Les cadavres ne mangent pas de muffins [Emily]

Il faisait si froid... On était en mai, pourtant ? On aurait pu être en février, Petra ne s'en serait pas rendue compte. Qu'est-ce qu'elle avait froid. Elle avait tout le temps froid. Même lorsque, dehors, il faisait chaud. Et il n'y avait personne pour la prendre dans les bras, la serrer fort et lui transmettre de la chaleur. Alors elle avait froid à son petit corps. Personne pour la soutenir, l'encourager, l'aider. Etre là dans les moments difficiles. Froid dans son petit cœur. Froid... Si froid... Si seule.
Il faisait si sombre... C'était le milieu de la nuit. Mais tout de même... Pas une lumière dans le pensionnat, pas une trace de vie. Aucune personne n'a oublié d'éteindre correctement un appareil, de désactiver une console de jeux vidéos. Et il n'y avait aucun bruit. Tout le monde dormait. Peut-être qu'en allant dans la cave, elle entendrait une messe noire ; dans les dortoirs, un couple enivré de baisers et d'alcool -foutu alcool de merde- ; dans la forêt, la reproduction des barracudas amphibies à scrofule. Ou pas. Elle pourrait tomber sur du calme parfait, au lieu des quelques petites traces de vie habituelles. Ce serait pire que tout. Elle préférait ne pas chercher du bruit pour maintenir l'illusion qu'il y en avait, quelque part dans le pensionnat. Ainsi, elle échapperait au passage aux hurlements de la fille enceinte et de son étrange compagnon dans le grenier, aux barracudas mutants mâles se réduisant à l'état de rillettes pour obtenir une femelle et aux autres horreurs du coin.
Ce silence terrible, froid, la tétanisait.
En plus, elle avait faim. Si elle avait le ventre plein, peut-être se sentirait-elle mieux ? Avec un peu de chance, le Glossy Gloomy Lovyou sera mal fermé et elle pourra y piquer quelque chose à grignoter. C'était bon, en général, la nourriture de ce café -même si Petra y avait expérimenté des biscuits danois qui manquaient franchement de goût, de son vivant.
La jeune fille arriva devant la porte du café, baissa la poignée et... verrouillé. Tant pis, elle se trouverait quelque chose dans la cuisine. Ou alors elle pourrait forcer. Le verrou n'avait pas l'air très solide. Les muffins du GGL sont trop bons.
[Désormais, pour éviter la paraphrase de pseudo-livres d'espionnage pour gosses et pour ne pas choquer quelques lecteurs psychorigides, nous allons éluder la partie qui consiste au crochetage de la serrure]
La porte s'ouvrit. Yeay ! A nous les muffins. Enfin une bonne nouvelle, après ces derniers mois d'horreur et de solitude. Petra referma la porte derrière elle et prit le risque sublime de se défaire des épaisseurs de tissu qui la cachaient du monde normal. Pire qu'une burka. Et bien moins joli que les beaux saris indiens.
Mais elle n'avait pas le choix. C'était ça, ou mourir. Bis. S'il y avait un train qui lui permettrait de fuir le pensionnat, même pour un endroit encore pire, elle se précipiterait dans le premier wagon.
Petra libéra ses cheveux dorés - c'est fou ce que le rose lui manquait - et enleva donc son sweat à capuche noir, dévoilant un débardeur rouge décoré de fraises des bois. Elle sourit en redécouvrant le GGL. Elle n'avait pas pu y venir depuis longtemps. L'ambiance y était toujours aussi chaleureuse, même s'il était vide, au beau milieu de la nuit.
Elle se mit en quête de son muffin.

Emily avait faim.
Les révélations de Morgan l’avait longtemps dégoûtée de manger, ulcérée par le comportement infantile et dangereux de son meilleur ami : mais sans viande juteuse pleine de sang, elle avait commencé à maigrir jusqu’au point où son visage s’était aminci lui aussi. Elle s’était regardée dans le miroir, et avait prit la ferme décision de vider les stocks de viande crue du Pensionnat.
Elle ouvrit doucement la porte de la chambre numéro 2 où elle passait ses nuits, ignorant Nao et surveillant Morgan. Elle n’avait plus vraiment confiance en lui depuis… ses aveux.
Elle la laissa entrebâillée, et elle descendit les escaliers recouverts d’un épais tapis d’époque. Elle marchait doucement, tentant de maitriser la faim qui grandissait en elle. Elle arriva finalement en bas de cet escalier – et quels souvenirs avec cet escalier ! Elle s’était autrefois disputée avec Morgan dans ces mêmes marches, parce qu’Emily n’avait pas suivi la morale autrefois très étriquée de celui-ci. Elle en venait même à la regretter… Car s’il y avait quelque chose à quoi Emily tenait à peu près, c’était la vie. Quelle que soit la situation, elle ne tuait pas les humains, ceux qui l’avaient recueillie, ceux qui l’avaient acceptée, ceux qui l’avaient aimée. Plus qu’elle-même ne s’était jamais appréciée. Elle tripota sa croix de fer avec sa main gauche, son annulaire portant l’alliance que son frère lui avait offerte. Elle soupira, et s’avança dans les couloirs, s’orientant à son odorat et au toucher, promenant les mains sur les tapisseries. Elle arriva finalement devant la porte de la cuisine.

Elle y entra, et se jeta sur le congélateur. Ah, elle allait attendre un temps fou avant que ça décongèle ! Elle empila deux ou trois steaks et les mit au micro ondes. Ahh, que c’était long.
Elle tourna et vira, agitée, et lorsque le léger BIP retentit enfin, elle se jeta dessus. Elle avait laissé juste assez longtemps pour qu’il ne soit plus gelé, mais pas cuit non plus. Elle sourit et saisit le premier dans ses mains fraichement lavées, et elle planta ses dents dans la viande, la déchiquetant. Le jus coulait sur son menton, sur ses joues. Elle le rattrapa d’un coup de langue, et continua sa dégustation. Elle repéra une compote de légumes pour bébés sur le comptoir, se redressa sans cesser de manger et l’attrapa. Elle l’ouvrit et l’avala, seule façon pour elle de manger un semblant de légume. Elle fit une pause dans la viande, le visage et le cou barbouillés, et elle prit les médicaments dans sa poche.
Sauf qu’ils n’y étaient pas.

Emily ouvrit grand les yeux, et laissa échapper un léger « Putain ! ». Elle tenta de se remémorer la dernière fois qu’elle les avait pris, ces foutus compléments nutritionnels… Ah ! Elle se revoyait assise au GGL avec Morgan, autour d’un muffin au chocolat plein de… chocolat. Elle en avait prit un petit bout et avait sorti ses médicaments. Elle les avait sans doute oubliés là bas !! Elle se leva, et, laissant le dernier steak à moitié mangé, elle se dirigea vers la porte qui menait au GGL. Elle l’ouvrit, et se retrouva derrière le comptoir. Bingo. Toya avait du les remarquer et les ranger dans la boite des objets trouvés. Elle l’ouvrit, et en saisit son tube rempli de médicaments. Elle le glissa dans sa poche, et se figea.

Au loin, une odeur. Une respiration, des pas… Et cette odeur… elle la connaissait. Elle avait l’esprit embrouillé par l’odeur de la viande, mais elle se força sur l’odeur féminine, et lorsqu’elle la reconnut enfin, elle se figea.

« Impossible ! » songea-t-elle, les yeux grands ouverts, sa poitrine se gonflant d’air. Elle s’assit, et attendit. Elle semblait se diriger vers le GGL, et ça ne loupa pas.

Une silhouette encapuchonnée entra. Elle regarda autour d’elle, ne repéra pas Emily qui était accroupie sur le flanc du comptoir, et enleva ses foulards. Emily eut alors un choc. Elle avait beau être blonde, c’était Petra, sans aucun doute possibles.

Elle se redressa dans la pénombre, laissa passer quelques secondes, puis parla.

« Tiens, une morte. Pas si morte que ça. »

Personne n'aurait idée de venir au café du pensionnat à une heure pareille. Petra était donc en sécurité ici. Nul ne viendrait la déranger, elle pourrait souffler quelques temps avant de recommencer sa vie de cachettes et de craintes. Et une odeur de muffins flottait dans l'air, trace tenace de l'après-midi. La jeune fille n'en avait pas mangé depuis un bail, à tel point qu'elle faisait des rêves, la nuit, où des gâteaux joliment dorés, fourrés de pépites de chocolat, dansaient en rythme autour d'elle, avec "Endless Love" en fond sonore.
Petra commença à regarder dans des placards si les petits délices tant convoités étaient là, lorsqu'une voix surgit de derrière elle. Elle la connaissait, cette voix. Ce n'était pas l'une de celles qu'elle entendait au quotidien, de son vivant. Mais pour lui avoir adresser la parole à plusieurs reprises, elle pouvait reconnaître les intonations d'Emily. Bordel. L'une des meilleures amies de Lui. La meilleure même, sans doute. L'adolescente se retourna et vit une silhouette se dresser, près du bar. C'était bien elle, avec sa petite taille, sa poitrine plate et ses cheveux bruns. On ne pouvait pas avoir de doute là-dessus.
Depuis combien de temps elle était là ? Et pourquoi était-elle donc dans cette pièce, où personne n'était censé se pointer à cette heure-là ? Et si elle décidait de terminer la tâche que Lui avait commencé ? Et si elle racontait à Lui que... ? Petra fit un mouvement de recul, terrorisée, les yeux grands ouverts. Elle aurait pu espérer qu'Emily ne la reconnaisse pas, avec sa chevelure dorée et son look absolument à l'opposé de celui qu'elle avait avant. Mais, vu les mots prononcés par la naine, c'était clair que le masque était tombé.
La blondinette tenta de dire quelque chose, les cordes vocales figées. Il fallait qu'elle trouve une solution, quelque chose pour se sortir de là. Parce que là, c'était le merdier absolu. Petra se sentait aspirée dans le gouffre terrible de la fatalité.

"Ne... ne..."

Les yeux de la jeune fille commencèrent à devenir humides aux extrémités. Elle ne voulait pas crever. Elle ne voulait pas revivre cette sensation dégueulasse, où l'on perd le contrôle de son corps, où l'on se voit de l'extérieur. Jusqu'à maintenant, elle s'en était sortie pour survivre. Et ce soir, juste pour un muffin, tout s'écroulait. Petra recula encore d'un pas, chercha du regard un objet pour se défendre -un couteau, une assiette, une chaise, des gousses de vanille... Rien ne voulait lui tomber dans la main avec des chœurs d'angelots chantant et une lumière divine. Les miracles n'existent pas ici. Il allait falloir agir de la seule façon qui lui restait : la supplication.

"Je... je t'en supplie... Ne dis... rien à... à... Lui."

Un bruit de tam-tam fracassa de l'intérieur sa boîte crânienne au même rythme haché que les battements de son cœur. Petra se sentait foutue. Elle recula encore une fois, rencontra un mur auquel elle s'appuya.

"Ne dis rien à Morgan..."

[Bâclé, désolée Angie. J'ai du mal avec le RP en ce moment.]

[Mily est rousse, patate]

Emily eut un sourire narquois, et passa sa manche sur son visage, essuyant le jus de viande qui avait coulé. Elle observa Petra, les bras croisés. Elle ne savait pas exactement quoi penser de la situation. Morgan avait vraiment tenté de la tuer, et l’avait abandonnée à son sort. Il méritait d’être puni. Mais elle aussi, songea-t-elle, embrouillée. Mais pouvait-on vraiment en vouloir à Petra de se conduire… comme Petra ? Elle la regarda perdre ses moyens, puis se mettre à pleurer et à la supplier. Elle balayait le comptoir de ses mains, comme cherchant une arme ou un moyen de se défendre. Elle haussa un sourcil, et lorsqu’elle fut appuyée contre un mur, elle eut un petit rire ironique.

« M’enfin, jvais pas te manger. J’ai plus de respect pour la vie que l’autre abruti. »

Elle s’avança vers Petra, la bloquant de sa main puissante d’hybride récemment rassasiée, et de l’autre, tira les châles et autres couvertures qui lui masquaient son cou. Elle jeta un coup d’œil, puis laissa échapper un « Mhhh » songeur.

« Il n’y est pas allée de main morte… »

Elle lui jeta un regard glacial, et s’avança vers la porte du GGL, la fermant à clef. Elle fit la même chose avec la porte de la cuisine, et rangea le passe-partout de Toya, qui était resté dans la porte, dans sa poche. Elle croisa les bras, et s’assit sur une des chaises.

« Maintenant, t’as intérêt à avoir de bons arguments pour que je garde le secret. »

Elle ne supportait pas Petra. Elle n’avait jamais pu. Sans doute parce que Morgan la lui préférait, ou même que Nao semblait plus intéressé par elle. Nao… cette pensée la fit frissonner. Il lui manquait tant. Mais c’était fini. La période des baisers volés, par ci, par là, c’était la fin. Depuis longtemps. Elle prit une inspiration, et ses sentiments s’évaporèrent instantanément, tandis qu’elle retournait sa croix. Elle finit par faire son choix, et se retourna vers Petra.

« Et ne crois pas que tu vas t’en tirer comme ça » fit-elle doucement. Elle s’arrêta définitivement de parler, et la vrilla de ses yeux bruns mordorés, l’invitant à se défendre.

La jalousie. Elle était entièrement animée, chaque petite partie d’elle-même était alimentée par sa fierté sans limites et sa jalousie excessive. Elle était furieuse contre Petra, contre Morgan, contre elle-même. Furieuse contre eux de se jouer du prix de la vie, furieuse contre elle d’avoir déjà été tentée de céder à cette méprisable tentation. Elle plissa les yeux, et attendit. Mais pas longtemps. Si Petra ne prenait pas la perche qu’elle lui tendait, c’était foutu pour elle.

Car Emily savait très bien se venger. N’est-ce pas, Garry ?

Sujet: Re: Les cadavres ne mangent pas de muffins [Emily] Mer 1 Sep 2010 - 23:06

[C'est tout comme, grognasse ♥ ]

Du sang dégoulinait sur le menton de la naine diabolique. Répugnant. A quelle créature du pensionnat Emily avait-elle réglé son sort, ce soir-là ? Petra ne voulait pas savoir. Elle ne voulait rien savoir. Lors du bal de Noël, il y a bientôt un an et demi, durant cette soirée où elle avait rencontré Morgan, début de la descente aux enfers, elle avait vu la rouquine passer à l'action sur la main de Nao. L'adolescente n'avait regardé que quelques secondes la scène de la petite mordant la chair du bellâtre blondinet et chaud comme une bouillotte. Puis elle avait rendu son dîner. Emily n'était pas normale, c'était une évidence. Petra n'avait besoin de rien de plus pour la craindre. Elle avait des doutes, des soupçons, mais n'avait jamais entamé une enquête pour saisir l'identité de cette fille. Elle avait préféré l'oublier, avec tous ses soucis et ses problèmes, au fin fond d'une bouteille de whisky.
Maintenant, le problème était en face d'elle, avec ce filet de sang qui coulait. Cette fille ne ressemblait à aucune autre personne que Petra avait côtoyé auparavant. Malgré sa petite taille, il se dégageait un truc inquiétant, un charisme répulsif, du type à faire fuir les rongeurs du coin. La blondinette a toujours eu le cerveau d'une souris : elle voulait se barrer vite fait, bien fait. Sauf que ses jambes refusaient d'obéir, pétrifiées par le regard de la Méduse en face d'elle.
Emily finit par essuyer la trace rouge sur son visage. Puis elle vint s'assurer que son interlocutrice serait incapable de se déplacer en la plaquant de sa main. Comment autant de force pouvait-elle être contenue dans une main aussi petite ? Cette fille n'était définitivement pas aussi humaine qu'elle le semblait - déjà qu'elle ne le semblait pas.
Elle fit quelques commentaires sur la plaie qu'elle découvrit, sous les écharpes de Petra. Pourquoi avait-il fallut qu'elle aie la curiosité de regarder, de dévoiler sa peau rougie abîmée ? Cela faisait des mois, mais la marque était toujours là, comme gravée au fer rouge.
Emily s'écarta un instant. Petra soupira de soulagement. Puis la sale teigne alla verrouiller toutes les sorties. Merdasse. Déjà qu'elle n'arrivait pas à bouger, alors si jamais un miracle arrivait et qu'elle parvenait à s'en sortir, comme elle avait réussi dans le dédale de miroir, elle serait bien incapable de s'échapper du café.
Lorsque la petite s'installa sur une chaise, bras croisés, demandant des explications, Petra sentit ses membres trembler. Elle allait lâcher. Le regard de la rouquine qui se vrillait dans le sien n'arrangeait absolument pas la situation. Elle n'en pouvait plus. Sans prévenir, ses jambes fléchirent, la laissant retomber sur ses genoux dans un bruit sec.
Emily désirait quelque chose de sa part. Il fallait qu'elle lui obéisse. C'était la seule solution.

"Cet homme est fou, Emily."

Elle n'avait pas osé le dire très fort, terrifiée. Mais il fallait que ce soit dit. Et il fallait qu'elle se reprenne, si elle voulait survivre. Petra releva la tête et répéta, d'une voix forte qui tentait de cacher son malaise :

"Cet homme est fou, Emily."

D'autres mots venaient en raz-de-marée dans l'esprit noyé de l'adolescente. Lesquels choisir ? Dans quel sens les mettre ? Que dire précisément ? Les larmes aux yeux, elle se jeta à l'eau.

"Tu aurais dû voir son regard, lorsqu'il m'a... m'a... lorsqu'il a mis ses mains sur mon cou et qu'il... qu'il a... C'était un monstre. Un monstre ! Chaque nuit, je revois ces yeux verts et mauvais qui ne souhaitaient que ma mort, Emily ! Je ne veux pas mourir ! Je ne veux pas mourir..."

Elle commença à pleurer. Merde, merde, merde. Reprends-toi, Petra, reprends-toi ! Oui, essuie-toi les yeux comme tu le fais actuellement, et maintenant relève la tête, parfait. Ne te laisse pas submerger, ne te laisse pas submerger !

"Si jamais il apprenait que j'étais en vie... il n'y a aucun doute là-dessus : il reviendrait me tuer, Emily ! MORGAN REVIENDRAIT ME TUER !"

Autour des deux jeunes filles, le GGL était joyeux et flower power, comme à son habitude. Les gigantesques fleurs peintes aux murs, les objets de décoration rose bonbon, les tasses couvertes de pois multicolores. Une vraie palette de couleurs, qui ferait rêver n'importe quelle gamine ignorante de tout, du malheur, du désespoir et de la mort. Etrange endroit pour cette confrontation.

Emily demeura silencieuse. Elle restait droite, raidie telle une statue de cire, ses cheveux roux dégoulinant le long de sa nuque. Elle ne faisait de cligner des yeux, abattant régulièrement ses paupières, dissimulant la vision de Petra, agenouillée, larmoyante, terrifiée, se battant pour sa vie. Elle pouvait sentir la peur, sentir les angoisses qui animaient ce corps devant elle comme s'ils étaient siens. Elle se souvenait de ce sentiment dur et froid, qui lui avait affolé les sens et tourné l'esprit lorsqu'elle s'était sentie traquée pendant cette fameuse nuit - certes, elle avait vaincu, elle était de ceux qui avaient survécu... Mais elle ne pouvait pas oublier ce qu'elle avait ressenti ce soir là, bien qu'elle ne l'admettrait pour rien au monde. Et elle ressentait cette même peur dans les yeux de la blonde en face d'elle, ce même cauchemar qui n'en finirait jamais. Car il reviendrait toujours chercher sa victime, inlassablement, pour ne pas la laisser se reposer dans la quiétude de l'oubli.
Elle finit pas froncer les sourcils, ses lèvres s'étirant en une moue songeuse.

« Ouais mais... Je gagne quoi à te protéger ? »

Elle se leva, s'étirant sur ses jambes maigres, et fit un pas pour s'abaisser et se mettre au niveau de Petra. Elle appuya son menton sur ses genoux, accroupie, et la regarda droit dans les yeux comme si elle tentait d'arracher les moindres petites parcelles de vérité et de raison dans ces iris bleus, dans ces pupilles dilatées par la peur.

« Et j'gagne quoi dans l'histoire ? Morgan est mon meilleur ami, quoi qu'il fasse. Mais toi, t'es que dalles pour moi à part une blondasse chiante qu'a pas de courage. »

Elle pinça les lèvres en disant ça, se remémorant avec amertume où son courage l'avait menée la dernière fois - à se jeter dans les bras d'un chasseur de vampire avant qu'ils ne se détruisent. Elle chassa cette pensée de sa tête et se reconcentra sur Petra, la saisissant par les épaules.

« T'es qu'une lache jte dis. Une LACHE. Ça fait combien de temps que tu t'caches, hein ? Six mois ? Moi ça fait six mois que j'essaye de comprendre ce qu'il s'est passé dans sa tête d'abruti, et à mon avis y'a une raison sous ses conneries. 'Tention j'ai pas dit qu'il avait eu raison... mais toi, c'est quoi tes torts dans l'histoire, hein ? »

Quoi qu'elle en dise, elle ne pouvait pas être blanche comme neige. Morgan n'était pas fou, bien au contraire, il était tellement rationnel qu'il tentait de tout expliquer, de donner des raisons pour tout. Il n'avait pas agi sans raison, bien que cela faisait quelques mois qu'il déraillait complètement... Elle avait forcément des responsabilités. Rien n'arrivait sans raison, rien. Le monde n'était qu'une suite logique de conséquences qui naissaient des causes provoquées par des centaines de personnes différentes.

Tout avait une raison, et tout acte avait ses conséquences, pensait-elle.
Aussi regardait-elle Petra avec le regard hautain de celle qui avait le dessus, de celle qui contrôlait la situation. Car, oui, c'était elle qui avait le destin de Petra entre ses doigts blêmes, et c'en était presque jouissif.

Les murs s'écroulaient autour de Petra. Les murs du café, dans une hallucination causée par la peur ; les murs de son esprit, qui tentaient de contenir ses problèmes psychologiques, souvent en vain. Tout tombait en ruine, tous les efforts que la jeune fille faisait depuis six mois. Tout ça juste pour un muffin, durant une nuit maudite où Emily avait eu l'idée de se pointer exactement au même endroit qu'elle. La plaie. Et la situation s'infectait.
Emily la couvrait de critiques, d'horreurs. Evidemment, c'était une amie de Morgan, alors elle n'allait pas prendre sa défense, réalisa Petra. Mais elle n'était pas émue, touchée en rien par la détresse de la demoiselle, accroupie devant elle. C'était un monstre sans pitié, qui s'amusait à rajouter du citron sur les cicatrices encore trop fraîches. Petra souffrait. Elle en avait marre, de souffrir, de cette situation. A trop se reposer sur l'espoir de la mort de Morgan, elle finissait par ne plus vivre. Et venait un moment où elle en avait ras-le-bol.
Emily l'insultait et lui demandait des explications. Des explications, mais sur quoi ? Sur la folie de Morgan ? Sur les raisons qui l'avaient poussé à son acte ? Elles dépassaient Petra. Elle ne les comprenait pas assez. Trop de choses lui échappaient. Comment faire, alors.
La créature fragile se prit la tête entre les mains, fixa le sol, tenta de mettre de l'ordre dans son cerveau, alors que son bourreau la tuait du regard. Ne pas faire attention à elle, ne pas faire attention à elle, juste se concentrer sur ce qui s'était passé, ce jour-là. Se mettre en face de la vérité. Comprendre, ou au moins essayer. Des grands lambeaux trouaient la mémoire de Petra, quand venait cette période de sa vie, entre le Bal de Noël et l'Accident. Une vie de débauche, de vices, d'alcool et de roulés-boulés dans les bois avec des inconnus. Quelle existence misérable elle avait eu. Etait-ce mieux qu'actuellement, comme elle se plaisait à croire ?
Les souvenirs précédant l'entrée dans la Salle des Miroirs s'entrechoquaient, s'organisaient. Quelques blancs de temps à autres, mais tant pis, on fera sans. Au moins, il y a quelque chose qui se construit entre les neurones noyés de Petra.

"J-J'avais prit beaucoup d'alcool."

Elle avala sa salive.

"Vraiment beaucoup. Du whisky, je crois. Et puis du scotch. Et je me suis finie au martini. Et j'étais dans les couloirs. Il y avait un gars. Noctis, je crois. Il était beau, il était shooté, j'étais bourrée. On a commencé à se draguer, puis on a cherché un endroit où coucher. Je lui ai dit qu'il y avait une chambre dont je connaissais les proprios, pas très loin. Alors on y est allé. C'était la chambre d-deux."

Elle devinait le regard d'Emily au dessus d'elle, prête à la tuer.

"Et on a couché. Et là, Morgan est arrivé. Je me souviens de son hurlement. Il est parti en courant. Alors je l'ai suivi, j'voulais m'excuser, je crois. Je l'ai suivi, et je suis arrivée dans la Salle des Miroirs."

Son corps tremblait, sa voix était sans cesse coupée de sanglots. Maudit muffin.

"Et là, il m'a gueulé dessus. Je me suis effondrée, je n'osais plus lui parler. J'ai essayé de m'excuser, mais je lui ai gueulé à mon tour. C'tait plus fort que moi. On s'est engueulé. Il a voulu me v-violer. Puis il m'a... il m'a tué. Mais j'ai survécu. Je crois."

Voilà. Rien de plus à ajouter. Si la rouquine voulait des détails en plus, elle n'avait qu'à en demander. Peut-être que les réponses viendraient. Peut-être auraient-elles disparues depuis longtemps.

AHAHAHA !!! Ok c'est moche mais ça fait 6 mois que j'ai pas RP quasiment alors RESPECT.

________

Okayy. Bien sur. Quoi de plus normal ?
Emily resta immobile plusieurs secondes, alors que les paroles de Petra tournoyaient dans sa tête. Elle demeura, plantée là, incapable du moindre mouvement, du moindre geste. Ca y était. Elle savait tout ce qu’il s’était passé. Les souvenirs de Morgan étaient trop brumeux, trop abîmés lorsqu’elle avait tenté de les rassembler, des mois auparavant. Cette fois ci, c’était une version beaucoup plus fournie. Elle connaissait plus que les sentiments éprouvés par son meilleur ami cette nuit là – mais était-ce toujours lui ? Est-ce que la personne étiolée, qui s’éparpillaient en centaines de petits morceaux était vraiment le Morgan qu’elle aimait comme un frère ? Elle n’en était plus sure. Et c’était la faute de Petra.
Elle lui avait volé Morgan. Elle l’avait changé. Personne n’avait le droit de faire ça. Personne.

Et c’est pourquoi Emily Johanson s’avança vers Petra Traumer, se pencha vers elle, lui tendit sa main gauche ; lorsqu’elle l’eut prit et se fut relevée, elle envoya violemment sa main droite rencontrer sa joue, avec un impact tellement fort qu’elle cru pendant un court instant lui avoir fracturé la pommette. Cette pensée s’échappa très vite, car c’était bien le cadet de ses soucis. La douleur grandissant dans sa paume passa au dernier plan (mais devant la fracture problable de Petra, tout de même), tandis qu’elle la forçait à se rasseoir, plaquant ses genoux contre le sol froid.

« Bouffonne ! »

lâcha-t-elle, tandis qu’elle sentait ses dents se serrer dangereusement.

Elle la repoussa contre le bar, la jetant comme une petite poupée abîmée, laissant ses cheveux blonds s’entremêler devant son visage ravagé. Elle donna un coup contre le mur, le frappant de toutes ses forces. Elle s’acharna sur lui, laissant s’échapper toute la violence qu’elle enfermait depuis longtemps envers toutes ces personnes qui lui volaient ceux qu’elle aimait – Garry, Petra… Elle finit par se laisser tomber le long du mur, dos à Petra, dans une confiance totale en sa supériorité évidente.

« Donc, tout est de ta faute »

finit par annoncer Emily, parfaitement calmée.

« Tu l’as détruit, en fait. »

Elle se retourna vers Petra, dos contre le mur, ses bras le long du corps. Elle rejeta ses cheveux en arrière, dégageant son visage pour bien l’observer. Elle l’observait, elle, cette immonde créature qui avait perverti son Morgan. Elle ne la supportait plus. Sa vision l’insupportait encore plus que lorsqu’elle était « en vie ». Car ce n’était plus le cas, n’est-ce pas ? Si elle repartait comme si de rien n’était, elle n’aurait d’autres choix que de continuer à se cacher de la vue de tous, de la colère de Morgan. Et peut-être même de celle d’Emily… ?
Oh oui. Assurément. A la voir comme ça, retenant ses ressentis en elle, enfouis au plus profond possible pour ne pas les regretter – car elle ne s’excuserait plus, à présent. C’était entièrement de la faute de Petra. Tout. Si Morgan avait changé, s’il n’était plus qu’une épave, c’était de sa faute ; et elle trouverait un moyen de lui faire payer.

Là, Petra est en flip total. Ça y est, son heure est venue. Ce n'est pas Morgan qui a apprit sa survie mais Emily, cette personne si bizarre, si inquiétante, que la blondinette n'avait jamais vraiment réussi à cerner. Emily, elle ne la connait pas vraiment, trop peu pour obtenir de sa sympathie, mais suffisamment pour comprendre que là, franchement, il faut la craindre. Petra se sent comme un mulot, une patte blessée, dans le carrelage d'une salle de bain, face au chat responsable du génocide de tous les rongeurs du quartier : elle est sur le point de se faire bouffer.
Pourtant, l'amie du monstre la relève d'une main qui semble amicale. C'est étonnant, mais un peu sonnée, elle se laisse totalement faire. Une gifle. D'accord. Le message est clair, maintenant. Pas de gentillesse. Putain, ça fait super mal, la proie ravale un sanglot de douleur ; elle s'était que très rarement fait giflée, et ça ne lui avait jamais fait aussi mal, merde... Elle avait juste demandé un muffin, un moment de break, de la tranquillité. Pourquoi cette conne d'Emily était arrivée avec ses gifles, ses hurlements, ses menaces ?
Et puis maintenant, elle la jette contre le bar. Petra ne semble presque pas réagir, elle n'est qu'une sorte de tas de mollesse, une poupée de chiffon qui n'attend que d'être déchirée par l'enfant turbulent, qu'on abrège ses souffrances, et vite. Elle s'effondre au sol, le corps douloureux de partout. Mal à la joue toujours, mal au dos sur lequel se sont fracassés plusieurs verres qui reposaient sur le bar, mal à la tête qui s'apprête à exploser ; trop de pression, trop d'angoisse, et cette créature effrayante devant elle. Elle l'écoute, passive, les insultes qu'on lui crache au visage. Trop mal à la tête, la vache. Comme si un orchestre de percussions s'était établi dans ses tempes. Mal, mal, putain. C'est atroce. Elle ne suit pas trop les mouvements d'Emily, ne comprend pas cette présence qui s'établit dans son dos. Elle saisit juste, au bout de quelques minutes, que la démoniaque naine est là, juste en face d'elle et qu'elle la fixe.
Petra se sent perdue. Définitivement perdue dans la douleur physique et psychologique. Une bouffonne, une conne, une lâche. Okay, elle est prête à accepter sans broncher ces insultes qui pénètrent peu à peu son esprit embrouillé. Il est tard, elle a envie de dormir, en plus. Et toujours ces percussions qui frappent dans sa boîte crânienne.
Elle finit par comprendre ce dont on l'accuse : cause de la destruction de Morgan. Ha ha ha, laissez-la rire. Parce qu'elle, elle n'a pas été détruite par ce toquard ? Cette pensée semble rallumer une petite bougie dans la tête de Petra. Elle s'y raccroche. Pas responsable de sa connerie, à cette saleté de borgne. Elle est responsable de rien, de rien. Alors on peut venir la mettre au pilori, d'accord, mais ça... Non. Et c'est ainsi que, dans un mouvement qui la surprend elle-même, elle bondit en arrière, à environ un ou deux mètres de sa tortionnaire, elle attrape une bouteille de verre sur le bar.
Et là, des années d'enfermement et d'isolement se déversent en une seule fois. Violence. Elle n'a pas de force physique, alors tout passe par sa gueule. Elle ouvre la bouche et parle, avec la vigueur du suspect que l'on s'apprête à condamner à mort pour un crime qu'il n'a pas commis, dernier acte de défense avant que le jugement ne s'abatte sur lui. C'est probablement vain, mais au moins, il se sera défendu. Alors Petra, à son tour, se défend.
On peut essayer de la tuer, ça ne changera pas grand chose à sa vie, mais on ne lui empêchera pas de se finir avec un peu d'honneur.
Les yeux rivés dans ceux ambrés d'Emily, elle commence par un délicat :

"T'approches pas de moi, toi ! Et ferme ta sale gueule de merde !"

Là, elle déverse toute sa rage contenue, tous ses malheurs. Elle explique à une vitesse incroyable tout : avec six mois sans avoir touché à l'alcool, passée la période des delirium tremens, on voit les choses beaucoup plus clairement, d'un regard ultra objectif ; ce gars, personne ne lui a dit qu'il était dangereux, et personne non plus lui a dit qu'il s'était entiché d'elle ; elle, elle le considérait comme un gars sympa, un ami sur qui elle pouvait compter, un peu bizarre certes, mais il était si gentil avec elle, il l'aidait ; avec lui, elle était baignée dans une illusion de bonheur, elle se sentait à l'abri des menaces, quoi ; jamais elle ne se serait méfiée de lui, putain ! Et personne, personne, vraiment, lui a conseillé de faire gaffe, de prendre des précautions ; et elle, cette saleté d'Emily, ça ne lui ai jamais venu à l'esprit non plus, hein ; et ce gars, ses problèmes, c'était pas Petra qui les avait apporté, il était déjà franchement névrosé avant de la rencontrer, ce con ! Elle ne s'était pas rendue compte de ses problèmes psychiatriques à l'époque, mais avec du recul elle ne voyait que sa sociopathie, sa psychopathie, son humeur de dépressif de merde ; personne, personne n'a réagi pour écarter Petra des griffes de ce tueur ; de toute façon, tout le monde s'en fout, de la Petra, on la laisse se noyer dans l'alcool parce que c'est drôle à voir, ça met de l'ambiance dans le pensionnat, parce qu'on s'y fait chier sec ; au bal de Noël, c'était tellement amusant pour les autres pensionnaires d'observer cette fille mal intégrée danser bourrée sur la piste ; et puis après, de la voir déambuler à moitié nue dans les couloirs ; putain, chaque bouteille qu'elle ouvrait, c'était pratiquement un appel à l'aide, et aucun de ces voyeurs n'est venu la sauver ; elle se faisait pratiquement violer, un nouveau gars passait entre ses jambes tous les jours, et personne n'a réagi, parce que c'était devenu un spectacle, l'alcoolisme de la Petra ! Et tant pis si elle chope cinquante MST, tout le monde s'en fout, personne ne l'aime, personne ne l'aide ! Alors après, qu'on ne vienne pas s'étonner si Morgan, il est choqué en réalisant que la chatte de sa copine, c'est un vrai moulin !

"Alors ne viens pas me dire que c'est moi qui ai détruit la vie de ce connard ! Parce que regarde jusqu'où l'univers entier m'a enfoncé ! Et moi, qu'est-ce que j'ai fait pour détruire la sienne, à Morgan ?"

Lui révéler sa nature de poupée gonflable du pensionnat ; son malaise, son besoin d'aide.
Petra chancèle, elle est à bout de force. Mais elle s'appuie à une chaise de bar pour continuer son ultime plaidoyer avant qu'Emily ne l'achève.
Elle raconte maintenant la violence avec laquelle il l'a traité, ses menaces de viol, l'assassinat, et la façon dont lui aussi, il s'est tiré comme un lâche. Et puis la manière dont elle a dû se terrer durant des mois ; comment elle est sortie de l'alcoolisme, comment elle a réalisé que le monde entier la déteste et qu'elle a été sous son influence une loque totale en route vers le néant absolu ; que de toute façon, l'humanité est misérable, que les gens dans ce pensionnat ce sont des sous-merdes, que la civilisation est sur le point de tomber dans une déchéance totale, qu'il n'y a rien de positif à en tirer.
(Un discours qui me rappelle vaguement quelqu'un...)
Et puis finalement, elle s'arrête, elle se calme. Elle a dit toutes ces horreurs qui traînaient dans sa tête depuis des semaines, les percussions s'adoucissent dans ses tempes.
D'une voix nettement plus faible, lente, elle articule :

"Donc si tu veux me buter, vas-y, bute-moi, fais-toi plaisir. Ça m'arrangera, d'une certaine façon..."

Elle aurait bien aimé vivre encore. Accomplir son but, éliminer Morgan. Pouvoir rire avec des filles cools dans le parc du pensionnat. Ouvrir une bouteille de vin au dîner, avec un petit ami stable et fidèle, qu'elle ne sifflera pas en entier. Profiter à nouveau du bonheur de voir le soleil, de courir, de s'éclater.
Mais là, il n'y a plus d'espoir, c'est clair. Elle sait qu'elle n'arrivera jamais à émouvoir cette garce. A moins d'un miracle, Emily la tuera dans les minutes qui viennent. Putain, en plus, elle a toujours super mal à la joue.

(NON MAIS TU TE FOUS DE MA GUEULE ???????????!!!!!!!!!!!!!!!!!
Remarque m'en fous je pars aux US mardi alors HAHAHAHA j'ai une excuse. : D)

EDIT de Mooney : les règles du forum spécifient clairement que le nombre minimal de lignes dans un RP est de dix. Il en manque donc huit... La prochaine fois, tu te prends un avertissement. (Et tu ne crois pas que tu viens de me faire une méga fausse joie de la life, là ?)

Je vous aime. *O*

Pour la première fois de sa vie, Emily ne répondit rien lorsqu’on l’insulta. La vérité, ce n’était pas qu’elle ne l’avait pas mal pris, car elle sentait encore la douleur cuisante de l’attaque dans son estomac, c’était juste qu’elle n’avait pas eu le temps de répondre. Les paroles de Petra se déversaient brutalement, sans jamais s’arrêter, tandis qu’elle racontait tout, sa vie misérable, ses problèmes, le fait que personne ne la comprenait et surtout que personne ne l’aidait. Qu’elle s’en était sortie, mais qu’au final, elle voyait Morgan tel qu’il était ; un monstre, un type affreux, un sociopathe dont personne n’avait songé à l’éloigner, pas même Emily. Elle parlait de son cul, de son cœur, de son foie, et lorsqu’elle lui reparla directement, Emily ne répondit pas directement. Elle prit une grande inspiration, triant ses idées, calmant ses émotions tourbillonnantes, et lorsqu’elle fut enfin calmée, elles revinrent toutes d’un coup, dès le premier mot, l’inondant de rage et de colère – envers tous, envers elle, envers Petra, mais aussi envers ce putain de Morgan.

« OKAY, OKAY ! Ta vie est atroce, t’es alcoolique et personne t’aide. Mais on t’a jamais filé les bouteilles ma pauvre, et c’est pas à moi qu’il faut t’en plaindre, je t’ai jamais adressé la parole de ma vie à part aujourd’hui putain. Et puis vas-y, pendant que t’y es, moi je suis une hybride vampire, j’ai pas de monde à moi, j’ai pas de famille à moi parce ben oui, je suis plus résistante alors au lieu de crever dans cette putain de voiture avec tout le monde ben j’ai survécu, c’est con hein. Je peux pas aller au soleil sans que mes organes se mettent à me brûler, sans que je commence à devenir ROUGE bordel, je peux pas rentrer dans une putain de maison sans y être invitée car sinon ça me fait la MEME PUTAIN, j’ai failli aspirer tout le sang de Nao juste parce que ce gros con s’est ouvert la main exprès. J’ai failli le buter, ben oui, Super Owen aurait pas été là, il y passait ce con, j’ai failli buter le seul qui compte vraiment pour moi à cause de ça, c’est bête hein, il le sait et il est pas FOUTU d’éviter de se blesser devant moi, ben merde alors personne ne m’aide, ben merde hein ! Et Morgan, j’essaye de le surveiller, j’essaye de le contenir, c’est mon meilleur ami, c’est ma famille, et ce con il bute quelqu’un dans mon dos ! Et j’ai dit quelque chose, moi ? Tout le monde te regarde comme une pute, ben moi c’est la bête de foire, la naine suceuse de sang, super hein, super ! DONC OUAIS PUTAIN, MORGAN A DETRUIT TA VIE, T’AS DETRUIT LA SIENNE, C’EST SUPER ! »

Elle s’arrêta, reprenant son souffle, s’appuyant contre le bar. Elle ne s’était jamais plainte. Elle était peut-être égoïste, peut-être qu’elle ne voulait que son bonheur à elle, qu’elle voulait Nao pour elle toute seule car il était le seul dont elle avait besoin, peut être bien qu’elle n’écoutait personne et qu’elle pensait toujours avoir raison, mais elle avait toujours essayé de protéger les autres. Alors oui, peut-être qu’en mettant les autres dans l’ignorance, ça lui permettait de se protéger elle-même, elle avait peut être détruit la chambre de Garry, elle lui rendait peut être la vie impossible dès qu’elle le pouvait, mais putain, elle ne s’était jamais posée en victime, merde. Car c’est ce qu’elle était en train de faire, se plaignant sur sa vie atroce, sur le fait que personne ne l’aimait, et elle continuait, elle continuait, et elle acheva sa tirade en lui disant de la buter. Emily releva la tête brutalement, son visage pâle se colorant immédiatement. Elle devint rouge, rose, elle s’avança vers Petra, le flot d’émotion et d’adrénaline remontant brutalement au creux de sa gorge.

« BEN OUI PENDANT QU’ON Y EST ! On va buter la petite Petra, qui se cache comme une abrutie depuis des mois, qui fuit tout, qui fuit ses responsabilités ! Tu te plains que personne ne te regarde plus, mais ma pauvre, t’es guérie là non ? Alors pourquoi tu sors pas, pourquoi t’essayes pas de t’intégrer ? J’ai bien cherché hein, le vampirisme ça se guérit pas, merde alors ! Et crois moi, les gens ils trouvent ça bien moins cool que dans Twilight hein. Et pourtant moi au moins j’essaye de me sociabiliser, espèce d’abrutie, moi au moins je tiens un minimum à la vie ! Alors sors de ton putain de trou, arrête de te cacher bordel, t’es qu’une enfant là ! T’agis comme une gamine, t’essayes de te faire plaindre, mais t’en fous pas une rame pour améliorer le truc. ALORS BOUGE TOI, MERDE ! »

Elle se retourna brutalement, et avec la clef, elle ouvrit la porte du GGL. Le matin était levé, à présent – elles avaient parlé beaucoup plus longtemps qu’elle ne l’aurait cru, et le pensionnat commençait déjà à grouiller de monde et de rires. Elle ouvrit la porte, et se plaça à côté, les bras croisés.

« Ben alors ? Tu sors pas ? Allez, sors putain, si t’as un minimum de courage caché sous ta tignasse. SORS JE TE DIS ! »

Angichoups, je suis très très très inquiète : moins de six mois pour répondre. Tu es malade ou on tu t'es fait lavé le cerveau ?

Ca y est, elle a vidé son sac. Maintenant, Petra doit attendre la réaction d'Emily. Des coups, une engueulade certaine. Espérons que ce soit bref.
Voilà, ça commence. La petite rousse lui déballe, à son tour, tout ce qu'elle a à a dire. Et ce n'est pas rose. Qu'elle est tombée dans l'alcool toute seule, et qu'elle ne fait rien pour se sortir de là. Et qu'elle aussi, elle a des problèmes. Parce que c'est une vampire, que ses proches sont morts, qu'elle n'a pas de vie normale, qu'elle ne s'intègre pas, qu'elle a peur de buter les gens qu'elle aime, qu'elle aussi elle est malheureuse.
Petra n'avait jamais réalisé que cette fille, elle aussi, pouvait avoir elle aussi des blessures très profondes. Petra avait oublié que les autres pouvaient avoir mal, en fait. Morgan, elle s'en fout de savoir s'il a mal, parce qu'il n'a rien d'humain. Mais là, cette Emily, elle a des problèmes, elle aussi. Et Petra n'en savait rien, et elle n'en a rien fait pour elle durant ses années au pensionnat.
Elle a envie de s'excuser, de lui expliquer qu'elle ne savait pas. Mais déjà la fureur rouge repart, lui ordonne de sortir alors que dehors, il y a des gens. Emily souffre, mais elle n'en oublie pas sa supériorité sur Petra.
Cette dernière, alors, ne s'excusera pas. Elle ne veut pas tenter de communiquer avec cette fille qui représente toujours une menace grave pour elle.
Petra contourne Emily avec une nonchalance feinte et se dirige vers le réfrigérateur violet couvert de stickers en forme de fleurs, dont elle ouvre la porte. Elle y attrape un muffin aux myrtilles, son parfum favori. Histoire qu'elle ne soit pas venue pour rien. Elle se tourne ensuite vers la rouquine.

"T'as gagné, je me tire, regarde."

Et comme si de rien n'était, elle avance en direction de la porte en tentant de se donner une allure pleine d'assurance. Elle veut avoir l'air sûre d'elle. En vérité, elle flippe à mort. Elle essaie d'oublier ce que vient de lui balancer Emily, ce qu'elle a ressenti, la peur, le dégoût la souffrance, ainsi que la douleur qui émane de sa joue. Mais putain, ça fait mal. Elle a frôlé la mort pour un muffin.
Vient le moment où elle arrive dans l'encadrement de la porte du Glossy Gloomy Lovyou. Elle s'arrête, tétanisée. Quelques pensionnaires commencent à circuler dans les couloirs, Petra les entend, en voit deux ou trois. Bientôt, Toya débarquera. Et des gens qui voudront prendre leur petit-déjeuner au café.
Petra essaie de se calmer, de dissimuler les tremblements qui la prennent. Dans sa poche, elle prend une paire de lunettes de soleil qu'elle met sur son nez. Ça la protégera peut-être un peu des autres.
Elle fait un pas, se rétracte. Elle se mordille la lèvre, tourne légèrement son corps vers Emily, la regarde en espérant recevoir un petit message de compassion inespérée, mais c'est mort. Elle regarde de nouveau devant elle. Elle n'a pas le choix, il faut qu'elle sorte. Il y a encore peu de pensionnaires ; plus elle tardera, plus elle risquera d'en croiser un grand nombre. Et c'est aussi une histoire de dignité. Parce que là, face à l'autre teigne, si elle n'agit pas avec un minimum d'honneur, elle passera vraiment pour la dernière des lâches.

"Salut Emily."

Elle sort. Elle avance lentement, en voulant avoir l'air normal. Puis, lorsque le corridor effectue un tournant et qu'elle est sûre de ne plus être dans le champ de vision de sa tortionnaire, elle court. Des larmes dégoulinent de ses lunettes. Putain, putain. C'était cauchemardesque.
Petra détale dans les couloirs, accélère quand elle croit apercevoir quelqu'un qu'elle connaît, et finit par retrouver son havre de paix, sa chambre. Elle n'allume pas la lumière et s'effondre dans la salle de bain, en chiales. Elle y passe quatre heures. Son seul réconfort, c'est son muffin qu'elle commence à manger. Elle est en vie, putain, c'est un miracle. Pas un cadavre. Elle finit son dessert, le digère. Mais ce qu'elle ne digère pas, c'est qu'Emily a profondément raison.

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