« Rikka Boyd. R-I-K-K-A B-O-Y-D. Seize ans. Enfin, je crois. »

Elle détourna le regard de la vitre glacée de l’armoire de l’infirmerie, et l’ouvrit. Cela faisait maintenant dix minutes qu’elle se parlait à elle-même, chercher à se souvenir de tout ce qu’il s’était passé auparavant. Avant qu’elle n’entre dans le manoir, depuis qu’elle pouvait avoir des souvenirs. Elle ne se rappelait plus de grand-chose, à présent. Quelques réminiscences de temps à autres sur un évènement de sa vie qui l’avait marquée, mais elle avait pratiquement tout oublié.

Elle éternua et fouilla. Doliprane, doliprane, doliprane… Il devait bien en avoir quelque part, non ? Elle renversa un flacon qui roula sur l’étagère de bois et tomba à terre, explosant sous le choc, l’éclaboussant. Elle jura et avisant les bouts de verres, elle se baissa sans bouger ses pieds chaussés de tongs et entreprit de ramasser les plus gros fragments brisé. Elle resta là, accroupie, durant plusieurs minutes, le temps de s’assurer qu’elle n’avait rien raté. Elle collectionna les coupantes parcelles dans sa paume gauche, avant de chercher des yeux un sac plastique ou un container. Là. Elle n’eut pas à regarder bien longtemps, une poubelle était juste devant elle. Elle sourit et déversa, dans un fracas de verreries qui s’entrechoquent une fois tombées, le contenu de ses paumes dans la poubelle.

Elle se redressa, étira son dos, et soupira. Elle éternua une seconde, puis une troisième fois.

Tout ça, c’était la faute des I. Avec leur jeu stupide, qui l’avait clouée dehors, dans le froid, avec les cheveux humides et un simple pyjama. Elle avait couru, avait répugné à se battre, avait essayé d’arrêter Ritchie et Soren, avait pleuré toutes les larmes de son cœur, tout ça pour… se faire lamentablement utiliser comme repas.
Elle frissonna à cette idée. Elle se souvenait parfaitement des crocs qui lui avait coupé le souffle tant ils étaient immenses. Elle n’avait pas même réussi à hurler, tout cela à cause de sa paralysie soudaine, due à la terreur.

Ha ! Le voila, ce doliprane. Elle prit le paquet et retourna soigneusement la boîte dans tous les sens, à la recherche d’une date limite de consommation. Elle n’en trouva aucune. Rikka ne connaissait pas grand-chose à la médecine, et c’est pourquoi elle haussa les épaules et déchira le sachet avant de déverser le contenu poudreux et blanc dans son verre d’eau. Elle attendit quelques secondes avant de faire un semblant de milk-shake avec et de le boire en deux gorgées.

Beurk. Elle n’aimait pas, mais vraiment pas du tout le goût du Doliprane, décidément. Après réflexion faite, elle aurait peut-être dû prendre du Dolirhume… ?

« Bah, j’ai plus trop le choix, maintenant. »

Juste quand elle acheva sa phrase, elle entendit un bruit de pas, et se tourna vers la porte de l’infirmerie, lieu immaculé où elle se trouvait.


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Bon c'est pas d'un niveau magnifique, mais j'ai du mal à commencer les topics x_x

Le dos tout courbaturé d'avoir dormi à même le sol, Fay se précipita hors de la salle des rêves, ainsi qu'elle se nommait, à la suite d'une jeune fille aux longs cheveux noirs qui semblait-il éprouvait quelques maux de tête. Rikka Boyd marchait vite et l'androgyne était trop mou pour pouvoir la rattraper qui se trouvait déjà à plus ou moins sept mètres de lui. Au tournant de l'escalier il la perdit de vue. Il préféra descendre les marches doucement, ressentait de violents élans au niveau de ses tempes à chaque sursaut. Il finit le trajet vers l'infirmerie la paume de la main plaquée sur le crâne. Parvenu à la porte, grande ouverte, il attrapa le mur par le cadre à sa gauche et passa sa tête dans la pièce.

Elle était toute de blanc vêtue, et elle abritait Rikka Boyd. Elle était glaciale. Pas Rikka, la pièce. Contrairement à ce que l'on aimait lire dans les romans américains pour jeunes gens, l'odeur n'était pas désagréable. En fait, ça sentait le frais. Il y avait un lit, qui prenait beaucoup de place, à l'air inconfortable mais toujours mieux que celui du médecin. Des plantes vertes, de-ci de-là décoraient la pièce d'un peu de couleurs, comme des sapins dormant dans un paysage de neige. Rikka se tenait debout, tournée vers Fay, un verre à la main où tremblait un fond de liquide trouble. Il bloqua.

Fallait-il dire bonjour, ou salut, ou coucou ? Bonjour, ça donnait l'air trop formel. Mais dit d'une manière allègre, c'était sympathique. Malgré ça, ils s'étaient déjà vus, pas parlés certes, mais vus et cela suffisait pour le rendre ridicule s'il lançait un joyeux bonjour. Salut, c'était bien, mais ça ne collait pas du tout avec le caractère de Fay et sûrement ce serait quelque chose qui se verrait. Il restait coucou mais là on aurait dit un pédophile tentant une approche avec une enfant ou sinon c'était toujours trop ... sympathique. Enfin, disons sympathiquement lourd. Soit, la vraie fille ne disait rien, la fausse réfléchissait pour ne pas dire rien, et il fallait dire quelque chose.

“Excusez-moi ...” Risqua Fay dans une lumineuse idée, “ Sauriez-vous où sont rangés les... les euh ... les ...”

La formule il l'avait oui, la suite néanmoins, il n'y avait pas réfléchi.

“Les ... Euuuuhhhhhh...” Tenta t-il en esquissant un "euh" presque interminable.

Vite vite, quelque chose. Contre les maladies, préventif, sécurité qu'y avait-il ...

“Sauriez-vous où sont rangés les préservatifs ?” Finit-il par demander d'un air triomphant.

Il se réécouta parler et sut que son cœur avait arrêté de battre. Il avait réellement demandé des préservatifs ? ... Quelques secondes suspendues suffirent à le lui assurer. L'escargot analysa la situation. En tant que tel n'aurait-il pas dû prendre son temps encore plus afin de ne pas crier des âneries telles ?

Rikka Boyd, seize ans, figée à deux mètres et demi de lui le regardait, interdite. Elle était jolie, il était asexué, ils étaient séparés par un lit et par beaucoup d'autres choses plus classiales; la couleur de leurs cheveux, la forme de leurs yeux, la forme de leurs cheveux, la couleur de leurs yeux, la longueur de leurs nez, la finesse de leurs traits, la longueur de leurs membres, en fait leurs façons d'être faits en général.
Là il paraissait pervers et bête, les habits qu'il avait enfilés étaient amples et masculins, sa tignasse en désordre brouillait son visage, il se tenait arqué et bossu. Tout était bien parti pour qu'il endosse le rôle du jeune homme oisif, très oisif même aux yeux de l'américo-nippone. Le mauvais rôle soit. Il fallait faire quelque chose pour redresser ça, lui rendre un peu de classe, de chic, de bon.

Fay fit une chose : il sourit de très charmante manière.

Le sourire de Fay ne pouvait la tirer de sa déroute. Elle le contemplait, hagarde, la bouche entrouverte sous le rejet en arrière de son crâne sous l’effet de la surprise. Elle se rendit compte de cette situation des plus idiotes et referma ses lèvres, ne laissant plus paraître aucun bout d’émail. Elle analysa la situation de nouveau, calmement, essayant de dénicher une once de bon sens dans cette scène un peu trop imbécile à son goût. Un jeune homme qu’elle connaissait à peine entrait, et après une hésitation incroyablement longue, lui demandait où se trouvaient les préservatifs. C’était une excellente question.

« Euh, je sais pas » lâcha-t-elle.

Elle tenait toujours son verre à la main. Cette chose translucide, dont aucune marque ne venait troubler la régularité, que ça soit dans le fond ou sur les côtés. Rikka contempla les dernières particules de son médicament, échouées, entourée d’une goutte d’eau, avant de jeter son verre dans l’évier. Elle le lança en cuillère, mais il fallait croire que le point fort de cette jeune fille n’était guère le lancé. Il rebondit minablement contre les rebords du lavabo avant de finir à terre, envoyant des gouttelettes dans toutes directions. Elle s’en reçu une sur la joue, et l’essuya d’un mouvement agacé.
Elle avisa une nouvelle fois le blondinet en face d’elle et se décala de l’armoire à pharmacie pour s’asseoir sur une chaise, un peu plus à sa droite – et donc à la gauche de Fay.

« Hm, si tu veux chercher… ? »

Elle se balança sur sa chaise, ne sachant qu penser du jeune homme. Il lui avait paru gentil pourtant, la dernière fois qu’elle l’avait vu. Un peu… étrange de par ses actions, certes, et de sa façon de loucher sur le grand benêt au sabre de bois, mais elle l’aimait bien. Il lui semblait bien que c’était la même personne. Elle n’en était pas totalement certaines, néanmoins, mais le timbre de voix ou encore le morceau de visage qu’elle voyait, ou peut-être bien ces blonds cheveux, tous d’épis et de nœuds, tout cela indiquait bien que la personne devant elle était effectivement Fay E. Flowright.
Elle hésitait à lui demander des précisions sur son identité. Après tout, il n’avait déjà pas fait une très bonne impression auprès de la brune, mais en plus cela serait peut être un peu malpoli de lui redemander son nom alors qu’elle est censée le connaître. Quoi qu’il l’avait vouvoyée, peut-être que lui non plus ne se souvenait pas de leur rencontre ? Après tout il était rare que quelqu’un la vouvoie, à part son ex-professeur de mathématiques, M. Amati, connu pour ses « mademoiselle », « monsieur » et ses vouvoiements d’élèves.
A la pensée pour cet homme qui ne manquait pas de cheveux (ou de perruques), elle sentit son cœur se pincer un petit peu. Elle se demandait où est-ce qu’elle serait si jamais elle n’avait pas poussé la porte du pensionnat, une année plus tôt…

« Heu… »

Contrairement à Fay, elle ne continua pas la syllabe mais s’arrêta net, cherchant ses mots, cette fois de la même façon que lui. Elle savait ce qu’elle voulait demander mais ignorait comment le faire.
Tout comme lui, après tout, mais ça, Rikka ne pouvait le savoir.

« Tu t’appelles bien Fay, hein ? »

Elle conclue pitoyablement sa tirade par un tout aussi pathétique « hein ? » qui ne servait à pas grand-chose.