Oups, peut-être qu’il avait vraiment du venin en guise de salive. Que Morgan était sévèrement atteint, et qu’Eva risquait de cruellement en baver.
Nao le regarda faire, une certaine lueur d’admiration silencieuse dans la prunelle, elle se tordait, souffrait, et pas assez selon lui.

Eva mâchait tant bien que mal, une violente envie de tout recracher par terre, mais elle savait bien que si elle se risquait à ouvrir la bouche elle allait hurler. Supplier. Et ça non, aussi quand le borgne vint lui retirer son bandage pour le brûler, pas de protestation, ses cheveux formèrent un rideau blond devant son visage, dissimulant les énormes larmes qui coulaient de son œil. C’était rageant, elle ne pouvait même pas pleurer de tout son saoul. Pourquoi il faisait ça d’abord ? Qu’est-ce qu’elle avait fait cette fois ? Ses doigts se resserraient sur sa jupe, des spasmes lui secouaient le dos. L’immonde mélange finit par lui glisser le long de la gorge, une nouvelle quinte de toux l’ébranla.

Nao commençait à avoir presque pitié de cette misérable chose, daignant se lever de son trône, il s’approcha et saisit son menton pour le relever. Distinguant les énormes gouttes incolores, qui formaient des sillages sur ses joues, l’atroce moitié du visage déformé, mais surtout ses pleurs de gamine. Une petite tête blonde qui pleurait, en se mordant furieusement les lèvres pour ne pas geindre.
Cette vision le fit frémir, lui arracha quelques mauvais souvenirs, et firent monter une colère injustifiée dans ses tempes. Ses paumes se plaquèrent contre les épaules tremblotantes d’Eva, et il la balança sans retenu vers l’arrière.

« ARRÊTE DE CHIALER BORDEL ! »

Sa voix venait de s’élever sans le vouloir. Ses narines se dilataient tandis qu’il respirait à grandes pompes. D’humeur certainement tortionnaire et plaisantin, il attrapa un livre abandonné sur une table, et revint vers sa chère seconde victime étalée au sol. Prenant au passage les menottes laissées là.

« Arr…ête Nao. »

Gémit-elle en sentant ses poignets enlacés par deux anneaux de fer, de plus il n’était pas tendre, il lui avait attaché les mains dans le dos. Voilà, elle n’avait plus qu’à devenir une pierre, à tout laisser glisser sur elle, attendre que ça se termine, attendre longtemps si il le fallait.
Son bourreau déchirait quelques pages du bouquin, qu’il roula en boules.

« Ouvre ta bouche Evachou. »

Pourquoi ne résistait-elle pas, elle aurait très bien pu crier, appeler au secours, mais sa voix semblait s’être cachée derrière ses cordes vocales. Ses lèvres s’entrouvrirent, laissant un passage au papier qu’il enfonçait dans sa cavité buccale.

« Mmhamêe… » Arrête, difficilement compréhensible. Il lui offrit un sourire de consolation, et caressait doucement sa tête. Bonne bête va.

« Tu nous chantes un truc ? Il était un petit navire ? »

Quoi ? Comment pouvait-elle chanter avec des feuilles dans la bouche, la question ne se posait pas. Son cœur s’affolait, à quoi ressemblaient les paroles déjà ? Sa mémoire lui faisait défaut, elle avait pourtant bien dû chanter sa petite, non elle ne chantait pas petite, sa mère ne lui chantait rien non plus. Mais où avait-elle pu l’apprendre, comment pouvait bien commencer la mélodie.
Au lieu d’une jolie symphonie, un hoquet lui étreignit la gorge, faisant trembler sa pomme d’Adam à peine visible, elle laissait toute sa rage et son désespoir naviguer le long de ses joues, en grosses vagues salées. Elle n’en savait rien de comment chanter.
Le blond la fixa un instant, appuyant d’un doigt sur le barrage blanc et froissé de lettres entre ses lèvres, soupira.

« Elle est pas drôle. »

« Ah...c’est...mort de rire, en fait, mais pas trop, tu vois...
-Rah, ta gueule, t'es trop con.
- Mec, tu sais, je me suis renseigné, ouais, et j’avais zéro virgule vingt cinq points de plus que toi, si c’est pas un signe ça !
-...Ouais ouais, c'est ça."

Sur ce, Wilhelm avait claqué la porte derrière lui alors qu’il s’apprêtait à lui démontrer que zéro virgule vingt cinq points de moyenne pouvait être très utile, et l’avait pour ainsi dire planté ici, verrouillant à peu de chose près la porte afin de ne plus jamais le recroiser dans les couloirs.

Vexé, Zacharia ne bougea pas durant quelques minutes, les bras croisés et le regard dédaigneux, jusque à ce que l’ennui l’encourage à se lever et peut-être à retrouver Wilhelm afin de justifier les zéro virgule vingt cinq points ; ça lui semblait être un assez bon plan, et ils sorti précipitamment du salon, en manquant de déraper sur un espèce de jus de fruit, sur lequel il pesta parce que ses basket étaient neuves, blanches, et volumineuses.

Etrangement, Wilhelm n’avait pas bougé, comme s’il venait de bugger en plein milieu du couloir, hypothèse d’autant plus confirmable puisqu’il lui adressa un signe étrange qu’il distinguait mal sans ses lunettes de vue (et encore, il ne portait pas ses volumineuses lunettes de soleil). Il fronça les sourcils et plissa le nez, gestes qui offrirent à son visage une moue ingrate, tandis que lui se rapprochait d’un air particulièrement exalté qui ne lui disait rien qui vaille ; et il n’avait pas tord. Il se retrouvait à se faire trainer sous un chantage indécent ; ah, c’était tellement traitre de prendre par les sentiments…

« Mon heure de gloire ? » Répéta-t-il bêtement, son cerveau faisait le coup du passage à vide. Il resta à contempler la porte, puis Wilhelm, et parut enfin tiquer après quelques secondes d’observation et ricana : « Tu sais pas ouvrir une porte ? Mooort-de-riiiire !»

Oui, c’est très drôle, vraiment. Et puis, comme si il allait se laisser berner par cette affreuse proposition immorale ! Comme si il devait faire ça pour gagner son respect, hein, vraiment, et a quoi ça lui servirait, ça ? Il n’en avait que faire de son respect, à Wilhelm, de toute façon, et puis...

« Bon ok, j’essaye. » (Pigeon) Déclara-t-il d’un ton décidé, vaguement héroïque ; petit naïf.

Pouvoir aidant, la porte eut un déclic sitôt que sa main poussait la poignée, et il entendit un meuble se heurter sourdement contre le sol. Il ouvrit la porte, tout en jetant un regard méfiant à Wilhelm, qu’il commençait à suspecter de blague idiote à ses dépens, et en resta la bouche grande ouverte de stupéfaction : c’était simple, il y avait deux personnes qu’il connaissait pour les avoir rencontrés en même temps. « Eva » la blonde qui dormait sur ce qui avait été à l’époque son futur lit, et Nao qui était le blond qui lui avait chaleureusement offert le futur lit. Il y avait aussi quelqu’un d’autre, qu’il n’identifia pas, et l’idée que ça soit la personne manquante dans le chambre numéro deux ne luit traversa de toute façon pas l’esprit : il savait juste qu’ils étaient à moitié nus, et que Eva semblait en bien piteux état...il n’avait pas trop compris le délire ; Wilhelm voulait se joindre à eux, c’est ça ? Il le regarda étrangement, puis s’empressa de balancer à voix basse ;

« Euh...ah ouais ben je peux y aller maintenant, nan ? »

Et en plus elle s’exécutait cette idiote. Eva mâchait, à grands coups les pages qui l’étouffaient. Cédant plus à Morgan qu’à Nao. Celui-ci d’ailleurs réglait l’appareil sur mode zoom, afin de prendre quelques jolis clichés de la demoiselle. Immortalisant son humiliation.
Elle débordait de haine, avalait sa fierté en laissant couler les bouts de papiers mous visqueux le long de son œsophage, bientôt elle en recracha la moitié au sol dans un vomissement de salive et de lettres écrabouillées. Un petit rire échappa à son tortionnaire, qui photographiait encore, jubilant du désespoir de cette pauvre conne. Oh elle était gentille, mais conne quand même.

« Attends bouge pas . »

De toute manière elle ne risquait pas de bouger, il le savait très bien. Mais le préciser était comme un énième couteau de nécessaire à planter dans la poitrine généreuse, prête à se déchirer sous les battements impulsifs de son petit organe cardiaque.

Les doigts de Nao glissèrent sur le col de la jeune fille, il en abaissa afin de découvrir son épaule et le début d’un soutien-gorge à cupcake. Pour le ton un peu sexy quoi, bien oui il fallait assumer son caractère pervers dans tous les sens du terme. Et si ça se trouve il pourrait toujours les revendre ou en faire des affiches honteuses à coller dans les couloirs. Que d’idées sympathiques lui venaient. Et alors qu’il écoutait le doux son du clic clac s’enclencher pour capturer la scène, un autre bruit le dérangea.
Quelqu’un venait d’ouvrir la porte. Foutue chaise, pourtant elle avait été bien placée.
Visiblement ce n’était que son nouveau sympathique compagnon de chambre, et un nain bizarre, rien de grave finalement. Nao se releva, et se plaça devant la borgne pour qu’elle ne soit plus dans le champ de vision des deux hurluberlus. Décomplexé de tout problème de pudeur inutile, exhibitionniste oui.

« Ooh Salut Zachariaaaa, bonjour jeune homme, ça va ? Vous êtes paumés ? On s’amuse bien là, on prépare un grand barbecue. »

Grand sourire éclatant d’hypocrite. Quoique non il était vraiment sincère dans sa manière de parler, et riait en lui-même de la situation. Regard furtif à Morgan, ce taré aussi allait bien vite peut-être péter un câble (si ce n’était déjà fait).
Eva fit une mince tentative de voir qui venait de faire intervention, ne priant personne déjà trop accablée pour espérer son salut. Elle ne distingua que deux paires de jambes et aussitôt le blond prit la gentille peine de se reculer pour qu’elle cesse de gigoter.

« Nao…arrête. »

Gémissement quasi incompréhensible sauf à la personne à laquelle il était adressé, qui eut un mince étirement de lèvres en l’entendant encore supplier, arrêter quoi ? C’était juste pour rire après tout, elle avait dû en voir pire. Et elle n'avait qu'à ne pas s'ennuyer de ses journées ou à pleurer pour un rien.


« Bon alors mes agneaux vous faites quoi là ? Vous comptez camper ou continuer votre visite ? Y’a pas grand-chose à voir ici (à part moi), il fait beau en plus une parfaite journée pour se défouler au grand air. »

Là par contre il était hypocrite et se foutait de leurs tronches, sauf sur le fait qu’effectivement il y avait peu de nuages dans les environs, à part ceux sous son crane qui embrumaient son cerveau réduit en miettes par sa couleur capillaire.

Il avait atterri ou ? Une réunion libertine, un club d’échange sadomasochiste ? Malheureusement, ou pas d’ailleurs, il ne s’y connaissait pas réellement en torture ni en pornographie, toute source d’informations à ce propos lui étant interdit par la figure maternelle qui condamnait ce genre de films ou livres d’un « totalement déshonorant » méprisant, qui suivait un long sermon qui se terminait à peu près en « et la première personne que je vois en train de visionner ce genre de cassette sera interdit de sortie durant trois mois c’est bien compris, jeunes hommes ? » : Edith Arwed ne plaisantait pas. Il retenta une deuxième fois, mais le ton de Wilhelm était sans appel ; MAUVIETTE. Il s’était fait avoir.

En plein conflit intérieur, il ne bougeait pas, sursauta simplement en dévisageant Morgan d’un air horrifié lorsqu’il balança son pied dans le crâne de la jeune fille et pâlit de plus belle lorsque la robe commença à se consumer ; ça, c’était pas du tout du tout mort de rire. Il ne savait pas trop quoi faire, au contraire de Wilhelm qui semblait bien remonté, de son côté... il resta comme ça, les bras ballant, comme s’il allait tourner de l’œil dans les secondes suivantes, et alors que Wilhelm s’activait et déchirait maintenant la robe de la fille sous les conseils de son Alter Ego, il fit un pas ou deux pour se rapprocher de la scène, le regard bovin.

Wilhelm lui adressa finalement la parole, ponctuant sa phrase d’un si caractéristique Abruti qui le définissait si bien en ce moment, et il feint un geste, puis se ravisa après avoir jeté un regard à la dérobé a Nao et Morgan...bah, de toute façon, il n’était pas tout seul, conclu-t-il intérieurement, et il approuva ;

« Euh ouais, ouais, okay ouais. »

Rapidement, il saisit les aisselles de la fille, et il pensa un court instant à ces types, qui sur les scènes de théâtre sans rideaux, se chargeaient de ramasser les objets et les meubles du décor. Son grand plaisir dans ces cas la, c’était de les regarder attentivement pour voir si quelqu’un trébuchait dans sa hâte ; jamais, et il se demandait comment ils faisaient, maintenant, parce que lui venait de trébucher sur un livre abandonné. Il se rattrapa de justesse sous son pied droit, quoique maintenant en position délicate si il comptait se lever sans donner un coup de genoux dans le dos d’Eva, qu’il tentait toujours de soulever par en dessous les bras, tâche qu’il effectuait avec un peu de mal.

Il se remit debout tant bien que mal, et l’idée qu’il traine une fille en sous vêtement pour l’aider à échapper de curieux personnages aux intentions étranges se heurta à son crâne ; c’était...ridicule.
Et totalement inhabituel.

« Euh, ça va ? » Marmonna-t-il, piteuse tentative pour égaler le ... courage de son rival et paraitre à l’aise.

Là il y avait un problème. Un problème certes hilarant et très divertissant mais quand même épineux. Morgan se trouvait être bien plus taré que Nao. Celui-ci ne tenant pas à trahir une mine d’inquiétude en voyant le borgne mettre le feu à la bidoche, fit mine de remettre ses cuissardes comme se de rien n’était, riant dans sa jolie barbe blonde qu’il n’avait pas. Riant doucement face à l’excitation du nain SNCF (plutôt mignon ceci dit). Zacharia semblait plus à son aise dans le rôle de la vierge ébahit, ou du petit garçon inutile du début à la fin mais qui est sympa à caser dans le film pour donner un air mignon. Personnellement ça ne le dérangeait pas d’être le méchant, ça convenait à dire qu’il portait les tenues de cuir/latex ou les manteaux en poils de phoque.

« Wouh bravo mon chou, quel héros. Morgan tu aurais dû faire gaffe, si les menottes s’étaient enflammées le fer aurait pu rougir jusqu’à lui arracher les poignets ça aurait été si bêêête. »

Moi complètement tapé ? Mais n’importe quoi mon visage se porte magnifiquement bien.

« Tu as vraiment besoin de poser la question pour le savoir ? »

Sourire ironique, du côté d’Eva le temps ne prenait pas le moment de faire de l’humour.

Précédemment à moitié assommée par le coup de pied auquel elle ne s’attendait, voir son pauvre corps meurtris risquer de se consumer par la plus terrible des malchances, ne fit que provoquer un frisson paralysant dans toute son échine. Une flamme lui lapa la cheville, arrachant un cri sourd à ses lèvres. Elle écoutait vaguement la scène, sentant déjà son esprit prendre la fuite plutôt que de se sentir encore déchiqueter par les événements. Une fois en sous-vêtements elle eut tout de même le vague réflexe de se replier un peu, mais qui fut vite interrompu par l’intervention du nouvel habitant de la chambre numéro 2 qu’elle commençait sérieusement à abhorrer.

« Mmh. »

Gémissement suite au trébuchement de Zacharia, allons elle pouvait bien s’aider toute seule (ou pas). Posant fermement un pied à terre, puis l’autre, elle déplia lentement ses genoux en se servant du soulèvement peu commode qu’exécutait kikoololman, pour enfin se relever. Mais à peine debout, ses mains menottées s’agrippèrent à l'épaule droite du boulet de l'adolescent en question, tandis que la question qu’il venait de poser se répercutait dans son crane pour être comprise par le système central (un peu rouillé par le headshot).

« Mais ouiii, je vais très bien, soupira-t-elle en baissant la tête, elle prit soin en quelque mouvement de se créer une longue mèche/amas de cheveux/rideau devant la partie interdite de son visage, ça collait parfaitement avec sa tronche de dépressive au bord de la crise de nerfs, c’est vraiment que des sales cons d’enfoirés je les hais, JE HAIS CES PUTAINS DE TARES DE PENSIONNAIRES PSYCHO FRUSTRES MAL BAISÉS COMPLÈTEMENT FRAPPES J’AI RIEN FAIT PUTAIN. »

Sa voix se cassa sur la fin, d’ailleurs elle avait tremblé tandis qu’elle grondait une partie du lexique des insultes retenues dans le vocabulaire de feu Ritchie, merci à lui pour sa participation involontaire.

« Pourquoi je suis pas morte plus tôt... »

Sanglot misérable, pauvre Zacharia qui décidément n’avait pas une journée des plus faciles. Elle sa laissa tomber à genoux sur le carrelage, nettoyant presque la poussière du sol avec ses mèches blondes, à force de baisser la tête.

« J’ai faim. »

Là ça devait être un état second au trouble, ou alors une forte inspiration mollusquienne, ou juste qu’elle trouvait les gâteaux sur son soutien-gorge très appétissants, ah tant qu’à faire elle avait froid aussi, et très mal, mais ça elle se garda bien de le dire ça devait être le comble de l’évidence.

Zacharia s’efforçait d’oublier le bazar autour de lui : de toute façon, Wilhelm assurait le quota d’insultes à lancer. Il lui adressait un coup d’œil de temps à autre, car il se doutait que les deux déséquilibrés ne les laisseraient pas embarquer leur jouet ; non pas qu’il s’inquiétait (non, mais et puis quoi encore, il s’en fichait total) mais se retrouver seul parmi eux l’inquiétait ostensiblement (en voila une bonne raison).

Pendant qu’il y était à ignorer les remarques ironiques de Nao, il ne relevait pas celles d’Eva, et évitait d’hausser les épaules, geste qui aurait beaucoup couté à leur équilibre précaire. Aussi, il détournait soigneusement le regard de la paupière creusé d’Eva, la dévisager aurait paru un peu malsain. Par contre, ses yeux fuyant remarquèrent ses menottes, et un nouveau problème se posait : l’un des blondinets en possédait la clé, et il ne souhaitait pas se risquer à une fouille au corps. Il passa brièvement la main sur la chaine, et le cliquetis de la serrure résonna à ses oreilles ;...décidément, c’était flippant, cet endroit.

Il n’eut pas le temps de l’avertir que ses mains étaient vraisemblablement libres, puisqu’elle se laissa choir sur le carrelage à son grand agacement : hé, un peu de combativité que diable ! Par reflexe, il se tourna vers Wilhelm, qui était maintenant bien proche d’eux et qui à présent la redressait. Parce qu’il s’attendait à un reproche acide, il ouvrit la bouche ; mais sa langue avait beau claquer dans son palais, il restait silencieux.

Ca, c’était encore plus flippant.

Tué dans l’œuf, son « trop pas mort de rire » qu’il s’apprêtait à lancer fut remplacer par une tirade d’un des blondinets, le borgne qu’il écoutait attentivement, et s’étonna un peu quand c’est vers lui qu’il termina son discours : évidemment, Wilhelm lui dérobait encore une fois ses cinq minutes de gloire, mais il ajouta tout de même, renfrogné ;

« Genre, c’est pas très lolant, j’suis pas son copain ! » ...qu’ainsi dit ça faisait d’autant plus ambigu, et il ajouta en grognant : « Genre nan mais t’imagine le truc et tout... »

Non, on imagine pas, ferme-la.

« J’arrive ouais. »

Pff, il avait raté l’affrontement avec le méchant final.

Eva n’osant pas affronter les reproches insensés, ni y répliquer car il y avait tant de chose à répliquer qu’elle se serait étouffer dans ses misérables trémolos, préféra garder la bouche et les yeux hermétiquement fermer. L’air de faire j’écoute-pas-na-na-na-na-nère. En dehors de cela, elle maudissait terriblement sa mère, cette espèce de sale garce, certainement elle qui avait dû la maudire à sa naissance. Connasse, elle était comme cet idiot de Morgan, un joli garçon avait été plus fort qu’elle et de sa stupidité sans fond et ne s’était pas assumée. Saleté, saleté, aïe une gifle, une fois de plus ou pas. Elle valdingua, remarquant par la même occasion que ses mains avaient été libérées, comment ? Elle osa un vague regard vers Zacharia, peut-être qu’il avait en sa possession des ongles couteau-suisse…

« Faites-le taire. »

Soupira-t-elle en écoutant les jérémiades du borgne, ses souhaits furent vite partagés par Wilhelm (dont elle ignore encore le nom), d’ailleurs il gueulait fort, ça résonnait comme une mauvaise mélodie dans son crane.
Bientôt ils furent dehors, elle marchait en déambulant, vague pantin.
De l’autre côté Nao se retenait d’éclater de rire. C’était trop chouette par ici, il avait le droit à une place de théâtre en live. En plus il écopait aussi du rôle du grand méchant dissimulé dans l’ombre. Oh mince Morgan allait être bien perturbée, bon allez un petit coup de pouce. Se déhanchant, le blond se mit enfin à bouger de son trône, attrapa l’appareil photo et…

« T’en fais paaas je maitrise. »

Phrase adressée au pauvre petit qui venait de changer de plein de vestes. Il devait avoir une large garde-robe. Bref il s’approcha de la sortie, et avant de franchir la porte immortalisa l’image des deux garçons et de la jeune fille en lingerie à moitié sonnée. Bon ça c’était fait, maintenant.

« A TOUT A L’HEURE MORGAN ! »

Aussi vite que lui permettait ses longues jambes, il partit d’une traite, claquant ses talons contre le sol, et renversant le petit groupe au passage.

« MERCI POUR LA PHOTO SOUVENIR MES CHOUX A LA CREME. »

Cria-t-il en continuant de se précipiter aux marches, un couloir, un autre couloir une porte, la chambre.

« SALUT MAIL ! » Une autre porte au fond, la salle de bain le verrou. « A TOUT A L’HEURE MAIL ! »

A travers la pièce encore toute propre de son dernier passage. Rien ne vaut une bonne séance douche et soins de quatre heures après un petit moment de saloperies intensives.

En bas, Eva reprenait peu à peu ses esprits, et recoiffait ses cheveux de manière à mettre une mèche qui cette fois tenait devant l’horrible mutilation (Eva l’emo). Il faisait froid, et ses poils blonds se hérissèrent un peu, et tout en se redressant elle releva aussi timidement le regard vers ses deux Starsky et Hutch.

« Dé..solée, merci beaucoup. »

Dit-elle sans contrôler les trémolos qui brisaient sa voix.

« S’il vous plait ne répétez pas tout ça, ils sont pas toujours aussi dingues, mais ça pourrait être pire alors..., argh ses sanglots se répétaient, sans doute le trouble, elle reniflait tant bien que mal pour réussir à finir sa phrase, alors laissez tomber. »

Il pensa que c’était fini.
Il le pensait vraiment.
Jusqu'à ce qu’un flash l’aveugle, et que ses yeux se plissent à travers les bras qu’il avait croisé un peu trop tard sur son visage ; se frottant les paupières de ses paumes, il resta un moment ainsi en ignorant les claquements de talons, et bien que Eva et Wilhelm dialoguaient distraitement, lui resta un instant sonné, les sourcils haussés dans une mimique ébahie et indéniablement idiote. Finalement, il fit remarquer :

« Euh...on est mal, la, non ? C’est très pas l... »

Tiens, il n’avait même plus envie de dire lol ; pourquoi ils ignoraient ça ? C’était trop compromettant, un truc pareil ! Nan mais genre, si on le surprenait avec ces clichés, s’en était fini de sa vie sociale ! Qu’il peinait d’ailleurs à développer et tant qu’a faire, Nao semblait avoir plus de crédibilité qu’eux (monde injuste). Bref, s’il racontait qu’ils transportaient cette pauvre fille afin de la sonner de gens bizarres qui l’agressaient a coup de cigarettes, il peinerait a se faire des amis.
Il s’écria donc, offusqué à la provocation de son rival;

« Nan, ça va, genre...ouais ben nan, mais nan ! »

Il se noyait dans son refus douteux, et parce qu’il était un peu choqué (la photo), vexé (Wilhelm avait PROMIS, et il continuait, et puis c’était de sa faute si il était la !) et furieux (voir adjectifs précédents), il fit un pas en avant, et en attrapant ses épaules, le poussa subitement dans l’espoir de le voir perdre son équilibre tout en s’écriant :

« C’EST DE TA FAUTE, PAUVRE ABRUTI ! »

J’te déteste aurait peut être fait un peu trop ado rebel au près de sa môman, alors il n’ajouta rien, mais donna un coup de pied dans le tibia de sa plus ou moins victime, et sur ce geste digne, disparut en courant, suivant plus ou moins le même chemin que Nao ; pas fou, il préféra tout de même éviter sa chambre, et sortit plutôt du pensionnat, vers le parc.