Luna explorait une fois de plus les sombres couloirs du pensionnat, en compagnie de son adorable bestiole de 10 cm de long qui se perdait dans sa chevelure brune. Elle ne savait plus même où elle était. Se trouvait-elle dans le bâtiment Est, Ouest, ou même au Nord ? Elle ne se souvenait plus des chemins qu’elle avait empruntés, ni même du nombre d’escaliers qu’elle avait parcouru.
Ce sujet-ci faisait d’ailleurs polémique entre la jeune femme et son Alter Ego Astral. Alors que le raisonnable Sylver avait enregistré chacun de leurs déplacements, et estimait se trouver au 2eme étage, la succube affirmait être au sous-sol, et comptait bien rester sur cet avis.
Elle ne fit pas attention aux miroirs qui l’entourant, trop concentrée sur son compagnon aussi têtu qu’elle qui maintenait qu’elle avait tord et qu’elle devrait l’écouter plutôt que se fier à elle-même seulement.
D’un élan de fierté, elle demanda à son AEA de quitter ses cheveux, qu’elle puisse dignement revendiquer son point de vue, sans que son adversaire ait le loisir de se promener gaiment parmi sa crinière bleutée. Celui-ci s’accrocha alors désespérément au T-shirt de la jeune femme, espérant qu’ainsi elle aurait un peu de pitié pour ses pauvres petites pattes fragiles, qui souffrirait terriblement de suivre le rythme de marche soutenu de la vampirette.

Sylver ! Je t’ai dit de partir ! Tu peux bien marcher seul !! Et puis, je ne suis ni ton carrosse, ni un quelconque moyen de transport ! Si tu ne veux pas descendre maintenant, je vais me fâcher, et puis je ne partagerais plus mes radis nocturnes avec toi !
Luna, je t’ai déjà dit qu’il n’y avait pas de radis nocturnes ici. Et puis tu es une tête de mule, il faut bien quelqu’un pour te raisonner !

Après un soupir d’exaspération certaine et une colère contenue, Luna gonfla ses joues et croisa les bras. Son AEA l’agaçait, pour une fois. Mais pour qui se prenait-il ?

Tu m’énerve ! Je veux plus te voir !

Et joignant le geste à la parole, elle retira son T-shirt, le jetant à terre, Sylver avec, et continua son chemin, laissant la pauvre salamandre désemparer se débattre avec le large tissu.

Luna ! Attends !

Elle n’écoutait déjà plus, lointaine. Elle marcha un moment parmi les miroirs, puis s’arrêta devant l’un d’eux. Se rendant à peine compte de toute la surface de peau qu’elle laissait découverte, elle s’empressa de vérifier que sa tâche de naissance due à son sang mêlé était bien camouflée par le peu de vêtement qu’elle arborait, ce qui était effectivement le cas, un soutien-gorge bleu nuit lui couvrant la poitrine. Elle soupira de soulagement, avant de remarquer la légère coupure sur son bras droit.

*Tiens, j’ai du passer trop près d’un miroir brisé… Je vais demander à Sylver s’il en a vu un par ici, et s’il ne s’est pas blessé lui aussi.*

Elle se retourna, cherchant son Alter Ego Astral des yeux.

Sylver, tu ne t’es pas fais mal ?...

Seul le silence lui répondit.

…Syl ? Où es-tu ?

Luna paniquait. Elle ne savait pas où elle était, où était Sylver, ce qu’elle devait faire. Le stress de perdre cet ami qu’elle venait de retrouver accélérait sa respiration et animait ses membres de discrets tremblements ? Elle n’avait jamais été très expressive, et là étaient les seuls témoins de l’énervement contenu dans son esprit déboussolé.
Elle ne faisait même plus attention à son environnement, et semblait pouvoir s’effondrer à chaque instant. La bouche entrouverte, dans le silence le plus total, ses lèvres formaient le nom de son AEA, sans avoir le courage de l’appeler à voix haute.
Où était-il ? Dans quel état ? Vivant… ? Ces questions avaient en elle l’effet d’une bombe, la terreur provoquant les tremblements constants de la jeune fille, jusqu’à ce qu’une présence inconnue coupe court ces sentiments désagréables. Une voix d’homme, ou plutôt de jeune homme, grave, profonde, apaisante, agréable détendit la succube.

Hum… C’est ton AEA ?

Luna leva ses yeux océan sur lui, scrutant par leur intermédiaire les profondeurs de l’âme de l’étranger face à elle. On disait que les yeux étaient les fenêtres de l’âme. Luna se dit que celui visible visible du jeune homme était bien mystérieux, mais ô combien magnifique… Un petit cri reptilien interrompit sa contemplation.

Luna ! Oh, je suis soulagé de te revoir !

Le regard de la vampirette passa alors sur la salamandre argentée dans les mains du jeune homme. Le visage de Luna s’égailla immédiatement d’un sourire rassuré. Un petit rire léger l’agita, la débarrassant de son malaise dû à l’absence de son ami.
Elle sourit au garçon, gentiment, le regard empli de gratitude.

Merci beaucoup. Je m’appelle Luna. Je cherchais des radis nocturnes, en fait… Et puis j’ai perdu Sylver.

La jeune fille joignit les mains dans son dos, regardant autour d’elle. Une petite bête poilue avec des ailes retint son attention, l’intrigant un peu, ne sachant comment définir la bestiole, ni lui donner une espèce en particulier. Son aspect étrange lui donna subitement envie de jouer avec, de l’étudier, et puis, finalement, de le disséquer pour voir ce qui pouvait bien se trouver dans une créature aussi bizarre. Oui, ce serait amusant, elle en était sure.
Elle désigna la petite boule de poils.

Ça a un nom ? C’est étrange… Et toi, tu as un nom ? Oh, et puis, il faut que je récupère Syl…

Ne prenant pas plus garde à la réponse du jeune homme, elle s’avança assez précipitamment vers lui, pressée de récupérer son compagnon d’enfermement, son ami de toujours. Calculant mal, pour ne pas dire pas du tout, sa trajectoire, elle se rendit compte une petite seconde avant de le heurter que la boule de poils croisée avec un piaf était en plein sur son chemin.
Luna sentit ensuite une résistance contre son pied lorsqu’elle frappa involontairement dedans, dans le prolongement de son mouvement pour récupérer son propre AEA, et entendit un gémissement de douleur, qui paraissait à s’en méprendre à un miaulement indigné. Par la suite, elle se sentit à peine tomber, et malgré qu’elle fût au sol, elle ne ressentit aucune douleur.
Après avoir recouvert ses esprits, elle se rendit compte que quelque chose appuyait contre sa poitrine, quelque chose de fort confortable, au contraire du sol ; mais aussi, qu’une main était retombée le long de ses hanches. Nullement gênée par cette position incongrue, elle songeait plutôt à la santé du pauvre garçon qui lui avait servit de matelas.

Ah ? Tu vas bien ?

Elle découvrit par la suite Sylver sonné un peu plus loin, et baissa la tête vers sa poitrine, découvrant ainsi que c’était effectivement le malheureux jeune homme qu’elle écrasait.

Oups…

Luna hésita un moment entre se redresser, et suivre ainsi le comportement qu’aurait adopté n’importe quelle fille dans cette situation où sa jupe risquait à tout moment de dévoiler ses sous-vêtements par un mouvement malencontreux, ou alors de rester simplement allongée sur le jeune homme, la position étant fort confortable. Elle opta vite pour la seconde solution, son comportement habituel étant, rappelons le, bien loin de celui habituel des filles de son âge.
Se prélassant sur le confortable matelas que lui offrait le blondinet, elle s’étira lentement, blottissant son visage encadré de ses cheveux aux reflets bleus dans le cou du jeune homme tétanisé et resta ainsi un moment, à respirer l’odeur corporel du garçon à pleins poumons.

Hum… Tu sens bon…

S’il avait été conscient, Sylver aurait à coup sur réprimandé la jeune femme pour son manque de tenue et son attitude si osée. Seulement, il n’y avait rien dans le comportement de Luna de pervers ou de tordu, seulement l’innocence de l’enfance encore gravée dans ses yeux bleus, et ses actions relevaient seulement du domaine de ce qu’elle voulait et ce dont elle avait besoin, et non pas ce que les autres devraient en penser ou interpréter. Il en avait toujours été ainsi pour elle, et si elle gardait une façade qui pourrait paraitre plus ou moins correcte parfois, c’était seulement sous les menaces insistantes de Sylver ou d’une autre personne influente sur elle.
La vampirette eu soudaine une profonde envie de sang, irrésistible. Il était tout près d’elle, palpitant, coulant à flot dans les veines du jeune homme sous elle. Ce désir soudain la fit se blottir un peu plus contre le jeune homme, dévoilant ses crocs acérés, qui effleuraient la tendre chair de son cou. Se rendant enfin compte que c’aurait été fort malpolis de le mordre sans lui en avoir demandé la permission avant et sans le connaitre plus qu’en temps que « Ral… », Luna se ravisa et rangea ses dangereux crocs derrière ses adorables lèvres faisant la moue.
Reportant son attention sur le visage du jeune homme, elle le fixa longuement, comme pour découvrir ainsi qui il était. Son regard passa sur son unique œil visible, le long de sa joue, sur son cou si tentant, puis remonta sur la mèche de ses cheveux qui cachait son deuxième œil. Elle glissa une de ses mains sur la joue du jeune homme, curieuse de voir ce que pouvait bien cacher cette mystérieuse mèche. Doucement, sa main remonta vers l’œil du garçon, sans précipitation, comme pour laisser au jeune homme l’occasion de protester, ou comme pour l’amadouer, le convaincre de la laisser faire.
Faisant durer le suspens, elle ne chercha pas de suite à découvrir ce que pouvait bien avoir à cacher le garçon. Elle sourit de manière innocente, presque enfantine, comme sourirait une petite fille qui aurait trouvé un adorable chaton pour lui tenir compagnie et qui trouverait là le moyen le plus génial de s’amuser, et de gentiment l’embêter, affectivement. Elle s’arrêta sur chaque expression du jeune homme, riant avec légèreté à chaque fois que la surprise se lisait sur le visage du pauvre garçon.

Eh, tu sais quoi ? Je crois que j’adore être avec toi ! Tu es tellement amusant !

La jeune femme mi-succube mi-vampire s’était retrouvée assise devant le jeune homme à l’AEA bizarre. Un silence bien vite l’accueillit alors qu’elle se demandait comment était-elle passée du stade « allongée sur ce confortable coussin géant qu’était le garçon » à « assise sur le sol dur et plus à l’écart du garçon ». Elle posa ses yeux clairs sur le garçon, se demandant ce qu’il pouvait bien penser, ce qu’il était, ce qu’il ferait. Luna jeta un rapide coup d’œil à la boule de poils qu’elle avait quelque peu écrasée, celle-ci gisant à quelques pas.
Un fantôme blanc, vaporeux, se dressa soudain devant elle. Elle suivit le spectre des yeux, celui-ci s’approchant lentement. Elle ne capta pas le regard du jeune homme à ses côtés, guidant l’esprit vers eux. La jeune succube était envoûtée par le balancement irrégulier du tissu blanc. Celui-ci flottait à côté d’elle désormais, provocant un visage ébahi chez la jeune fille.
La vampirette aux formes généreuses reconnu enfin son t-shirt laissé négligemment en même temps que Sylver vers l’entrée de la salle des miroirs. Elle eut un sourire enfantin, comme celui d’un bambin à qui on aurait tendu une confiserie. Elle eut à peine le temps de tendre le bras vers le tissu que l’éclairage déjà peu sophistiqué disparut totalement à la vue de Luna. Elle eut un léger sursaut, et un moment de flottement avant de se rendre compte que ce n’était pas la lumière qui s’était éteinte, mais bien le tissu qui était venu se loger sur sa tête.
Elle ôta donc le fantôme de son visage et entreprit d’enfiler le t-shirt afin de couvrir son corps voluptueux, pas par pudeur mais par respect de ce que Sylver aurait dit s’il avait été conscient. Et puis, même si ses sous-vêtements étaient très jolis, elle craignait de dévoiler par erreur sa tâche de naissance en s’agitant comme elle avait l’habitude de le faire.
À cette idée, la sang-mêlée eut un frisson de dégoût. Non, ce ne devait jamais arriver, jamais… Elle ne savait pas ce qu’elle ferait alors, fondrait-elle en larmes ? Voudrait-elle, par un lunatisme très violent, éliminer l’impudent qui aurait osé contempler la honteuse tâche brune qui s’étalait sur la zone autour de son cœur ? Se laisserait-elle mourir de honte ? C’était encore pour elle une douloureuse question sons réponse, l’idée même la répugnait.
Luna se leva, faisant quelques pas autour du garçon pour se calmer. Elle soupira, alla chercher son Alter Ego Astral inconscient et le caressa dans sa main. La jeune fille lui parla, d'une voix douce, suave, d’une gentillesse inouïe. Elle le réveilla enfin en continuant de l’appeler par son prénom, avec le sourire d’une mère berçant son enfant, ou d’une petite fille veillant sa mère malade. Elle rit avec l’innocence d’une fillette lorsque Sylver ouvrit un œil, encore dans le cirage. Elle replaça la salamandre argentée dans ses cheveux, joyeusement.
Et puis, la vampirette eut un léger vertige, son ventre cria famine. Elle ne s’en était pas aussi bien rendu compte jusque là, mais la faim lui tiraillait les entrailles. Elle n’avait pas mangé selon ses envies depuis longtemps, et ce manque se faisait désormais fortement ressentir. La sang-mêlé devait se nourrir, après tout… Luna rêvait de sang encore chaud, mais dans son état, même congelé, le liquide pourpre aurait atténué la pâleur qui s’installait sur son visage.
Elle fixa intensément le garçon, imaginant le sang du jeune homme se déversant dans sa bouche pour étancher sa soif dévorante. Sa voix se faisant plus douce encore, et dévoilant ses crocs avides, ses tremblantes d’excitation, elle s’adressa à son potentiel repas :

Dis… Tu me laisses boire ton sang ?