La pluie dégouline le long de mes cheveux et dans ma nuque... Je frisonne et cherche du regard un endroit où m'abriter de ce déluge. Mes yeux se posent sur une vieille bâtisse donc le toit point au-dessus des arbres qui habitent le parc. Je soupire et frisonne une seconde fois en regardant le ciel noir qui ne tardera plus à éclater...
Je cours maintenant en direction de ce manoir que j'ai aperçu, espérant qu'on m'hébergera le temps que ce calme l'orage ou qu'on me laissera téléphoner, sur le chemin plusieurs fois je manque de tomber mes pieds dérapant dans la boue ou dans des flaques qui grandissent trop rapidement à mon goût. Cinq minute, le temps qu'il m'a fallu pour atteindre la demeure. Je m'arrête devant la grille et crache mes poumons de fumeurs pendant quelques instant avant de me relever. Le manoir qui se dresse devant moi n'a pas l'air habiter et sa ne me rassure pas vraiment. Je pousse la grande grille et elle s'ouvre dans un grincement qui réveillerait les morts. Je m'avance maintenant vers la grande porte.


La grande porte fait au moins trois fois ma taille et il doit en être de-même pour son âge si ce n'est plus. Tout autour de moi les mauvaises herbes ont prit d'assaut ce manoir, se glissant dans les fissures ou montant sur les murs et encadrant les fenêtres. Ma main vient se poser contre le battant de la porte et un autre frisson me parcourent tandis que mon instinct me dit de ne pas rester là, mais honnêtement la pluie ne me plaît pas vraiment non plus. La porte c'est ouverte sans que je m'en rende compte... Mais à la différence de la première celle-ci silencieusement. J'entre.
L'intérieur est complètement différent de l'extérieur, lui est entretenu. Derrière moi la porte se referme mais je ne m'y intéresse pas, je suis à l'abri et c'est l'important. Et pourtant une impression bizarre règne... Comme l'impression que l'on vous observe. Juste mon imagination...

Comment peut-on s'endormir dans les escaliers? Honnêtement, Emrys n'avait pas envie d'en parler. C'était légèrement honteux, comme situation.
Mais pour l'instant il s'en fichait puisque, justement, il dormait. Il avait un mal fou à dormir, ici, et avec Bilboquet qui trouvait visiblement amusant-la sale bête!-de lui ramper dessus dès qu'il réussissait à fermer l'œil, il ne pensait pas pouvoir y arriver un jour. Tant pis, il avait fini enroulé dans une chemise, et c'était bien fait. Bref, ce qu'il voulait dire par là était qu'ici, il avait beau fermer les yeux, impossible de reposer son cerveau et de le faire baisser de régime. Lui qui avait toujours eu du mal à dormir autre part que chez lui, même chez des amis, il était gâté! Mais peu importait ; il fallait bien qu'il s'occupe. Et il n'allait pas rester cloîtré dans sa chambre à essayer de dormir en espérant que ses colocataires ne penseraient pas qu'il était mort plutôt qu'endormi, et ne le secouraient pas pour vérifier. Après quelques trop brèves heures de sommeil, donc, le jeune Anglais avait décidé de se lever. Il n'était plus l'heure de faire la sieste, de toute façon. Mieux valait trouver quelque chose de concret à faire. Après avoir été dans le Salon quelques temps, puis avoir été manger deux trois trucs à la cuisine-préférant éviter le GGL...-il avait fini sa promenade de santé dans le Hall. Avait vaguement essayé d'ouvrir la porte, lui avait donné un coup de pied pour démontrer de son intarissable bonne humeur, puis était aller s'assoir dans les escaliers. Comment occuper ses journées quand on avait absolument rien à faire et qu'on savait que les autres seraient pareilles? Il y avait de quoi écrire un livre là-dessus, il l'aurait parié. Et aurait pu l'écrire si l'inspiration lui était venu et qu'il avait eu sur lui des feuilles et un crayon, bien sûr. Ça pouvait se faire, qui sait.
Notre jeune ami, donc, avait jugé bon de s'assoir dans les escaliers, en retrait, observant la porte d'un air accusateur tout en veillant à ce qu'on ne puisse pas le voir, de là où il était. Comme quand il avait rencontré Iwasara, tiens : il allait vite passer pour le malade des escaliers, à faire ça. Et sur ces faits, il s'était appuyé contre la rambarde et avait fermé les yeux un instant.
Ou deux, ou trois, ou..., après, il s'était endormi. D'où la sieste dans les escaliers et les bruits étouffés de son escargot de compagnie, qui ne semblait pas heureux d'avoir été enroulé dans un mouchoir et fourré au fond d'une veste, à côté d'un paquet de cigarette et d'un briquet-et on le comprend aisément. Emrys avait toujours été comme ça, du genre à avoir le sommeil lourd : ce n'était pas les vagues coups de cornes molles de Bilboquet qui allaient le réveiller, pour sûr. D'autant plus qu'il était fatigué, et que son corps semblait, en parfait accord avec son esprit, avoir décidé qu'il avait besoin de dormir.

Malheureusement-ou heureusement-le sort semblait être du côté du gastéropode rose : la porte s'ouvrit, et ce bruit familier et sinistre le réveilla en sursaut. Le pire dans tout cela était qu'elle ne faisait même pas tant de bruit, cette fichue porte, mais c'était un bruit qui avait le même effet qu'un ultrason, à ses oreilles. Il frotta un court instant ses yeux bleus, puis se pencha légèrement pour voir ce qui se passait. Ah. Un garçon. Il allait faire une remarque cynique, d'aussi bonne humeur que toute à l'heure, quand il passa sa main dans sa poche pour attraper une cigarette (Il n'y avait pas de panneau interdit de fumer, à ce qu'il sache...) Il la mit entre ses lèvres d'un geste habitué, puis chercha son briquet. Sans succès. Et Bilboquet? Il était où, au juste?

Et merde.

Il se pencha un peu plus dans les escaliers, en silence, et remarqua que le jeune homme était trempé. Tiens, ça devait être une constante, ici, de rentrer quand il pleuvait. Une vraie technique de pro, bravo le Pensionnat, se dit-il en soupirant en silence. C'est à peu près à ce moment là qu'il vit son escargot rose, à peine gros comme une main, pousser tranquillement son briquet sur le sol du Hall. Il n'était pas censé être plus lent que ça? Super, il était tombé sur un escargot de course. Génial.
Il remit sa cigarette dans sa poche à regret, puis descendit les escaliers, jetant un vague regard au nouvel arrivant. Bah oui, comme si c'était le plus normal du monde de venir chercher son escargot parce qu'il vient de vous voler votre briquet. Rien de plus normal.

«Hey, s'teup, l'écrase pas!», lança Emrys en constatant, une fois en bas des marches, que le petit animal s'était stoppé aux pieds de l'étranger avec un sourire satisfait-ou en tout cas, il aurait juré l'avoir vu sourire.

Il s'avança à grandes enjambées, puis s'accroupit pour saisir la petite bête fuchsia par la coquille, récupérant son briquet par la même occasion. Et fourra l'escargot dans sa poche, avant de ne ressortir sa cigarette, ignorant royalement les protestations aigües et ridicules de son AEA. Il avait envie de fumer, point. Il y en avait bien qui buvaient et faisaient la fête, ici, ce n'était pas lui qui risquait de déranger.
Ah. Il en aurait presque oublié l'inconnu en face de lui, tiens. Il tira une bouffée de la cigarette qu'il venait d'allumer, évitant tout de même de recracher la fumée au visage de l'autre.

«Oh, bonjour, dit-il en haussant légèrement les sourcils, comme s'il venait de remarquer sa présence. Moi c'est Emrys. Tu as lu le panneau?»

Ça y est, il commençait à devenir blasé. Génial. Au moins, ça mettrait les choses au clair.