« Bon, toi tu viens avec moi. »

Il y avait une seule raison pour laquelle Garry avait choisi sa rivale acharnée/ennemie jurée/ comme escorte dans sa recherche de feuilles de cahier : elle était persuadée qu’Emily, qu’elle considérait comme une brute imbécile sans se douter une seule seconde que l’expression pouvait tout aussi bien lui être appliquée, était suffisamment musclée et belliqueuse pour tuer n’importe qui ayant l’audace de s’en prendre à elle (et donc, a ELLES supposait-elle. Peut-être qu’elle pourrait dire quelque chose comme « si tu ne me protèges pas, Nao te détestera toute ta vie. » au moment opportun). Elle l’avait amenée avec elle vers la salle Yume qu’elle trouvait « trop space pour être vide de quelque chose d’important» en prétextant une arrivée imminente de Nao auprès d’elles, prétendument décidé lui aussi s’extirper du pensionnat en trouvant des pages du cahier. Ce qu’Emily n’avait absolument pas besoin de savoir : ils s’étaient disputés quelques heures plus tôt dans la matinée, juste après qu’elle l’eut vu quitter sa chambre avec un gilet lui appartenant (il prétextait que sa fureur était dû au fait que le vêtement lui aille mieux qu’à elle, mais elle soutenait que non, elle détestait que l’on touche à ses « putains d’affaires ». Et peut-être avait-il raison, oui -mais ça non plus, Emily n’était pas supposé l’apprendre.)

La porte qu’elle empoigna avec brutalité s’ouvrit sur une forêt -l’odeur du bois mouillée lui fit retrousser les lèvres de dégout et elle serait partie si sa fierté ne ‘l’empêchait pas de le faire ; aussi elle était persuadée qu’Emily était ce genre de fille capable d’escalader des arbres à mains nues, et se défiler auprès d’elle aurait été vraiment humiliant.

« OK, très bien, vraiment, articula-t-elle avec une jovialité feinte, un sourire tendu étiré sur ses lèvres minces ; génial . » continua-t-elle en retroussant les manches de sa marinière sur ses coudes osseux dans une vague tentative de paraitre déterminée par la perspective de marcher dans la boue chaussée de talons de 16 centimètres (déterminée et certainement pas flippée ou répugnée ou quelque chose. Ce n’était pas le cas, de toute façon). Malgré son rictus -crispé, franchement pas naturel (surtout sur le visage hautain et maussade de Garry)- c'est avec inquiétude que ses yeux balayaient les environs ; un salon de thé entouré de moustiques bourdonnants et agités (a qui elle jeta un vague regard d’appréhension -ses jambes, dans son short, étaient nues), dévoré par la mousse et les fougères. Les fougères inquiétantes (enfin. Elles l’auraient été si Garry aurait elle-même été du genre à être inquiète. Ce qu’elle n’était pas. Vraiment.), frémissantes -presque croissantes ? Elle ne voulait même pas penser à ça.

Après un certain moment de réflexion (elle allait abimer le daim de ses chaussures, non ?) , dans un geste qu’elle voulait empreint de dignité, elle retira ses escarpins moutarde avant de les poser avec une nonchalance jouée devant la porte. Avec satisfaction elle remarqua que même déchaussée, elle restait plus grande qu’Emily, à qui le sourire qu’elle adressait semblait maintenant vaguement plus moqueur.

Si Emily avait fini par accepter de la suivre, ce n’était pas avec des intentions pures d’aider Garry. Elle espérait plutôt la pousser dans un coin de la salle Yume et partir en la laissant se débattre avec les trucs infâmes qui devaient y ramper. De plus, elle n’en avait vraiment rien à faire de sortir du pensionnat – à part peut-être pour retrouver son père… Elle tripotait songeusement sa croix, n’écoutant rien de ce que Garry pouvait bien lui dire, la suivant sans vraiment penser à elle. Elle n’avait même pas enregistré la raison de sa fuite, et elle s’en fichait éperdument comme de sa première petite culotte. Elle soupira, et se reconnecta avec la réalité lorsqu’elle poussa la porte, prononçant la citation de Shakespeare. Lorsqu’elle s’avança, elle s’arrêta net, contemplant la Salle Yume. Elle ne l’avait jamais imaginée comme ça ; une forêt dense, fourmillante de mouvements et de moustiques, elle regarda avec stupeur les arbres se balancer dans un mouvement des plus étrange, car totalement régulier. Elle prit d’ailleurs plaisir à voir la tête de Garry lorsqu’elle se rendit compte du milieu dans lequel elle évoluait, aussi commença-t-elle à apprécier cette petite virée – et non pas l’immonde pétasse qui l’accompagnait, il ne faudrait pas rêver tout de même. Elle ôta ses chaussures, et Emily soupira. Non, franchement, tout ça était une très mauvaise idée.

« Bon allez, salut. Démerde-toi. »

Elle s’avança vers la porte, qui… resta bloquée. Elle eut beau s’acharner dessus, elle semblait impossible à rouvrir. Elle haussa les sourcils, et se retourna vers Garry, la bouche close. Putain. Elle allait devoir la supporter un bon moment.

« Jte préviens, c’est hors de question que jte sauve la peau. Tu te DÉMERDE. »

Elle commença à s’avancer, avant de s’arrêter et de se balancer sur ses hanches. Bon, elle était en jean et en t-shirt, ça devrait aller si elle faisait attention à ses bras… Et puis, puisqu’elle était coincée là, autant chercher les fameuses feuilles de Rudy. Même si une partie de sa famille était ici, il lui restait toujours l’autre, celle qui ne l’avait jamais trahie, au dehors. Elle soupira, et lança un regard circulaire. Un truc l’intriguait : elle ne comprenait pas ce que ce salon de thé venait faire ici…. Elle s’avança vers lui, écartant soigneusement les fougères qu’elle jugeait peu attirantes, et s’avança vers la table.

(Emily vérifie la table)


(précision : toutes les actions ont été choisies par Mollusque, afin de conserver un total fair-play, étant donné que je connais les actions qui donnent des feuilles)

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«Putain, non, tu ne me laisse pas ic- » elle commença brusquement avec hargne mais n’eut pas l’occasion de terminer sa phrase ;sa voix s’éteignit lorsqu'elle constata que la porte ne s'ouvrait pas. Malgré l’ennui que cela entrainait (rester toutes les deux bloquées ici parmi les moustiques et dans l’humidité), elle était assez satisfaite -Emily ne partirait pas. Elle feula:

« Jte préviens, c’est hors de question que jte sauve la peau. Tu te DÉMERDE.
- Ouais ouais... » Acquiesça-t-elle avec indifférence en haussant les épaules (bien sur qu'elle allait finir par l'aider. La perspective d'avoir à se faire aider restait assez angoissant, pourtant.)

Elle suivi du regard Emily qui se déplaçait vers la table avant de la rejoindre avec méfiance, évitant avec adresse les lianes collantes qui ébouriffaient ses cheveux. Lorsque son champ de vision fut dégagé, elle vit qu’Emily était penchée sur la table, action qu’elle imita avec réserve avant de froncer les sourcils ;

« c’est quoi ce bordel ? » cracha-t-elle en observant les carrés de sucre s’animer avec gaieté en compagnie des cuillères à thé dans une danse rythmée quoiqu’improbable. Elle était à peine surprise pourtant -c’était presque habituel ici, au pensionnat. Elle choisit de les ignorer avec hauteur, et, après une poignée de seconde, bouscula sèchement Emily (son sourire maintenant fané, elle murmura avec dédain; « tu sers à rien ») afin de se rapprocher de la théière qu’elle observa quelques instants avant de l’ouvrir machinalement, vaguement curieuse.


[Garry ouvre la théière]

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Trop occupée à observer avec attention la danse effrénée des petites cuillères et des carrés de sucre, Emily ne tourna la tête vers Garry que lorsqu’elle l’entendit toucher la théière. Elle ouvrit les yeux, avant d’hurler – de rire. Un jet noir et visiblement bouillant avait jailli de la théière, avant d’éclater sur le visage de Garry. Visage qui, d’ailleurs, devenait de plus en plus… bleu. Elle fut secouée par un rire incontrôlable, se retenant à la table pour ne pas s’écrouler par terre.

« OH PUTAIN, OH PUTAIN ! »

Elle n’allait jamais le lui faire oublier. Oh ca non, jamais – c’étaait encore plus jouissif que d’avoir détruit sa chambre. Quoi que, peut-être pas quand même. Même si elle s’était rétractée vers la fin, elle avait adoré déchirer ses robes, renverser ses parfums et inscrire des insultes avec ses rouges à lèvres Chanel contre le miroir et le mur. Mais il fallait avouer que c’était tout de même une attraction pure et simple.

« Ben alors cocotte, on se transforme en Schtroumpf ? »

Elle finit par se calmer, haletante, essuyant les larmes de rires qui avaient perlé au coin de ses yeux. Elle soupira, et commença à s’avancer vers les fougères. Aussitôt, une pluie totalement et horriblement localisée lui tomba dessus. Elle hoqueta, tandis que des trombes d’eau s’abattaient sur elle, la forçant à s’agenouiller. Elle avait l’impression que cela durait des heures, tandis qu’elle crachait de l’eau et de la boue, la pluie s’abattant avec une pression énorme contre son dos. Elle finit par stopper au bout d’un moment infini, et…

[Emily se prend la pluie (non, sérieux ?)]

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Elle se crispa aussitôt que le liquide heurta son visage. Etrangement elle ne hurla pas, trop énervée pour ça, mais sa mâchoire se contracta de douleur et de rage tandis qu’Emily éclatait de rire à ses cotées.

Elle allait lui en parler TOUTE SA VIE. Elle était sure de ça. Elle était également persuadée qu’elle allait balancer ça à tout le monde, et elle était soudainement un peu moins réjouie d’avoir eu l’idée de se faire accompagner par une relève de Hulk qui la haïssait. Silencieusement afin d’assister sa dignité mourante, elle essuya de la paume de sa main la peau de son visage humide sans immédiatement s’apercevoir de la teinte bleue qu’avait pris sa peau claire. La remarque d’Emily l’intrigua toutefois et elle la supposa tâchée -éventuellement brulée. Pouvait-on faire pire que ça ? Elle avait une peau superbe ! Il était hors de question que quoi que ce soit ne l’affecte. Avec une inquiétude qu’elle n’essayait même plus de dissimuler, elle commença en articulant soigneusement ;

« Emily, Celle-ci s’éloignait à travers les fougères dans un bruit de feuille craquelées, Emily je veux sortir d’ici, reprit-elle. Je veux sortir d’ici immédiatement, d’accord ? » Elle parlait rapidement maintenant, fébrile ; s’apprêtait à ajouter quelque chose mais la pluie qui se brisait sur le dos courbé d’Emily la força au silence le temps de quelques minutes. Elle ne s’y attarda pas pourtant ; il lui était assez évident maintenant qu’elles ne pouvaient rien attendre de mieux de la pièce -ne se sentie même pas vengée en la voyant hoqueter. Elle supposait ça normal et dès que le silence revint et que la pluie cessa de tomber, avant qu’Emily ne puisse jurer, elle reprit avec hystérie sans lui accorder de répit:

« Emily je veux sortir d’ici tout de suite, putain, comment sort-on d’ici ? Il faut que je nettoie mon visage, il faut vraiment que je le fasse. Je ne bougerai pas, je te préviens je ne le ferais pas.»

C'était peut-être irrémédiable ? Et si c'était irrémédiable ? Elle ne pouvait pas se présenter au monde avec le visage bleu. Même à Emily, en fait. Surtout à Emily. Emily qui ne semblait pas plus réceptive à ses problèmes qu'elle aux siens (OK, elle était "un peu mouillée", d'accord. Mais IL Y AVAIT PIRE ! Son visage était bleu.)

Emily n’écouta pas un mot des jérémiades de Garry ; elle n’en avait strictement, mais alors strictement rien à faire. Elle sentit ses poumons s’embraser tout d’un coup, tandis qu’une toux violente lui arracha la gorge. Elle toussait, toussait, et l’impression de recracher ses poumons était à la fois horriblement dégoûtante et perturbante. Elle finit par arrêter de tousser, avalant sa salive pour humidifier sa gorge abîmée, prêtant un bout d’oreilles aux paroles de Garry.

« … d’ici ? Il faut que je nettoie mon visage, il faut vraiment… »

Oui, bon, le baratin habituel. Elle n’écouta pas la suite, se contentant de regarder autour d’elle, entre deux quintes de toux. Bon, il était vrai qu’elle aimerait sortir d’ici également – ceci étant dit, cela n’allait pas être facile. Elle pouvait soit attendre bêtement que la porte s’ouvre, soit continuer à chercher la fameuse feuille, bien qu’avec cet environnement vaste et à priori plutôt HOSTILE cela pouvait mettre des heures… Ou, elle pouvait écouter les plaintes de la blonde peroxydée et faire soit semblant de compatir, soit en rajouter des couches. Donc, elle n’avait pas envie de l’écouter, encore moins de feindre une compassion, et elle avait tellement mal à la gorge qu’elle ne se sentait pas le courage de se foutre d’elle – et pourtant il y aurait de quoi. Cette foutue pluie ne l’avait pas avancée DU TOUT. Donc, elle continuait à chercher – histoire de faire quelque chose de constructif, et non pas gémir.

« Rah, ta gueule ! » souffla-t-elle, exaspérée par le son de sa voix.

Elle s’avança vers les fougères grandissantes, intriguée par leur croissance. Elle s’arrêta pile devant, hésitant à fouiller à l’intérieur ou à juste les traverser. Après tout, il était arrivé deux évènements plutôt fâcheux (dont un qui la ravissait, mais elle l’aurait beaucoup moins apprécié si c’était elle qui s’était fait ébouillanter le visage…), aussi hésitait-elle à faire quoi que ce soit.

« … Hmm. »

Elle jeta un rapide coup d’œil vers le coffre, au fond, et décida que le sable bougeait d’une façon encore plus suspecte que les fougères. Aussi préféra-t-elle plonger ses mains à l’intérieur, fouillant à la recherche de quelque chose d’intéressant…

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« Ma gueule ? Pardon ? Putain j’ai la peau bleue, tu as dit que j’avais la peau bleue, alors je veux sortir d’ici MAINTENANT. »

Elle ne l’écoutait toujours pas, s’éloignait un peu plus dans les fougères. C’était vaguement vexant, mais elle ne s’attendait pas au soutien d’Emily en ce qui concernait les problèmes d’ordre esthétique. Elle portait des baskets et Garry considérait ça comme une faute grave -et, à cet instant, elle détourna la tête vers ses chaussures avec dans l’idée d’aller les enfiler ; le temps qu’elle reporte son attention sur elle avec dans l’idée de lui annoncer son départ (potentiel -la porte s’ouvrait-elle ?), sa silhouette avait disparu. Ok, très bien -parfait.

« Mais Emily, je t’ai dit que je voulais sor-» un cri éraillé coupa brusquement sa phrase. Elle haussa un sourcil perplexe, vaguement méprisant, daigna de se rapprocher après quelques secondes afin d’y trouver Emily, submergée de fougères palpitantes. L’espace d’un instant elle songea à laisser Emily ici -s’était-elle inquiétée pour son visage ? Et son visage n’était-il pas plus important que...de nouveau un cri rauque déchira le silence (ou, en tout cas, le sien -il y avait des cris d’animaux au loin et le bruissement des fougères agitées, désagréable comme du papier que l’on froisse).

Elle retroussa de nouveau les manches de son pull qui avaient glissées sur ses poignets et s’approcha prudemment en jurant vaguement. Emily ressemblait à une rock star adepte du stage diving et si c’était une vision assez effrayante elle était surtout pressée de sortir d’ici. Elle se pencha avec application et brusquement, attira vers elle les jambes minces de l'adolescente en s’efforçant d’ignorer les feuilles insistantes sur ses propres bras. Elle parvint finalement à l’extraire de la mêlée, et le recul, lorsque les fines branches se déchirèrent (quoique -d’autres se décollèrent comme des espèces de ventouses) du corps d’Emily, les firent vaguement basculer en arrière -suffisamment pour échapper à leurs prises. Garry eut un sourire narquois, et, supposant qu’elle n’obtiendrait aucun remercîment (et ce malgré les brulures imprimées sur son bras du aux mouvements des feuilles -elle allait devoir refaire une cure de crème hydratante), s’éloigna vers la porte, désormais ouverte, avec de l’ironie sur son visage (ça et de la couleur bleue);

« J’te préviens, c’est hors de question que j’te sauve la peau. » répéta-t-elle en plissant le nez dans une imitation maniéré alors qu’elle se penchait afin de réenfiler ses escarpins : «T’es une putain d’égoïste tu sais ? » OK -elle n’aurait jamais dit ça si elle n’avait pas eu l’occasion d’extirper Emily de ces espèces de plantes carnivores parce qu’il se trouvait qu’elle était également « une putain d’égoïste » (voir un peu plus. La raison de la présence d'Emily était-elle même peu charitable -mais personne ne le savait) mais pour l’instant, sa satisfaction lui faisait presque oublier qu’elle avait le visage taché de bleu pour une durée indéterminée.

Bon.
Okay.
Elle se faisait bouffer par des fougères.

…

ELLE SE FAISAIT BOUFFER PAR DES FOUGERES PUTAIN ! Elle se mit à gesticuler, arrachant les pieds qu’elle réussissait à attraper avec violence, mais elle ne parvenait pas s’échapper pour autant. Elle entendit Garry s’approcher, et lorsqu’elle sentit les mains affreuses de Garry contre sa jambe, elle ne pu retenir un juron.

« Meeeeeeerde… »

Lâche-moiiiiiiiiiii sale gourde, lâche moiiii ! je veux pas de ton aide putain…
Elle sentit les feuilles qui griffaient ses bras, ses jambes, son dos tout entier. Elle grogna, et sentit Garry tirer. Oh merde. Elle espérait sincèrement qu’elle n’allait pas réussir à la sauver, car sinon elle n’y survivrait pas. Et malheureusement, elle se sentait effectivement reculer, elle sentait que les fougères dévoreuses d’humains (ou presque) commençaient à lâcher priser. Elle se sentit partir en arrière à cause du recul et de la force déployée, et elle manqua de tomber, se rattrapant contre un des arbres au rythme bizarre. Elle haletait, la gorge défoncée par la pneumonie, la voix éraillée, les membres déchiquetés et le dos parcouru d’estafilades. Elle ne pensa pas une seconde à remercier Garry (son égo en mourrait aussitôt, elle avait déjà dit une fois à Nao qu’elle l’aimait, il ne fallait pas pousser quand même, non mais oh), et elle chassa les dernières petites feuilles suceuses de sang qui tentaient de la bouffer. Garry répéta la phrase qu’elle avait prononcée un peu plus tôt, provocation à laquelle Emily ne réagit même pas, se contenant en balayant la pièce du regard. Elle vit la porte ouverte, et Garry qui s’avançait pour la franchir.
Putain d’égoïste, hein… Elle n’avait peut-être pas tort, mais elle ne l’admettrait pas pour autant. C’était son problème, pas le sien, aussi ne fit-elle aucun commentaire, dépoussiérant ses vêtements. Et puis d’abord, les baskets de ville Nike à la con, c’était bien plus pratique dans ce genre de situations que ses escarpins à la con – elle était pas déjà suffisamment grande, d’ailleurs ?!! Evidemment qu’elle préférait porter des ballerines ou des chaussures un peu plus… sympa, mais euh, quand même, elle avait appris un tas de fois que le pensionnat était un endroit… retors.

« Bon, écoute. Je parle pas de ta tronche bleue, et tu parles pas des fougères, okay ? » lâcha-t-elle à regrets.

Il était hors de question qu’elle lui doive quoi que ce soit. Il ne fallait pas pousser quand même. Car quoi qu’elle dise, elle ne l’aurait pas laissée mourir si ça avait été elle. Quoi que…

Emily, une fois de plus, l’ignorait avec obstination -détournait les yeux vers la pièce tandis que Garry continuait obstinément à marmonner quelque chose comme « na-na-na-na je m’appelle Emily et je te HAIS Garry, tais-toi Garry, tu me saoules Garry... » tout en achevant d’enfiler ses chaussures. Elle se relevait lorsqu’Emily la coupa dans ses divagations puériles :

« Bon, écoute. Je parle pas de ta tronche bleue, et tu parles pas des fougères, okay ? »

Garry haussa un sourcil, vaguement vexée de ne pas avoir été remerciée mais trop fière de l’admettre. La proposition l’arrangeait mais acquiescer immédiatement aurait été une erreur et elle fronça les sourcils d’un air songeur, les mains plaquées sur ses hanches étroites.

« Et bien... »

Elle allait accepter -bien sûr qu’elle allait accepter ! Elle avait le visage bleu et elle-même devait admettre que dans une pareille situation il lui était impossible de se permettre de débattre. Elle aurait pourtant aimé clamer avoir « sauvé la vie » d’Emily avec « héroïsme et courage» (et sans hésitation ! En dépit de leurs « désaccords » -parce que Garry était ainsi. Prête à aider son prochain).

« Ouais, faisons comme ça. » acquiesça-t-elle avec une nonchalance appuyée. Pourtant, c’est en se redressant de toute sa hauteur (et ce n’était pas peu dire à cet instant -fièrement perchée sur ses talons hauts elle mesurait maintenant 1m84) et en pointant son index bagué (un énorme bijou en forme de crâne, méticuleusement assorti avec son vernis métallisé qui évoquait vaguement de l'aluminium) qu’elle lui adressa un regard menaçant :

« Par contre, si tu racontes ça à qui que ce soit, j’invente des trucs. »

La menace n’était pas précise, quoiqu’il y ait peu de personnes auprès duquel Garry pouvait discréditer Emily avec plus ou moins de succès (OK -sans doute pas avec succès. Elle n’en avait aucune idée -le tout était de le prétendre avec conviction)

« Sérieusement. Je le ferai -tu sais que je le ferai.»