. Il lui essuie les cheveux pour la deuxième fois de la soirée. Sharleen détourne son attention de son mari, gâteau et sirop plein la bouche, grand sourire malgré tout.
« Alors les gosses, ça va la vie ? »
Ses deux frères appuient leurs regards de détresse sur lui. T’es le grand frère, débrouille tout.
« Euh, ouais. Tranquille. Tu sais, neige, luge, bonhommes et compagnie. Le Canada. »
Ryan lui donne un coup de coude qu’il ne mérite absolument pas. Heureusement, cela a l’air d’enthousiasmé sa mère, qui rit, mais aussi Zack.
« L’autre jour on a fait un bonhomme de neige gigantesque, t’aurais dû voir ça maman ! On a pris pleins de photos. Après on a enterré Kyle, c’était cool. Bon, il est tombé malade, mais ça vaaaa. On s’est super amusé ! Mais Gwen nous a grondés, elle était avec son copain, donc Melvyn était triste. »
C’est un coup de coude mérité que Zack se prend accompagné d’un regard plein de réprimandes. Ryan pouffe de rire peu discrètement.
« Melvyn a eu 4 à son exposé d’anglais. »
Oh le bâtard. Il veut jouer à ça. Il lui lance un regard noir ; l’inconvénient d’avoir un frère dans la même école.
« Ryan s’est fait coller parce qu’il envoyait des poèmes d’amour en classe. »
Le châtain vire écarlate sous le regard victorieux de l’ainé. L’avantage d’avoir un frère dans la même école.
« Melvyn a triché en maths.
-Ryan s’est fait plaqué.
-Melvyn a mangé tous les bonbons.
-Ryan a casser sa montre mais a fait croire qu’il l’avait perdue.
-Melvyn a-…
- OK OK C’EST BON. Ça va les deux. Je suis heureuse que vous alliez bien. »
Sharleen n’a pas l’air en colère malgré son ton de réprimande, au contraire, elle sourit de toutes ses dents, évidement heureuse d’être à nouveau à la maison après un long mois de voyages. Elle prend une autre part de gâteau avant d’en proposer à tout le monde. Melvyn, l’estomac de métal, en reprend, tout comme son père. Zack se contente de piquer un morceau dans l’assiette de son frère, Ryan fidèle à son petit estomac se contentant de regarder les morphales s’attaquer à son gâteau jusqu’à la dernière miette, probablement en train de se demander s’il n’avait pas été tout bonnement adopté. Même Duo, le chat de la maison, vient se frotter aux jambes de son unique maîtresse pour obtenir quelques pièces du convoité gâteau. Visiblement, le sirop d’érable ne le dérange absolument pas.
Une fois le plat vide et léché de toutes miettes, la mère de famille se détend sur sa chaise, sourire radieux aux lèvres. Elle prend la main de son mari et fait le tour de la table de son regard ambré scintillant empli d’affection. Elle soupire, laissant sa tête aller en arrière, ses yeux se fermant de délice.
« Ça fait du bien d’être à la maison. »
Personne ne peut la contredire.
—‒—
Melvyn ne patine pas pour gagner, toutefois il ne va pas mentir, c’est tout de même incroyablement gratifiant de recevoir un prix, de se dire qu’on a été le meilleur au milieu de tous ces adversaires tous plus redoutables les uns que les autres, chacun à sa façon. Le sentiment est exhilarant. Pas autant que le simple fait de naviguer aisément sur la glace, certes, mais il est bien là et ce n’est pas lui qui le refuserait.
Il en oublie d’être timide, serre des mains par dizaines, accepte même quelques accolades de ses camarades et adversaires, parle presque de manière fluide à des inconnus, se voit rire sans vraiment avoir de raisons pour, et en haut du podium, sur la plus haute marche, il sourit fièrement, coupe en main, dominant, vainqueur. Il a fait quelques erreurs qu’il pense déjà à travailler, travailler encore et toujours pour arriver à nouveau au top, là, sur cette marche tant convoitée. Il peut le faire, il le sait, tout le monde le sait. Melvyn entend des murmures, on lui dit qu’il sera un grand, un jour, qu’on l’admirera à son tour, lui et son travail acharné. Rien ne peut lui faire plus plaisir.
Sa mère est là, elle est toujours là, à chacune de ses compétitions –ou presque-, le même sourire radieux aux lèvres, elle l’enlace et lui murmure combien elle est fière de lui. Son père est moins discret, lui criant qu’il a été merveilleux, le soulevant à moitié dans son élan. Il a le droit à un câlin de Zack et un highfive de Ryan le soir même, mais les plus grandes félicitations viennent de Kyle, elles viennent toujours de lui. Il se voit soulever comme un enfant par le joueur de rugby qui le fait tournoyer en riant comme si c’était lui qui vivait le plus beau de sa vie. Le soutient met du baume au cœur au blond qui lui rend son enthousiasme par un bon coup de poing dans l’épaule, rieur.
Il a quatorze ans lorsqu’il remporte son premier championnat national ; il sait que l’année prochaine, ce sera un mondial. Sans doute qu’il n’arrivera pas premier à ce moment-là, mais peu importe, il portera fièrement les couleurs de son pays tout en faisant ce qu’il aimait. Pour lui, il n’y avait pas de plus grand bonheur.
—‒—
Qu’est-ce qui change lorsque l’on devient un champion national ? Rien. Rien du tout. Melvyn continue d’aller à l’école comme si de rien n’était, continue de trembler comme une feuille lorsqu’on l’interroge, de détourner les yeux lorsqu’il croise ceux d’un autre. Une fois l’excitation retombée, les murmures atténués, les félicitations dans les casiers envolées, il ne reste plus qu’un petit adolescent que tout terrifie.
Rien qu’en y pensant, Melvyn soupire, le regard vaguant sur les autres bruyants élèves tandis qu’il mastique son morceau de pain tristement, assis seul dans un coin du self à côté de la fenêtre. Kyle n’est pas là, entrainement du midi –ce que le blond trouve absolument révoltant, soit dit en passant-, alors il se retrouve tout seul. Ca ne le dérange pas vraiment, il préfère de loin la solitude à trembler comme une feuille au milieu d’un groupe gens qui bavardaient sans cesse. Il était bien, là, avec son téléphone et la fenêtre. Du coin de l’œil, il aperçoit Ryan, le bras autour de l’épaule d’une belle blonde, l’air particulièrement épanouie. Melvyn plisse les yeux, incapable de la reconnaitre. Encore une nouvelle ? C’est à croire que lui et Kyle faisait un compétition.
« Je peux m’asseoir ? »
Melvyn sursaute si violemment qu’il manque de se planter la fourchette dans la main tout en basculant en arrière. Confus, le cœur battant la chamade, il cherche rapidement la cause de sa surprise et la trouve en la personne d’un grand garçon fin aux cheveux bruns dont la coupe portait à croire qu’il ne les avait pas coiffés ce matin ; ses yeux ambrés pétillent de malice et il semble être le type de mec avec beaucoup de confiance en soit, pourtant ses joues rougis indiquent toute autre chose. Il a l’air inquiet, vraiment très inquiet.
« Ca-ça va ? Je ne voulais pas te faire peur, désolé, c’est juste que, je, tu vois, je… »
Non, il ne voit pas. Une main toujours appuyée sur sa poitrine douloureuse, Melvyn reste tendu, méfiant et paniqué. Pour quelques raisons, le garçon lui semblait incroyablement familier, malheureusement il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus… Il se mordille la lèvre et caresse machinalement le manche de sa fourchette. Il n’a pas l’air d’être un mauvais garçon, peut-être… Il hoche simplement la tête, lentement, le visage livide.
Le brun lui adresse un large sourire de grand gamin avant de s’assoir juste en face de lui. Il a tout d’un garçon populaire avec les filles ; Melvyn se demande ce qu’il peut bien venir faire là alors qu’il devait avoir un tas d’amis. Il continue de le fixer tandis qu’il commence à manger, lui-même piquant distraitement à son assiette, les mains trop moites pour pouvoir vraiment arriver à quelque chose. Il remarque que le plateau du garçon est incroyablement rempli, plus que le sien, c’est-à-dire absolument énorme, et que celui-ci mange de bon cœur, que ses joues sont aussi vraiment rouges. Finalement, au bout de cinq minutes de silence, il repose ses yeux sur lui avec un petit sourire à mi-chemin entre l’amusement et la gêne. Bon dieu, il lui disait vraiment quelque chose…
« Tu ne te souviens pas de moi, hein ? »
Ca n’était certainement pas l’intention du garçon, mais sa question le fait se sentir coupable. Il ressent un pincement au cœur avant de baisser son regard sur son plat, honteux. Honnêtement, il n’avait pas très bonne mémoire avec les gens puisqu’il n’en avait tout simplement pas besoin, de ce fait à chaque fois que quelqu’un venait lui parler comme s’ils l’avaient déjà fait auparavant, lui ne peut que rester bouche bée. C’est une horrible habitude que d’oublier les gens.
Le garçon rit doucement, d’une manière qu’il qualifierait d’embarrassée mais honnête.
« Ah, ne t’en fais pas pour ça, c’est probablement mieux que tu ne t’en souviennes pas, en fait. C’était, umh, plutôt embarrassant. »
Embarrassant ? Melvyn repose son regard gris sur lui, plissant les yeux, frustré de ne pas se souvenir. D’où est-ce qu’il-… Oh. OH. Mais oui. Son visage s’illumine immédiatement.
« Oh, tu m’as demandé de sortir avec moi, c’est ça ? Il y a quatre ans ? Parce que tu pensais que j’étais une fille. »
A voir le visage de son camarade se décomposer lentement et ses joues rougir encore plus –elles vont prendre feu, c’est impossible-, le blond sait qu’il a bien tapé. Il s’en souvient vaguement, de ce petit brun mal assuré aux joues couleur tomate.
« Euh, ouais, c’est ça… Je suis, umh, vraiment, er, très désolé. »
C’est au tour de Melvyn de rire doucement, laissant momentanément sa timidité se perdre dans sa joie de se souvenir de quelqu’un.
« Oh, c’est rien. Si tu savais le nombre de fois que c’est arrivé ; on a dû arrêter de compter. »
Ca n’a pas l’air de l’aider à aller mieux puisqu’il baisse à nouveau le regard sur son assiette à moitié vide. Même ses oreilles étaient rouges. Non, il n’a vraiment pas l’air d’un mauvais bougre.
« Vraiment désolé… En plus je suis parti sans rien dire, c’était nul.
-Tu es tout excusé, euuuh…
-Drew ! Keighley Drew. »
Il étend une main au-dessus de la table que le patineur saisit timidement, se retrouvant à trembler à nouveau. Wow, ça faisait combien de temps qu’il n’avait pas fait connaissance avec quelqu’un ? Sa mère serait drôlement fière de lui.
« Mel-
-…-vyn Leroy, impossible de ne pas le savoir. »
Ah oui, champion national, blablabla. S’il y a bien une chose qui change, c’est que tout le monde connaît son prénom, apparemment. Il retire sa main, légèrement gêné, plongeant son regard sur son plat presque complet. De son côté, Drew semble être le garçon le plus heureux au monde tandis qu’il se remet à manger de bon cœur. Il se passe encore cinq minutes avant qu’il ne cesse de racler son plat pour lui lancer un regard curieux ?
« Tu ne manges pas ?
-Ah, je… Si. »
Allez Melv’, fait pas ton timide maintenant ! Il n’allait pas se laisser mourir de faim juste parce qu’il ne mangeait pas avec Kyle, ce serait débile. Empli d’une nouvelle énergie, il commence à vider son plat, gardant le visage un peu trop prêt de son plat à cause de sa main tremblante. Un pouffement lui fit lever les yeux, sourcils froncés ; Drew le regardait toujours, large sourire stupide collé aux lèvres, yeux ambrés pétillant comme ça n’était pas permis.
« Quoi ?, » demande-t-il, légèrement indigné que l’on ose rire de lui. Le brun secoue la tête, amusé.
« Rien, rien du tout. Tu manges toujours comme ça, ou tu essaies de me séduire en utilisant une technique secrète ? »
S’il avait été une torche, il se serait enflammé. En échange, il se retrouve à crier, révolté, les joues également rouges.
« C’est pas ça, crétin ! »
Drew a l’air de quelqu’un qui veut éclater de rire pendant que son père le gronde, ce qui ne fait rien pour arranger le malaise du blond.
« Ah, dommage. Je tiens à te dire que c’était efficace. »
Après avoir dit cela, le brun pique également un fard monumental qui rend la situation plus supportable et Melvyn se demande pourquoi il dit ce genre de choses si lui-même ne peut le supporter. Quel étrange garçon.
« Crétin, dit-il, grognon, avant de plisser les yeux comme si une idée venait de le frapper. T’es gay ?
-Pardon ? »
La question doit le prendre totalement au dépourvu car son sourire tombe immédiatement. L’espace d’un instant, Melvyn a peur de l’avoir blessé ou d’avoir eu l’air totalement homophobe, ce qu’il n’était absolument pas, vraiment.
« Ca me dérange pas, hein, c’est juste une question comme tu… Tu vois qu-…
-OH ! Oh non, non, j’ai une copine ! » réplique-t-il comme si cela expliquait tout, l’air incroyablement mal à l’aise et gêné, tel un enfant prit la main dans une jarre à cookie. « Je déconnais, tu sais, m’amusais, je-… »
Il se tue, mais Melvyn lui assure qu’il a bien compris où il voulait en venir avec un vague hochement de tête et un sourire hésitant. Sûrement, pour Drew, il ressemblait toujours un peu à la jolie petite blonde de ses rêves.
Après deux minutes tout au plus, Drew semble se ressaisir et plaque un nouveau sourire amusé sur son visage. Le Leroy juge que c’est un sourire malsain.
« Tu es timide, n’est-ce pas ? »
Il aurait bien aimé le contredire juste pour le simple plaisir de le faire, toutefois il ne trouve rien à redire alors il se contente d’hocher la tête tout en faisant tourner la fourchette entre ses doigts. Il constate avec soulagement qu’il tremble moins à présent. Le brun s’attaque à son yaourt, son regard ne le quittant pas pour autant.
« Les gens disent que tu es juste super arrogant, pourtant ça crève les yeux. Ou peut-être qu’un timide à un autre, on peut se reconnaître ? »
Non, ça n’est pas du tout cela, Melvyn en est certain. Il n’aurait jamais cru le garçon timide s’il ne lui avait pas dit, au contraire, il le pensait plutôt éloquent et à l’aise vraiment ; enfin, avant qu’il ne s’embarrasse tout seul comme un idiot. Il recommence à manger tranquillement, vidant enfin son plat de poulet devenu froid, acceptant de discuter un peu avec Drew. Il n’était pas bien dérangeant, toujours très prudent avec ses mots, il n’abordait jamais rien de trop personnel, de sorte à ce qu’il soit en réalité assez agréable d’être avec lui. Melvyn apprit que Drew avait trois sœurs et deux frères, ne pratiquait aucun sport, qu’il était en réalité en même année que lui, bien qu’un an plus âgé – une histoire de maladie de jeunesse qui semblait le mettre mal à l’aise-, se cassait très souvent quelque chose, avait bel et bien une copine nommée Lucy et aimait également beaucoup les chats, bien qu’il y était malheureusement allergique.
Il ne vit même pas l’heure tourner ou son plat se vider, jusqu’à ce que le plus âgé lui fasse remarquer.
« Ah, faut que je file, je vais être en retard en science, le prof va me défoncer. On… Enfin, si –seulement si, hein, je te force à rien, tu sais- si tu veux bien, on peut se revoir un jour ? Tu vois, si t’es seul et que bref, je sais pas, enfin, on peut manger – ou quoi que ce soit hein, je sais pas- ensemble ou-… »
Il s’emmêle tellement dans les mots que Melvyn, prit de pitié, le coupe, sourire amusé aux lèvres.
« J’adorerai ça. »
Cette fois-ci, c’est avec un sourire radieux et un signe enthousiaste de main que Drew lui tourne le dos ; Melvyn ne tremble plus.
—‒—
Melvyn s’en souviendra toute sa vie du jour qui a tout fait basculé. Le jour où sa vie presque tranquille s’est retrouvée menacée de mort.
Impossible de l’oublier de toute manière, Kyle le lui rappelle chaque seconde qui passe.
Il mangeait bien tranquillement avec Drew un froid jour d’octobre tandis que Kyle était en entrainement –censé être, du moins. Le garçon lui racontait sa mésaventure avec une mésange particulièrement hargneuse –vous ne voulez pas savoir, vraiment- tandis que lui-même pensait que le poulet était franchement mauvais ce jour-ci.
Un jour normal, donc.
Et puis sur ce débarque Kyle, comme une fleur, le sourire épanoui, une petite châtain au bras – pas exactement au bras, mais ça y ressemblait certainement. Bref, la surprise ultime parce que Kyle ne manque pas un seul entraînement et Melvyn n’a jamais vu la fille de toute sa vie – pas que ce soit bien grave, vraiment, il n’avait pas vu grand monde en fait. Elle souriait joliment, apparemment positivement satisfaite par ce que le grand châtain lui racontait avec de grands gestes, et le fixait intensément, chose que beaucoup de filles font, certes, mais en même temps pas tout à fait de la même manière. Compliqué à expliquer, ça ressemblait d’avantage à de l’intérêt pur qu’à du fangirlage intérieur du genre « dang he’s hot ».
Kyle lui fit un grand signe, comme à son habitude, et Drew se tassa dans sa chaise, ce qui n’était pas son habitude. Il n’avait jamais rencontré Kyle, maintenant qu’il y pensait, même après 6 mois de relations ami-ami avec lui. En réalité, il semblait carrément l’éviter, ce dont Melvyn ne lui tenait absolument pas rigueur. Pourtant, le rugbyman ne semblait pas être la raison de son tassage. Il murmura un truc dans sa barba non-existente, le regard rivé sur le couple. Couple. Deux gens qui marchent ensemble.
En vrai, Melvyn avait un peu la mort. Son ami n’aurait jamais manqué un entraînement pour lui, pourquoi il le ferait pour cette fille ? D’accord, ils se voyaient le reste du temps, mais. Voilà. Il avait pris l’habitude de s’attribuer pleinement le châtain et que le châtain n’aille jamais ailleurs. Ce qui était absolument stupide, le genre de discours d’une petite-amie super jalouse. Il repoussa une longue mèche blonde, yeux à l’affut.
La fille était plutôt jolie, pas du type cosmique irréel, ni top model, toutefois jolie. Longs cheveux châtains, un ou deux tons plus foncés que ceux de Kyle, yeux ambrés scintillants –qui curieusement lui rappelait quelqu’un- et joues légèrement rougies, plutôt petite avec un visage rond mignon. Elle avait l’air cool jusqu’à ce que Melvyn se rende compte que son ami était en train de l’amener à leur table. Mais à quoi pensait-il ? Une inconnue, à sa table ? Pssst.
Drew ne comptait pas, il… Drew quoi.
« Melvyn !
-Kyle ! » répliqua-t-il avec faux enthousiasme.
Il n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit d’autre car la châtaine ouvrit la bouche sans laisser échapper un son avant de frapper gentiment l’épaule de Drew qui lui souriait doucement, visiblement mal à l’aise –enfin, c’était peut-être une illusion, il n’avait jamais vraiment l’air à l’aise de toute manière.
Et puis sous ses yeux ébahis, ils se mirent à se faire bon nombre de mystérieux signes. Ah. Aaaah.
Sachant que Drew n’était pas sourd, il en conclu que c’était pour la demoiselle qu’ils communiquaient ainsi. Visiblement, les signes semblaient bluffer Kyle aussi puisqu’il s’installa à ses côtés, bouche bée.
« C’est qui ? »
Melvyn faillit lui dire que c’était à lui qu’il devrait poser la question parce que lui ne savait pas qui était la châtaine avant de se rendre compte qu’il parlait de Drew. Il avait dû lui en parler une ou deux fois, cependant il ne l’avait jamais vu.
« Drew, le garçon dont je te parlais.
-Oooh… Ils se connaissent ? »
Il se contenta de lui répondre par un regard lui communiquant pleinement son mépris pour sa question stupide. Comment pourrait-il le savoir ? Ils se contentèrent de fixer l’échange muet en face d’eux, incapable de comprendre, avant que le blond ne se décide à poser la question fatidique.
« Et elle, c’est qui ?
-Umh ? Oh, Jessica Cross, elle est nouvelle. Elle est choupi, hein ? »
Choupi n’était pas tout à fait le mot que Melvyn aurait personnellement choisit pour la décrire. Au même moment, elle envoyait un autre coup de poing dans l’épaule de Drew qui laissa échapper un très masculin petit cri. Il se tournèrent enfin vers les deux amis, Jessica l’air radieux, Drew l’air rouge.
« Désolé pour ça…
-Vous vous connaissez ? »
Straight to the point Kyle, comme toujours. Melvyn mordit dans son bout de pain, le regard posé sur Jessica qui le lui rendit. Instantanément, il trouva son plat beaucoup plus passionnant.
« Ouais, Jessica est ma cousine. Normalement j’aurais dû faire le tour avec elle, mais… J’ai totalement oublié qu’elle arrivait aujourd’hui. »
Oh, sa cousine ! A part les yeux ambrés et les joues rouges, les deux n’avaient rien en commun ; m’enfin, lui et Ryan ne se ressemblaient pas vraiment alors qu’ils étaient frères, la génétique a ses mystères. Il risqua un autre regard, donnant un coup de pied sous la table à Drew lorsqu’il vit son sourire narquois –le bâtard n’a pas le droit de rire de sa timidité, c’est lâche. Kyle, lui s’illumina d’un seul coup.
« Oooh ! Mais c’est génial ça ! Tout est lié ! Au fait, salut Drew, c’est la première fois qu’on se voit. AH NON. Deuxième en fait. Je me rappelle encore de ce moment où tu voulais sortir avec Melvyn, fantastique. »
Drew vira au cramoisi plus rapidement que si on lui avait jeté de l’eau brulante au visage et Melvyn sourit avec satisfaction. Jessica semblait avoir compris –d’une manière ou d’une autre- ce qui se racontait puisqu’elle riait silencieusement à côté, l’air surprise ; son cousin ne devait pas lui avoir mentionné le petit incident de parcours. Ô joie. Melvyn avait bon espoir que la nouvelle fasse le tour de la famille en comptant sur le fait que la dîtes cousine soit un grand bavarde. Enfin, genre, avec des signes. Des sms. Un bloc-note, peu importe. Elle devait savoir se débrouiller, comme une grande fille. Il y eu de rapides présentations, histoire de, ce qui répondit à environ 0,1 questions que Melvyn avait. Jessica semblait pouvoir suivre la conversation, pourvue qu’elle soit lente, en se concentrant sur leurs visages –ce qui, ô grande surprise, le rendait très très mal à l’aise-, de ce fait il en déduisit qu’elle pouvait lire sur les lèvres. Relativement bien. Elle fronçait les sourcils d’une manière particulièrement vicieuse –si si, promis- dès qu’il prenait la parole, cependant Kyle lui fit remarquer un peu plus tard que c’était très probablement parce qu’il n’articulait pratiquement pas. En attendant, ça le stressait.
Elle parlait en signes avec Drew une partie du temps qui semblait follement s’amuser à tout leur traduire –ce qui, honnêtement, lui en bouchait un coin. Qui aurait cru que le grand dadet qu’il était avait ce genre d’atouts dans sa manche ? Pas lui, en tous les cas.
Le reste du temps, elle écrivait tout simplement sur sa tablette, qu’elle trimballait partout, s’il avait bien compris ; en tous les cas, il avait bien vu, elle savait se débrouiller.
A côté de lui, Kyle souriait comme le dernier des imbéciles, et c’est sûrement là, à ce moment précis, alors qu’elle écrivait une réponse sur sa tablette, large sourire aux lèvres, le soleil perçant à travers les nuages illuminant sa longue et soyeuse chevelure, les yeux étincelants de joie, que Melvyn se dit que tout allait changer. Ça ne lui faisait pas particulièrement plaisir, pas particulièrement de mal. Son cœur se serra un peu, sans doute, sa gorge se noua, c’est vrai, il n’arrivait pas à s’en réjouir, pas encore, c’était trop tôt, oui, pourtant il se sentait profondément en paix. Ça va changer, mais tous change, toujours, et bien heureusement ou il serait encore couvert de bleus à chaque fois qu’il tentait d’effectuer un saut des plus basiques en patinage.
« Tu baves, » lui fit Drew gentiment après lui avoir donné un léger coup de pied, le ton moqueur, le sourire doux.
Il lui fit un geste bien senti de la main par-dessus son plat vide sous le rire amusé de son meilleur ami et la seconde d’après une main lui proposait un mouchoir. Il releva les yeux pour croiser ceux chaleureux de Jessica, une infime étincelle espiègle au fond de ceux-ci. Melvyn sentit son sourire monter sans même qu’il n’ait le temps d’y penser à deux fois ; il accepta gracieusement le mouchoir.
« Merci bien, j’en ferai bon usage, » la remercia-t-il avant d’essuyer les coins de sa bouche - secs. Kyle appuya sur son visage sur sa main gauche, le regardant d’un air profondément moqueur. Ça sentait le coup de poing.
« Ah, la vieillesse, ce terrible fléau… »
Et coup de poing il y eu dans le bras du rugbyman.
Certaines choses ne changeront jamais, elles, à son grand délice.
—‒—
« Drew ?
-Melvyn ?
-Je-tu-umh. La langue des signes, tu pourrais me l’enseigner ?
-Q-oh ! Bien sûr. Enfin, je ne te promets pas la qualité, hein. A tes risques et périls.
-J’aime ma vie risquée.
-Menteur. »
—‒—
Dix-neuf ans, c’est tôt, pour se marier. Melvyn pense qu’elle aurait pu prendre plus son temps pour réfléchir aux conséquences, être certaine que ce soit le bon, mais Gwen a toujours été un âme libre qui n’en fait qu’à sa tête et tout sur des coups de têtes.
Bon, d’accord, il lui cède le fait que son mari est en réalité son petit ami depuis ses treize ans, qu’il est beau, cultivé et en plus de cela d’une famille faisant parti de l’élite, mais tout de même. Dix neufs ans, c’est trop tôt, Kyle est d’accord avec lui, et c’est ainsi que les deux meilleurs amis se retrouvent assis côtes-à-côtes dans la salle de réception, la mine grisâtre au milieu d’une centaine de sourires éblouissants, à critiquer tout et n’importe quoi.
« Je suis sûre qu’il va devenir chauve avant ses cinquante ans, en plus, ronchonne Melvyn.
-Cette serviette est hideuse, renchérit Kyle. »
Pas sur la même longueur d’onde, certes, mais pour tous les deux, à des degrés différents, le changement de nom de la belle dame était difficile à assumer. La bague au doigt, à quelques pas de là, Gwen virevolte aux bras de son mari, Trace Dempsey, rayonnante de joie. Elle est magnifique, vraiment, breath-taking et gracieuse comme jamais dans sa longue robe de princesse blanche, toute de dentelle vêtue, longs cheveux blonds ondulant élégamment à sa suite – libérés de leur compliqué chignon à peine deux minutes après la sortie de l’église.
Gwen Dempsey, umh ? Aux yeux de Melvyn, elle resterait probablement encore longtemps une Sutherland, la jolie jeune femme aux longs cheveux châtains qui dansait comme une reine avec son beau sourire qui faisait chaud au cœur. C’est ainsi, tristement, car cette Gwen Dempsey en vaut tout autant la peine.
Melvyn n’est pas entièrement mécontent, pas vraiment blesser à vrai dire, c’est plus parce qu’il a l’impression qu’il devrait être grognon à ce propos, parce qu’elle a une place importante pour lui. Elle l’a propulsé dans le milieu du patinage, a longtemps été son soutien le plus précieux, la personne qu’il admirait – et admire toujours. Peut-être qu’il s’agissait de son premier et unique amour, son cœur d’enfant était confus à l’époque, la ligne si fine entre admiration et amour, peu importe. Il est certes réticent, pourtant bien moins qu’il ne le pensait.
« Arrêtez de bouder les deux sacs, on dirait qu’on vous a menacés de mort pour venir. »
Flora Sutherland donne une bonne tape derrière la tête de son fils, sourire radieux, avant de pincer la joue de son second ‘fils’, comme elle adorait le faire sous prétexte que chez eux, il n’y a pas d’aussi belles joues. Du coin de l’œil, Melvyn regarde Zack s’éloigner de six tables pour ne pas se faire attraper par la femme ; des trois frères, il a les joues fétiches de la grande châtain.
« Tu l’as vraiment fait, maman, » geint Kyle, au bord du caprice tel un enfant de cinq ans. Flora roule des yeux puis lui tire l’oreille, l’air sévère.
« Non mais écoutez le un peu cet enfant ingrat ! Il aurait voulu ne pas venir au mariage de sa sœur, tsk tsk. Privé de dessert.
-Maman ! »
Le cadet Sutherland vire au rouge tomate tandis que l’ainé Leroy pouffe de rire en avalant un chou à la crème ; Flora lui en pique un, toujours souriante. Elle va pour le manger lorsque l’on lui gobe directement d’entre les doigts. Sharleen Leroy mâche, une main sur l’épaule de son fils sous le regard ahuri de sa meilleure amie depuis plus de vingt ans qui regarde son précieux chou disparaître.
« Umh, délicieux. Ça manque juste d’un peu de sirop d’érable.
-Tu me dégoutes, Sharleen.
-Merci du compliment. »
Les deux amis échangent un regard, comme une conversation inaudible, puis la mère du blond lui tire le bout d’une tresse.
« Encore à bouder ? J’ai bien cru que tu allais t’opposer durant la messe. Une vraie boule de mauvaise foi ! »
Flora et son fils éclatent de rire –le fils plus discrètement. Melvyn marmonne un ‘même pas vrai’ maladroit, soudainement très conscient des regards braqués sur eux. Il enfile rapidement deux choux dans sa bouche au moment où Kyle pose une main sur la sienne, le regard maladivement doux.
« Mais enfin Sharleen, sa seule raison de vouloir ainsi s’opposer c’est par jalousie ! Il voulait qu’on soit les premiers à se marier, tu vois. N’est-ce pas, mon chou ? »
La blague passe très mal dans le cerveau du patineur qui manque de s’étouffer sur ses choux ; de fortes tapes sur son dos viennent évacuer le choux de trop dans son assiette d’une manière peu élégante.
« Pour l’épouser faudrait le garder en vie, déjà, fils. »
La voix tonitruante et chaleureuse de Mitch lui débouche aussi bien le cerveau que sa voie respiratoire. Il lance un regard plein de reproches au rayonnant Kyle, ses yeux grimpant difficilement en haut de massive silhouette du père Sutherland –en voyant le couple, l’on comprenait tout de suite d’où venait celle du fils.
« Bon choix cependant, tu as ma bénédiction. »
La bonne chose avec les Sutherland, c’est qu’ils ne sont pas seulement grand en taille, horizontalement ou verticalement ; ils ont également un énorme cœur et sens de l’humour. Sa femme rit de bon cœur tandis que Sharleen plisse les yeux.
« Je refuse. Ton fils a des idées louches. »
Impuissants, les deux fils se regardent, coincés au milieu d’une bataille sans retour. Toute d’humour vêtue qu’elle soit, Melvyn décide qu’il est temps de s’éclipser. Laissant lâchement Kyle s’occuper du chaos qu’il a créé de toutes pièces, il part retrouver le plus jeune de ses frères qu’il retrouve, sans surprise, le nez dans sa DS. Sans mot dire, il lui fourre un chou dans la bouche et le regarde mâcher sans même lever les yeux. Il sent le sourire lui monter tandis que Zack fronce les sourcils et marmonne nombre d’insultes dans sa barbe, ses doigts martelant sans merci la pauvre console. Il s’installe confortablement à ses côtés, lui redonne un autre chou, en prend un lui-même puis se met à jouer distraitement avec ses fins cheveux, plus pâles que les siens. Ils commençaient à recouvrir son beau visage, ce que Melvyn trouvait franchement triste.
Son regard vague vers la mariée qui parle à présent à des amies de lycée, la main dans celle de Trace. Il n’y a plus de pincement au cœur quand il les voit, plus qu’une maigre impression qu’on lui vole quelque chose qui lui appartient, cette même impression qui le hante un peu plus chaque jour lorsqu’il voit Kyle sourire à Jessica. Mais il est heureux, vraiment, vraiment très heureux, pour eux.
Juste jaloux. Tout le monde autour de lui rencontrait la personne et lui…
Il soupire, grattant gentiment le cuir chevelu de son frère de la manière qu’il sait que le garçon adore. Sa réaction ne se fait pas attendre –tel un chat, il appuie sa tête sur sa main et il peut voir la façon dont ses cils semblent s’alourdir. Sûrement, Zack, personne ne le lui prendrait, pas avant qu’il ne trouve cette personne.
« Alors comme ça on boude à mon mariage ? »
Les deux frères sursautent à l’entende la voix cristalline de la mariée, le ton faussement-vexée. Gwen est encore plus resplendissante de près. Melvyn lui sourit gracieusement.
« Du tout, je ne voulais juste pas de te faire d’ombre avec mon magnifique sourire. »
L’expression de la fausse-blonde vire au dépit total. Elle roule des yeux à l’image de sa mère puis lui donne une petite tape bien méritée sur l’épaule.
« Aish, petit prétentieux. Va mettre une jolie robe blanche et on en reparle.
-Je te laisse ton jour, princesse.
-Peureux.»
Elle lui tire la langue d’une manière très distinguée et il le lui rend par un sourire radieux. Zack renifle bruyamment à côté de lui, certainement pour s’empêcher de rire, le nez toujours coller sur sa DS. Pour bien faire, l’ainé lui enfonce doucement un doigt dans ses côtes, puis, comme si de rien n’était, adoucit son sourire face à la jeune femme, prêt après sa petite torture à lui dire ce qu’il aurait dû depuis le début.
« Tu es magnifique. Félicitation pour ton mariage, je te souhaite tous le bonheur du monde, tu le mérites. »
Gwen se fige un instant avant de fondre en un nouveau sourire, l’air profondément et sincèrement touchée, loin de son espièglerie enfantine naturelle. Elle lui caresse doucement les cheveux avant de l’envelopper dans une étreinte chaleureuse qui sentait aussi bon qu’un rêve.
« Merci Melvyn, merci beaucoup. »
Elle dépose un baiser sur sa joue – probablement en y laissant une trace de rouge à lèvre- avant de se redresser. Elle semble si heureuse, si émue d’un seul coup qu’elle l’en met mal à l’aise. Zack toussote à ses côtés.
« Je veux pas gâcher un moment –là, mais euh, ouais, félicitation. Et tout ce qu’il a dit. »
Contrairement à son ainé, il n’est pas spécialement plus timide que la moyenne, juste affreusement mauvais avec les mots ; ça combiné avec sa période mi-emo, mi-rebelle, ça donnait des choses absolument fantastique. Gwen rit néanmoins et fond sur lui pour déposer deux gros baisers sur ses joues tandis qu’il fronce les sourcils, l’air à moitié dégoûté comme s’il s’agit là de la pire des tortures. Melvyn rit et passe la main dans ses cheveux pâles, amusé. Il retourne son attention vers Gwen, son regard vaguant vers Trace qui le salua de loin, large sourire aux lèvres. Il est également resplendissant dans son costume noir sur-mesure, ses cheveux blonds luisants soigneusement et astucieusement coiffés encadrant son fin visage. Tout comme sa femme, ses yeux verts pétillent de bonheur. Il lui rend son signe de main.
« Tu devrais retourner à ton mari avant qu’il ne noie ton absence dans l’alcool. »
Gwen s’esclaffe de bon cœur, ébouriffant ses cheveux avant de tourner les talons, non sans un petit ‘comme s’il allait faire ça’. Il la regarde rejoindre son mari, l’embrasser rapidement, formant immédiatement une bulle de bonheur. Elle est heureuse, si heureuse, alors lui aussi l’est, sa bonne humeur communicative.
Le blond cherche son meilleur ami du regard pour le trouver le nez dans son téléphone, large sourire indiquant que son interlocutrice n’est autre qu’une jolie châtaine, le groupe de parents ayant rejoint celui du marié, riant de bon cœur. Ryan parle avec un groupe de jeunes dans un coin de manière animée, en plein dans son environnement.
Melvyn repose son regard sur Zack qui frotte vigoureusement ses joues, presque furibond.
« On te croirait allergique au rouge à lèvre à te voir te débattre comme un démon comme ça.
-Peut-être bien qu’j’le suis, » réplique-t-il, grognon.
Il sourit, trempe un morceau de serviette dans de l’eau.
« Tu vas t’arracher la peau à faire ça, laisse-moi faire. »
Docilement, le cadet laisse son frère essuyer ses joues, yeux posés obstinément sur sa console bien que ses doigts ne bougeaient plus. Il gigote sur sa chaise comme un enfant qui a une question à poser tout en ne voulant pas la formuler à haute voix. Melvyn sourit, frottant les résidus rouges délicatement.
« Qu’est-ce qui te tracasse ? »
Mais le garçon secoue la tête, n’articulant pas un seul mot. Il se remet à jouer dès que son frère s’éloigne de lui, l’air pincé. L’ainé Leroy roule des yeux, toutefois il ne pipe mot – Zack le lui dira en temps et en heure, peut-être. Sans doute. Un jour. Ça fait un moment déjà qu’il le voit se tracasser sans rien dire, sans laisser personne dans son petit monde ; le début de l’adolescence y est pour quelque chose, certainement, il n’empêche que ça le travail un peu lui-même.
De toute manière il n’a pas le temps d’essayer de lui tirer les vers du nez car l’animateur l’entraîne contre son gré dans un jeu endiablé.
—‒—
Que Kyle vienne s’écraser sur son lit dans un moment de calme et de paix ultime chez les Leroy et qu’il est au téléphone est une chose, qu’il vienne s’y écraser pour lui parler de sentiments, faire le fanboy et whatnot en est une autre.
« Non, mais elle est parfaite, tu comprends ? Parfaite. »
Melvyn roule des yeux et fixe inlassablement ses ongles –il va falloir les couper- ne se sentant visiblement que très peu concerné. A l’autre bout du fil, Drew s’agite.
« Il parle de ma cousine là ?
-La seule et l’unique. »
Kyle, pas le moins du monde affecté par le manque d’enthousiasme et d’attention de son ami, se roule sur le lit à la manière d’une gamine très amoureuse qui parle de son premier amour.
« Nooon mais Meeeeelv’, tu devrais la voir !
-Je la vois presque tous les jours.
-C’est un ange, un ange que je te dis ! Elle est trop mignonne ! Son sourire est magnifique et ses cheveux sentent franchement super bon et juste. Ugh. Melvyn. Je crois que je suis amoureux. »
Drew fait un bruit semblable à un mec trop bourré en fin de soirée qui tente d’évacuer pour boire un autre verre tandis que Melvyn lance son meilleur regard surpris, transpirant tellement de sarcasme que des gouttelettes en tombaient.
« Oh vraiment ? Tu crois ? J’y aurais jamais cru ! »
Cette fois ci l’amoureux transi lui lance un oreiller à la figure ; Drew éclate de rire.
« Arrête de te foutre de moi, rustre sans-cœur !
-Sans-cœur ? Oh, tu me le fends, Kyle, vraiment. »
Le brun ne cesse de ricaner au téléphone et c’est au tour du grand châtain de rouler des yeux. Il rattrape le coussin volant, se rasseyant convenablement sur le lit au passage. Melvyn tente tant bien que de mal de continuer à rédiger son devoir de littérature –ce qui était la raison principale de son appel d’ailleurs, avant que Kyle n’arrive.
« Franchement, c’est limite incroyable, un tel manque de sensibilité, surtout de la part d’un patineur artistique. »
Dans un effet de style particulièrement dramatique, il jette ses mains au ciel, envoyant balader l’oreiller au passage.
«Où va le monde ! »
Drew murmure quelque chose de peu décent au téléphone qui a le mérite de faire ricaner le blond.
« La ferme Drew, » lui crie Kyle pour être certain que le garçon à des kilomètres d’ici puisse l’entendre, avec ou sans téléphone, sans même avoir eu la chance d’entendre ses paroles en premier lieu. Melvyn esquisse un sourire, frappant hasardeusement quelques mots de plus sur son clavier.
« Et c’est tout à fait spectaculaire, une telle sensibilité chez un joueur de rugby, j’en ai l’estomac noué, répond-t-il, mi-figue mi-raisin. Ô les stéréotypes, je pensais qu’on était au-dessus de ça au bout de presque seize ans d’amitié. »
Kyle fait la moue, le brun sifflote, comme stupéfait.
« Et aucun des deux n’est encore mort ? Je contacte le Guinness book.
-Ca ne saurait tarder. »
L’espace d’un instant, le rugbyman a l’air triste de ne pas être dans la blague, incapable d’entendre ce que pouvait bien raconter Drew. Bien fait tiens, lui qui n’avait plus d’yeux que pour Jessica. C’est cruel, mais ça lui fait du bien aussi, à Melvyn, d’avoir ses propres petites cachoteries.
« Quoi qu’il en soit, tu penses que je devrais me déclarer ? Tu penses ? »
Il a l’impression d’avaler toute sa vie de travers. Kyle n’apprendra jamais.
« Kyle, je te l’ai déjà dit, je suis pas celui qu’il te faut pour ce genre de conseils. Tu te souviens ? Vie amoureuse inexistante.
-Quoi, sérieux ?
-Si tu dis quoi que ce soit, je te force à manger un piment mexicain lundi prochain, Drew. »
Il peut pratiquement le voir lever les mains en signe d’innocence chez lui. Le châtain est déjà en train de noter la menace dans son nouveau carnet de la mort.
« Demande à Drew dans ce cas. »
Kyle se rapproche d’un coup, tombant lourdement au sol à ses côtés, se forçant une place très prêt du téléphone.
« T’en penses quoi Drew ? Je lui demande ? Ta cousine est célibataire, hein ? »
L’air aussi enchanté qu’un chien attaché à un poteau en plein milieu d’une tempête, le brun grogne.
« C’est ma cousine ! C’est trop zarb, je sais pas !
-Kyle connaît pas le zarb en famille, il a embrassé mon frère une fois.
-PARDON ?
-Roh, Melvyn, je pensais qu’on en parlait pas !
-Ca vaaa, c’est Drew. »
Leur ami n’a pas l’air de savoir s’il doit se sentir flatter ou rétrograder à en juger par son silence. Aucun des deux ne réplique quoi que ce soit pour le rassurer.
« Breeef, passons. Je sais pas Kyle. Je crois qu’elle a personne, je crois qu’elle te regarde en mode ‘j’l’aime bien’, elle parle de toi, mais ouais. Je sais pas. Fais comme tu le sens ; du moment que tu me donnes pas de détails, t’as le feu vert du cousin, en tout cas. »
Un sourire illumine le visage de l’imbécile amoureux et Melvyn sent le sien venir. Il le camoufle en mastiquant un carambar.
« Génial ! Merci Drew, t’es le meilleur. Je te donne mon feu vert pour Melv’ en tout cas. »
Le brun manque très clairement de s’étouffer avant de laisser s’échapper une bonne centaine de ‘qu-quo-qu-‘ très éloquents tandis que son interlocuteur, sous le choc, fait tomber son carambar en restant bouche-bé quelques secondes de trop, sa mâchoire le lâchant momentanément ; il se ressaisit bien plus vite que son ainé, cependant.
« Quoi ? Tu te trouves une fille et c’est bon, tu m’épouses plus ? Je suis grave déçu Kyle. Je te quitte. »
Le garçon lui tire la langue, repartant déjà se rouler dans son bonheur sur son lit. Le patineur sourit, reprenant pleinement en main le téléphone au bout du quel Drew semble toujours avoir une mini-attaque.
« Que- je-…
-Du calme chéri, j’ai compris que tu me rejetais. Je suis une fille forte, je vais m’en remettre poussin.
-Chéri ?! »
Melvy doit se mordre très fort la lèvre pour ne pas exploser de rire face au ton ahuri de son ami brun. Le pauvre ne semble pas encore avoir l’habitude de leur humour, pas encore. Il panique toujours, ce qui a le mérite d’être particulièrement hilarant. Qu’est-ce qu’il ne donnerait pas pour voir sa tête à ce moment même. Ses joues doivent être plus rouge que jamais, son expression confuse à l’extrême, sourcils froncés, yeux ronds, bouche qui s’ouvre et se ferme comme un poisson… De toutes les personnes que Melvyn a jamais rencontrées, il est probablement la plus adorable, contrairement à ce qu’il avait pu penser la première fois qu’il l’avait rencontré.
« Bref, je te laisse mon chou, j’ai du boulot. Merci de ton aide, à lundi ! »
Sans lui laisser le temps de se remettre de ses émotions, il raccroche, fier de son coup. Il lance une chaussure qui traîne à Kyle qui regarde le plafond d’un air rêveur –gratuitement, oui, comme ça- et remet immédiatement au travail, sourire accroché aux lèvres.
Il y a compétition ce week-end, pas question de la rater, pas question de ne rien rendre non plus ; il a du pain sur la planche.
—‒—