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 Appétit rassasié [Terminé]

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Appétit rassasié [Terminé] _
MessageSujet: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeVen 18 Mar 2011 - 16:52

Cuisines.
Qui dit cuisines dit nourriture, n'est-ce pas ?
Il faut croire que non. Kaas Se'Ban l'affamée, Kaas Se'Ban la presque-morte de famine, Kaas Se'Ban l'horrible trou à la place de l'estomac était tombée dans la seule cuisine du monde sans nourriture. Il y avait des cubes bizarres et creux avec des boutons bizarres et pleins, des portes derrière lesquelles il faisait froid et d'autres derrière lesquelles il faisait chaud, du feu bleu qui brûlait sur des plaques, des tubes en métal luisants et humides, et d'autres choses étranges -mais rien qui ressemble à ce qu'on trouvait dans son auberge. Pas de petits pains aux amandes, pas d'œufs, pas de fruits, pas de fromages, de viande ou de poisson, de pots de confiture, d'oignons ou d'épluchures : la seule chose comestible dans la pièce était le cuir de ses chaussures élimées et Amme.

- Tu serais prête à me manger ?
s'écria le fennec de sa voix stridente et nasillarde.

L'adolescente ne lui répondit pas. Sa désillusion se transformait en peur. Elle était prisonnière ! Et s'il n'y avait rien à manger ? Si elle était condamnée, finalement, à continuer de mourir de faim ? Et si, en fait, le pessimisme de la fille qui avait écrit le message dans l'entrée était justifié ? Si les autres pensionnaires étaient fous, cruels, criminels ? La panique la serrait dans un étau dominé par-dessus tout par l'énorme manque qu'elle sentait en elle. Cette faim habituelle mais si douloureuse. Elle balaya une fois de plus la pièce des yeux. Les couteaux suspendus aux murs et les casseroles entassées dans un coin affirmaient pourtant qu'il devait y avoir à manger ici... Il devait y avoir à manger ici. Pour la troisième fois, Kaas ouvrit la porte-à-froid et en observa le contenu, suspicieuse. Elle en extirpa une espèce de boîte très petite et flexible en fronçant les sourcils. Il y avait un dessin de fraise sur le dessus, et la mention "yaourt" sur le côté. Qu'est-ce que ça pouvait bien être ? Une fraise... Bon. Ça devait être mangeable. Toujours sur ses gardes, elle entreprit de retirer l'étrange papier qui fermait la boîte. L'intérieur était une purée rosâtre plus liquide que la compote, mais assez consistante. Peu importe d'ailleurs. L'odeur... L'odeur qui montait à ses narines était purement merveilleuse. Pas exactement de la fraise, mais presque. Sans plus réfléchir, elle renversa le récipient bizarre vers sa bouche et avala tout le "yaourt" à la fraise d'un coup. C'était bon. Non, c'était plus que ça, c'était la plus merveilleuse chose du monde, quelque chose qui lui redonnait vie, enfin un goût sur ses papilles, de la nourriture dans son ventre, de la pure magie, un délice. Elle prit un second "yaourt" derrière la porte-à-froid, l'ouvrit à nouveau et le dévora tout aussi avidement. Ananas. Un troisième yaourt, un quatrième, un cinquième. Elle ne s'arrêta que lorsqu'il n'y en eut plus, à bout de souffle, à peine rassasiée, les jambes flanchant sous elle, la tête tournante, un sourire béat au visage.

Putain que ça fait du bien...


Voyant qu'Amme la regardait avec une certaine inquiétude, elle le rassura d'un signe de tête et s'assit contre des placards vides. Sa faim légèrement apaisée, la fatigue reprit le relais. Elle avait envie de dormir. Ensuite elle mangerait. Puis elle mangerait encore. Et après elle aurait enfin l'esprit clair et elle pourrait réfléchir à ce Pensionnat bizarre et à ces Pensionnaires.

- Je ne sais pas si c'est une bonne idée de...
- Tais-toi, ordonna-t-elle au fennec. Je vais juste faire une petite sieste, que veux-tu qu'il m'arrive ?
- Je ne sais pas. Des choses bizarres, je suppose.
- Je ne me rappelle pas t'avoir fait si anxieux, non ? Vois les choses du bon côté !
- J'aimerais bien...

Kaas haussa les épaules et ferma les yeux, la tête contre le placard. Déjà une douce torpeur l'enveloppait. Inquiet, Amme se tourna vers la porte et guetta quelqu'un. Puis le sommeil emporta l'adolescente...

[à l'éventuel répondeur, désolée si ce n'est pas très très long, je n'étais pas super insipirée --']
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Hans Hackermann
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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeSam 19 Mar 2011 - 15:40

Ce n'était pas en s'affamant qu'il allait trouver un moyen de sortir, ni quoi que ce soit d'autre d'ailleurs. Telle était la conclusion à laquelle Hans était arrivé, et ce dès le lendemain de son arrivée dans l'étrange bâtisse. Ça faisait maintenant trois jours et, pour être honnête, il n'avait pas beaucoup avancé. Son investigation restait au point mort, et chaque amorce de pas en avant était soldée d'une cuisante désillusion. Ce n'était pas faute d'avoir essayé à maintes reprises d'ouvrir la porte principale, ni même d'en avoir emprunté d'autres, pourtant... Aucune ne semblait communiquer avec l'extérieur, point final. Et si son portable n'avait pas rendu l'âme, le réseau jouait à l'Arlésienne et le rendait complètement inutile sur ce coup-là. Ce genre de scénario typique avait conduit le jeune homme à s'attendre à ce qu'une bête immonde lui saute dessus à chaque coin de couloir, et vu l'apparence de certains 'pensionnaires', il avouait avoir plusieurs fois cru sa dernière heure arrivée. Se rendant compte qu'avancer à l'aveuglette, sans but précis, ne l'avancerait strictement à rien, il avait cherché quelque chose à faire; n'avait malheureusement pas trouvé grand-chose. Tout ce qu'il savait était qu'ici, personne ne savait que dalle et que sa propre ignorance n'avait rien d'unique, d'étonnant. Qu'il n'était pas en Allemagne. Que le propriétaire de l'endroit devait disposer de moyens faramineux pour créer une pareille mise en scène et engager autant d'acteurs -parce qu'évidemment, certains individus ici, avec leurs oreilles pointues, leurs yeux étranges, leurs manières de parler et leurs récits fantaisistes, ne faisaient pas illusion deux secondes, même s'ils devaient être sacrément doués pour avoir l'air aussi convaincus de ce qu'ils racontaient...

L'idée de dresser un plan du pensionnat lui était passée par la tête; mais avant ça, il devait avoir une connaissance, fut-elle sommaire, de la disposition des lieux. C'était tout naturellement vers des endroits dits 'stratégiques' qu'il s'était d'abord dirigé: les chambres, une tour, les cuisines, le parc, et cette forêt qui l'intriguait tant mais dans laquelle il n'avait pas osé entrer. Les cuisines, donc, se dit-il alors. Jusqu'ici, il n'avait touché qu'à la nourriture qu'il avait stockée dans son sac avant son départ de chez lui: chips et autres gâteaux avaient au moins le mérite de ne nécessiter aucune préparation. Et au moins était-il certains qu'aucun poison n'avait été glissé dedans à son insu... Enfin, toujours était-il que les meilleures choses avaient une fin, et qu'il avait fini par épuiser ces quelques maigres réserves. Un bref passage dans cette pièce s'était alors imposé comme indispensable.

Le blond passa le seuil de la porte et retira ses écouteurs, fourrant au passage son baladeur dans la poche de sa veste noire. Ouais, au moins, avec une cuisine aussi sale et mal rangée, il n'avait pas de quoi se sentir trop dépaysé, songea-t-il avec cette ironie dont même cet environnement glauque n'avait pu lui permettre de s'affranchir. Déjà chez lui, il avait la très nette impression que ses parents ne s'embarrassaient à faire la vaisselle qu'un jour sur sept: force était de reconnaître qu'ici, ce n'était guère mieux. Il avisa un réfrigérateur sur le côté, un micro-ondes aussi. Et, pour une misérable fois dans sa vie, il se félicita d'être né dans une famille où on ne pensait à préparer quelque chose qu'une fois sur deux. Ou trois. Au moins n'était-il pas complètement étranger à leur usage, faute d'être un expert en la matière; ça pouvait toujours être utile, au cas probable quoique désespérant où son séjour ici s'éternise un peu plus que ce qu'il avait prévu à la base.

Il lui fallu une poignée de secondes pour se rendre compte qu'il n'était pas aussi seul qu'il l'avait cru. Son cœur manqua un battement et il sursauta lorsqu'il baissa les yeux, pour découvrir une jeune fille adossée à l'un des nombreux placards, les yeux clos. Et une bestiole qu'il ne connaissait ni d'Adam ni d'Ève à côté d'elle, qui ne ressemblait ni vraiment à un chien, ni vraiment à un chat, ni vraiment à n'importe quel animal connu. La demoiselle était mince -maigre même-, et avait des cheveux plus rouges que roux, une peau hâlée, et des paquets de yaourts non loin d'elle. Il ne s'approcha pas plus, restant à une prudente distance d'un peu plus d'un mètre de la fille et de son compagnon. Un bref coup d'œil par dessus son épaule lui assura que personne ne se trouvait derrière lui. Aussi stupide que ça puisse paraître, il pensa d'abord qu'elle était morte, et que manger quelque chose ici équivalait à un empoisonnement et un trépas dans d'atroces souffrances. Hans ne tarda toutefois pas à se rendre compte qu'elle respirait, sûrement endormie.

Putain. Il aurait jamais osé dormir au beau milieu d'une cuisine quand n'importe qui pouvait rentrer... Il fallait ou du cran, ou de la stupidité, ou un profond esprit de contradiction, ou être pire que crevé. Ou les quatre en même temps.

« Her, c'est pas un endroit pour dormir, putain! Tu m'as fait peur, merde! »

Ponctuer ses phrases de mots plus ou moins polis avait toujours été une habitude chez lui, mais rarement à ce point. C'était juste comme ça qu'il réagissait quand on le surprenait, le prenait au dépourvu. La politesse n'avait jamais vraiment été son truc, de toute façon...

« Tu te réveilles? »
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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeSam 19 Mar 2011 - 16:30

Des ébauches de rêve. Partent. Reviennent. Et puis repartent.
Je suis... Prisonnière ?
Une vague conscience, la fourrure d'Amme, le bois du placard, le carrelage froid, un arrière-goût de yaourt à la cerise. Demi-sommeil.
Je ne partirais jamais... Mais je vais vivre, non ?
Les pensées se tissent dans les songes. Remplies de doute, d'angoisse, de volonté d'y croire aussi. Vient le bruit de pas, le son d'une voix.
- Tu te réveilles ?

Kaas émergea dans un sursaut, se relevant d'un bond, cherchant instinctivement des yeux un chemin pour échapper aux bandits de Miyoda qui venaient de lui tomber dessus ; un fourré, un buisson, un sentier, quelque chose, n'importe quoi. Fuir. Mais elle ne vit qu'un sol sale, une table et d'étranges engins. Ah, oui. Le Pensionnat. La cuisine. Le miracle. Qui avait parlé dans ce cas ? Elle se tourna vers le jeune homme face à elle, le dévisagea un instant. Il était blond, pas trop grand, très mince mais pas maigre -comme épargné par la famine. Ses habits étaient étranges, surtout ses chaussures, et il portait des gants troués aux mains. Il devait venir du continent. Mais comment s'était-il retrouvé derrière le volcan ? Elle jeta un coup d'œil au fennec qui se blottissait contre ses jambes, anxieux, puis regarda à nouveau l'étranger. Sa peau était très pâle, il y avait des cernes sous ses yeux bleu foncé. C'était loin des teints hâlés et des cheveux foncés qu'elle connaissait. Un océan justifiait-il cela ? Oui, sans doute. Mais un autre je-ne-sais-quoi clochait. Cet espèce de pull informe, en quoi était-il fait ? Intriguée, Kaas finit par conclure qu'elle en apprendrait plus en parlant, et se présenta avec un sourire qu'elle espérait ouvert :

- Je suis Se'Ban Kaas. Je viens de Miyoda.

Il ne répondit pas tout de suite. Elle sauta sur l'occasion pour poursuivre, prenant plus d'assurance au fur et à mesure que les mots sortaient de sa bouche :

- Cet endroit a l'air merveilleux. Tu devrais manger, toi aussi. Je ne sais pas ce que c'est mais c'est délicieux. Tu viens du continent, c'est ça ? Tu dois être heureux d'échapper à la guerre ! A moins que tu ne sois là depuis longtemps ? Tu sais s'il y a des jardins ?

Jardins. Un autre problème qu'elle n'avait pas envisagé et qui lui sautait soudain aux yeux. Même si la liberté est un moindre prix pour Amme, la vie éternelle, la nourriture, Kaas doutait de garder son enthousiasme sans vent et sans soleil. L'île était petite et limitée, c'était un fait ; mais ce n'était pas non plus une cellule. Elle passa une main inquiète dans ses cheveux.

- Tu vois, je t'avais dit de ne pas te réjouir trop vite..., grogna Amme en voyant son anxiété.

L'adolescente haussa les épaules, mais elle devait admettre que faire une pause et surtout se rassasier l'avait rendue plus lucide -une lucidité dont elle se serait bien passée. L'euphorie des premiers instants passés, elle regrettait son manque de prévoyance. Cela n'empêchait pas les avantages d'exister ! Elle n'allait pas perdre courage ni optimisme. Pourquoi donc l'aurait-elle fait ? Alors que la vie recommençait pour elle ? Dehors, elle avait tout perdu. Elle aurait pu regretter sa mère mais elle était morte depuis trois mois. L'auberge aurait dû lui manquer, cependant c'était devenu un lieu infâme, débauché, insalubre. Elle n'avait rien perdu. Et par contre, elle avait gagné beaucoup : nourriture, sécurité, bout d'enfance perdu jusqu'alors, pouvoir d'après le panneau... Pourquoi cette angoisse ne la quittait-elle pas ? C'était l'étranger qui la mettait mal à l'aise, sans doute. Ou la porte-à-froid, le cube creux... Des choses étranges et jamais vues, peut-être ensorcelées. La magie finit toujours par se retourner contre vous, n'était-ce pas ce qu'on disait dans les légendes ? Peut-être que même Amme finirait par représenter un danger ! Un élan de peur superstitieuse et, brutalement, elle sut ce qu'elle avait à faire. Le Pensionnat était entré dans sa vie pour la sauver. Ce n'était pas pour rien : on avait besoin d'elle. Elle devait payer sa dette, porter secours aux autres pensionnaires. Un but. Une flamme. Kaas avait encore un goût de fruit sur la langue, et elle ne s'était pas sentie aussi vivante depuis longtemps. Son sourire s'élargit face à l'inconnu blond, elle chassa son inquiétude injustifiée comme le vent chasse les nuages, ignora la mine sombre de son fennec et ajouta enfin :

- Je suis stupide, je ne t'ai même pas demandé qui tu étais.


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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeSam 19 Mar 2011 - 18:44

D'accord, il n'avait jamais été un génie en géographie, il voulait bien le croire. Peut-être que ses connaissances se limitaient aux pays limitrophes au sien, il ne cherchait pas même à le nier, et son ignorance plus qu'évidente s'était plus d'une fois reflétée au travers de ses notes catastrophiques -quand il se présentait seulement le jour des examens. Oui, il lui était arrivé de confondre Mexique et Brésil, Océanie et Australie, voire même Moldavie et Turquie. A quoi bon prétendre le contraire? Il n'en avait pas honte et assumait pleinement son échec plus que total dans cette matière inutile au demeurant, s'en vantait presque à vrai dire. Et jamais, ô grand jamais Hans n'aurait pensé regretter autant, pour la deuxième fois en trois jours, de ne pas avoir prêté attention à grand chose d'autre que le vol des mouches quand cette espèce de crâne d'œuf leur parlait de terres lointaines dont il ne pensait jamais plus entendre parler en dehors de la salle de classe, et dont il ne verrait la plus petite motte de terre. Il avait presque envie de s'excuser platement pour toutes ces pensées, toutes ces virulentes critiques qu'il n'avait pas arrêté de songer à son égard! Merde, à la fin, ce n'était pas comme s'il avait pu prévoir qu'il serait un jour enfermé dans un pensionnat plus hermétique qu'une cellule de quarantaine ou l'immeuble de rec! Kaas Se'Ban? C'était quoi, africain? Pas allemand, pas anglais, sûrement pas français non plus. Et Miyoda, alors? Une île perdue au fin fond de l'océan Indien? Du pacifique? Une ville paumée du Missouri? En Europe, en Amérique? Ce nom pouvait sonner japonais, mais pas celui de la fille; et puis, même si Hans n'était pas un fervent adepte de ces clichés à la vie dure, elle ne ressemblait pas vraiment à l'idée qu'il se faisait des nippons, habitants de ce lointain archipel. Il n'en avait en tout cas jamais entendu parler, mais cela n'avait rien d'étonnant: un narcoleptique aurait moins bullé en cours que lui, c'était dire. Après quelques brefs instants de réflexion, il se laissa aller à penser qu'elle était originaire d'un pays du sud, quelque chose de cet acabit en tout cas: sa peau bronzée rayait de suite les pays comme la Russie ou l'Alaska de la liste. Sans bien savoir pourquoi, il penchait pour une île africaine qui, avec un peu de chance, ne serait pas répertoriée. Au moins l'honneur serait-il sauf si pas un seul pauvre hère de ce monde n'était sensé comprendre ce dont elle parlait. Ç'aurait été rassurant, dans une certaine mesure, de se dire que pour une fois, l'absence de réponse à ses questions était normale.

- Cet endroit a l'air merveilleux. Tu devrais manger, toi aussi. Je ne sais pas ce que c'est mais c'est délicieux. Tu viens du continent, c'est ça ? Tu dois être heureux d'échapper à la guerre ! A moins que tu ne sois là depuis longtemps ? Tu sais s'il y a des jardins ?

A entendre le début de sa phrase, il ne put retenir un haussement de sourcils. Merveilleux? C'était atroce, oui! Enfermés ici, sans qu'ils aient leur mot à dire, sans qu'on leur ai rien demandé! Comme s'il avait eu besoin de ça! Le luxe apparent l'avait d'abord impressionné, certes, mais les couches de poussières et le tas d'ustensile sur cette table, par exemple, montraient un certain abandon. Un je-m'en-foutisme qui ne lui était pas étranger; le même désordre régnait en maître dans sa chambre. Jusqu'à ce qu'il décide de tout caser dans un sac et de s'en aller. Mais pas pour atterrir ici, merde! Quant aux yaourts, il ne voyait vraiment pas ce qu'il y avait de 'merveilleux' à ça, et plus que le reste, cette remarque eut le don de le laisser perplexe. Un dessert comme un autre, pas de quoi en faire une affaire d'état, si?

Au moins l'hypothèse d'une île était-elle validée. On ne parlait pas de 'continent' quand on ne venait pas d'un endroit comme ça; c'était évident. Une île en guerre, sans doute. Guerre dont il ne savait pas plus de choses que le reste: en Allemagne, il n'y en avait pas eu depuis 1945. Et ils n'avaient pas parlé de conflits important et urgent aux infos: d'où est-ce qu'elle pouvait venir, qui soit à ce point perdu au milieu de nulle part pour que personne ne s'y intéresse?

La mine inquiète de Kaas, puisque tel était son nom, fut soulignée d'une phrase de son animal étrange -typique de sa région, peut-être, mais pas quelque chose de notoirement connu. Il ne comprenait rien, mais c'était presque devenu une habitude, depuis quelques jours...

- Je suis stupide, je ne t'ai même pas demandé qui tu étais.

Hans sortit des pensées dans lesquelles il s'était plongé, et jugea que s'enterrer dans un mutisme sans fin ne lui serait d'aucune aide. Elle n'avait pas l'air méchante, non?

« Hans. Je m'appelle Hans. Et je ne vois pas ce que tu... Enfin, je crois pas qu'on vienne du même coin, j'ai jamais entendu parler de... Mi... Mijoda, enfin bref. Y a pas de guerre chez moi. »

Il désigna d'un geste du menton les yaourts vides à côté de son interlocutrice, et reprit:

« Y en avait déjà, par contre. Et y a des jardins, enfin, une sorte de parc, avec un lac et tout ce qui va avec. Ça t'arrive souvent de t'endormir dans les cuisines d'un endroit que tu connais pas, ou c'est une exception aujourd'hui? »

Il avait prononcé ces derniers mots avec un vague sourire, les mains dans les poches. Pour ne pas savoir s'il y avait des jardins, elle ne devait pas être là depuis bien longtemps. Elle ne pourrait rien li dire sur l'endroit, donc; mais ce n'était pas une raison suffisante pour qu'il se mette à la détester.
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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeDim 20 Mar 2011 - 9:24

On a parfois l'impression de ne pas venir du même monde que quelqu'un. Bien sûr, très souvent, ce n'est qu'une illusion ; la Terre est assez variée pour regrouper autant de gens différents que possible. Question de physique, de goûts, de perception de la vie, de situations politiques ou géographiques, la planète bleue brasse un nombre impressionnant de profils et pour trouver le dépaysement, changer de galaxie est inutile. Allez seulement faire un tour sur l'autre hémisphère ou derrière un océan, peut-être même dans un pays voisin, comme la Chine le serait avec la Russie de l'Ouest... Mais Kaas ne connaissait pas cela. Kaas venait de Morion, et même les histoires des nombreux voyageurs qui faisaient escale à Miyoda ne rapportaient jamais de grandes différences. Elle pouvait croire, bien sûr, qu'ils se trompaient ; qu'ils enjolivaient, qu'ils n'étaient jamais allés aussi loin, que l'alcool y était plus pour quelque chose que leur expédition. Elle était prête à admettre qu'elle était ignorante, qu'elle n'avait jamais vécu ailleurs que sur un petit carré de terre et que son horizon était barrée d'un côté par la mer et de l'autre par un volcan. Et elle parvenait tant bien que mal à accepter la blondeur et la pâleur de Hans, ses yeux bleus, ses habits bizarres, son prénom étrange. Mais ce qu'elle ne s'expliquait pas, c'était ses propos. Comment ne pas connaître Miyoda alors qu'on est dessus ? Parce que le Pensionnat était bel et bien sur son île ! Pourtant, il n'avait l'air ni idiot ni fou. Peut-être était-il simplement perdu, sous le choc de l'enfermement, ignorant ? Mais il connaissait ces "yaourts"... Enfin, d'où venait-il ? Elle assura avec une douceur un peu compatissante :

- Nous sommes à Miyoda. C'est là qu'ils ont construit ce... Pensionnat.

Puis elle ajouta, assez stupéfaite :

- Quelle terre a-t-elle bien pu être épargnée par la guerre ? C'est impossible.

Amme secoua la queue comme pour confirmer ses paroles. Même au fin fond de l'océan, on entendait les échos du gigantesque cataclysme. Oubliée et sans vivres, livrée aux bandits, l'île n'en connaissait pas moins un sort assez enviable. Là-bas, nul n'était épargné par les horreurs des soldats, les incendies et les faits d'armes. Lui, visiblement, si. Kaas le dévisagea un instant, mains dans les poches, petit sourire, son attitude lui paraissait plus encore étrangère que tout le reste. La guerre avait interdit la paresse, même la nonchalance... Si réellement il ne l'avait pas connue, que venait-il faire sur Miyoda ? C'était contradictoire. Elle commençait à perdre patience à force de n'y rien comprendre. Même la solution du temps, le fait qu'il n'ait pas connu la guerre parce qu'il était ici depuis longtemps par exemple, ne justifiait pas le fait qu'il ne sache pas le nom des lieux où il se trouvait ! Ni cette différence évidente de physique, d'habillement, de connaissances !

- Je ne dors pas souvent dans les cuisines, lâcha-t-elle. Mais après deux semaines presque sans rien manger... C'est tellement agréable, mais fatiguant. Et j'avais besoin de digérer. Mais tu sais sans doute où sont les chambres ?

La faim se faisait déjà ressentir. Cinq yaourts ne représentent pas un repas très consistant pour deux semaines sans manger, précédées de trois semaines de malnutrition. En attendant la réponse de Hans, elle ouvrit la porte-à-froid et chercha quelque chose d'autre qui derrière des dehors étranges aurait pu être comestible. Par miracle, elle tomba sur une boîte transparente où on apercevait ce qui pouvait s'apparenter à des tranches de lard. Du jambon. De la viande ! Elle commença à dévorer avidement des tranches, sans plus se soucier du blond, tandis que son fennec réclamait le gras avec impatience.

[yaaa, j'ai honte de mon post, je me suis même pas relue]

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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeDim 20 Mar 2011 - 11:44

Nous sommes à Miyoda. Cette simple affirmation avait, au fond, quelque chose de vraiment effrayant. Effrayant, et intriguant aussi. Durant une brève seconde, une seulement, l'intérêt de Hans avait été piqué au vif tandis qu'une vague d'espoir avait déferlé dans son esprit: c'était crédible, non? Ce paysage qui lui avait été donné de contempler, du haut de cette tour où il avait rencontré Rose, n'était clairement pas Berlin, pas plus que ses environs. Trop grand pour un parc, trop vert pour une ville, trop calme et lointain pour sembler réel. Cet endroit, s'était-il dit avec une certaine excitation -celle de posséder enfin, peut-être, une information que d'autres n'auraient pas-, aurait tout aussi bien pu s'appeler ainsi qu'il n'en aurait pas eu la moindre idée en y pénétrant. C'était plausible, non? Faute d'être un fait accompli, ça restait bien une hypothèse valable, n'est-ce pas? Que cet endroit soit une île oubliée de tous, où habiterait un vieil homme aussi riche que gâteux, dont la solitude et l'ennui auraient fait lâcher le dernier câble qui lui restait. Un fou qui, par un moyen auquel le blond ne préférait même pas penser, parvenait à enfermer les gens dans cet endroit glauque. Pour se distraire dans ses vieux jours, quand la mort l'avait oublié. Bien sûr, il n'y avait pas la plus petite trace de la mer: pas de vent chargé d'iode et de sel, pas le bruissement de vagues au large, pas d'odeur de poisson, pas de plage, rien. Mais certaines îles étaient étonnamment vaste, et parfois l'horizon bleu délimité par la mer n'était pas visible depuis le centre. Pour être honnête, Hans n'avait jamais mis à un pied à la plage, et si cela lui avait laissé un goût amer dans la bouche en été et aux rentrées scolaires, ça ne l'avait jamais vraiment marqué. Mais maintenant, songea-t-il, savoir à quoi ressemblait un paysage maritime sur autre chose qu'une carte postale aurait été utile.

Génial. Encore un truc qu'il devrait absolument faire en rentrant chez lui, juste 'au cas où'. Même s'il prêterait dorénavant une attention spéciale à toutes les portes, il le jurait.

Mais cette idée fut très vite réduite à l'état de constat bête et désolant, par une remarque faite plus tôt: la question des jardins. Elle était à peine arrivée. Et lui, qu'avait-il d'abord cru en entrant dans ce autoproclamé 'pensionnat'? Il avait pensé être à Berlin ou, faute de ça, en Allemagne. Bien sûr, il ne rejetait pas en bloc l'idée qu'ils soient bien à 'Mijorda', ou quelque chose comme ça, et que Kaas aie toujours vu le bâtiment sans oser y rentrer. Cette idée venait juste de perdre un peu de crédibilité... Et s'y accrocher comme un noyé à une planche de bois flottant ne ferait que le faire couler. Pourtant...

Hans eut un vague haussement d'épaule lorsque sont interlocutrice aux cheveux étranges déclara qu'aucune terre ne pouvait être épargnée par la guerre. Eh bien, de son point de vue, l'Amérique n'avait pas encore trop de soucis -à part ces vieux conflits qui duraient depuis il ne savait même plus combien de temps et desquels il ne se souciait que peu-, l'Australie ne faisait, comme toujours, pas parler d'elle, et l'Europe pour une fois, avait l'air d'aller plutôt bien. Il n'y avait que l'Afrique dont il ne se serait pas avancé à parler. Alors, elle venait d'une île au large de l'Afrique? Ou bien ils étaient là-bas, même si, à première vue, ça aurait voulu dire que la téléportation avait été inventée; vu l'endroit, peut-être que le vieux dirigeait un centre de recherche? Dans le genre idées bizarres... Enfin, c'était tout ce qui lui restait quand la logique ne faisait qu'entrer en contradiction avec ce que ses yeux voyaient. Il fallait savoir s'adapter. Merde, et lui qui avait toujours été nul pour ça...

- Je ne dors pas souvent dans les cuisines. Mais après deux semaines presque sans rien manger... C'est tellement agréable, mais fatiguant. Et j'avais besoin de digérer. Mais tu sais sans doute où sont les chambres ?

Hans ne chercha pas même à cacher son étonnement. Deux semaines? La seule pensée à peu près cohérente qui lui vint à l'esprit fut 'la vache'. Et c'était peu dire. Her, il ne devait pas y avoir beaucoup de cafés de là où elle venait... Plus d'une fois, il s'était couché sans avoir assez mangé, sans pouvoir aller se servir quoi que ce soit dans un placard, puisqu'à l'instar de son porte-feuille, ils restaient désespérément vides. Mais jamais, ô grand jamais pendant deux semaines! Au moins,ça expliquait sa maigreur. Puis, elle se jeta sur le jambon, en donnant des morceaux à son animal inconnu au bataillon. Hans mit quelques secondes à réagir, l'air toujours aussi médusé que plus tôt. Vive son beau pays! Au moins, même si tout n'était pas parfait, il n'en était pas réduit à s'extasier sur des yaourts et échapper vaille que vaille à une fichue guerre...

« Euh, ouais, en gros, dit-il après une courte hésitation. Et c'est quoi, tes histoires? Y a aucun continent qui soit en guerre. Pas depuis, quoi... Allez, 1945 pour moi. D'ailleurs, je vois même pas de quoi tu parles! Et putain, pourquoi t'as rien bouffé pendant deux semaines? »

Hans s'approcha, et attrapa, juste à côté de Kaas, une bouteille froide jusqu'ici entreposée dans le réfrigérateur. Bah, avec un peu de chance, ce serait buvable. Il ne l'ouvrit pas tout de suite: il devait mettre un point au clair avant ça. Juste... Pour être sûr.

« Her, Kaas, il ressemble à quoi, ton pays? »


[Je vois pas pourquoi, il est très bien, ton poste.O__O
Enfin, moi je trouve, mais on a souvent tendance à pas aimer ce qu'on écrit. Si ça te rassure, je t'assure qu'il est bien!^^]


Dernière édition par Hans Hackermann le Mer 23 Mar 2011 - 16:18, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeDim 20 Mar 2011 - 18:23

« Euh, ouais, en gros. Et c'est quoi, tes histoires? Y a aucun continent qui soit en guerre. Pas depuis, quoi... Allez, 1945 pour moi. D'ailleurs, je vois même pas de quoi tu parles! Et putain, pourquoi t'as rien bouffé pendant deux semaines? »

Hans avait parlé en prenant une bouteille dans la porte-à-froid. Kaas en ressentit une impression étrange, sans savoir pourquoi. Donc il buvait. Il était humain, il existait. Cette réalité lui fit courir un frisson bizarre sur l'échine. Ce type était tellement étrange, être à côté de lui en sachant qu'il s'agissait bel et bien d'un être vivant, c'était comme... Fréquenter un sorcier de légende. Pouvait-il lui faire du mal ? Non, elle secoua la tête. C'était vraiment absurde. D'un autre côté, ces paroles avaient de quoi rendre fou n'importe qui. On l'aurait cru tombé des étoiles ! Elle s'efforça d'expliquer en gardant son calme, une fois le jambon avalé :

- 1945 ? Je ne vois pas de quoi tu parles. Nous sommes dans la troisième dynastie lunaire depuis... Oh, bien avant ma naissance. Et je n'ai rien mangé parce que les bateaux sont en guerre ! Ils ne nous apportent plus de nourriture. Il n'y a pas vraiment de cultures ici, les bandits volent nos ressources et incendient les...

Elle s'interrompit. C'était presque comique. On aurait dit que trois galaxies les séparaient, mais c'était impossible, alors que faisait-elle à expliquer l'histoire, le présent et l'île à l'adolescent ? Il aurait dû les connaître ! Elle fronça les sourcils.

- C'est plutôt à moi de te demander comment est ton pays ! On dirait que tu viens de...

Là encore, elle ne finit pas sa phrase et secoua la tête avec incrédulité. Puis elle réfléchissait et moins elle comprenait. Elle se résigna à répondre, hésitante :

- Mon pays est... Une île, avec la mer, les collines... Les maisons sont disséminées çà et là, elles ont des murs blancs et des toits en chaume... Il y a un petit chemin jusqu'à la falaise... Là, on est près du volcan, toute la lave se répand dans la mer... Et... C'est vraiment absurde ! Pourquoi tu me le demandes alors qu'on y est ? Tu l'as bien vu avant d'entrer !

Kaas détestait ne pas comprendre. Elle détestait les situations qui lui échappaient, elle détestait ne plus savoir que penser, elle détestait ce dialogue de sourd-muet avec Hans. Ce lieu était étrange mais il n'en restait pas moins réel. Idem pour le blond. Par conséquent, si elle pensait assez "étrangement" pour entrer dans la logique des lieux, elle devrait comprendre la réalité. Quelle qu'elle soit. Et puis, autant dire les choses clairement, sinon ils ne s'en sortiraient pas. Elle s'adossa à un placard, croisa les bras, leva le menton et planta son regard dans les yeux bleus de l'adolescent, remplie de détermination. Elle devait comprendre les lieux. A quoi bon être sauvée pour devenir folle ? Il fallait saisir sa chance avant qu'elle ne se retourne contre elle ; la magie est dangereuse et le destin capricieux.

- Laisse-moi deviner. C'est encore quelque chose de ce Pensionnat, c'est ça ? lança-t-elle. On n'est pas à Miyoda... Pas plus que dans l'océan Jeram ?

Puis, même si elle préférait ignorer cette pensée, elle ajouta d'une voix hésitante en récapitulant les différences de Hans en pensée :

- Est-on seulement sur Morion ?

[T.T tu trouves ? pas moi, et celui-ci est encore pire --]
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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeMer 23 Mar 2011 - 17:14

Il n’avait jamais été un grand fan de livres ou de films fantastiques et, pourtant, il en reconnaissait ici le scénario. Invraisemblable, impossible, à la fois simple et compliqué, un parallèle à faire avec son propre univers, des noms aux accents exotiques et des lieux mystiques, dans des pays divisés par des guerres millénaires qu’un héros ferait bientôt cesser. A dire vrai, si Kaas lui avait parlé d’un tyran sanguinaire et de boules de feu en guise de flingues, Hans aurait juste hoché la tête et écouté avec sérieux. Parce que très honnêtement, il n’était plus à ça près. Troisième dynastie lunaire ? Qu’est-ce qu’elle lui chantait, exactement ? De la science-fiction, quelque chose de ce style ? Par pitié. A croire qu’ici, courir après le banal était comme s’évertuer à attraper de l’eau avec une passoire. Un résultat dérisoire pour des efforts passablement inutiles… Les bateaux utilisés pour le commerce et les navires de guerres n’étaient pas les mêmes, et c’était de son avis bien normal. Le ravitaillement par avion, de là où elle venait, ils ne connaissaient pas ? D’un côté, venant d’un pays où le temps se comptait en lune, le blond se surprit à ne pas trouver ça si inadapté, au final. Sans parler des bandits qui volaient et pillaient ; ce passage termina de l’achever, et il se crut tout bonnement dans le remake d’un navet cinématographique dont il avait oublié le nom. Des pirates, bientôt, peut-être ? Cette fille venait d’un livre, tout simplement, se dit-il.
Ou en tout cas, elle en avait l’air. Sauf qu’elle était là, bien réelle. A moins que lui aussi ne soit devenu fou ?

- Mon pays est... Une île, avec la mer, les collines... Les maisons sont disséminées çà et là, elles ont des murs blancs et des toits en chaume... Il y a un petit chemin jusqu'à la falaise... Là, on est près du volcan, toute la lave se répand dans la mer... Et... C'est vraiment absurde ! Pourquoi tu me le demandes alors qu'on y est ? Tu l'as bien vu avant d'entrer !

Un volcan et de la lave ? Avec la mer et des collines ? Un paysage qui ne lui disait franchement rien, une description qui ne collait pas à ce qu’il en avait vu. Il se serait souvenu d’un truc pareil, lui qui était tellement habitué aux maisons, aux boutiques et à la vieille pierre de Berlin. Un volcan ne lui aurait pas échappé, ça non… Pas plus que des maisons blanches au toit de chaume !

- Laisse-moi deviner. C'est encore quelque chose de ce Pensionnat, c'est ça ? On n'est pas à Miyoda... Pas plus que dans l'océan Jeram ? Est-on seulement sur Morion ?

Kaas s’était adossée à une étagère, bras croisés, mine résolue. Quelqu’un, se dit-il amèrement, qui ne devait pas avoir peur d’affronter la réalité. Même pas celle d’ici, quand lui, au fond, sentait toujours une peur insidieuse, dormant sous cette langueur qui s’était installée au fil des heures, des jours passant sans aucun succès. Miyoda ne lui disait rien. Pas plus que Jeram, d’ailleurs. Il se dressa une rapide liste mentale des mers qu’il connaissait : l’atlantique, quelque part près des États-Unis. Le pacifique, pas très loin. L’océan Indien, qui devait se situer près de l’Inde s’il se fiait à son nom. L’arctique, l’antarctique, aux pôles nord et sud –il ne se serait pas avancé à dire lequel était lequel. Il voyait la Manche, il voyait la méditerranée, mais ce n’étaient même pas des océans. Si Jeram existait, il ne figurait sur aucune carte qu’il avait pu voir au cours de sa vie. Morion évoquait pour l’Allemand de vagues souvenirs d’une constellation, dont le véritable nom ne devait même pas réellement être ça. Mais quelque chose approchant, sans doute, assez tout du moins pour l’y faire penser. Sur Terre. Dans le système solaire. Dans la voie lactée. Point final. Plus précis, il n’avait pas… Et encore, la présence de Kaas et ses dires le faisaient douter de ces quelques affirmations également.

Elle n’avait pas l’air d’être dingue, et lui ne l’était pas plus. Alors, forcément, il devait y avoir un problème quelque part.

« Je sais pas ce que c’est, Morion. Alors, te dire si on est dessus… Mais le paysage dehors ressemble pas vraiment à ce que t’as décrit. C’est plus, je sais pas… Y a pas de mer, pas de volcan. »

Il posa son regard sur la bouteille, la déboucha et soupira. C’était pas la peine. A trop chercher à comprendre, on finissait par s’embrouiller plus encore. Lui, il ne cherchait qu’à sortir. La compréhension, c’était optionnel, c’était accessoire. Il l’avait compris en arrivant ici.

« Chercher la logique ici, ça sert pas à grand-chose, à par devenir dingue, dit-il avec fatalité. Je viens de Berlin, mais j’imagine que ça te dit autant quelque chose que Morion pour moi… »

Il but une gorgée, et décréta le liquide buvable. Du jus d’il ne savait trop quoi, sans doute. Pensionnat de merde, vie de merde, et surtout, portes de merde, pensa-t-il. Au moins, la nourriture était passable… Super. Les joies simples, comme on disait… Quelle immense connerie. Ca, pour sûr, il n’aurait jamais pensé parler avec une fille aux cheveux rouges, enfermé dans un trou pareil. La vie était pleine de surprises. Pourquoi fallait-il alors toujours qu’il tombe sur les mauvaises ? Enfin, se reprit-il en regardant Kaas, pas tout le temps. Elle n’avait pas l’air d’un monstre assoiffé de sang, ni d’une fille méchante de toute manière. Ça aurait pu être pire. Une héroïne de roman de SF, c’était pas si mal, non, comme rencontre inopinée, songea-t-il avec un soupçon d'ironie.
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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeMer 23 Mar 2011 - 18:05

Kaas était vivante. Le reste, quelle importance ? L'extase de la vie, de la bouffe, de l'enfance ; Amme et le jambon. Il ne lui en aurait jamais fallut plus. Plus qu'un bout de désert et qu'un bout de viande. Un fennec et de quoi vivre, juste de quoi vivre. Vivre. Et peu importe le pensionnat, les gens étranges et l'enfermement à vie. Elle s'en fichait d'ici ou ailleurs. Elle se fichait de cette réalité ou d'une autre. Au fond, elle ne voulait pas partir, mais voulait-elle rester ? Au fond, elle voulait juste vivre. Il fallait un sol sous ses pieds, de l'air dans ses poumons, du soleil sur sa peau et de la fraise sur sa langue. Mais quoi de plus ? Une présence, peut-être, Amme suffisait. Rien d'autre. Rien d'autre. Tout le reste n'avait pas la moindre place dans sa vie. Les mots de Hans qui sonnaient dans le vide, qui sortaient de son sens, de son monde, de sa vérité, pourquoi y aurait-elle prêté attention ? Pourquoi l'absurdité de la situation lui aurait-elle fait obstacle tant que son cœur battait ? Mais son cœur ne battait pas. Son cœur ne battait pas.
L'existence éclate en même temps que les certitudes.
Et les certitudes, Kaas n'en avait plus.

Elle se croyait prête, elle ne l'avait jamais moins été. Ce voyage entre les dimensions, c'est comme si elle le faisait au moment où elle en prenait conscience. Elle n'était pas sur Morion. Pas de mer, pas de volcan. Berlin ? Pas de logique, non. Le monde autour d'elle n'avait plus d'équilibre et elle ne s'était jamais sentie aussi instable. Aussi proche du gouffre. C'est d'abord un vertige -une impression de chanceler, de tomber, et le placard dans son dos pour seul appui. Le choc et l'incrédulité passent vite, presque un éclair, à peine une marque sur le visage. Puis c'est la terreur déraisonnée, aussi absurde que le monde tout autour de vous. Elle vous prend aux tripes, vous bouffe de l'intérieur, brouille vos repères et réduit à néant votre oxygène. Vous tue. Kaas avait connu la Faim, elle connaissait la Peur ; la prochaine sur la liste, c'était la Folie sinon la Mort. Elle se sentait trembler. Un peu de sueur sur le front et beaucoup de compote dans les jambes. Les yeux rivés au visage pâle de Hans, à ses lèvres humides, la bouteille dévissée dans la main, nonchalant, indifférent, détaché, prêt à se résigner, prêt à abandonner la logique. Folle. Kaas comprenait si peu, si mal. Folle. Tout se déréglait, tout lui échappait. Folle. Néant de l'équilibre, néant du sens, néant de la raison et horrible paralysie. L'immobilité la gagnait toute entière, du corps à l'esprit, des pensées aux poumons. Elle n'arrivait pas à respirer. Les automatismes de son organisme semblaient s'être bloqués sur l'ordre de son cerveau déboussolé.
Je ne suis pas à Morion.
Je suis dans un endroit qui n'existe pas.
Je n'existe pas.

Kaas s'était crue sauvée : elle était perdue. Kaas s'était crue en vie : elle n'était même pas morte, elle avait juste disparu, juste effacée, juste réduite à rien. Il lui avait suffit de pousser une porte et c'était fini. Elle n'existait plus. C'était fini. Comment pouvait-elle manger ? Comment pouvait-elle parler ? Comment pouvait-elle regarder Hans, écouter ses paroles ? Elle n'était plus rien. Jamais les larmes n'avaient été aussi près de ses yeux. Comment avait-elle pu se réjouir de revoir Amme ? Amme n'avait jamais existé. Il était une illusion de son enfance. Elle devenait illusion, elle aussi. On aurait pu lui annoncer l'Apocalypse ou la fin du monde, ç'aurait été pareil -sauf que là c'était vrai, ça arrivait, en direct, elle était obligée d'y croire. Et comment pouvait-il rester si indifférent, celui qui lui annonçait qu'elle n'existait plus, qu'elle n'était qu'un spectre sans matière, tombé dans un trou noir ? Elle aurait pu avoir envie de le frapper : l'envie avait déserté son corps. Elle ne pouvait toujours pas reprendre son souffle. Juste la terreur qui peu à peu, perd de son intensité, se fond dans les muscles alourdis, pesante et inactive. Kaas n'avait même pas la force de nier. Elle savait que tout cela était réel. Elle ne pouvait rien changer. Des larmes d'impuissance, de désespoir, d'elle ne savait pas trop quoi perlaient à ses yeux. Elle aurait voulu sortir de cet état de paralysie, remonter le temps, tout changer, tout reprendre de zéro -sans famine, sans pensionnat.
Pourquoi moi ?

- Eh, réagis, tu vas t'asphyxier !

Il faut un déclencheur à tout. Amme, cet Amme qui n'avait jamais existé et qui était la preuve de son perte, fut ce déclencheur là. Une sorte de nouveau départ. De résolution. Ou un soupçon de vie, peut-être. Quitte à tuer l'équilibre, tuons la fatalité. Tuons-nous. Faim, Peur et puis ni Folie ni Mort. Mais Vengeance. Une haine dévorante, dévastatrice, de ces justices qui n'en sont pas. Kaas reprit enfin sa respiration, saisit le fennec et s'approcha de Hans. Là, elle se planta face à lui, les yeux rivés dans les siens. Et murmura dans un grondement sourd, menaçant, celui qu'elle avait appris à calquer sur les prédateurs de l'île qu'on lui avait enlevé :

- Qui sont les fils de pute qui nous ont enfermé ?

Ils m'ont pris ma réalité.
Je vais m'en construire une.


[miracle, je suis trop contente de ce que j'ai écrit \o/]

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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeSam 26 Mar 2011 - 15:02

Elle avait envie de pleurer, non ? Les larmes qui perlaient à ses yeux ne pouvaient pas signifier autre chose. Hans déporta son regard vers le sol, comme gêné d’avoir été, quelque part, la cause d’une pareille détresse, d’avoir été celui à lui annoncer une nouvelle aussi déstabilisante d’une façon si cruelle et directe. Te torture pas, se dit-il, ça servirait à quoi ? Tu aurais pu faire autrement, peut-être ? Tu aurais dû lui dire que tu venais de son pays étrange, t’aurais dû lui mentir et partir dans un délire mythomane pour qu’elle se sente bien ? T’aurais dû prendre le risque ? Non. Parce que quelque part, on ne pouvait chercher la vérité que quand on reconnaissait ne pas la posséder. Il fallait casser ses illusions, il fallait les laisser tomber et faire attention à ne pas se couper avec les morceaux. Point barre. Le blond avait refusé depuis le début l’idée d’être heureux ici et de mener une petite vie tranquille, il l’avait rejetée en bloc comme il avait rejeté la perspective de rester ici les bras croisés, à ne rien faire. Mais là, le seuil de ce qu’il avait pu supporter sans broncher était dépassé, les barrières complètement défoncées, éclatées : oui, il fallait passer par là. Mais les illusions, justement, elles protégeaient de la folie, au moins un temps. Et là, depuis ces quelques jours, il s’était senti perdu et, doucement, sans qu’il puisse s’en rendre compte, avait eu envie de s’allonger par terre et d’abandonner. Parce que c’était inutile, parce que ça ne servait à rien, parce que s’il rentrait chez lui il finirait par en crever et parce que tout ça était trop dur pour lui, parce qu’il n’était pas à la hauteur et parce que c’était évident.

C’était normal de se résigner quand on perdait pied. Au moins pour un moment. Se savoir hors de son monde avait semblé être un choc pour Kaas ; pour qui ça ne l’aurait pas été, de toute façon ? Hans n’avait pas grand-chose à regretter du sien, et elle non plus visiblement. Et pourtant, il ne pouvait cesser de penser qu’il devait partir. Se casser. Se barrer au plus vite. Et ce fut, sans doute, la colère qui ne tarda pas à briller dans les yeux encore humides de la jeune fille qui le réveilla autant qu’elle lui fit peur. Complètement désabusé, après avoir poussé ce qui lui semblait être plus d’une centaine de portes pour trouver la bonne, celle qui le mènerait à l’extérieur, son cerveau avait fini par intégrer à son insu que c’était fini, et qu’il n’y en avait juste aucune. Qu’il ne trouvait rien parce qu’il n’y avait rien à trouver, point final. Et que donc, il ne trouverait jamais rien. Implacable logique, non ?

Mais c’était pas de logique dont on avait besoin ici.

Quelques secondes passèrent. Il reposa son regard sur elle, songeant un peu bêtement que, si elle le tuait, il n’aurait plus à se soucier de sortir. Avant de regretter aussitôt cette pensée : il n’avait pas encore tout essayé. Pas tout. Quitte à mourir, autant que ce soit chez lui ; et si cet endroit voulait le rendre aussi amorphe que les autres, il comptait bien vendre chèrement sa peau. La colère qui faisait vibrer la voix de la fille aux cheveux rouges après que son petit animal bizarre l’aie fait réagir lui confirma qu’il n’était pas le seul. Plutôt crever là-bas que s’éterniser dans cette baraque aux allures de film pourri des années trente.

- Qui sont les fils de pute qui nous ont enfermé ?

Quand elle approcha, Hans dû fournir tous les efforts du monde pour ne pas reculer. C’était une fille, elle ne devait pas peser plus lourd qu’une plume, mais malgré ça quelque chose dans son attitude lui donnait envie de sortir, vite, de cette pièce. Elle était… effrayante, quelque part.

« Eh ben, lâcha-t-il, ne sachant comment répondre si ce n’était par la provocation, pour quelqu’un qui trouvait l’endroit ‘merveilleux’ y a deux secondes… J’en sais rien, moi, de qui c’est, je suis pas devin ! Et personne le sait, t’es pas la seule à avoir voulu chercher ! »

Il fit une pause, récupérant au passage un peu de son calme perdu. S’il commençait maintenant à s’emporter, il était mal. C’était une certitude qu’il ne s’expliquait pas et qu’il n’avait pas besoin d’expliquer.

« Et si tu le trouvais, tu ferais quoi ? Tu comptes le tuer ? Tu crois quand même pas vraiment qu’il se serait fait chier à ramener tout le monde ici pour dire ‘oh, d’accord, sortez, la porte c’est par ici, amen et merci’, non ? Et je croyais que t’étais heureuse d’être ici, est-ce que tu veux seulement vraiment te barrer ?! Faut savoir ce que tu veux, merde ! »


Il la fixa dans les yeux, le regard rivé dans le sien. A travers ces paroles, il cherchait autant à la comprendre qu’à exprimer ses propres incertitudes. Celles qui étaient apparues lorsque sa colère avait refroidi pour se transformer en âpre ressentiment. Il ne voulait pas rester bloqué, pas vrai? Mais qu'est-ce qu'il y pouvait? Les questions étaient nocives, elles ne faisaient qu'apporter le doute. Il était certain de vouloir rentrer. Mais s'appliquait à ne surtout pas se demander pourquoi, pour ne pas perdre courage. Et laisser le piège du pensionnat se refermer sur lui.

[Ouais, apprends à aimer tes rp, ils sont biens en plus!^^]
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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeSam 26 Mar 2011 - 18:39

La rage. Elle palpitait, bouillonnait en elle. Elle s'insinuait dans ses veines et se faisait indispensable. C'était le dernier moteur, le dernier rempart à la folie, la dernière chose qui la préservait. Elle le sentait, sans cette rage elle se serait effondrée, aurait perdu l'once de courage et de raison qui lui restaient. Si elle n'avait pas eu cette béquille, qui sait, peut-être aurait-elle fondu en larmes et abandonné tout espoir. Alors elle s'y raccrochait désespérément. Rage, colère, haine et vengeance. Elle voulait juste penser que tant qu'elle avait quelqu'un à frapper elle resterait en vie. Que donner la mort empêcherait la sienne. Cela ne signifiait pas sortir de cet endroit. Juste y recommencer quelque chose, s'y créer une existence tangible, reprendre les choses de zéro sans que personne ne l'entrave. Pas retourner sur Morion. Ce n'était pas la peine. Juste voler ceux qui l'avaient volé, en pire ; achever ce qu'ils avaient commencé en prenant tout ce qui avait un sens pour elle, mais contre eux cette fois. Les buter quoi. Et les mots de Hans avaient quelque chose de détestable parce qu'il y avait dans sa voix une façon de tourner en dérision la seule chose qui lui permettait de tenir debout, parce qu'il lui prenait toutes ses illusions ; d'abord celle d'être sur Morion puis celle que sa rage l'avancerait à quelque chose. Etait-il seulement messager ? Avait-il une part de responsabilité dans ce qui lui arrivait ? L'espace d'un instant, ses yeux balayèrent les couteaux pendus aux murs de la cuisine. Le faire parler serait si facile. Le liquider, évacuer un peu de cette haine monstrueuse et empoisonnée. Mais elle n'avait pas encore perdu l'esprit et il y avait dans le regard de Hans quelque chose d'une détresse véridique qui la retint. Elle lâcha d'une voix dure, sans savoir si c'était elle qui rivait ses yeux au visage du blond ou si c'était les prunelles bleues qui la harponnaient :

- Oui, je vais le tuer. Bien sûr que je vais le tuer. Les portes ne s'ouvriront pas, et alors ? Pourquoi est-ce que je sortirais d'ici ? Il n'y a rien dehors puisqu'il n'y a pas Morion.

Elle fit une pause brève et reprit en serrant les poings dans sa conviction :

- Cet endroit n'est peut-être pas merveilleux mais c'est le seul lieu qu'il me reste. Est-ce que le fils d'un mort demande à ressusciter son père ? Il veut juste punir les coupables. Et c'est ce que je ferai. Je me fiche de partir d'ici. Mais il faut qu'il paie pour ça.

Elle se tut plus longtemps cette fois, les doigts serrés sur le pelage d'Amme. Son objectif prenait une nouvelle dimension, exposé clairement dans le silence, l'air vibrant encore d'une dernière trace de colère. Il faisait, comment dire, plus vrai ? C'était comme un engagement qu'elle avait pris et devant lequel elle ne pouvait plus reculer. Une promesse qu'elle devait tenir absolument, par tous les moyens nécessaires. La rage se consolidait, formait autour d'elle une carapace qui loin de l'aveugler la rendait plus forte. Elle poursuivit, à la fois pour Hans et pour elle-même :

- Il paraît qu'on a un pouvoir. Si tous les pensionnaires utilisent le leur sur ce salaud, qu'est-ce qui peut nous arriver ? Ce ne sera pas facile mais il ne pourra rien contre nous. Il ne sait que poser des pièges et attendre qu'on s'empêtre dedans et même s'il pouvait plus, il a fait une erreur.

Oui. Ce qu'elle disait était vrai. C'était forcément vrai. Un léger sourire, un peu cruel sur les bords, vint étirer ses lèvres.

- Cette erreur, c'est qu'on est trop nombreux. Et que je suis du nombre.

Elle n'avait pas détaché son regard de Hans. Attendant, espérant une réaction. La suivrait-il dans sa quête ? Au fond, elle en doutait. Il y avait dans ses paroles un sarcasme qui lui avait paru trop profond lorsqu'il avait parlé de tuer le responsable. S'il ne venait pas de son monde, le culte de la vengeance devait lui paraître vain ; peut-être ne savait-il même pas se battre, il n'avait pas l'allure d'un guerrier. Et il avait semblé à Kaas qu'il voulait surtout sortir d'ici plutôt que rendre justice. Mais cela importait peu. Elle continuerait son chemin s'il ne lui apportait pas son aide comme elle le continuerait s'il la soutenait.
La rage rend invincible.

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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeDim 27 Mar 2011 - 11:42

Hans ne cherchait pas de réponses parce qu’il ne se posait pas de questions. Une quête de vérité ? Pour quoi faire ? A quoi ça servirait, à part à se faire mal à soi-même ? Personne n’aimait souffrir, et le temps conjugué aux malheureuses expériences avait fini par profondément ancrer ce concept dans sa tête, jusqu’à rendre tout affranchissement impossible. Savoir était une mauvaise chose, de laquelle il se passait aisément. Sa mère buvait ? Il se fichait pas mal de savoir pourquoi, c’était pas son problème. On l’avait enfermé ici ? Super, tant qu’il pouvait un jour qu’il espérait proche ressortir et retrouver son monde poussiéreux et mal foutu, il ne chercherait pas à comprendre, à en savoir plus. Il pouvait vivre sans, pas vrai ? L’explication ne lui apporterait rien d’essentiel, rien de bon, rien dont il ne puisse se passer. Pour lui, seuls les résultats, seuls les faits importaient un tant soit peu. Et quand une interrogation nous obsédait trop, flash aveuglant qui ne cessait de surgir devant nos yeux, il suffisait de l’oublier. D’ailleurs, il avait une méthode bien à lui pour ça. Une putain de mauvaise méthode, mais qui avait fait ses preuves sur un million d’âmes différentes… Ouais, se dit-il, il y avait vraiment des fois où, quand ce qu’il y avait autour de nous était trop horrible, y avait pas de honte à se voiler la face.

C’était sûrement pour ça, et toutes les bonnes raisons du monde, que la détermination de Kaas lui semblait étrange, presque déplacée en de telles circonstances. Il n’y avait pas Morion ? Et alors ? Il y avait un moyen de rentrer. Il y en avait un parce que Hans refusait qu’il n’y en ai pas. Un chemin, quelque chose : ils étaient bien arrivés ici d’une manière, non ? Il suffirait donc d’emprunter le chemin inverse. De faire demi-tour. Il aurait dû savoir qu’il n’avait jamais été possible de revenir sur ses pas, jamais et dans aucune situation. On devait avancer. Sauf que là, un pas de plus et il tomberait dans le gouffre. Il le sentait. Alors il se persuadait de l’existence d’une sortie menant tout droit à Berlin, devant l’appartement de Maude. Pour ne pas tomber quand la chute promettait d’être vertigineuse.

- Cet endroit n'est peut-être pas merveilleux mais c'est le seul lieu qu'il me reste. Est-ce que le fils d'un mort demande à ressusciter son père ? Il veut juste punir les coupables. Et c'est ce que je ferai. Je me fiche de partir d'ici. Mais il faut qu'il paie pour ça.

Elle abandonnait, songea le jeune homme sans baisser les yeux. Elle renonçait, quelque part. Avait-elle vu son monde imploser, l’avait-elle vu disparaitre, fondre lentement, se désagréger ? Non, il ne pensait pas, et ce n’était de toute façon pas son cas. Son père n’était pas mort, pensa-t-il tandis qu’il s’armait de résolution. On l’avait enlevé. Et si elle tuait le coupable, alors elle serait seulement certaine de ne jamais le revoir. Non, ni Berlin, ni son lycée, ni Morion ou quoi que ce fut avait disparu. C’était le contraire. C’étaient eux qui les avaient quittés. Donc, il devait y avoir moyen de revenir. La vengeance, pour lui, était comme les questions : mauvaise et secondaire. Un film lui revint en mémoire, comme souvent ces temps-ci : la fille voulait venger la mort de son petit-ami et se transformait en tueuse froide et déterminée, se débarrassant de tous ceux ressemblant aux coupables dans leur manière d’être.

Et, vous savez quoi ? Elle ne s’était pas sentie mieux après leur mort. Ca servait à rien. C’était inutile.

Kaas évoqua leurs pouvoirs respectifs, et en prêtant l’oreille à la musique lourde, noire et stressante qui jouait en arrière-plan, il avait comme l’impression que le sien ne serait pas très utile. Tout du moins, si c’était réellement ça. Cette fille avait le don de lui faire tenir des questionnements qu’il avait su maintenir à l’écart tout ce temps ; et il n’aimait pas ça. La réalité, il n’aimait pas ça. La nature lâche du vieux qui avait dû les enfermer ne faisait pas le moindre doute, mais là encore, il faudrait le débusquer. Et Hans avait comme l’intuition que ce ne serait pas si simple ; qu’est-ce qui prouvait qu’il soit à l’intérieur, d’ailleurs ? Lui, s’il avait eu une idée pareille, se serait positionné à l’écart pour tout observer, tout diriger et bien se marrer. Pas à l’intérieur des murs, là où il courrait un risque. Oui, s’il était si lâche que ça, il était bien à l’abri. Ou ça, ou il avait une totale confiance en sa cachette. Dans les deux cas, ils étaient mal barrés s’ils le cherchaient.

Le regard de Kaas était rivé dans le sien, toujours aussi haineux, toujours aussi brûlant, allégorie même du feu, contrastant avec celui, rendu froid de désillusion de Hans. Mais les engelures étaient tout aussi douloureuses qu’une brûlure. Les soirées passées à geler sous ses couvertures n’avaient rien eu d’agréable. Enfin, elle voulait se venger, il voulait sortir : petite divergence d’opinion, à l’évidence, se dit-il avec son ironie coutumière, compagne de toujours. Pas forcément incompatibles, mais pas forcément bon à marier non plus.

« Je veux pas me venger. Ce qui arrivera à ce type, ça me concerne déjà plus tant qu’il me laisse me barrer… T’as envie de rester ? Si t’as si peu que ça envie de retourner chez toi, tu veux le buter pour t’avoir pris un truc dont tu peux te passer ? C’est pour quoi, ça ? Par principe ? Ou juste pour pas devenir complètement tarée ? »

Il tourna la tête, regardant maintenant le seuil de la porte. Moyen pratique de regarder ailleurs sans baisser les yeux.

« Et réunir tout le monde… Je parie qu’y a des gens ici pour lui vouer un culte. Genre, tu m’as sauvé je te dois la vie. D’autres qui s’en foutent comme de l’an quarante. Et d’autres qu’ont oublié qu’ils voulaient se venger ou sortir. Alors, unir tout le monde ? Utopique ! Tout le monde pense pas comme ça. »

C’était défaitiste, non ? Pas vraiment, se dit-il. Fataliste, un peu, mais… Il n’y avait qu’une porte pour aller à l’extérieur. Une. Celle du hall d’entrée, celle qui ne s’ouvrait pas, celle qui était coincée. Si c’était une affaire de carte magnétique, de clé, de formule –parce qu’il n’était franchement plus à ça près- alors parfait, une devait bien les connaitre. Trouve le vieux, menace le et fouille sa chambre, il te laissera bien sortir. Et sinon… Sinon continue à chercher l’issue de secours ou trouve un autre moyen d’ouvrir.
Pas tout essayé, pas encore, non. C’était pas le moment de baisser les bras.

« Si tu trouvais ce type, et qu’il avait un moyen de te ramener chez toi… Tu rentrerais ? Tu crois qu’il en a un ? »

Oui ou non. Comme un appel au secours. Tu crois qu’il en a un ?
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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeDim 27 Mar 2011 - 14:03

Des mots, des mots, des mots. Des mots comme des coups, comme une main venue prendre ses convictions et les broyer une à une. Des mots à reprendre un à un pour chercher une réponse. Des mots à saisir et à renvoyer. Elle n'aimait pas Hans. Elle le décida à l'instant où il tourna la tête pour regarder la porte. Elle ne l'aimait pas. Il avait quelque chose de fataliste, pas résigné mais fataliste. Quelque chose de lâche. Il voulait partir comme on veut fuir, laisser ce lieu derrière lui sans y avoir rien fait, aucune justice, aucun châtiment ; qu'était-il sinon un pleutre ? Et un égoïste ? Juste chercher à s'évader. Tant pis si ce type reste en vie, s'il en capture d'autres ! Il suffisait de partir et cela ne le regardait plus, c'était un mauvais souvenir laissé derrière lui, abandonné, rayé, barré. Ce simple état d'esprit la répugnait. Elle fronça les sourcils, se retenant de le frapper. Non, elle n'aimait pas Hans.

- Ça ne te concerne plus ? Comment peux-tu dire ça ? Cet endroit est hors de tout, du monde, du temps. Peut-être que tu as passé dix ans ici. Peut-être qu'on te croit mort. Peut-être que ce malade t'a fait bien plus de mal que tu ne le crois. Et tu vas le laisser faire ? Le laisser te détruire impunément et recommencer sur d'autres ?

Elle sentait la rage grandir en elle, démesurément. Chaque mot concrétisait sa colère, chaque mot la rendait plus forte. Ils lui venaient tout seul, sans même qu'elle ait à réfléchir, ces arguments qu'elle envoyait au blond comme si elle avait pu l'atteindre concrètement. Les phrases de Hans la révoltaient. Littéralement. Alors elle parlait sans lui laisser le temps de formuler une de ses réponses pessimistes et lâches qui lui prenaient la seule chose qu'il lui restait.

- Tu ne comprends pas ! On n'est pas ici pour rien ! On a une responsabilité, même si c'est voué à l'échec. On ne peut pas laisser ce dément faire chaque jour plus de prisonniers ! Je n'ai pas perdu beaucoup, c'est vrai, mais est-ce que tu peux comprendre que je fais ça pour les autres ? Pour ceux à qui il a tout pris ou à qui il prendra tout ? Moi, ça ne compte pas. Ici, là-bas... Pour moi, on crève autant dans les deux. Seulement là-bas, ma mort avait un sens. Et ici rien n'en a. Alors je vais lui en donner un.

Elle se tut, légèrement à bout de souffle. Puis elle haussa les épaules. Quelle importance s'il n'était pas convaincu ? S'il ne cherchait pas la justice, s'il se fichait des autres, s'il ne pensait qu'à fuir ? Elle n'allait pas perdre son temps avec lui. Elle gaspillait sa colère, son énergie. S'efforçant de se calmer, elle lança plus froidement :

- S'il existe un moyen pour que je rentre chez moi, ce n'est pas moi qui l'utiliserait. Je resterais ici pour veiller à ce que plus personne ne fasse la même erreur et ne perde plus que moi. De toute façon, la seule chose qui m'attend, c'est la famine. Mais si tu veux, ajouta-t-elle ironiquement, je lui demanderais de ta part.
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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeDim 27 Mar 2011 - 14:49

Lâche ? Oui, il l’était. Il l’était et assumait pleinement de l’être. Souvent, aux informations, ils parlaient de guerres. Ils parlaient d’enlèvements. Ils parlaient de morts. Ils montraient les témoins, ils montraient les victimes, ils montraient la famille en pleurs. Ils montraient tout et n’importe quoi. Hans regardait ça, il écoutait, se révoltait un instant et sitôt que la presse laissait tomber l’affaire, aussi sordide qu’elle fut, il l’oubliait. Il se disait qu’il avait de la chance d’être en vie. Allait jusqu’à se réjouir de leur malheur, quelque part ; lui, au moins, allait mieux que ça, même si son existence n’était pas parfaite ! C’était cruel de tenir de tels raisonnements, mais c’était ainsi que l’être humain était fait. Coupé dans un tissus d’égoïsme, maquillé pour ressembler à de l’altruisme. Il ne s’en cachait pas. La société était comme ça, et lui plus encore. Ses propres problèmes étaient peut-être moins noirs, ils étaient peut-être dérisoire à une grande échelle, mais dans son monde à lui, c’était important. Bien plus que la vie de personnes dont il ne connaissait ni le nom ni le visage. Ses problèmes. Ceux de ses amis aussi comptaient, parce qu’il les voyait et qu’il ne supportait pas de regarder des gens chers à son cœur souffrir. Mais ça s’arrêtait là. Il n’était ni un héros ni le messie, son idéal se résumait à une vie tranquille, avec Maude, avec des amis, avec un peu d’argent pour être en sûreté et un appartement dans le centre de sa cité de pierre. Quelle importance, les avions qui tombaient du ciel ? Quel intérêt, la guerre? Rien de tout ça ne le touchait vraiment. C’était pareil pour ce pensionnat. Tant qu’il avait une répercussion directe sur lui, c’était un problème. Un vrai. Mais sitôt sorti, ce qu’il adviendrait des autres ne le touchait pas plus que ça… Tout du moins, ce qu’il adviendrait de ceux qu’il ne connaissait pas. Il se sentirait mal un moment, mais ça finirait par passer, comme une mauvaise pluie. Comme une mauvaise journée.

Il s’occupait de son monde. Voir plus grand, au-delà des murs, s’inquiéter d’âmes qu’il ne connaissait pas, faire semblant de le faire… Il n’était pas si hypocrite. Et porter toute la misère du monde sur ses épaules ne l’intéressait pas. La sienne et celle de son entourage étaient déjà assez lourdes comme ça.

Sa remarque sur le temps fit mouche, mais il y avait déjà songé. Et qu’on le croie mort… Eh bien quoi ? Sa mère s’en foutrait, ça lui ferait plus d’argent pour ses bouteilles. Et dans un rare et intense moment de sobriété, elle se dégouterait peut-être d’elle-même et se dirait qu’il a fui en quête d’une vie meilleure. Son père se rangerait à cet avis aussi. Ses profs ne connaissaient pour certains qu’à peine son visage pour le peu de temps qu’il passait près d’eux. Ses amis s’en remettraient. Ils se demanderaient pourquoi il a rien dit. Marc penserait qu’il était mort d’une overdose comme le dernier des junkies, Linda essaierait de le contacter avant de laisser tomber. Qu’on le croie mort ? Par pitié. Il n’y avait bien que pour Maude que ça changerait vraiment quelque chose. C’était triste. Mais c’était comme ça. Et les autres, c’était pas lui.

Il ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel en entendant les paroles de la jeune fille aux cheveux rouges. Ben voyons. Quel magnifique sacrifice de sa personne, comme c’était noble… L’hypocrisie poussée à son paroxysme, oui ! Elle avait besoin d’un but et voilà tout. Se donner des grands airs, s’élever comme le vengeur de tous, c’était se trouver de belles excuses pour se cacher derrière elles. C’était pas du courage. C’était chercher à sauver sa peau et à se donner bonne conscience, point barre.
Une fois sa longue tirade achevée, il ne put empêcher ses lèvres de prendre ce pli coutumier et empreint d’une ironie teintée de lassitude. Ben voyons, oui. Ben voyons.

« Tu lui demanderas rien parce que tu le trouveras pas, réveille-toi deux secondes ! Tu crois que t’auras qu’à suivre des flèches ou demander des renseignements ? S’il s’est planqué tu le trouveras pas, s’il est dehors tu le trouveras pas, en fait, à moins qu’il vienne te voir tu le trouveras pas. »

Il croisa les bras et reporta son regard sur elle. La nervosité le rendait prompt à s’emporter. Pas génial, mais il n’y pouvait rien.

« D’ailleurs, si pour toi être ici ou chez toi ça change que dalle, et que t’es prête à rester ici, t’as de la chance et t’en veux à quelqu’un qui t’as pas volé grand-chose ! C’est quoi ton problème ?! Tu te donnes juste des grands airs et une raison de rester, qu’est-ce que t’en sais de ce que les autres ont perdu, ou ce qu’ils ont gagné ? Rien ! T’as l’impression que tout le monde pense comme toi, qui te dis qu’y en a pas qui sont heureux d’être là ? Tu peux pas être le porte-parole de gens que tu connais même pas ! Encore moins les juger ou leur dire quoi faire ! »

Il avait mis le doigt sur le problème, se dit-il. Sa vendetta personnelle, elle lui donnait des airs de croisade pour le bien commun. C’était tellement plus facile comme ça.


[Alors, je bouge Kaas dans les ennemis de Hans dans les relations, ou quoi? Je la mets où?XD]
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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeDim 27 Mar 2011 - 18:33

[non pas tout de suite, je vais essayer d'arranger ça XD]

De quel droit faisait-il ça ?
De quel droit la critiquait-il ?
De quel droit lui prenait-il ce qu'elle avait gagné ?
De quel droit retournait-il contre elle mots, buts et convictions ?
De quel droit ?

Et toujours ce pli ironique au coin de la bouche. Elle allait vraiment finir par le frapper. Mais elle n'était pas vraiment en colère, non. Plutôt découragée... C'était si compliqué et ça allait si vite. Le bonheur absolu d'être sauvée. Le choc dévastateur parce qu'elle n'existait plus que dans un pan d'univers sans logique ni réalité. La rage terrifiante envers ceux qui lui avaient fait ça. La conviction vengeresse qu'elle le tuerait. Le mépris pour la lâcheté de Hans, ce mépris qui forgeait sa colère en but louable -le seul qu'elle ait jamais eue, elle qui hier encore était une gamine en train de servir de la bière aux voyageurs épuisés. Et l'impuissance face à ces dernières phrases qui brisaient tout ce qu'elle avait pu penser ou ressentir ces derniers instants. Elle ferma les yeux. Avait-il tort ? Avait-il raison ? Pensait-elle ce qu'elle lui avait dit ou n'était-ce que le coup d'une vengeance qu'on s'efforçait de justifier parce qu'elle paraîtrait barbare pour quiconque ne connaissait pas les lois de Miyoda ? A présent c'était la colère de Hans et non plus la sienne qui se déversait dans la pièce, et ses cris qui résonnaient entre les quatre murs. Elle, elle ne savait plus quoi faire ni pourquoi. Une chose était sûre. Cette cuisine était maudite.

- Quelle importance si je le pense ou non ? lança-t-elle finalement. Si je camoufle ma vengeance, si je triche ? Le résultat sera le même. Tous ne seront pas heureux mais j'aurai rendu justice. Personne n'a le droit de faire ça contre le gré des autres, même si ça les satisfait au final.

Du moins c'est ce qu'elle croyait. Ce qu'elle espérait. La justice existait-elle dans ce monde détraqué ? Elle aurait tellement voulu revenir en arrière. Être sur Morion, sur son île, dans son auberge. Sa mère serait en vie et la famine n'arriverait pas. Elle serait heureuse. Mais il n'existe aucun moyen de revenir en arrière. Elle sentait son cœur battre dans sa poitrine, normalement. Il ne s'affolait pas, se vidait peu à peu de ses émotions. Elle allait le tuer. C'était une certitude, elle l'avait su à la seconde où Hans lui avait arraché son monde avec des phrases. Elle allait le tuer, mais se calmer d'abord. Ressasser les mots colériques du blond. Tort ? Raison ? Tort ? Se trompait-elle de chemin en "menant croisade" ? Elle n'avait pas envie de tricher avec la première personne qu'elle rencontrait ici, la première à voir ses émotions et à connaître ses résolutions. Sans lui, elle aurait vivoté quelques jours de plus dans l'illusion heureuse d'un appétit rassasié mais de toute façon, ça n'aurait pas duré. Là, c'était allé plus vite, trop vite, et alors ? Il y avait comme un espèce de lien entre eux. Elle ne l'appréciait pas mais était-ce une raison pour nier cette première aide ? La vérité est douloureuse mais bénéfique. Bon. Sa souffrance était au moins signe que tout ça était réel. Et bénéfique.

- Je vais te paraître stupide, Hans, murmura-t-elle finalement avec une humilité qui, elle l'espérait, la ferait paraître plus sympathique. Mais je crois au destin. Et je crois que je suis entrée ici pour... Pour faire quelque chose de bien.

Une hésitation, elle s'humecta les lèvres et détourna les yeux. Pour la première fois. Ce fut bref, mais c'était suffisant pour admettre une faiblesse. Très vite son regard se cramponna à nouveau au visage du blond.

- Tu as dit que je ne le trouverais pas sauf s'il venait à moi. Je vais le faire venir. Je vais détruire son jeu jusqu'à ce qu'il vienne me rappeler les règles. Et là, je le tuerais, avec ou sans l'aide des pensionnaires. Est-ce que c'est bien d'après toi ?

Il n'y avait plus qu'à attendre une réponse. Ensuite, elle pourrait partir. Juste une réponse.
Savoir si Hans avait tort ou raison.
Savoir si elle avait tort ou raison.
Elle plissa les yeux et se laissa aller contre le placard, prête à encaisser de nouvelles paroles.
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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeMer 30 Mar 2011 - 17:50

Le destin, voilà un mot auquel il n’avait plus songé depuis bien longtemps ! Une histoire écrite pour chaque être de ce monde au préalable, avec son lot de misère et de joies soit disant également réparties. Un concept aussi pratique que cruel, selon Hans. Pratique parce qu’il ne nous rendait coupable de rien. Gauche ou droite ? Impossible de se tromper, si tout était prédit ! Se dédier de ses responsabilités avec brio était d’une simplicité étonnante grâce à ce magnifique mot qu’était le ‘destin’ ! Et puis, surtout, c’était triste. Et révoltant. Dieu devait être fatigué de passer ses journées à écrire, résultat, il ne s’était pas foulé et avait recopié le même texte pour des milliers d’âmes différentes. Qui partageraient un sort identique et, généralement, pas des meilleurs. Alors non, le blond n’aimait pas le destin : penser qu’une hypothétique autorité supérieure l’ait condamné à une peine à perpétuité dans une cellule de pierre sans fenêtre sans aucune raison, quand d’autres profitaient d’un soleil radieux, c’était révoltant. C’était dégueulasse. Quitte à finir raide mort dans un caniveau, autant que ce soit lui qui l’ait choisi, autant que ce soient ses propres décisions qui l’y aient mené ! Tant qu’à faire. C’était pas qu’il ait jamais eu le choix, juste qu’y en avait jamais eu aucun de bon. Comme ça, il pouvait se féliciter en se disant que ça aurait pu être pire. Et que, si la vie finissait comme un jeu vidéo, il se débrouillerait mieux après le prochain game over.

Une vie avec un scénario comme dans un film et des répliques toutes cuites, c’était bon pour les déprimés et ceux qui avaient la vie facile. Ou, se dit-il en regardant Kaas, ceux qui avaient trop besoin d’y croire et prenaient le risque coûte que coûte de se voir déposséder de toutes ses réussites, pour peu que leurs malheurs aient ‘forcément’ un sens. Une vie, pour lui, se bâtissait ; à partir des matériaux qu’on avait, oui, mais sans aucun plan. Enfin, qu’on puisse y croire, il comprenait. Il comprenait.

La colère était tombée dans la voix de la jeune fille aux longs cheveux de feu, si étranges. Elle était en suspend dans l’air, l’alourdissait et tendait l’atmosphère. Comme de la poussière, il fallait attendre qu’elle se pose au sol. Celle, froide comme le vent qui devait encore souffler sur Berlin, de Hans était en revanche toujours bien vivace, inextinguible quelque part. C’était en tout cas ce qui lui semblait sur le moment. Il avait l’impression qu’on avait vidé son cœur, qu’on avait jeté tout son contenu contre un mur de briques avant de ne tout remettre à l’intérieur, dans un désordre presque douloureux. Il avait beau chercher ce calme tant désiré, il jouait les filles de l’air, disparu. Perdu. C’était comme ça depuis son arrivée, depuis que les mots ‘pour toujours’ et ‘jamais’ avaient réellement pris un sens. Un vrai. Kaas était forte, quelque part. Lui refusait de laisser de l’hypocrisie et de la colère jouer le rôle de ciment pour consolider son esprit secoué, l’avait toujours fait. Et tenir le coup s’avérait plus difficile que ce qu’il n’avait d’abord cru. Il fallait trouver quelque chose pour ne pas s’écrouler. Elle, c’était la colère. Lui… Lui, cherchait toujours.

« Détruire son jeu ? J’ai pas eu l’impression qu’il y ai des masses de règles… »

Sortir. La règle c’est de ne pas sortir. Telle fut sa première pensée, claire, limpide, irrécusable. N’importe qui en serait venu aux mêmes conclusions. Ne pas sortir et, apparemment, ne pas entrer dans cette fichue forêt en hiver ; comme s’il allait se gêner. Ce vieux fou n’avait donc jamais eu de gamins ? Dites à un gosse de ne pas mettre les doigts dans la prise, de ne pas manger le sachet, et vous le retrouviez la bouche pleine ou en intense contemplation de la prise deux minutes plus tard. Quoique, pensa-t-il, s’il avait eu un grand-père pareil, lui aussi l’aurait laissé en plan… Le sourire dont il ne s’était pas départi changea sensiblement. Peut-être plus songeur, peut-être plus décidé, peut-être moins sceptique.

« Et je peux pas dire que tuer quelqu’un soit juste. Je parie qu’il viendrait même pas en personne ; si j’étais lui, moi, j’enverrais des gens se débarrasser des gêneurs. Ou j’en aurais déjà sur le terrain. Tant qu’à faire, histoire de pas prendre de risques… Comme cette histoire de fantôme dans la forêt. Il bougera pas son cul jusqu’ici, si tu veux mon avis. »

Ses paroles étaient toujours aussi fatalistes, pessimistes, plus grises qu’un jour de pluie. Il s’en rendait bien compte, mais qu’y pouvait-il ? La réalité, c’était comme ça, et un joli petit monde de carton-pâte, c’était bon pour que les gamines jouent à la dinette. Et Kaas n’était pas une gamine, sans doute moins encore une adepte de niaiseries du genre. Songeant que plus de négativité risquait de le faire tuer –ou frapper, ce qui honnêtement valait peut-être mieux, mais restait détestable-, le jeune homme décida de finir sur une note plus positive. Il restait de l’espoir, autant ne pas l’enterrer vivant. Préparer son cercueil et lui creuser sa tombe, oui. Mais pas l’enterrer maintenant.

« A moins que quelque chose lui plaise vraiment pas. Peut-être qu’il viendrait, si tout son petit monde se barrait en courant. Ou peut-être, continua-t-il avec un haussement d'épaules, incapable apparemment de rester léger, qu’il nous butera tous. Mais quitte à crever, toute façon, autant que ça soit utile… Et au pire, si c’est un jeu, ça sera juste game over… »

Game over. Sauf que là, la partie ne faisait que commencer et il se sentait déjà lassé. Effrayé. Mort en sursit. Génial… Il fallait la terminer rapidement, alors. Perdre ou gagner. Mais pas stagner et ne rien faire, les bras croisés. Au moins, songea-t-il avec un peu moins d’amertume, leurs personnalités opposées et inflammables avaient un terrain d’entente, entre les no man’s land et les mines : il ne fallait pas rester à ne rien foutre. C’était déjà ça. Merde, c’était pas avec ça que ça allait avancer, mais bon…
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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeJeu 31 Mar 2011 - 18:14

Il n'y a pas de règles.
Le tuer n'est pas juste.
Il ne viendra pas en personne.

Kaas ne comprenait pas le comportement de Hans. Il ne baissait pas totalement les bras, mais ne les levait pas non plus. Malgré sa volonté de sortir, il s'évertuait à briser le moindre espoir et à broyer dans l'étau de ses mots la plus petite étincelle réconfortante -ce feu déjà si dur à allumer dans un lieu pareil. C'était si contradictoire, ce désir de sortir allié à ce pessimisme. Comment les deux pouvaient-ils cohabiter ? Comment pouvait-on avoir une vision aussi noire des choses et continuer à s'évertuer pour partir, malgré cette mentalité qui vouait tout à l'échec ? Quelle détermination pouvait compenser ces propos ? L'insouciance. C'était la seule explication. Une insouciance naïve, gamine, étrange contraste et pourtant seule explication. Au pire, ce sera juste Game Over... L'insouciance, oui. Ne pas comprendre que vie, raison, équilibre sont en jeu. S'acharner à hausser les épaules et à se faire je-m'en-foutiste. Comme les jeunes qui traînent sur les côtes, qui rêvent de s'embarquer dans les bateaux et qui hissent nonchalamment les voiles. Puis qui périssent dans une tempête. Comme son père, cette décontraction si hors-sujet qu'elle en devenait insupportable. Comme un gosse, cette façon de ne pas saisir les enjeux d'une mise ; comme une tête brûlée, cette témérité en forme de tache d'huile sur une nappe blanche. Game Over... Kaas eut un claquement de langue agacé. Elle ne comprenait pas cette expression mais le reste de la phrase suffisait amplement à exprimer l'idée de Hans, et cette idée ne lui plaisait pas. Mais elle, elle avait conscience de ce qu'elle pouvait perdre -de ceux que d'autres perdraient, même si cette idée sonnait terriblement fausse aux oreilles du blond. Et par cela, elle s'interdisait de refuser le moindre soutien. Certes il ne lui plaisait pas. Certes ils n'avaient pas la même vision des choses. Mais se détourner de lui, c'était perdre la première occasion de s'en sortir. Et condamner toutes les autres.

- Récapitulons, lâcha-t-elle.

Elle aimait bien cette expression. C'était celle d'un patron énumérant la coupe de raisins, les deux bières et la chambre pour la nuit ; le mot savant qui avait rythmé son enfance et qu'elle s'amusait à répéter, à singer. Mais cette fois cela n'avait rien d'un jeu. Récapituler, raisonner, c'était la seule chose qui lui permettrait de s'en tirer. C'était un repère rassurant autant qu'indispensable. Elle ferma brièvement les yeux. La nostalgie de son auberge, ce n'était pas le Pensionnat qui lui avait donné, mais la guerre, la famine et les bandits. Elle avait tout perdu avant même d'arriver, voilà pourquoi rentrer ne lui paraissait pas important. Mais elle s'était toujours accrochée pour ne pas quitter aussi sa vie et le sens qu'elle mettait à chaque chose. Cet endroit mettait les deux en danger.

- Tu veux partir d'ici et je veux défier cet homme pour l'attirer et le tuer. Ton but me paraît vain et tu penses la même chose du mien, mais nous pouvons nous aider. Parce que nos deux objectifs se résument en un : sortir.

Elle fit une pause pour laisser planer le sens de sa phrase. Ce qu'elle disait lui paraissait plutôt intelligent. Ils pouvaient s'apporter l'un à l'autre. Avec l'aide des pouvoirs et des AEA...

- Il semblerait qu'on ne puisse pas sortir et cet endroit est illogique, n'est-ce pas ? Donc on devrait entrer. Le cœur de cet endroit, c'est peut-être la porte qu'il nous faut... Ou bien...

Elle haussa les épaules.

- Ou bien, ce n'est rien. Mais tout ce qui est peut être tenté doit l'être, tu ne crois pas ? On devrait mener nos recherches et se donner un point de rendez-vous pour faire régulièrement le bilan. On progressera plus vite.

Voilà. C'était dit. Elle n'avait aucune envie de former un binôme avec Hans et de se le coltiner Dieu sait combien de temps, mais elle pouvait travailler avec lui. Travailler à forger sa vengeance. Ça paraissait logique, non ? Il n'avait aucune raison de refuser. Et puis il n'avait rien à perdre. Juste Game Over, hein ? Un jeu. Pour le malade qui les avait enfermés, qu'était-ce d'autre ? Et pour ce Hans je-m'en-foutiste, ce Hans pessimiste mais malgré tout désireux de sortir, ça ne semblait pas différer beaucoup plus. Elle, c'était le destin. Lui, c'était un 'divertissement' aux règles biscornues et sinistres. Un pendu, peut-être. Ou un colin-maillard, à tâtons dans cette réalité qui n'en était pas une.

[sans doute l'avant-dernier post pour moi, à moins d'un rebondissement dans le tien, voilà \o/]

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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeSam 2 Avr 2011 - 14:50

S’entraider ? S’il avait correctement compris, Kaas désirait qu’ils s’entraident. Une sorte d’entente basée sur un profit mutuel… Quelque chose dans ce goût-là. Ce n’était pas qu’il était fondamentalement contre, bien sûr. Rejeter les propositions comme ça, c’était pas son genre. Mais il était d’un naturel plutôt débrouillard, se sortir seul de ses problèmes était devenu une habitude pour lui, un automatisme. Il avait bien fallu, la vie, ou le ‘destin’, comme aurait dit la jeune fille aux longs cheveux rouges, l’y avait contraint. Mêler le monde entier à des ennuis qui n’impliquaient que lui, laisser dégouliner le noir de son existence sur celle des autres, jamais il n’avait voulu le faire. Il se l’était formellement défendu, s’interdisant du même mouvement le droit de lancer le moindre SOS. Si je laisse tomber mes principes en plus du reste, se dit-il, je ferais pas long feu ici. D’un autre côté, Kaas aussi avait besoin de lui. Avait besoin de tous ceux qu’elle pourrait rallier d’une manière ou d’une autre à sa cause, Hans le devinait. Le comprenait, sans pour autant l’approuver. Elle était intègre, ou au moins elle en avait l’air. Mais elle venait tout juste de débarquer dans cette bâtisse immonde. Les seules désillusions auxquelles elle avait dû faire face étaient ses propres mots, à lui, Hans Hackermann. Et même si, de sa bouche, la réalité n’était jamais enveloppée de velours, se la faire raconter n’était pas la même chose que la vivre. Il aurait bien aimé voir ce à quoi elle ressemblerait, après quelque temps passé ici. Sans avoir rien trouvé. Sans rien pouvoir faire d’autre que contempler son impuissance et ressasser ses belles idées de vengeance morbides, à mariner dans son jus jusqu’à perdre toute sa saveur.

Une fois de plus, c’était pas du pessimisme, mais du réalisme. Il faudrait bien qu’elle se rende compte. Quand elle parla d’entrer plutôt que de sortir, le blond fonça les sourcils et émit un léger claquement de langue. De un, il avait la fâcheuse habitude d’arrêter de suivre dès que quelque chose commençait, de son avis, à devenir vaguement trop technique pour lui. De deux, ses propos lui paraissaient trop tirés par les cheveux. Il ne cherchait qu’à sortir de ce putain de pensionnat, pas à rentrer il ne savait trop où pour voir un pauvre cinglé se faire buter par une harpie anorexique ! Il s’en voudrait par la suite pour cette dernière pensée. Mais pas sur le coup. Parce qu’il était en colère. Parce que tout ça était trop compliqué. Parce que, bon sang, il en avait marre de cet endroit, comme il avait pu en avoir marre de chez lui par le passé.

Le seul point, en définitif, où ils s’accordaient, était qu’il fallait tout essayer. Pour lui, au moins, le tour serait vite fait... Il y avait une bibliothèque, et s’il n’avait pas pris le temps de s’y attarder –mince, mais qui allait encore dans les bibliothèques à l’époque d’internet ? Il fallait avoir un sérieux problème, et pas d’allergie à la poussière…- il comptait bientôt le faire. Pas qu’il soit un fan de livres, mais c’était mieux que rien. Il devait bien, au milieu de cette mer de mots en pattes de mouches, y en avoir un, au moins un, sur le pensionnat, non ? Des plans, quelque chose, n’importe quoi. Il avait besoin d’un os à ronger. Et puis, après, il verrait di Kaas était réellement digne de confiance. Rien ne l’obligeait à le lui dire, s’il trouvait une solution et que ses envies de meurtres risquaient de le griller et de tout faire foirer… Ce serait donnant donnant. Elle lui refilait des infos utiles, il renverrait la pareille. Mais si elle n’avait rien pour lui, alors il n’aurait rien pour elle. S’ils avaient été amis, ç’aurait été une autre affaire : mais là, non. Ça n’irait pas plus loin que ça, point barre. Il ne comptait pas s’épancher et lui raconter sa vie, non plus… Pas plus qu’il ne voulait connaitre la sienne. Se mêler des affaires des autres était amusant, mais uniquement en ce qui concernait les individus envers lesquels il ressentait un brin d’affection. Plus grand que celui-là, en tout cas.

« J’ai rien contre l’idée, dit-il en se tournant vers la porte qu’il avait passée précédemment, tenant toujours la bouteille à la main. Mais je serais toi, je ferais attention en cherchant. Je l’ai déjà dit, c’est pas impossible qu’il y ai des types pour tout surveiller ici. Des taupes, quoi, un truc du genre. Je veux pas d’emmerdes, je tiens pas à crever, et je crois que toi non plus. »

Un mort ne tuait personne et un cadavre ne risquait pas de se relever. A moins que cette fichue baraque se la joue aussi resident evil ? Bah, il doutait que Kaas connaisse de toute façon. La comparaison n’aurait pas été très pertinente, sur le coup. Il s’appuya contre l’encadrure de la porte, but une autre gorgée et, après une brève réflexion, reprit la parole.

« Y a un lac dans le parc. On a qu’à se retrouver là-bas dans deux jours, même heure. Je vois pas l’intérêt d’y aller plus tôt, mais on sait jamais. »

Il ne sortit pas, préférant laisser la jeune fille partir d’abord. Pas par galanterie, ni vraiment pour attendre une réponse de sa part. La politesse était quant à elle un concept qu’il ne connaissait guère que de nom… Mais cette musique stressante dans ses oreilles commençait sérieusement à le barber. Elle partirait, et lui voulait être sûr d’emprunter la direction inverse à la sienne. Intérieurement, il se préparait déjà à devoir se retrouver pour se dire qu’ils n’avaient rien trouvé, même si cette perspective ne l’enchantait pas franchement. Il fallait faire comme on pouvait avec ce qu’on avait.

[Avant dernier pour moi aussi, alors. On aura fini un rp, c'est cool! Enfin, je vais devoir en chercher d'autres, quoi!XD]
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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeSam 2 Avr 2011 - 15:06

Kaas hocha la tête. Que pouvait-elle dire ? Le temps de réflexion de Hans avait été trop long. Une fois encore, elle avait l'impression qu'il était, comment dire ? Détaché. Qu'il ne jouait pas franc jeu, ne s'impliquait pas entièrement. C'était un sentiment désagréable mais elle avait déjà trop cherché la dispute, elle s'en rendait bien compte, en passant ainsi ses nerfs sur le blond. Elle n'avait pas de temps et d'énergie à perdre en doutant de son premier allié. De toute manière, cela ne la regardait pas tant qu'elle avait des informations. Et s'il lui en cachait... Pourquoi n'aurait-elle pas pu découvrir ce que lui-même avait découvert ? Cela lui prendrait plus de temps, voilà tout. Elle ouvrit le frigo, rafla les derniers yaourts qu'il restait et ce qui pouvait ressembler à du fromage emballé puis le glissa dans sa besace. Aucune envie de recrever de faim, merci bien. Bon. Avant toute chose, elle devrait tenter de trouver une chambre et une salle de bains. Quand elle serait certaine d'avoir ce qu'il lui fallait -lit, bouffe et hygiène- son exploration commencerait. Hans devait être là depuis plus longtemps, il savait peut-être déjà des choses ; mais la conversation n'avait déjà que trop duré. Et quelque chose lui disait qu'il cherchait trop les choses "utiles" pour s'intéresser aux détails, aux choses insignifiantes qui pourraient ici prendre de l'ampleur, aux salles a priori inutiles qui pourraient cacher quelques secrets. Elle se chargerait donc d'approfondir son observation. Et de suivre ses plans, farfelus ou pas.

- A dans deux jours.

Plus pour la forme que pour être aimable. Il n'était rien d'autre qu'un allié, une connaissance stratégique, loin d'un ami. Et voilà, c'était fini. De nouveau se glisser dans le couloir, Amme sur les talons. Fatiguée. Elle n'avait pas tant dormi que ça en fait. Où étaient les dortoirs ?

[c'est très très court, tu m'excuseras, mais bon en tant que dernier post je ne savais pas trop quoi dire ^^']
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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitimeDim 3 Avr 2011 - 11:17

Je suis pas là, se dit Hans, pour me faire des amis de toute façon. Il ne voulait pas rester. N’avait aucune raison de le faire, absolument aucune. Qu’y avait-il, ici, qu’il ne puisse pas trouver à l’extérieur ? Des gens comme Kaas ? Par pitié, ça, ce n’était qu’une raison de plus de s’enfuir en courant. Un peu plus, il le savait, et elle l’aurait frappé. Pas que sa dégaine de mort-vivant et sa frêle stature fussent très impressionnante, mais l’adrénaline pouvait donner des forces insoupçonnées aux gens. Et, étrangement, le blond ne se sentait pas d’être le cobaye d’une expérience pareille. Dans cette bâtisse lugubre, il y avait de belles pièces, mais atrocement vides ; pas à cause des meubles, pas à cause des gens qui déambulaient dedans comme ils l’auraient fait chez eux. Il ne s’expliquait pas ce sentiment et n’en éprouvait pas le pressant besoin non plus, il pouvait vivre sans. Tout ce qu’il savait était qu’il ne l’aimait pas, pas plus qu’il n’aimait la jeune fille qui, après une réponse des plus concises, avait passé le seuil de la porte. Violente, illogique, irréfléchie surtout. Prendre en compte les faits qui nous arrangeaient et éluder les autres d’un geste de la main, en quelque sorte. Et elle se plaignait qu’il les lui remette bien en face des yeux, là où elle ne pourrait pas faire autrement que les regarder ? Il ne l’aimait pas, pas du tout. Et plus il attendait, plus les secondes s’égrainaient, plus il sentait que ce n’était pas près de s’arranger.

Si tout le monde ici était comme ça, il n’était pas au bout de ses peines… Désireux de ne pas s’en lamenter, il utilisa cette vague crainte comme une nouvelle motivation pour partir au plus vite. Il regrettait presque le cruel manque d’intérêt de ses parents à son égard. Presque. Qu’on lui fiche la paix, c’était tout ce qu’il demandait. Alors, se demanda-t-il, pourquoi lui as-tu seulement adressé la parole ? Tu aurais très bien pu agir autrement. Hans secoua légèrement la tête, repoussant ces pensées en marge de son esprit, là où elles ne le dérangeraient plus. Qu’avait-il dit ? La bibliothèque, oui. Eh bien, rien ne l’obligeait à s’y rendre de suite, après tout… Depuis le temps qu’il n’écoutait plus que les prédictions de l’oracle google, fièrement annoncées par cette grande pythie qu’était wikipédia, la seule évocation d’un endroit pareil lui paraissait… A la fois décourageante et trop vétuste pour être très utile. Il rentrerait dans sa chambre, et aviserait pour la suite. Il n’était pas à quelques heures près, non ? Ils lui chantaient bien qu’il avait l’éternité devant lui, ces malades…

Il se redressa, abandonnant l’encadrure de la porte qu’il semblait tant chérir pour s’engager dans le couloir.


[Pas grave. Voilà, Hans aussi est parti.XD]
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MessageSujet: Re: Appétit rassasié [Terminé]   Appétit rassasié [Terminé] Icon_minitime

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