Raken était peut-être plutôt banale.
Mais Helen était banale tout court, sans le "plutôt" précédant cet adjectif, dans le cas de l'adolescente citée un peu plus haut.

Se différencier, se différencier... C'était là l'une des nombreuses aspirations de notre demoiselle Machiaviel, et pas l'unique. Elle était entourée de pleins d'autres, comme se trouver un mari riche et un amant passionné (Oui, les rêves des jeunes filles de nos jours étaient parfois un peu osés), ou encore devenir une célèbre actrice (ou chanteuse, ou n'importe quoi, du moment qu'elle faisait la une de tous les journaux), et même avoir un petit poisson rouge qu'elle appelerait Alice (même si c'était un mâle)...

Bref, l'avenir qui lui paraissait idéal avait de nombreux critères, divers et variés, plus ou moins faciles à satisfaire. Son avenir, Helen y pensait souvent ; avant du moins : maintenant qu'elle se retrouvait prisonnière d'un monde étrange et imprévisible, elle préférait ne pas songer à ce que serait le lendemain. Surtout si plusieurs criminels, allant du simple voleur au terrible assassin, rôdait dans les environs de son quotidien.

Pourtant, pour l'instant, il lui semblait n'avoir rencontré que des personnes sensées. Bon, pas toujours, mais elles lui avait toutes parues inoffensives. Pas de meurtrier en vue. C'était une bonne chose pour elle, a moins que le tueur cachait particulièrement bien son jeu.

Enfin, Helen mentait mal, et elle avait de ce fait beaucoup de mal à savoir quand les gens mentaient eux-mêmes.

Bref. Je blablate sur mon petit personnage, mais ça fait pas trop avancer l'action. Pauvre Raken qui va devoir lire tout mon monologue alors qu'elle n'a même pas demandé à ce que méchante Mif' vienne fourrer la patate qui lui sert de nez dans le petit topic de la petite Raken.

Helen Machiaviel, qui elle, portait un prénom et un nom de famille, ainsi que plusieurs prénoms secondaires, parmis lesquels comptait Elodie, mais je m'éloigne encore du sujet initial... Helen Machiaviel, donc, s'était aventurée pour la première fois dans la salle des miroirs.
Quelle étrange sensation que voir de partout son propre regard lui transpercer les yeux ! Partout , des elle-même. Vision paradisiaque, pour tout adolescent banal, donc égocentrique, qui se respecte. Helen était une adolescente banale.
Elle s'admira quelques secondes dans la glace, en s'adressant des sourires qui méritaient les meilleures pub pour dentifrice, avant de faire la moue devant les boutons qui parsemait son front (et qu'elle cachait soigneusement derrière des mèches de sa chevelure brossée energiquement le matin-même) ; puis enfin, elle s'aperçu qu'elle n'était pas seule.

Plus par automatisme que par gentillesse et politesse, elle formula correctement et simplement :

- Bonjour.

Avant de se retourner vers la fille à qui elle venait d'adresser la parole, ou plutôt : avant de se retourner vers un reflet de cette fille, bien qu'elle l'ignorait.

- B... Bonjour, entendit-elle brusquement, ces salutations provenant d'une voix qui lui semblait éteinte, ou plutôt distante. Aussi étrange que cela pouvait lui paraitre, ces sons ne venaient en tout cas pas de la même direction que vers là où elle avait fixé son regard. C'était une sensation désagréable.
Helen tourna la tête vers là où ces paroles semblaient provenir, sans succès.

- Je... Je m'appelle Raken. Et toi ?
- Helen, dit-elle simplement. Sans accents et sans E à la fin.

Elle précisait toujours cela, n'aimant pas qu'on orthographie son prénom comme "Hélène" ou encore "Ellen". L'idée que Raken ne sache pas écrire ne lui avait pas effleuré l'esprit. Elle raisonnait toujours comme une jeune fille banale de son âge, et en aucun cas une jeune fille banale n'aurait immédiatement songé parler à une analphabète.

- Helen Machiaviel, répéta-t-elle, comme si son nom de famille revêtait aussi de l'importance.

En parlant de revêtir, l'adolescente ne portait pas d'habits extravagants, et n'en avait jamais porté. Il fallait soit surprendre complètement, soit se fondre dans la masse. Il n'y avait pas de juste milieu dans le monde des jeunes ; et la deuxième option était d'autant plus facile à exécuter que la première. Les ados sont flemmards, c'est bien connu ; c'est pourquoi Helen opta aussi pour la facilité.
En résumé, elle portait un haut moulant de couleur unie, verte car c'était sa couleur préférée, en plus d'une écharpe noire, couleur qui s'accordait avec toutes les autres, car le temps se faisait de plus en plus frais, a mesure que l'hivers approchait. Pour le bas, un simple jean lui suffisait. Et puis des converses. LES chaussures de référence. Elle songeait aussi a enfiler une veste, mais il aurait fallu retourner dans le dortoirs, ce dont elle n'avait pas envie, en raison de la flemme adolescente citée un peu plus haut.

- Ou es-tu ?

Pour le premier prix des questions intelligente, je le décerne... à Mademoiselle Machiaviel ! Bon, soyons sérieux.
Miss Machiaviélique se rendit soudain compte de l'imbécilité de sa question, et s'empressa de la formuler autrement :

- Enfin, je veux dire... où... Euh, nan, parce qu'avec tous ces miroirs partout, c'est un peu dur, tu vois, quoi...

Non, on ne se voyait pas directement, justement -_-

- Nan, mais c'est pas très grave, sinon, sorry, c'etait une question débile.

Helen avait un débit de paroles des plus rapides.

- Euh... Ça va ?

ZE question quand on ne sais pas quoi dire. Juste avant l'aussi mythique "Koi 2 9 ?"