"Ca doit etre la..."

April s'approcha des battants. C'etait quand meme un etrange batiment, il fallait dire. Un peu a l'ecart des autres maisons, elle en mettait plein la vue mais il n'etait pas sur qu'elle attire les clients. D'ailleurs, avant d'y rentrer, elle ne vit personne deambuler pres du manoir. Tant pis, peut-etre que ses cousins voulaient un peu d'intimites pour leurs premiers jours en Amerique. April avait prit le train, abandonnant son moyen de transport prefere: le cheval pour les accueillir. Ils avaient interet a etre sympathiques. April ne reflechit pas davantage et prit la poignee pour la tourner. La porte grinca. April songea qu'il fallait serieusement faire huiler les joints de cette porte. On lui avait dit que ses cousins l'attendaient dans un hotel chic a l'architecture un peu particuliere. April ne songeait pas que ce soit un de ces monuments que l'ont trouvait dans la vieille Europe ou dans les livres d'histoire. La jeune fille avait donc ouvert la porte sans menagement, l'eclatant presque contre le mur.

L'interieur etait vide. Totalement vide. Elle sentait passer un courant d'air et s'attendait presque a voir passer une petite boule de poussiere comme dans le desert, mais bref. En parlant de desert, cet endroit l'etait. Ce n'etait pas normal, dans tout hoel qui se respectait il y avait un hotelier, surtout si c'etait un hotel chic. n domestique, n'importe quoi. Surtout dans ces contrees de chochottes degenerees au cerveau gonfle d'inutilites. Serieusement n'importe quoi. April mit les poings sur sa taille, se dehanchant un peu, embetee et nerveuse. La jeune fille laissa la porte ouverte et s'avanca dans le hall. Le vent continuait de siffler dans les couloirs, ses bottes cliquetaient sur le sol. Enlevant son chapeau en signe de respect au cas ou quelqu'un arriverait, elle cria, avec toute la discretion possible

" HEY, Y'A QUELQU'UN ?!"

Y'A QUELQU'UN?
A Quelqu'un?
Quelqu'un
elqu'un
qu'un
un
n

Visiblement.. non. A part l'echo. April se retourna et mit son chapeau en place, marmonnant

"C'tait bien la peine..."

April allait sortir lorsque le courant d'air se fit violent et la porte se referma avec fracas. Ca avait fait sursauter April dont le coeur battait la chamade. Eh, c'etait lugubre cet endroit ! La jeune fille prt la poignee pour sortir le plus vite possible de ce lieu. La poignee ne pivotait pas. Trop rouillee peut-etre ? April forca, s'aida de son pied pour tenter de debloquer cette porte, rien a faire.

"Dammit, qu'est-ce que je suis censee faire, c'est desert c'tendroit."

...... Ou pas tant que ca.

En effet, April etait bien trop occupee avec sa porte pour preter attention a l'arrivant. Il fallait dire que ses cousins, ses tantes ou ses arriere grand mere au 4e degre lui importait moins que sortir de l'endroit au plus vite. La poignee ne tournait plus sur elle meme et c'etait sans succes qu'elle s'echinait a faire osciller la porte. Elle fit un peu plus attention a son entourage lorsque quelqu'un s'eclaircit la voix avant de lui demander si tout allait bien. Ah, enfin quelqu'un et elle esperait que cet employe pourrait la depanner, meme si elle n'aimait pas le petit air condescendant dans la voix qu'elle venait d'entendre. Pour lui, les gens de l'Ouest ne devaient etre que des raclures de fond d'abreuvoir. Elle allait etre calme, et parler a cet hotelier. Ou alors... n'etait-ce pas un hotelier, se dit-elle lorsqu'elle se retourna pour apercevoir celui qui l'interpellait.

Le premier coup d'oeil fit se retrecir legerement la pupille d'April, tant elle ecarquilla ses prunelles emeraude. Qu'est-ce que c'etait que cela? La jeune femme cligna des yeux une fois ou deux pour se prouver que ce n'etait pas un mirage ou une hallucination. Non, c'etait vrai, il portait vraiment un pantalon qui descendait trop bas, une sorte de chemise en toile a manche courtes tres large, c'etait vrai, elle avait decele dans son regard une certaine concupiscence.... Les mains dans les poches, l'homme qui se tenait derriere elle semblait s'adresser a ses fesses plutot qu'a elle et elle eut tot fait de retrouver une position plus decente. Non pas que de tels regards la rendaient mal a l'aise, elle aimait bien qu'on la trouve interessante de ce point de vue la. Mais elle preferait mener la danse, ou du moins qu'elle s'abandonne d'elle meme a un homme, qu'elle choisisse. April jaugea d'un regard le visage de l'inconnu.

C'etait un assez bel homme, a vrai dire. Un visage joliment sculpte, des levres juste comme elle les aimait, une peau etonnament douce et pale par rapport aux hommes qu'elle croisait... Et son regard, bien qu'il semblait assez interesse, etait.. different. Elle resta surprise. Elle ne savait pas que les gens de l'est pouvaient compter parmi leurs representants des personnes qui ne semblaient pas faiblardes et qui aient en meme temps un beau visage. La plupart des hommes qu'elle frequentait avaient deja malgre leur jeune age cicatrices, taches brunatres, dents jaunatres et deplacees. Lui, il n'etait rien de tout cela. C'est donc avec un sourire plus timide que d'habitude qu'elle lui repondit, fixant a son tour son torse et ses bras, avant de descendre un peu plus bas, se vengeant pour la conversation qu'il avait eu avec ses fesses a l'instant

"Oh.. ca va tres bien, maintenant."

Bon, ses cousins lui etaient totalement sorti de la tete, ainsi que la porte coincee... Si ils etaient seuls, apres tout... Hm, mais il ne fallait pas penser a ca. Nous etions certes dans un hotel, mais... dans un hotel vraiment etrange. La seule phrase qu'elle fut capable de dire ne touchait en aucune facon l'hotel ou quoi que ce soit d'autre.

"Hm... T'as des vetements vraiment bizarres, toi."

Elle pinca les levres, se demandant quelle etait la nouvelle mode, en Angleterre... C'etait vraiment bizarre. Elle emit un rire peu discret, avant d'ajouter sur le ton de la plaisanterie

"On dirait une tenue de nuit, tu ne dois pas t'ennuyer avec les pensionnaires de cet hotel ! Je ne savais pas que mes cousins faisaient halte dans ce genre d'etablissement !"

Elle rit a nouveau avant de dire

"J'm'apelle April O'May, je viens chercher des Irlandais bouffes par les mites dans c'tendroit, tu pourrais m'aider? Chais pas trop le protocole tout ca tu m'excuseras mais j'm'en fous."

April finit par se taire. D'un naturel avenant, elle inondait les gens qu'elle abordait de paroles qui n'avaient parfois aucun rapport entre elles. Parfois, ca les faisait fuir.. Parfois ca les rendait egalement gentils avec elle.

La belle rouquine se retourna et Nathanaël en tomba la mâchoire. Han mais c'était une vieille !
Certes elle possédait dans son physique tout ce qui se faisait de charmant, néanmoins... Il se trouvait aussi mal que si on lui avait brisé un œuf sur la tête, avec même la sensation de froid qui dégoulinait visqueusement le long de son corps. iih... En effet, beaucoup de jeunes adolescents fantasmaient sur des femmes plus âgées, mais c'était justement du fantasme ! Il y avait un écart important entre le rêve où le garçon devenait un éphèbe et la réalité dans laquelle il restait un faiblard impuissant... (euh...) Cette dernière était là, devant-lui, et elle avait vécu bien plus longtemps que lui. Non mais elle avait quel âge ? Au moins vingt, plus même, bien qu'il ne parierait pas sur vingt-cinq. Il se rendit compte qu'elle lorgnait dans sa région sub-nombrilaire. Nullement gêné, seulement irrité, il siffla entre ses dents un inaudible “Pédophile...”

Quels préjugés exaspérants... Elle lui avait pourtant plu au départ, non ? Oui mais c'était de dos ! Et alors ... Elle avait quoi, six, sept, huit ans de plus ? Dégoûtant ! Absolument pas, beaucoup d'adultes entretenaient une liaison amoureuse avec dix années, voire quinze, peut-être vingt d'écart ! Le fait était que Nathanaël du haut de ses quatorze ans demeurait mineur, et la plaisante dame là-bas avait largement la majorité dans ce pays de ... de fiente qu'était celui présidé par ce c...ochon de, euh ... président. (gna gna gna uOu)

Nathanaël hocha la tête gravement, en la toisant avec méfiance. Pour elle aussi ça allait bien. Il n'arrêta pas de la considérer d'un oeil prudent, sur la défense. Un soupçon d'agacement le poignit quand elle releva l'étrangeté de ses vêtements à lui. Mais qu'est-ce qu'elle avait elle ? Elle ressemblait à une cow-girl, à côté d'elle Nathanaël avait tout d'un prince. April O'May continuait sur sa lancée, joyeusement, rieuse, avec des sous-entendus salaces appuyés. A contre-cœur il dut reconnaitre que son commentaire avait du drôle, alors il s'autorisa un sourire malicieux. April rigola encore, puis elle poursuivit, apprenant qu'elle cherchait des gens d'Irlande.

”Euhh ouais ! Mais ici y a pas d'Irlandais. Répondit Nathanaël, décontenancé. Puis il ajouta : du moins, pas à ma connaissance.”

Il s'apprêtait allègrement à tourner les talons, s'en aller en sifflotant, lorsqu'il se souvient qu'il avait des devoirs d'ordre très important et que s'il les négligeait, un, dans le cas présent, une pauvre jeune fille sans défense et sans savoir se perdrait dans les dédales du manoir pour périr si ce n'est pourrir dans la détresse, et ce serait de sa faute. Subitement de mauvaise humeur, déjà qu'elle l'avait enfadé avec la question de ses atours de roi, il enfonça les poings dans les poches de son sweat-shirt en fixant sombrement la malheureuse April.

Il s'éclaircit la gorge : “Hum Hum !” Récita d'une voix monocorde et pompeuse : “Bienvenue au Pensionnat Interdit. Il s'agit d'un château aux propriétés surnaturelles qui confère à ses occupants un niveau de vie élevé au prix de leur liberté de déplacement : de quoi se nourrir, se distraire, se vêtir, faire sa toilette et coucher confortablement. Ses occupants sont sans exceptions toutes les personnes qui y pénètrent ; tu ne pourras plus jamais sortir d'ici, April.”

Nathanaël marqua une pause dans le but de savourer l'expression qui allait blanchir le visage d'April O'May quand elle saisirait la véritable grandeur du problème. Couvrant le sien d'un factice masque compatissant, il se remit à expliquer.

“Les seuls responsables de ton emprisonnement sont les membres de la famille I.. Nous ne savons pas comment ils s'appellent, de quoi ils ont l'air, combien ils sont, rien du tout de ce qu'ils sont. Excepté leur remarquable puissance magique. En effet, je suis navré de démolir tes acquis scientifiques – es-tu croyante au fait ? – en t'informant que la magie, sorcellerie, enchantement, quelque soit son nom existe.” Il joignit ses mains devant lui pour imiter l'angélisme d'un enfant de chœur.