La différence entre lui, et elle [Kélian Vs Anna]

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Un grand soleil. Haut dans le ciel. Il ne devait pas être bien loin de midi. L'air dans le pensionnat était chaud, beaucoup trop. Annabelle n'en pouvait plus, elle n'aimait pas le soleil, comme les vampires. Loin de là, elle n'en était pas un, mais disons qu'elle n'appréciait pas la lumière. Pour que vous en soyez certains, regardez son teint pâle, ou même ses doigts presque translucides... Oui, elle préfère traîner dans les coins sombres que dans les rayons lumineux.
Annabelle n'avait pas changé de vêtements depuis son arrivée, si bien que sa robe noire était déchiquetée à de multiple endroit, ses collants transparents étaient bons à jeter à la poubelle. Ne parlons pas pas de ses cheveux qui lui arrivaient à la taille, nattés depuis le début de la semaine, et en plutôt mauvais état. Cela se voyait, Anna ne prenait pas soin d'elle, et personne ne semblait vouloir s'occuper de son cas. Mais elle s'en fichait, oh oui.
De toute façon, même si elle réussissait à s'arranger, elle n'arriverait jamais à la cheville de cette garce. Mahaut...

Midi. L'heure de déjeuner. Annabelle avait passé toute la matinée dans sa nouvelle chambre, les rideaux fermés, la tête dans l'oreiller. Elle détestait cet endroit encore plus qu'elle ne se haïssait elle. Et ce n'était pas peu dire. Elle savait, pourtant, que ce n'était pas en se refermant sur elle-même qu'elle réussirait à sortir d'ici. Mais comment une gamine de dix-sept ans pouvait-elle vaincre une porte magique ? Sérieusement ? Si Dieu voulait qu'elle reste ici, alors elle ne bougera pas.
Mais en attendant, elle le maudissait, cet être tout puissant.

Anna se redressa si vite dans son lit que sa tête lui tourna. Elle semblait neutre, mais elle était affolée.

Elle avala sa salive mêlée de sang (elle s'était mordue la lèvre) et se mit à genou sur son matelas. Elle ferma les yeux et récita une prière, les mains jointes. Deux filles parlaient. L'une se nommait Camille, l'autre Kim. Le copain de cette dernière avait disparu. Anna ne comprenait pas grand chose, mais elle rouvrit les yeux avant la fin.
Le sang sorti de sa bouche et goûta sur le drap blanc. Elle haleta. Cela ne pouvait pas continué comme ça !
Anna sortit prestement de sa chambre, se rattrapa

sur le mur d'en face. Elle déambula longuement avant de trouver une porte où rien n'était noté. Elle appuya sur la poignée et poussa le battant. Et... Elle s'effondra dans les escaliers de la cave.

Toute moulue, brisée, elle ne bougea d'abord pas. Puis elle reprit sa respiration. Elle avait du mal à respirer, elle devait sûrement s'être cassé une côte. Bien que sous l'emprise de la douleur, les larmes ne coulèrent pas, mais disons qu'elle en avait marre. Au lieu de se sentir triste, elle se surpassa pour se relever et marcher. Cela ne dura pas deux minutes, avant qu'elle ne retombe un peu plus loin sur les rotules. Elle toussa.
Puis se déshabilla.
Non non, Anna n'est ni nudiste, ni folle (enfin, si, un peu). Elle avait l'instinct de survie. Ses habits ressemblaient à des chiffons que des chiens s'étaient amusés à mâchouiller. Sa peau était couverte d'hématomes, son corps n'était pas beau à voir. Des égratignures, elle en avait sur les genoux, le ventre, les bras et même la joue gauche. Ses côtes étaient saillantes, il faut dire qu'elle ne sait Pas s'occuper d'elle, donc manger, encore moins. Ses mains et son dos gardaient des traces de brûlures omniprésentes.
Anna se calma petit à petit. Cela ne servait rien à s'affoler, de toute façon. Elle dénoua ses cheveux et s'en servit comme d'une couverture. Elle ne se souvenait plus comment elle avait toutes ces marques sur elle. Tout ce qu'elle savait, ce qu'elle ne voulait voir personne, qu'elle n'avait besoin de personne. Qu'est-ce qu'elle faisait ici ? Elle n'en savait rien. Anna ferma les yeux.

" Ne venez pas, laissez-moi tranquille... "

C'était ennuyeux. Pire qu'ennuyeux. Kélian donna un coup de pied distrait dans un objet qui trainait par terre, sans chercher à savoir ce que c'était pour autant. Ennuyeux, ennuyeux, ennuyeux. Il n'y avait rien à faire, ici, quand on était de mauvaise humeur. Et même quand on ne l'était pas, d'ailleurs. Parler? Se créer des problèmes? Visiter? Dormir? Ou lire, bien sûr. Mais au bout de deux jours, on a vite fait le tour des activités. Alors au bout de beaucoup plus de temps, on les a fait dix fois. Il songea un moment à aller chercher querelle auprès d'Ambre ou de Kyle, mais abandonna bien vite l'idée. Il ne se sentait pas d'humeur à aller se battre ou jeter des gens par la fenêtre, pour l'instant. Peut-être que, passé midi, si le cœur lui en disait, il irait pourrir la vie de deux trois personnes : pour le moment, il se contentait de visiter. Ses chaussures basses tapaient régulièrement contre le sol à mesure qu'il avançait, silencieux, les sens aux aguets.

Le pire, c'était pas d'être enfermé. En fait, il s'en foutait carrément. Là d'où il venait, là où il était..., dans un sens, ici ou ailleurs, c'était la même chose. Sauf qu'ici, au moins, il y avait de l'ambiance. Des trucs louches. Des personnes qui disaient venir d'endroit qui ne lui disaient absolument rien. Et il y avait cette histoire de pouvoirs, évidemment : lui ne savait pas en quoi consistait le sien, mais ça piquait sa curiosité. Soit c'était hyper précis, soit il ne s'était juste pas rendu compte que c'était ça. Bah, peu importe. Ça viendrait en temps venu. Ce qui était fatiguant, en revanche, c'était les autres. Les imbéciles qui couraient partout à pas d'heure, les idiots qui lui adressaient la parole alors qu'il n'avait pas envie de parler avec eux. Mais surtout, l'allure en général de tous les pensionnaires. A côté de la plupart des garçons, il semblait petit : chez lui, il était grand. Voir soudainement des filles mesurer parfois près du mètre quatre-vingt, voir des personnes à la peau foncée ou aux cheveux clairs, c'était pour le moins..., inhabituel. C'était le mot, oui. Inhabituel. Et qu'est-ce qu'ils avaient, tous avec leur main droite? On se serre la main droite, on écrit de la main droite... Lui était gaucher et s'en portait très bien. D'ailleurs tout le monde était gaucher, chez lui. Il semblerait qu'entre son 'monde' et celui de la majorité des pensionnaires, il y avait un gouffre.

Ses pas le menèrent sans vraiment qu'il s'en rende compte dans un couloir qui ne lui était, semble-t-il, pas familier (non, parce qu'il s'était pas amusé à faire tout le bâtiment en semant des cailloux, non plus). Un couloir, quoi. Dément. Et une porte, aussi. Ce qui attira plus son attention, à vrai dire, fut que la porte était ouverte – fait exagérément intéressant. Et, plus sérieusement, ce fut le bruit sourd qui monta de là qui le poussa à s'approcher. Derrière la porte, il y avait des escaliers. Des escaliers qui descendaient. Une sorte de cave, donc? En tout cas, ça avait l'air vachement sombre, en bas. Non pas qu'il avait peur du noir ; contrairement à d'autre, ce qui pouvait se cacher dans la nuit ne l'effrayait plus depuis longtemps. Cela dit, l'idée de se promener dans un lieu sombre et totalement inconnu, où pouvaient se promener des cinglés munis de la vision nocturne, c'était pas très tentant non plus.

Mais rester s'ennuyer ferme, ça ne le tentait pas plus. Raison pour laquelle il poussa un bref soupir, et descendit prudemment les premières marches. Remarque, il ne détonnait pas dans ce décors lugubre. Avec sa chemise, son T-Shirt et et son pantalon noir, il se fondait parfaitement dans la pénombre. Un frisson le parcourut quand il fut arrivé en bas, et il dû plisser les yeux pour voir plus clairement. Au bout de quelques secondes il s'accoutuma à la semi-obscurité, et put constater que, à l'évidence, il n'était pas seul. Il y avait une fille, aussi.

Une fille dans un sale état, qui avait cru juger bon d'enlever ses vêtements. D'aaaaaaccord.

"Ne venez pas, laissez-moi tranquille... "

Elle en avait de bonne, elle... Si elle avait envie de mourir là, c'était son problème. Il poussa un soupir agacé, retira sa chemise, et la lui lança purement et simplement dessus. Maintenant qu'il n'avait plus que son T-shirt, la froide humidité des lieux lui arracha un léger frisson. Il était habitué à plus froid que ça, heureusement.

«Tu vas crever de froid, lâcha-t-il d'un ton égal, bras croisés. On peut savoir comment tu t'es retrouvée dans cet état-là? C'est pas un super endroit pour faire la sieste.»

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Merde... Il y avait quelqu'un, en fait. Oui, parce que, si Annabelle Adams vous adresse un jour la parole en vous vouvoyant, c'est que ce n'est pas normal. Ou que ce n'est pas elle. Ou que ce n'est pas à vous qu'elle parle. Bon, en gros, elle garde plus le silence qu'autre chose lorsque quelqu'un s'approche. Mais alors, à qui parlait-elle ? Eh bien, à son "seigneur" des cieux tout puissant.

Vous êtes vous déjà senti différent en présence d'une autre personne ? Une envie irrépressible de soudain dire la vérité à la première personne venue, ou de simplement rire à une blague idiote. Où le bien devient le mal, et le mal, le bien. Vous voyez ce que je veux dire ? Bon, laissez tomber.
Anna n'avait pas du tout l'intention de lui répondre et encore moins l'intention de le regarder. Mais c'était vrai qu'elle avait froid. Pourtant, elle se doutait que ce n'était pas pour cette raison qu'il lui avait passé ses habits. Elle n'avait pas le courage de mettre la chemise qu'il lui avait balancé. Aussi, elle le garda sur elle, juste pour cacher son corps dénudé et légèrement mutilé. Elle n'était pas gênée, mais elle ne savait pas comment qualifier le sentiment qu'elle éprouvait à ce moment.
Alors qu'elle voulait se taire, elle se fit soudain causante.

" Je suis tombée... "
Fit-elle en fronçant le nez.

Elle releva le menton et le détailla intérieurement. D'abord, il était de taille normale. A peine deux centimètres de plus qu'elle. Sa peau était plus pâle que celle d'Anna, mais elle semblait n'être de cette couleur qu'à cause du manque de soleil permanent. Il avait les cheveux aussi noirs qu'elle, ainsi que les yeux foncés. En fait, elle avait l'impression de l'avoir déjà vu. Mais ce n'était pas possible.
Il avait une espèce de tatouage sur la joue gauche. C'était difficile de passer à côté, pour tout dire. Elle s'est demandé où est-ce qu'il avait bien pu aller pour en faire un pareil. Surtout que le faire ici était un peu osé.
Anna baissa son regard sur la chemise et la leva. Elle semblait hésiter, comme si elle était partagé entre deux choix : celui de lui balancer à la figure ou de le garder parce qu'elle a froid.
En grinçant des dents, elle l'enfila.
Sérieusement, une simple chemise sur son dos lui donnait un air légèrement habillé. C'était ça ou rien. Annabelle resta silencieuse, de nouveau les cuisses contre sa poitrine, les bras autour de ses jambes et sa tête sur ses genoux. Elle savait qu'il était encore là et qu'il voulait faire la discut'. Elle soupira, mais refusa complétement de se lever pour le chasser. Elle se taira jusqu'à ce qu'il parte. Tais-toi, tais-toi, tais-toi...

" Pourquoi tu es venu ? "

Ben bravo. Pour un peu, elle se serait giflée.

[Happy Birthday :3]

{Yeay! 8D C'était l'anniversaire d'Emrys, en fait.\o/}

La fille ne semblait pas particulièrement de bonne humeur. En fait, il se demanda même si elle l'avait entendu. Elle pouvait être sourde, on ne sait jamais. Cela dit, il en doutait ; les sourds ne parlent généralement pas, or il était persuadé qu'elle avait élevé la voix. Pas sourde, donc. Peut-être qu'elle s'appliquait juste à l'ignorer. Ou qu'elle était 'ailleurs'. Ou qu'elle n'avait juste pas envie de lui répondre. Il y avait mille raisons qui pouvaient la pousser à garder le silence, et il ne comptait pas toutes les énumérer juste pour le plaisir de le faire. Il haussa néanmoins un sourcil en constatant que la jeune fille garda sa chemise sur elle, comme une couverture. Ce qui n'était, dans les faits, ni une bonne ni une mauvais chose. Il aurait préféré qu'elle l'enfile, mais c'était mieux que de la jeter. Au moins, elle ne mourrait plus totalement de froid. C'était mieux que rien.

" Je suis tombée... "

Ah. Donc elle l'avait vu, et elle ne l'ignorait pas complètement. Ses yeux gris se déplacèrent distraitement vers l'escalier, derrière lui, quand elle prononça ces quelques mots. Tombée? C'était sûrement ça, le bruit qu'il avait entendu.

Vu l'état dans lequel elle était il n'y avait pas dû avoir qu'une chute, en tout cas, il y aurait mis sa main à couper. Peut-être était-elle malade? Ou peut-être s'était-elle battue avec quelqu'un. Ou bien tout autre chose, il ne savait pas : c'était assez difficile à dire. Elle n'avait pas l'air en bon état, mais il n'était pas assez près et il ne faisait pas assez jour dans cette cave pour qu'il puisse dire où était le problème précisément.
L'inconnue aux cheveux noirs sembla hésiter un instant. Il garda le silence, comme s'il attendait qu'elle dise quelque chose : mais après tout, c'était peut-être à lui de parler, maintenant. Son regard passait du sol à la fille, se posait sur son visage, tentait vaguement de déterminer si elle allait faire quelque chose ou rester assise là à rien faire. Il n'était pas le bon samaritain par excellence, loin de là, mais ça l'aurait tout de même embêté de la laisser là, comme ça. Bon, si ça l'amusait de se déshabiller et de dégringoler les escaliers, c'était un peu son problème : mais maintenant qu'il était tombé sur elle, il considérait aussi que c'était un peu le sien.

Elle finit par enfiler la veste qu'il lui avait lancé, assise jambes contre sa poitrine. Il voulut élever la voix lorsqu'il l'entendit soupirer, mais ce fut finalement elle qui prit la parole :

" Pourquoi tu es venu ? "

Oh. Quelle bonne question. Il réfléchit un court instant à la réponse qu'il pouvait lui donner, et en vint à se poser lui-même la question. Qu'est-ce qu'il faisait là, en premier lieu? D'accord. Il s'ennuyait, il se promenait, il avait entendu du bruit, et était descendu. De toute façon, Kélian aimait se dire qu'il faisait parti des personnes qui allaient voir ce qui se passait s'il entendait un bruit inquiétant, et non pas de ceux qui partaient se cacher sous leur couettes en hurlant.

Il haussa machinalement les épaules, observant les lieux autour d'eux.

«Aucune raison en particulier, lâcha-t-il finalement, bras croisés. Je marchais, j'ai entendu du bruit. Et comme j'étais jamais venu par là, je suis descendu. Simple curiosité.»

Il doutait que de un, ça l'intéresse et de deux, ça la concerne, mais c'était elle qui avait posé la question. Non, la vrai question, en vérité, celle qui méritait une véritable réponse, c'était : pourquoi il restait? Il pouvait tout aussi bien s'en aller, faire demi-tour, la laisser là avec sa veste et basta. Il savait que certains auraient agi de cette façon. Il savait aussi que d'autres auraient à tout prix voulut aider cette pauvre demoiselle blessée et contusionnée. Lui, il se trouvait dans le juste milieu.

«Tu comptes rester là à attendre la mort? demanda-t-il de manière purement interrogative, comme s'il s'était agit là d'une question de formalité. Simple question.»

Oui, parce qu'elle faisait ce qu'elle voulait de sa vie, théoriquement. Ou de sa mort, en l'occurrence. Il ne pensait pas qu'elle serait morte, mais il n'était pas très sûr non plus de ce qu'elle avait pu faire subir ou non à son corps avant et durant sa chute. Et si elle ne pouvait pas monter les escaliers, elle aurait l'air maligne. Combien de personnes passaient par là, tiens? Il n'aurait pas parié sur un gros chiffre. Les caves, ça attire pas les gens. Ou pas les gens sympa, en tout cas.

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Il n'avait pas l'air de s'être posé s'être question. Pourtant, c'était vrai. Qu'est-ce qu'il faisait ici ? La tête baissée, Annabelle ferma les yeux. Elle devait se calmer. Vraiment, ça ne servait à rien de s'énerver. Non non, bien sûr que non, il n'était pas là pour la violer, sinon il ne lui aurait pas donner sa veste. Et il n'avait pas l'air non plus d'un fou. Alors, mais qu'est-ce qu'il foutait là ? Et pourquoi restait-il ici, dans ce cas ? Bon sang, c'était une véritable question !
Alors... Il n'était que curieux ? Eh bien, nous dirons que c'est un curieux drôlement courageux ! Parce que, pour descendre dans cet endroit aussi sombre qu'une boite de conserve fermé, il en fallait du courage. Elle, elle aurait plutôt passé son chemin. Disons qu'elle va où il y a du silence, et non du bruit.

Annabelle papillonna un moment des cils et rouvrit les yeux. Son regard resta fixé sur ses genoux écorchés. Elle toussa et cracha un peu de sang sur ses cuisses. Elle savait qu'elle avait été discrète et qu'il n'avait rien vu. Elle n'avait pas l'intention d'attirer l'attention du garçon. Elle avait dû se perforer le poumon après s'être casser la côte. Il n'y avait vraiment rien de plus génial. Elle avait mal et envie de vomir. C'était affreux.
Comptait-elle attendre la mort ? Oui, peut-être... De toute façon, elle ne pouvait pas faire grand chose... Elle ne pouvait pas se trainer jusqu'au rez-de-chaussé et, bien qu'elle soit légère, elle refusiat catégoriquement qu'on la porte. Qu'on la touche, en fait.
Anna s'essuya la bouche et y récupéra une petite goutte sanglante. Ensuite, elle se leva. Ou, devrais-je dire, essaya de se lever. Parce qu'elle n'y arriva pas. Par la force des bras, ainsi que des jambes. Il n'y avait rien à faire. Elle respirait avec difficulté et elle dû se remettre en position recroquevillée pour arrêter cette fichue souffrance.

" Je ne peux plus marcher "
Murmura-t-elle en le regardant.

Elle n'était ni implorante, ni gênée d'être dans cette position de faiblesse. Au contraire : on ne tape pas une fille, si ? Encore moins une fille incapable de se défendre. Et encore moins une fille incapable de se défendre et qui se fichait bien d'être vivante ou morte. Ce n'était pas drôle de tuer une femme si elle ne hurle pas d'être épargnée.
Si on touche Anna, elle risquerait bien de crier jusqu'à ce que tout le monde quitte la pièce. Mais bon, là, elle n'était même pas capable de parler normalement.
Annabelle commençait à tacher la chemise de l'inconnu. C'était pas cool, ça. Mais pourquoi elle ne voulait pas se laisser toucher ? Le contact physique... était chose étrange. Jamais Anna ne voudrait un jour que l'on ne l'effleure. Pas question. Jamais. Capiche ?

" Tu... n'es... pas fatigué... de... rester debout ? "
A-t-elle haleté en fronçant les sourcils.

Elle luttait pour ne pas s'endormir et se laisser... Urk, toucher. Elle n'avait pas besoin d'attendre la mort : la faucheuse avait l'air de lui avoir réserver une place dans l'au-delà...

{Merci! ♥ Et désolé du retard, j'avais plus internet~ ;__;}

S'il y avait bien une chose que Kélian s'était promis – et comme tout garçon honnête il tenait ses promesses – c'était bien de ne plus avoir peur. C'était catégorique, c'était comme ça, ça ne changerait jamais. Il. Refusait. D'avoir. Peur. Point barre. Étant plus jeune, son frère s'amusait sans arrêt de le voir trembler ou crier quand il se sentait en danger. S'il n'avait pas peur, qu'il ne craignait rien et ne reculait pas, il avait déjà un avantage sur les autres. Il n'y avait que deux choses au monde qui pouvaient lui procurer ce sentiment, et encore fallait-il les connaître pour pouvoir s'en servir. S'allonger, et le vide. Descendre dans une cave noire ne l'avait pas effrayé pour la simple et bonne raison qu'il ne pensait pas que quoi ce soit de foncièrement dangereux ait pu y trouver refuge. Un pensionnaire, tout au plus. Ou un rat.

A défaut d'un rat, c'était une jeune fille. Qui n'avait rien d'effrayante, pour l'instant. Peut-être l'aurait-elle été dans d'autres circonstances ; il ne se serait pas permis de juger de ça. Mais là, elle faisait plus pitié qu'autre chose. Elle avait l'air blessée (et l'était sans doute) et ne représentait de fait pas une grande menace. Restait son pouvoir, bien sûr, dont il se méfiait. On ne sait jamais. Certains étaient très puissants, mais ceux-là devaient sans doute nécessiter plus de force et de concentration que les autres pour être utilisés. Dans son état, Kélian doutait qu'elle soit capable de tenter quoi que ce soit contre lui. Même si elle avait l'air bizarre et que l'endroit n'était pas rassurant, elle était en bien moins bonne posture que lui. C'était plutôt elle, qui aurait dû s'inquiéter. S'il avait voulu lui faire du mal, qu'est-ce qu'elle aurait pu faire pour se défendre?

Cela dit, il n'avait aucune mauvaise intention à son égard. Quelle chance.

Dans un effort sûrement conséquent et plutôt vain, l'inconnue tenta de se redresser. Sans succès. Elle devait être faible, fatiguée, amochée, et si elle ne réussissait même pas à se lever sur ses deux jambes il doutait qu'elle réussisse à sortir de ce trou à rat. Génial. Il s demanda un court instant s'il serait capable de la laisser là, seule, et de partir faire autre chose. Il en vint à la conclusion que oui, mais qu'il s'en voudrait certainement un minimum.

" Je ne peux plus marcher "

Elle s'était recroquevillée, et sa voix n'était guère qu'un murmure. Il secoua sa tête de gauche à droite, fataliste. Il se doutait bien qu'elle ne réussirait pas à marcher, et elle ne fit que confirmer ses doutes. Ça ne l'arrangeait pas, franchement. L'escorter à l'étage aurait déjà été fatiguant, mais s'il devait la porter ça le serait bien plus. Quoi qu'elle n'avait pas l'air bien lourde. En revanche, elle avait l'air..., apathique. Et étrange. Elle semblait se moquer éperdument de l'état dans lequel elle était. D'autres, à sa place, aurait immédiatement demandé de l'aide. Ou auraient au moins manifesté l'envie de sortir de là. Mais elle semblait loin de ça. Peut-être était-elle déjà à moitié dans les vapes? Elle avait encore les yeux ouverts, mais il n'était pas dans sa tête.

Tout ce qu'il savait, lui, c'était ce qu'il voyait. A savoir qu'elle était dans un sale état.

" Tu... n'es... pas fatigué... de... rester debout ? "

La question arracha un haussement de sourcil perplexe au jeune homme. Fatigué de rester debout? Drôle de question. Ses jambes étaient en parfait état, contrairement aux siennes, et le portaient sans le moindre problème. Il aurait même pu rester debout comme ça des heures durant. Il se demanda un bref instant si elle voulait qu'il s'assoit, mais chassa cette idée de sa tête.

Non pas qu'il n'aimait pas s'assoir tranquillement pour discuter, mais pas dans une cave miteuse.

« Non, pas du tout, répondit-il sans ton particulier, ses yeux argentés rivés sur la jeune fille. C'est pas moi qui suis tombé et qui arrive pas à tenir debout, j'dirais. »

Il laissa s'écouler une seconde de silence. Seconde durant laquelle il examina toutes les possibilités qui s'offraient à présent à lui. Il pouvait l'abandonner là, comme il sen était déjà fait la remarque, mais n'en avait pas envie. Elle n'avait pas l'air stupide et inintéressante. Ça aurait été dommage de la laisser crever là.

« Et donc tu veux de l'aide pour te relever, ou mourir te dérange pas? Parce que vu ton état, ajouta-t-il avec un léger soupir ennuyé, tu vas pas réussir à remonter les escaliers toute seule. »

+

[Tu n'y peux rien, ne t'inquiètes pas ; )]

L'inconnu avait l'air surpris par sa question. Il faut dire que ce n'est pas la première chose que l'on demande à une personne, mais bon. On va faire avec. Annabelle n'a plus vraiment toute sa tête alors... et bien, la meilleure chose à faire serait de la laisser ici et de partir avant qu'elle ne décide de faire de votre vie un cauchemar. Parce que si elle est sauvée, mais qu'on l'a aidé (foutue fierté !), celui qui a osé s'occuper d'elle risquait de mourir de fatigue. Voilà, c'était dit. Oui, je comprends, bye bye !
Anna commençait à entendre un léger bourdonnement, qui plomba le silence. Le souflle saccadé, elle s'arrêta soudainement de respirer et écouta. Elle ne savait pas d'où cela pouvait bien provenir mais, à coup sûr, ça s'intensifiait. La jeune fille leva les yeux, essayant malgré la pénombre et sa vision floue, de voir le garçon encore une fois. Elle ne voyait pas pourquoi il était encore ici. A sa place, elle aurait déjà passé son chemin. Et c'est toute la différence entre lui, et moi.
Non, il n'était pas fatigué d'être resté debout. Ah, d'accord, elle était contente pour lui, mais se demanda pourquoi elle avait posé cette question. Anna plissa les yeux, mais ne répondit pas. Oui, Annabelle avait effectivement compris qu'il tenait fermement sur ses jambes et qu'il n'avait pas besoin de s'assoir. La jeune fille essaya de se convaincre que c'était plus par politesse que par nécessité qu'elle l'avait questionné. Bon, par contre, la question était trop mal tournée pour se reprendre.
Ses pensées étaient plutôt incohérentes, si vous voulez mon avis.
Il y eut encore des bourdonnements, en-dessous des paroles de l'inconnu. Annabelle écarquilla les yeux. Elle ne se sentait pas bien : elle avait mal à la tête, aux yeux, elle était fatiguée et elle avait des hallucinations. Bientôt, elle verra des lapins bleus se balader dans la cave. Il fallait qu'elle cesse ce bordel et que tout rentre dans l'ordre. Puis elle resta figée par sa déclaration. En faite, il disait vrai. Elle n'avait aucune chance de survivre ici, et elle n'était pas assez forte pour remonter seule les escaliers. A contrecoeur, elle dû avouer qu'elle finirait par creuver ici, si elle continuait. Mais, c'était excitant de ne pas savoir comment la suite se passerait.
Méfiante, Anna tendit lentement sa main, presque dégoûtée. Il semblait que son bras pesait plus d'une tonne. Elle grimaça, trouvant que son idée était stupide, encore plus que d'habitude. Comment pouvait-elle penser qu'il allait la toucher ? Mais bon, elle n'avait pas le choix.

" Juste pour me lever... "
Déclara-t-elle, alors qu'elle avait la curieuse impression qu'elle n'avait pas parlé.

Qu'est-ce qui l'avait fait changer d'avis ? Aucune idée, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'elle pas l'intention de retenter l'expérience, même si elle était absolument certaine qu'elle tomberait aux premiers pas. Et bien, elle tomberait.
Les yeux dans le vague, elle décida que si elle n'était pas capable de remonter toute seule, alors elle n'était pas capable... de remonter.

" Et n'essayes pas de me tuer, je sais me débrouiller dans ce domaine "
A-t-elle fait en grinçant légèrement les dents.

Par contre, ça, c'était sortie tout seul.

Kélian, après avoir élevé la voix, tenta de 'parer à toute éventualité', comme il l'aurait si bien dit. Si elle acceptait son aide, il l'aiderait. Puisque c'était lui qui s'était proposé, il ne comptait pas brusquement changer d'avis et l'abandonner là. C'était plutôt l'autre possibilité, qui l'aurait ennuyé. Aider quelqu'un qui ne veut pas de votre aide, c'est impossible. Purement et simplement. Il l'aurait bien assommée et emportée, mais il craignait que perdre connaissance n'empire son état, et ce n'était pas le but de la manœuvre. Elle n'avait pas l'air bien forte, ni bien impressionnante d'une manière ou d'une autre. Mais elle ressemblait à un animal effarouché, et il ne savait que trop bien comment ces bêtes réagissaient quand elles se sentaient agressées. A savoir : mal. Et il n'avait pas envie de se faire blesser pour avoir été trop prévenant, merci mais non merci. Ce serait bien la première fois qu'on lui reprocherait d'avoir été trop gentil, remarque. Ironique au plus haut point.
Un instant, il se demanda si cette fille était là depuis longtemps. Pas dans la cave, soit entendu, mais dans le Pensionnat. Il ne l'avait jamais croisée, mais ça ne voulait rien dire. Si elle s'amusait à se faire mal en tombant dans les escaliers, ce n'était pas très étonnant.

Le mouvement de la jeune fille coupa court à toutes ses interrogations. Kélian la regarda machinalement lever le bras vers lui, et fut pris d'un doute. Ce simple geste semblait lui demander pas mal d'efforts, et il était clair qu'elle n'allait vraiment pas bien. Pas dans le sens 'un peu blessée et vaguement amochée'. Ça avait l'air plus grave. Il faisait sombre et il ne pouvait pas voir à quel point elle s'était faite mal – et puis il n'était pas docteur – mais ça crevait les yeux. Ou plutôt ça venait de lui crever les yeux. Est-ce qu'elle allait seulement réussir à remonter les escaliers? S'il l'aidait, peut-être. Sans doute, même. Elle avait pas intérêt de crever pendant qu'il l'aidait à remonter, en tout cas. Soit elle le faisait là, soit elle se remettait bien gentiment. Personne n'avait envie de voir quelqu'un mourir, et lui avait suffisamment côtoyé la mort comme ça.

" Juste pour me lever... "

Sur le coup, aussi gentil ou compatissant que ça puisse paraître, cette phrase toute simple lui arracha un rire. Pas amusé, ni même mesquin : c'était plutôt une drôle d'exclamation qu'un rire, en fait, qui traduisait mieux que n'importe quel mot à quel point il trouvait ce qu'elle venait de dire ridicule – voire, soyons clair, invraisemblable. Elle croyait quoi, qu'elle allait tenir debout toute seule, comme par magie, alors qu'elle avait même pas réussi à se relever sans aide? Elle rêvait. Carrément. Le seul problème était que, autant qu'il puisse en juger, elle avait sérieuse. Elle le pensait, donc. Elle pensait vraiment qu'il allait juste l'aider à se relever, et qu'ensuite elle pourrait se débrouiller toute seule. Si ça lui faisait plaisir, hein, qu'elle essaye. Mais quand elle aurait utilisé bêtement le peu de forces qu'il lui resterait en faisant la brave, elle serait bien dans les ennuis. Et lui avec.

Un sourire aux lèvres pour cacher son incrédulité et son doute, il tendit sa main dans la direction de la blessée. Et allait la saisir, quand elle reprit la parole.

" Et n'essayes pas de me tuer, je sais me débrouiller dans ce domaine "

Il se suspendit dans son geste, et faillit rire à nouveau. D'accord ; mieux valait ne pas l'énerver. Il n'avait pas l'intention de se moquer d'elle – quel intérêt? – mais ne la prit que difficilement au sérieux. Et puis même si elle se débrouillait dans ce domaine, comme elle avait dit, dans son état elle ne pourrait pas lui faire grand chose. Kélian fit claquer sa langue sur son palais, soucieux de clarifier les choses avant de l'aider à se relever.

« Woooh, pas la peine de me menacer, répondit-il calmement, l'ombre d'un sourire flottant encore sur ses lèvres. Je vois pas l'intérêt que j'aurais à te tuer, tu vois. En fait, je crois que si je voulais te tuer, je t'abandonnerais simplement là. J'ai peut-être une tronche de tueur en série, mais c'est pas le cas. Alors relaxe. »

Sur ce, il attrapa sa main dans la sienne et l'aida à se redresser sur ses jambes, prenant garde à ne pas tirer trop violemment de façon à éviter de lui faire mal. Et ne lâcha absolument pas ses doigts une fois que ce fut fait. Si elle tenait debout plus de dix secondes, il verrait.

+

Annabelle faillit grimacer lorsqu'elle se rendit que compte qu'elle avait prononcer ses propres pensées. Elle secoua doucement sa tête. Mais qu'est-ce qui lui prennait ? Elle n'était pas DU tout dans son assiette. Elle était même en train de se dire que cette veste était fichtrement trop petite pour la cacher entièrement. Mais... Et alors ? Pourquoi, d'un seul coup, elle se sentait pudique ? Qu'elle tenait à la vie ? Elle avait du recevoir un sacré coup sur la tête pour avoir de telles idées. Et comment acceptait-elle encore l'aide d'une autre personne ? Et surtout lorsque l'aide devenait physique.
Ce n'état pas la peine de le menacer. Anna se sentit légèrement mal à l'aise, mais il avait l'air d'avoir prit son défi avec plaisanterie. Elle serra les dents, n'aimant pas vraiment que l'on se moque d'elle. Ah... Il ne voit pas l'intérêt de la tuer, mais elle, elle a beaucoup de raison : de un, on supprimera de ce monde une chrétienne extrémiste et un peu dérangée ; de deux, on vengerait trois personnes mortes par sa faute (elle réprima une vague de culpabilité) ; et de trois, on évitera de rencontrer le prochain cadavre au prochain tournant de couloir. Enfin, c'était juste pour prévenir, hein. Bref.
Mais, il était vrai que la phrase qui suivit n'était pas fausse. Bon, ben, on dirait qu'il veut définitivement l'aider. Surprise d'une si bonne volonté, Annabelle n'exprima rien à part un battement de cils. Alors quoi... Depuis le début, elle avait tort et les autres raison ? Bordel...
Une tronche de tueur en série ? Amusée, Anna esquissa un petit sourire. Elle n'avait pas vu avec précision son visage, mais il fallait avouer que d'en bas, il faisait légèrement peur. Elle se souvint alors qu'elle ne connaissait même pas le prénom du jeune homme. D'ailleurs, il avait quel âge ? Vingt ans ?...
Avant de pouvoir réfléchir et lui donner un surnom, l'inconnu attrapa sa main. Bien qu'elle frissonna un instant, elle se força à se détendre et s'aida de son autre bras pour se hisser aux côtés de son psychopathe préféré. Elle découvra alors qu'elle faisait bien la même taille que lui et que, finalement... Il n'était pas aussi hideux que ce qu'elle avait vu. La jeune fille appuya sur ses côtes douloureuses depuis qu'elle s'était redressée et eut une bouffée de chaleur. Une bouffée de chaleur ? Dans la cave ? Ca, ce n'était pas normal.

" T'es pas si horrible que ça, finalement. Au contraire... "
Lui révéla-t-elle, toujours à voix basse.

Au contraire quoi ? Il avait l'air sympa ? Mais depuis quand les apparences avouaient la nature des personnes ? Cela n'avait jamais été le cas et elle en était la preuve vivante. Ou, tout au plus, la preuve presque vivante.

" Je peux donner un nom à cette tronche de tueur en série ? "
Demanda-t-elle avec un excès inquiètant de gentillesse.

Anna tenait sur ses jambes, mais promettre qu'elle réussira à faire un pas était peine perdue. Gênée d'avouer qu'elle avait eu faux de croire qu'elle était capable de se débrouiller seule, elle décida de se taire. Et de se tenir au garçon, ça, c'était une bonne idée.
Annabelle ferma les yeux, nauséeuse. Putain, cette pièce n'arrêtait pas de tourner, impossible de mettre un pied devant l'autre sans être sûr de tomber. Elle se remit à tousser et un liquide poisseux s'échappa d'entre ses lèvres. Eh bien, bravo ! Elle se mettait à baver maintenant ! Non, je plaisante, n'empêche qu'elle préfère baver que de se vider de son sang. Enfin, bon, on ne fait pas tout ce qu'on veut dans sa vie.
Elle ravala son propre fluide vitale et serra la main de l'inconnu. D'accord, elle avait peut-être besoin d'aide, mais, en tout cas, elle était formel, elle ne retournera jamais dans un hôpital ou ce qu'il en ressemble.

" Incapable "
Gémit-elle en rouvrant les yeux et en chancelant un instant.
" C'est nul... "

L'inconnue esquissa un sourire, et il jugea que c'était bon signe. Ça signifiait qu'elle n'allait pas tenter de le tuer sur le champ, qu'elle n'allait peut-être pas s'évanouir sans préavis, et même qu'elle était capable de sourire – ce dont il avait sérieusement douté. Une fois debout, il eut l'occasion de constater plusieurs choses. De un, elle était grande. Elle faisait sa taille, plus ou moins. Grande, oui. Mais comme la moitié des filles qu'il avait croisé ici dépassaient le mètre soixante-dix, il ne formalisa pas. De deux, elle avait l'air aussi mal en point de près que de loin. Ce qui n'était pas une bonne chose, il pouvait l'assurer. Et de trois, elle était toujours à moitié déshabillée. Il l'aurait presque oublié, tiens. Restait à espérer qu'ils ne croiseraient personne en remontant ; ils auraient l'air fins, sinon. Il n'avait même pas envie de savoir ce qui pourraient passer par la tête des gens. Non, mieux valait éviter. Kélian n'était pas en mesure de commander les autres pour qu'ils restent bien sagement enfermés dans leur chambre, aussi ne pouvait-il qu'espérer. Pas que le regard des autres le dérangeait, mais il n'aimait pas qu'on se fasse de fausses idée à son sujet.

Apparemment, elle avait mal aux côtés. Ça allait pas être pratique, ça. Il n'y avait pas de médecins, ici. Il ne savait même pas comment il aurait fait, s'il s'était cassé une jambe ou un bras. Improviser un plâtre? Se tenir tranquille en espérant que tout se remettrait en place par soi-même? Mieux valait rester en un seul morceau.

" T'es pas si horrible que ça, finalement. Au contraire... "

Ah? Cette remarque lui arracha un sourire amusé, bien qu'il ne savait pas exactement comment la prendre. Est-ce qu'il devait le prendre comme un compliment, ou s'inquiéter du fait qu'elle ait pu penser qu'il était horrible, justement? Pas que ça ait une grande importance. Il ne trouvait pas lui-même qu'il avait une tête à faire peur, mais ce n'était pas l'avis de tout le monde. Peut-être parce qu'il avait la peau plus pâle que la majorité, et un air peu aimable en quasi-permanence? Ou bien à cause de la marque qui sillonnait sa joue gauche. En fait, il en savait rien et s'en fichait complètement. Ça le faisait plutôt rire, en fait, qu'on le trouve effrayant. Ça pouvait toujours aider.

" Je peux donner un nom à cette tronche de tueur en série ? "

Kélian haussa un sourcil, puis ses épaules. La fille tenait sur ses jambes, mais il n'était pas sûr qu'elle puisse marcher, et encore moins monter les marches. La façon dont elle se tenait à lui alors qu'elle avait bien dit 'juste pour me relever' en disait suffisamment long sur son état. Marcher était idyllique, quoi. Un rêve. Il allait falloir se débrouiller autrement. Pas vraiment le choix. A moins bien sûr qu'elle ne trouve une réserve de force insoupçonnée et que ses jambes s'activent subitement, mais il en doutait.

Il n'hésita pas à longtemps avant de lui répondre. C'était pas taire son nom qui allait changer quoi que ce soit, et ça pourrait être utile à la conversation, dans tout les cas. Et puis s'il voulait connaître le prénom de cette fille, il allait devoir donner le sien lui aussi. Quelle logique sans faille. C'était une règle basique de la politesse, qu'il appliquait sans vraiment s'en rendre compte. Si quelqu'un se présentait, il se présentait aussi. A moins, bien sûr, qu'il n'ait de bonne raison pour ne pas le faire. Ce qui n'était pas le cas ici.

« Kélian, répondit-il, ne jugeant pas utile de préciser son nom. Toi? Que je sache quoi mettre sur ta tombe, si tu passes l'arme à gauche. »

Ça avait beau être un trait d'humour, il n'était pas sûr que ça ne devienne pas on ne peut plus sérieux dans les minutes à suivre. La fille toussa, et il fronça les sourcils. D'accord. Plus vite elle serait en haut, mieux ce serait. Il ne savait pas où en haut, mais en haut, en tout cas. Elle serra sa main, et murmura quelques mots, chancelante. Okay : marcher toute seule comme une grande, éliminé. Restait deux, trois solutions. Elle n'avait plus vraiment le choix, de toute façon.

« Ouais, c'est nul, répéta-t-il, sourcils froncés. Tu crois que tu vas pouvoir monter les marches, ou je vais devoir te porter? Et je te demande ce dont t'es capable, pas ce dont t'aimerais être capable, cette fois. »

+

Kélian. Son nom était étrange, en tous cas, sûrement pas français. Il devait être irlandais, ou un truc de le genre. Comment est-ce qu'elle arrivait encore à songer, dans cette position ? Annabelle était plongée dans ses songes, constatant avec stupeur que ceux-ci commençaient à se refermer sur elle. Son regard se fit plus vague, comme elle l'était d'habitude. Elle resta silencieuse et se frotta machinalement la joue gauche, comme une automate. Et elle, comment elle s'appelait ? Bah, Annabelle. Mais ça, Kélian n'était pas près de le savoir. Pour qu'il sache quoi mettre sur sa tombe ? Un moment, la nouvelle Anna se dérida, mais elle ne comprit pas la fin de la phrase. Passer l'arme à gauche ? Bah, pour l'instant, sa main gauche était plutôt occupé par le garçon. D'ailleurs, elle beuga un instant sur leur contact. Mais ne releva rien.
Calmement, Anna releva les yeux du sol jusqu'à ceux de Kélian. Est-ce qu'elle se croyait capable de monter les marches ? Oui, elle s'en croyait capable, mais bon. Ou se laisser porter. Annabelle haussa un sourcil, embarrassée. Cela ferait vraiment bizarre, non ? Surtout que bon, elle n'était toujours pas vraiment habillée, mais elle refusait de mettre ce qu'elle avait avant. Elle n'a pas une réputation très haute et elle s'en fichait éperdument, mais il n'empêche que c'est on ne peu plus gênant.
Son regard se mit à brûler. Alors, ainsi, il ne pensait pas qu'elle était assez forte pour pouvoir marcher. Elle prit un air de défi et ouvrit la bouche. Puis la referma. Il avait raison. Il avait toujours raison. Anna baissa les yeux. Alea jacta est, le sort en est jeté. Alors, elle se fera porter. Youpiii. Agacée, Annabelle souffla par le nez et se présenta :

" Je m'appelle... Anna. "

Elle avait hésité à dire son prénom. Et, finalement, comme à son habitude, elle n'en dit que le dérivé. Elle se demanda si elle pouvait donner un surnom à Kélian. Anna grimaça. Mauvaise idée, l'appeler Kéké, Lili ou même Kéli' était vraiment une chose à ne pas faire. Bon, lui, son prénom n'était pas pourri, au moins !

" C'est bon, c'est bon, je sais. Je ne risque pas d'y arriver toute seule "
Fit-elle amèrement, n'aimant pas avouer sa faiblesse.

Puis Anna fit quelque chose de très immature. Elle se mit à bouder. Quelle gamine ! Néanmoins, elle entoura ses maigres bras autour du cou de Kélian, en prenant soin de ne pas l'étrangler. Sage, ma belle, sage.

" Mais je suis lourde, ne t'en plains pas "
Lui murmura-t-elle à l'oreille, pour bien marqué le coup

.

En fait, elle pesait cinquante-cinq kilos, avant "l'accident" et elle ne s'était pas peser après sa sortie du coma. Elle devait avoir perdu une petite dizaine de kilos, mais elle ne restait pas très légère non plus. Ses jambes en étaient conscientes...

Si Kélian avait proposé de la porter jusqu'en haut, c'était qu'il ne pensait pas un seul instant qu'elle soit trop lourde pour lui. Elle avait beau ne pas être petite, elle ne semblait ps grosse, loin de là. Et puis il avait porté des personnes qui, selon lui, avaient l'air plus lourdes qu'elle. Cela dit, il aurait l'air franchement malin, s'il était incapable de la soulever ; ce serait aussi insultant pour la fille que pour son amour-propre. Mais bon, tant pis. Il n'avait pas vraiment le choix, de toute façon. S'il ne la portait pas, il allait devoir la laisser là. Aller chercher de l'aide, peut-être? Ça ne lui aurait pas plut, très honnêtement. Et puis qu'est-ce que quelqu'un d'autre aurait pu faire de plus? A part la porter, il ne voyait aucune autre solution.
La jeune fille n'avait pas l'air particulièrement contente mais ça, c'était le cadet de ses soucis. Qu'elle veuille bien l'admettre ou non, elle était trop faible pour grimper les marches toute seule. Et si elle refusait son aide, eh bien... Il aviserait. Il pouvait toujours l'assommer. Ou la porter sans lui demander son avis, d'ailleurs. Mais l'idée qu'elle puisse le frapper ne lui plaisait pas tant que ça, et il aurait préféré avoir son accord. Tant qu'à faire, hein : ça aurait été aussi pratique.

" Je m'appelle... Anna. "

Anna? Anna, alors. C'était pour lui un 'drôle de prénom', mais il doutait que ce soit le cas pour elle, aussi se passa-t-il de tout commentaire sur ce point. Ils ne venaient sans le moindre doute pas du même endroit, et leurs coutumes devaient être différentes en tout point ; que leurs prénoms diffèrent n'avait rien d'étonnant. La plupart des pensionnaires venaient du même endroit, hormis quelques exceptions. Il y avait de grandes chances pour que ce soit aussi le cas de cette fille, donc.

Fille qui, pour l'heure, était en mauvais état.

" C'est bon, c'est bon, je sais. Je ne risque pas d'y arriver toute seule "

Kélian acquiesça vaguement, rasséréné ou tout simplement satisfait à l'idée qu'elle admette ne pas en être capable. Au moins, elle ne lui casserait pas les oreilles pendant dix minutes en disant qu'elle allait arriver à monter les marches sans son aide, pour au final tomber et se faire encore un peu plus mal. Ce qui n'était pas recommandé, à priori. Il n'aurait plus manqué qu'elle s'évanouisse...

La dénommée Anna passa ses bras autour de son cou, et il prit cela comme un 'd'accord, tu peux me porter'. Ou bien elle avait de drôles de façon de dire qu'elle refusait catégoriquement, mais il y avait peu de chances que ce soit ça. Après quoi elle lui souffla à l'oreille qu'il ne devrait pas se plaindre de son poids. Ah? Lourde? Elle n'en avait pas l'air, pourtant. Soit elle avait une idée complètement faussée de son poids, soit c'était le mot 'lourd' qui lui posait problème. Ou bien elle pesait vraiment plus que ce qu'elle avait l'air de peser.
Il chassa cette idée de sa tête. Passa sa main gauche dans son dos, la droite sous ses jambes, et la souleva. Sa première réaction fut de hausser un sourcil perplexe. Il l'avait soulevée doucement, de peur de lui faire mal ; il était plus habitué à mettre les personnes qu'il voulait emporter quelque part sur son épaule, d'habitude.

« Lourde? répéta-t-il avec un sourire cynique. Si toi t'es lourde, j'ai porté des personnes obèses. »

Une pensée amicale pour cette chère Ambre, qu'il appréciait tellement. La blonde pesait une soixantaine de kilos, à priori ; il jugea qu'Anna faisait moins. Donc il devrait pouvoir la porter jusqu'en haut sans problème aucun.

Il raffermit sa prise sur la jeune fille, et lui jeta un regard interrogateur.

« Je te fais pas mal? »

+

Elle aurait eut l'air idiote si Kélian n'aurait pas réussi à la porter. Heureusement pour elle, il ne la fit pas tomber. Et il eut même la gentillesse de lui dire qu'elle n'était pas lourde. Merci beaucoup. Annabelle colla son menton à son thorax et resta silencieuse. Qu'est-ce qu'elle pouvait dire, en même temps ? Si vous avez une idée, soufflez-la moi ! Pour l'instant, elle était gênée, en plus d'être figée. C'était bizarre, ce contact de peau. Mais, au contraire de ce qu'elle pensait, pas désagréable du tout. C'était même agréable. Non pas agréable... Roooh, tais-toi.
Elle gardait les bras autour de Kélian, en prenant toujours ce soin de ne pas l'étouffer (elle doutait que, même avec une volonté de fer, elle n'y arriverait pas.). Elle coinça sa tête dans le cou du garçon et laissa passer le silence. Elle n'osait rien dire ni faire, de peur de le déconcentrer et de tomber. En fait, elle n'avait aucune confiance en lui. Mais bon, trop tard. Elle eut un frisson presqu'imperceptible. Ils montaient bien les escaliers là, hein ? Il ne tentait pas de l'éloigner de l'entrée de la cave, si ?
Non, il ne pouvait pas lui faire ça, il n'en était pas capable. Du moins, elle l'espérait.
Il la serra un peu contre lui, ce qui sembla lui arracher un léger fémissement. Anna se mordilla la lèvre mais se contena. Kélian semblait pourtant avoir surpris son geste et lui demandait si tout allait bien. Pas le moins de monde, elle était en train de se faire porter ! Et elle n'était pas très emballée... Mais elle ne voulait pas passer pour une mauviette, alors elle leva la tête et tenta un petit sourire.

" Ca va... "
Déclara-t-elle en baissant les yeux.

Elle ne voulait pas qu'il sache à quel point elle avait peur, sinon il se moquerait d'elle et ça, ce n'était pas cool. Mais bon, comme il voulait discuter, parlons de tout et de rien, de sujet gênant ou pas du tout. Mais qu'est-ce qu'elle pouvait dire ?

" C'est quoi ton pouvoir ? Parce que je n'ai pas l'impression d'être moi-même avec toi... Et ne prends pas ça pour une approche un peu bizarre "

Annabelle secoua la tête avant de rattraper les quelques longues mèches de cheveux qui lui avaient échappé. Bon, bravo, elle s'était purement et simplement ridiculisée. On commençait sérieusement à avoir l'habitude, mais pas à ce point là. Genre le gars avait bien pû pensé qu'elle avait une autre idée dans la tête. Non mais vraiment... Elle ne pensait juste que la fille qui se faisait porter n'était pas elle, ce n'était pas possible. Point.

[En retard et avec un manque considérable d'inspiration...]

{No problem~ o/}

D'un autre côté, si elle avait mal, c'était malheureusement tant pis pour elle. Il n'avait pas vraiment d'autre moyen de la porter, hein. Quoi que sa tête aurait sûrement été intéressante s'il l'avait mise sur son épaule, il n'avait pas envie d'essayer. Son état l'en dissuadait, sûrement. Il ne doutait pas qu'elle aurait été extrêmement amusante à embêter, dans d'autres circonstances, mais là il ne pouvait décemment pas jouer avec sa vie. Ça devait être bien pratique, d'être un tueur en série. Mais il avait visiblement encore une part de, comment dire, normalité en lui qui l'empêchait de souhaiter la mort de son prochain. A part cas particulier.
Pourtant, Kélian était loin d'être un ange. Très loin. Mais il n'était pas du genre à aimer faire une introspection poussée de sa personne, et il se fichait pas mal de savoir s'il était plus noir que blanc ou le contraire. Un peu des deux, sûrement.

" Ça va... "

Oui, ça crève les yeux. Il passa ce commentaire sous silence et évita un malheureux haussement d'épaule, qui n'aurait fait que faire bouger inutilement la fille. C4'était fou ce qu'il était maitre de lui-même, dis-donc ; il méritait quelque chose comme une médaille. Il grimpa la première marche, puis la deuxième. Il craignait plus de la laisser glisser que de lui-même glisser, mais fit tout de même attention à l'endroit où il posait ses pieds. Il n'aurait plus manqué qu'il se torde la cheville, tiens. Ils auraient pu se taper la discussion là jusqu'à ce qu'une âme charitable ne remarque leur absence – ou leur présence à la cave, au choix – et ne les aide tout deux à remonter. Ça aurait été mer-veil-leux, vraiment.

Le vieil escalier en bois grinçait sous ses pas, et il se demanda l'espace d'une seconde si son poids conjugué à celui d'Anna ne risquait pas de faire craquer une des marches. Ils devaient bien faire leurs cent kilos, à eux deux – ou pas loin, en tout cas. A moins qu'elle ne pèse qu'une trentaine de kilos, mais elle n'avait pas l'air maigre à ce point. Dans tous les cas, c'était plus de poids que devaient en recevoir ces vieux bouts de bois d'habitude. Il ralentit sa montée, et posa un pied soupçonneux sur la marche suivante. S'il passait la jambe dedans, ils seraient dans de sérieux ennuis.

" C'est quoi ton pouvoir ? Parce que je n'ai pas l'impression d'être moi-même avec toi... Et ne prends pas ça pour une approche un peu bizarre "

Kélian grimpa finalement sur la marche, et ne put retenir un rire qui aurait pu être qualifié de caustique. Tout comme les paroles qui suivirent, tandis qu'il montait prudemment les marches.

« J'y aurais même pas pensé, fit-il remarquer, sarcastique. Et pour ce qui est de mon pouvoir... »

Il laissa s'écouler une seconde, durant laquelle il réfléchit brièvement à ce qu'il pourrait dire, à comment il pourrait le dire, et durant laquelle il observa d'un œil critique une marche qui lui semblait plus fragile que les autres. Il posa son pied gauche dessus, jugea que le grincement était tout sauf amical, et enjamba purement et simplement la marche. Ce qui eut pour effet de faire méchamment grincer la suivante, sans qu'elle se rompe pour autant.

« Je sais pas exactement, répondit-il avec détachement. J'imagine que ça a un rapport avec ce que tu ressens, ouais. Mais je sais pas trop en quoi ça consiste. J'ai pas vraiment de contrôle dessus, donc j'imagine que je l'active sans faire exprès. Tu vas devoir faire avec. »

Il n'aurait pas pu être plus précis. Il ne savait pas en quoi consistait son pouvoir, si ce n'était que ça avait un effet sur les autres. Ou que ça consistait en un effet quelconque sur les autres, plutôt. Il posa son pied sur la dernière marche, et poussa la porte – qu'il avait eu la bonne idée de laisser ouverte – de l'épaule.

« Tu vas pouvoir marcher, maintenant, ou je dois t'emmener quelque part? »

+

Le jeune homme se mit à rire. Annabelle savait ce que cela voulait dire. Ou il ne le savait pas, ou son pouvoir était ridicule. Ou il se moquait d'elle (c'était toujours possible, hein !). Bon, dans tous les cas, il ne voulait pas se tapper la honte et il restera silencieux. La jeune fille cligna des yeux et tira légèrement sur le bas de la chemise pour cacher son ventre zébré de cicatrices. Il n'aurait jamais pensé... Pensé quoi ?
Anna resta neutre un instant. De quoi il parlait ? Hum.. elle comprenait heureusement mieux avec la suite de sa phrase. Ah, ok, il n'aurait jamais pensé à une chose pareille, qu'elle était bizarre avec lui. Elle rougit, honteuse. Il resta silencieux un instant, apparement plongé dans sa concentration pour éviter de traverser les marches. Anna se re-demanda comment elle s'était cassé la figure. Ah oui ! La douée de service ne savait pas mettre un pied devant l'autre. Enfin bon, on fait avec.
Boooon. Il avait un pouvoir qui jouait sur les sentiments mais ne savait pas quel pouvoir. Et il ne savait pas s'il l'activait ou s'il restait de côté. Cela, ce n'était pas cool, d'autant plus qu'elle avait remarqué un réel changement en elle. Elle parlait, quand même plus que d'habitude. Et restait présente. Bizarre bizarre.
Enfin la lumière du jour. Ou plutôt, du couloir. Annabelle ferma un moment les yeux, le temps que ses pupilles reprennent leurs habitudes : c'est-à-dire une bonne minute. Elle allait finir aveugle un de ces jours. Baf, on s'en fiche. Est-ce qu'elle pourrait marcher ? Eh bien... oui, peut-être. En tous cas, elle était déjà trop fière pour se faire porter... Mais alors jusqu'à dans sa chambre. Et voir arriver pleins de curieuses vers elle. Non merci.
Avec une douceur inattendue, Annabelle se dégagea, essayant de poser ses pieds sur le sol et les garder encrés dessus. Ses abdos la comprimèrent un instant, ce qui la fit grimacer, mais elle se reprit bien vite. Cramponnée à 'son' Kélian, (Un petit excès de jalousie, ce n'est pas grave) elle finit enfin par lui embrasser la joue. Chose étrange, elle le savait bien mais dans les films, on faisait comme ça. Alors hein...

" Merci, je crois que je pourrais me débrouiller "

Bon, re-remonter les escaliers jusqu'au premier étage était une mauvaise idée... Mais bon, elle pouvait toujours passer sa journée dehors.

[Finish ?]

Quand Kélian baissa les yeux sur la fille, histoire de voir si elle comptait répondre ou non, il vit qu'elle avait fermé les yeux. Ah. Elle n'avait pas l'air évanouie ou assommée, alors il ne dit rien. Lui-même dû cligner des yeux face à la lumière nouvellement retrouvée, et se dit qu'il devait sûrement en être pareil pour elle. Il aurait préféré qu'elle soit plus tamisée, ou il ne savait trop quoi, mais c'était visiblement impossible. Ayant grandit dans un monde – puisque c'était le terme – beaucoup plus sombre que cet endroit, il avait eu du mal à s'habituer. Quand il y avait trop de lumière il voyait très mal, aussi vrai que la plupart des pensionnaires ne parvenaient plus à distinguer grand chose dans la pénombre. C'était un handicap avec lequel il avait appris à composer, au fil des jours.
Au bout d'une minute, peut-être un peu moins, peut-être un peu plus, Anna ouvrit ses paupières. Bon. Au moins, elle n'était pas morte – non pas qu'il en ait douté, mais quand même. Ça aurait été bête, hein? Il se demanda, brusquement, s'il arrivait que des pensionnaires meurent ici. Sans doute. Sûrement, même. Il se rappelait avoir vu un cimetière, à l'extérieur, et les tombes ne devaient pas toutes être vides. Mais personne n'était mort, et lui-même ne comptait pas mourir ici, alors il n'aurait pas à aller visiter le cimetière avant un moment. A moins qu'il n'ait envie d'aller s'y promener, bien sûr.

La jeune fille fit un mouvement pour se dégager, et il baissa son bras pour l'aider à descendre. Mouais. Vu sa grimace, ça devait pas encore être ça. Mais au moins, même si pour l'instant elle se tenait à lui, elle tenait debout. Ce qui était un bon début. Elle s'en sortirait, à priori – à moins qu'elle ne décide de retourner faire un petit tour à la cave, mais il osait espérer qu'elle n'était pas assez stupide pour faire une chose pareille – et c'était à peu près tout ce qui importait, en l'état actuel des choses. De toute façon, vu son attitude ou la façon dont elle avait parlé quand il était arrivé, elle ne devait pas être du genre à se faire belle tous les matins et à s'inquiéter sans arrêt du regard que portaient les autres sur elle. Elle avait l'air un peu..., à part, dans son genre. Bizarre, ouais. Ce qui n'était pas plus une insulte qu'un compliment, mais simplement une constatation. Et, sans prévenir, elle l'embrassa sur la joue. Ce qui eut au moins le mérite de le surprendre, et de lui arracher un haussement de sourcil.

" Merci, je crois que je pourrais me débrouiller. "

Le soupir de Kélian résuma tout à fait le fond de sa pensée, et il ne jugea pas utile d'ajouter quoi que ce soit. Il se contenta de hausser les épaules, sceptique. De toute façon, il ne comptait pas la forcer à quoi que ce soit. Si elle pensait pouvoir se débrouiller – vraiment, cette fois – elle était seule juge.

« Oooookay. Je te laisse te débrouiller, alors, répondit-il en l'observant d'un œil critique. Mais y'a pas intérêt à ce que je te retrouve en bas d'un escalier dans un futur plus ou moins proche. »

Il fit un pas de côté, prêt à repartir dans une direction quelconque, quand il se souvint de quelque chose. Il se tourna vers la brune, sembla peser le pour et le contre, et fit un geste évasif de la main. De toute façon, il la retrouverait à un moment où à un autre, si elle ne revenait pas d'elle-même dans son armoire.

« Oh, tu peux garder la chemise. Elle va plus te servir à toi qu'à moi pour l'instant, de toute façon. »

Indubitablement, oui. Sur quoi il tourna les talons, plongea sa main droite dans sa poche et lui adressa un vague signe de la main, dos à elle. Qu'est-ce qu'il faisait, quand il était arrivé là, déjà? Ah, oui. Il s'ennuyait. Peut-être qu'il allait jeter Ambre par une fenêtre, finalement. S'il criait dans les couloirs qu'il allait le faire, ça allait sûrement alerter Clarence, ce qui lui éviterait d'avoir à le chercher. Ou peut-être qu'il devrait aller voir si Vinny était encore en vie – et franchement, rien n'était moins sûr. Peut-être croiserait-il Selenda en cours de route? Ou bien il irait insulter Marie-Colombe, pour voir.

Il avait encore la journée devant lui, de toute façon.

{Over! Pour moi, en tout cas.♥}

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