Où le hasard nous conduit.~ [Pumpkin Clearweather]

Hans soupira en passant sa main sur le piano. Il n'avait jamais su en jouer et, pour être tout à fait honnête, n'en avait même jamais vu ressemblant à celui-ci. Celui qui trônait dans la salle de musique du lycée, songea-t-il avec une pointe d'ironie, ne tenait franchement pas la comparaison. Au moins cet endroit, un salon de toute évidence, était-il plus agréable que ce qui lui avait été donné de voir dans cet étrange pensionnat. Un pensionnat... Les quelques mots placardés à l'entrée lui revinrent brusquement en mémoire, chassant le fantôme de plénitude qui avait réussi à s'installer en lui en entrant dans la pièce. Rien de tout ça ne tenait debout. Et pourtant, il était là, bel et bien présent dans cet étrange bâtiment. Même en rêve, il n'aurait pas imaginé un endroit pareil; et ça faisait longtemps qu'il ne faisait plus ce genre de cauchemar. Il n'était là que depuis quelques heures à peine; le sentiment d'urgence qui lui avait donné envie de s'enfuir en courant de ces lieux, de prime abord, semblait avoir définitivement disparu pour laisser place à une certaine langueur. Son sac sur l'épaule, il avait avancé, croisé des gens sans pour autant oser leur parler. Lui qui tenait tant à tout savoir, il n'avait même pas été fichu de dire un mot! D'un autre côté, pour demander quoi? 'Salut, je m'appelle Hans, je suis entré sans faire exprès dans cette baraque, la sortie s'il-vous-plait'? C'était d'un ridicule... Ses pas avaient fini par le guider vers un couloir ou s'alignaient des portes où figuraient des noms. En découvrant le sien -qu'il n'avait communiqué à personne, ici, ce qui rendait la chose moins plausible encore-, il en avait franchi le seuil. En avait déduit, premièrement: qu'il s'agissait d'une chambre. Deuxièmement: qu'il n'y était pas seul. A son plus grand déplaisir, troisièmement, qu'aucun des autres occupants ne semblaient être là. Le jeune homme aux cheveux blonds aurait pu y déposer le sac dont la lanière lui sciait l'épaule, mais n'avait pu s'y résoudre: tout ce qu'il possédait était dedans. Tout ce à quoi il tenait. Au moins, bien qu'ayant été pris au dépourvu, avait-il toutes ses affaires; c'était une bien maigre consolation, mais c'était aussi mieux que rien. Et si quelqu'un lui indiquait la sortie -même s'il n'y croyait plus, désabusé qu'il était- il n'aurait pas à faire un crochet par cette stupide chambre dont il ne voulait pas.

Comme d'habitude, il avait droit à 'juste un peu plus que rien du tout'. Génial.

C'était donc après avoir fait demi-tour, qu'il avait à nouveau laissé le hasard guider ses pas. Il ne savait pas vers où, vraiment. Avec un peu de chance, il tomberait sur une pièce normale, s'était-il dit. Avec des gens normaux ou, mieux, assez malades pour être restés ici assez longtemps pour avoir quelque chose à lui expliquer. Mieux encore, autre chose qu'un groupe de personnes habillées tel un jour de mardi-gras, parlant en petits groupes de trois ou quatre dans lesquels Hans ne se sentait pas l'envie de s'immiscer. Résultat: il se retrouvait dans ce luxueux salon, face à un piano qui n'avait rien à envier au reste de l'endroit, et vide. Désespérément vide. Rien, que dalle, personne. A en juger par la lumière dehors, il estimait qu'ils étaient... Oh, l'après-midi, mais de là à savoir quand... Ce n'était clairement pas à Berlin qu'ils étaient, aussi ne savait-il pas si les horaires étaient les mêmes que dans son Allemagne natale. Au revoir, portable, tu ne pourras indiquer la bonne heure que quand j'aurais trouvé une fichue pendule... Ou une horloge. Mais vu le décor, il penchait plutôt pour la première option. Il ne faisait pas froid, mais il avait gardé sa veste noire, ses mitaines. Cet endroit ne lui donnait juste pas envie du tout de se mettre à l'aise, bien qu'étant très agréable.

Il se laissa tomber sur un siège, y déposant son sac au préalable, le tout avec toute la grâce qui le caractérisait... A savoir, aucune. Il ne releva la tête que lorsque la calme musique apaisante qui résonnait dans ses oreilles laissa place à une autre, peut-être plus joyeuse, plus rythmée en tout c... Roh, mais ça devenait agaçant, à la fin! Hans jeta un énième coup d'œil autour de lui, et ne trouva pas plus d'enceintes qu'ailleurs. Et pourtant, il était certain d'entendre une fichue musique!

Il se redressa sans se relever pour autant, et posa son regard bleu sur la porte, qui ne tarda pas à s'ouvrir. Allez, qui allait entrer? Au moins, cette question-ci trouverait rapidement une réponse...