Le salon était désert mais il était 2 heures du matin et c’était quelque chose de normal. En outre il ne perturbait sans doute pas le sommeil des pensionnaires ; affalé de tout son long (et il mesurait 1m90) sur un des sofas, il avait posé les semelles de ses converses défoncées sur un des accoudoirs, ses longues jambes pliées, et s’obstinait silencieusement à tricoter un chandail. Il avait trouvé des aiguilles et de la laine quelques instants plutôt dans une chambre gravée de son nom (entre autres -mais il ne connaissait aucun des autres occupants ; ils l’avait simplement mis-à-la porte du dortoir, deux heures auparavant, parce que la lumière était nécessaire si il voulait continuer à aligner les mailles mais franchement handicapante en ce qui concernait le sommeil de ses colocataires) et se l’était attribué sans se poser davantage de questions.

Aussi, il était ici depuis maintenant deux heures à tricoter sans interruption, hormis cinq minutes où il s’était absenté dans la cuisine afin d’y trouver de quoi s’alimenter ; malgré la fonction de la pièce, c’était une tâche assez ardue pour lui qui ne se nourrissait que de sucre. Après d’âpres négociations avec lui-même il avait opté pour un litre de jus d’orange et une tablette de chocolat à pâtisserie expressément enroulée dans de la pâte à tarte crue ; la moitié gisait maintenant sur la table basse, marquée de la crante de ses dents, et la brique de fruit était posée au pied du canapé, si bien que le canapé luxueux avait maintenant un air de foyer étudiant.

Ses troubles du sommeil n’avaient pas cessés lors de son entrée dans le pensionnat, et c’était surtout la nuit qu’Augustin sortait de sa chambre -il passait la majeur partie de sa journée dans son lit à jouer à la console afin de rattraper le nombre de badges acquis par Olivier sur Pokémon et s’y endormait parfois. Pourtant il était d’avis que rien, mis-à-part Vampira et le visionnage de The Osbournes/des apparitions télévisuelle de Nino n’égalaient la pratique du tricot ; aussi il était assez heureux d’être dans le salon dans le milieu de la nuit. En outre, il avait récupéré son lecteur mp3, précédemment jeté par un malade par-dessus la fenêtre de la bibliothèque ; bien que dénué de coque ou bien d’un quelconque bouton qui puisse le permettre de passer une chanson, il fonctionnait encore, et les écouteurs vissés sur son oreilles lui diffusaient l’anthologie de Christina Aguilera ; il ne savait pas vraiment si il en tirait un quelconque plaisir, mais ne pas écouter de pop le faisait culpabiliser quant à son état amorphe. Imperméable aux bruits de pas dans le couloir, il n’entendit pas la porte du salon s’ouvrir et, entre la nourriture posée à proximité et sa pelote de laine, offrait un spectacle assez affligeant.

Je vagabondais dans les couloirs, la guitare dans le dos et le casque autour du cou, comme chaque nuits. Une sieste m'ayant revigoré, je me sentais en pleine forme. Seule chose qui m'attirait était maintenant la faim. Je cherchais donc la cuisine ou la salle à manger pour prendre une petite collation. J'ouvrais donc toutes les portes que je trouvais, afin de chercher de quoi me remplir le ventre.

Puis je suis tombé sur une salle qui semblait en tout point être un salon. Cette salle, à la différence des autres, semblait accueillir ceux qui y pénétraient. Une cheminée, un magnifique piano, des rideaux aux couleurs sombres, et... un type assis sur le canapé... Il est plutôt grand... même un peu trop... j'espérait qu'il ne se lèverait pas sinon je ferait un gros complexe d'infériorité.

Le type était en train de tricoter. Activité étrange pour quelqu'un de son gabarit. Juste à côté de lui, il y avait... de la bouffe!! Mon dieu, c'que j'avais faim! En y repensant, je n'ai pas mangé une seule fois encore depuis que je suis dans ce pensionnat. Alors je me suis approché de lui, observant sans gêne le jus d'orange et le chocolat avec envie. Encore une fois, je la jouais sympathique.

"Ahem... Excusez moi de vous déranger dans votre activité, mais je cherche la cuisine. Auriez-vous la gentillesse de me l'indiquer?"

Sur ces mots, j'espérait qu'il ne soit pas aussi demeuré que les deux premiers que j'ai déjà rencontré, et qu'il ne réagirais pas comme un psychopathe écervelé s'apprêtant à me découper en rondelle assez fine pour me passer sous une porte...

Un type pénétra dans le salon tandis qu’il continuait à aligner les mailles ; bien que concentré sur ses aiguilles, il leva la tête, l’air ahuri derrière ses énormes lunettes de vue. C’était un adolescent à l’apparence courtoise ; le casque qu’il portait au cou le renvoyait à ses propres écouteurs, qu’il retira alors en clignant lentement des yeux. Dans le silence du salon, la voix mielleuse qui s'en extirpait était distincte : il ne s’en formalisa pas néanmoins, fixait plutôt Flavien avec étonnement et perplexité, comme pour se concentrer sur ses paroles. Enfin Augustin hocha la tête avec sans doute un temps de réaction trop lent, une dizaine de seconde après que le jeune homme eut terminé de formuler sa question;

« Euh...ouais ouais. »

Il se redressa sur le canapé où il était encore allongé, posa son ouvrage près du carton de jus de fruits.

« Pas de problème. » Continua-t-il en passant machinalement la pulpe de ses doigts dans le sillon grisâtres de ses cernes. Il ne bailla pas toutefois, et finalement se mit debout ; aperçu enfin, après un nouveau coup d’œil, la guitare dans le dos de l’inconnu. C’était assez embarrassant pour lui, parce que Christina Aguilera continuait à miauler seule dans les écouteurs posés sur le sofa ; aussi il précisa vaguement, sans doute pour rassurer son interlocuteur quant à ses gouts musicaux :

« c’est une idée de mon psy. Je veux dire... la pop. » Il haussa les épaules: « Mais ça n’a aucun effet contre les pensées suicidaires, visiblement.»

Ces constatations effectuées il secoua la tête avec consternation/découragement -il n'était pas aisé de trouver la nuance exacte sur son visage désabusé. Aussi, brusquement plongé dans ses réflexions, il mordit d'un air absent dans le chocolat embaumé de pâte à tarte crue ramassée quelques minutes plus tôt sur la table, emballé dans du papier aluminium, alors qu'il s'extirpait du sofa. Il en proposa machinalement à Flavien en lui la tendant tandis qu'il le dirigeait vers le couloir, l'autre main enfouie dans les poches de son jean serré. Il se sentait vaguement trop grand lorsqu'il se baissa pour passer la porte du salon -même ici dans le pensionnat, cet espèce de manoir démesuré, sa taille était plutôt encombrante.

L'étrange personnage semblait perplexe. Il devait être la depuis un certain temps et il ne pensait certainement pas s'attendre à voir quelqu'un. Il était lent à la détente et à pris une dizaine de seconde avant de répondre à ma question. Il acquiesa et se redressa. Puis il posa son chandail avant de se lever. Comme je l'avais prévu, je ne supportais pas qu'il soit aussi grand... Une dizaine de centimètre ne m'aurai pas déranger, mais la...

Alors j'ai évité d'y penser et je m'apprêtait à le suivre, quand je me suis rapproché du grand homme, j'ai pris le temps d'observer l'endroit. J'ai entendu ce qu'il écoutait, les écouteurs diffusant un peu trop la musique et me la faisant parvenir du canapé à mes oreilles. C'était en tout point de la pop. J'ai rien contre ce genre de musique, mais il est vrai que je n'aimais pas trop ce morceau. Comme si l'homme était embarrassé, il m'expliqua qu'écouter de la pop était une idée de son psychologue, avant de rajouter que ça n'avais aucun effet sur les pensées suicidaires. D'aaaaaccord... Encore un fou... Et en plus avec une excuse qui tiens aussi bien une feuille sur un arbre lors d'une tempête d'Automne.

Encore une fois dans la lune, il mordit dans une espèce de gâteau au chocolat qui me fis baver malgré moi. Comme par habitude, il me proposé un morceau, que j'ai refusé par politesse. De plus, même s'il semblait inoffensif, il fallait se rappeler que j'était dans un endroit ou chacun à un pouvoir. Qui sait, celui de ce grand gaillard était peut être dangereux...

Par habitude, j'ai quand même demandé le nom de mon guide.


Tout en le suivant, j'attendais sa réponse, voulant savoir à qui j'avais à faire.

(ce n’est pas un livre, c’est le chandail qu’il est en train de tricoter ! : D...mais ça n’a pas d’importance en fait...)

« Je m’appelle Augustin. » répondit-il en tournant brièvement la tête vers lui ; « Je ne suis pas là depuis super longtemps non plus. Mais les mecs d’ici semblent, tu sais, vraiment biza- »

Comme il ne regardait pas devant lui, il heurta de l’épaule une des armures exposées ; ne jura pas mais s’immobilisa silencieusement, surpris, et la fixa se disloquer bruyamment sur l’épaisse moquette rouge qui tapissait le couloir.

« ...Oh. » Dit-il une fois que les plaques de métal cessèrent de s’entrechoquer entre elles, une quinzaine de secondes après, nouvelle démonstration de son lamentable temps de réaction. Il passa sa langue sur ses lèvres, les yeux fixés sur l’accident, le visage stupéfait (,stupide -vaguement) et ébahi, presque fasciné, avant d’ajouter avec hésitation: « ...Oops. »

Il craignait surtout d’avoir éveillé un pensionnaire particulièrement violent ; avant d’être coupé, il s’apprêtait à parler de l’étrangeté (qui le concernait aussi quoiqu’il ne s’en rende pas tout à fait compte) des pensionnaires : plus précisément, il songeait à évoquer leur violence. Il supposait qu’être enfermé des années dans ce pensionnat était, sinon vraiment très déprimant, assez rageant -mais suffisamment pour le FRAPPER ? Il y avait ce type fou qui l’avait laissé inconscient à la bibliothèque et qu’il fuyait à présent -dans la mesure du possible toutefois parce qu’il y avait des soirées comme celles-ci ou la musique sirupeuse était trop forte dans ses oreilles et où il ne remarquait personne.

« Erm... » Ramasser l’armure aurait pris du temps, et l’assembler... c’était juste impossible ; inutile aussi -jamais Augustin n’avait remarqué un quelconque délabrement dans le pensionnat ; il semblait que quelqu’un se donnait inlassablement la peine de nettoyer, ramasser et ranger derrière les pensionnaires désordonnés. Après quelques moments d’hésitation il leva finalement la tête vers Flavien et lui désigna une porte du menton ;

« OK, uhm ; la cuisine est...là-bas. » Il haussa les épaules en lui adressant des excuses vaguement gênées ; « Désolé - je suis un peu, tu sais..., maladroit. »

Il me donna son nom. Augustin. Il profita de se temps de paroles pour ajouter que lui non plus n'était la que depuis peu de temps. De plus, il fit la même constatation que j'ai pu faire auparavant : les personnes qu'il avait rencontré depuis son arrivée étaient violent. Il fallait que je fasse attention... Il n'eut même pas le temps de terminer sa phrase qu'il renversa une armure intégrale sur le sol. Argh! Je déteste le bruit des métaux qui s'entrechoquaient violemment sur le sol. Au pire, ce n'était pas trop grave, il était juste... bizarrement maladroit. Il ne m'avait pas l'air d'un mauvais bougre, à première vue. Il se baissa ensuite pour essayer de remettre les pièces en état, en vain... Puis il me présenta ses excuses avant de confirmer qu'il était maladroit.



Je me suis baissé afin de ramasser le bordel. Puis j'ai tout rassembler comme il faut. Facile, pour quelqu'un qui s'est documenté comme un taré. Puis je me demandais quel genre de pouvoirs pouvait-il avoir? En tout cas, son étourderie était maladif... Était-ce l'une des contraintes qu'il devait subir pour pour utiliser son pouvoir? Était-il en train de l'exercer en ce moment même? Une fois l'armure remise en place, ma curiosité prit le dessus.

"Dites, je ne voudrais pas paraître trop curieux, mais quel est votre pouvoir?"

J'ai une bonne mémoire... S'il me le dit, je pense pouvoir le retenir, et ainsi commencer à faire une liste des pouvoirs apparent dans le pensionnat et savoir qui et qui sont les plus dangereux...

Augustin fixait Flavien rassembler les morceaux de l’armure, indolent mais embarrassé de le voir s’afférer à sa place quoique l’idée de se pencher à son tour ne lui traversa pas esprit; aussi sa présence se serait davantage rapproché de l’handicap que de l’aide. En outre le type assurait seul -vraiment ; il n’avait aucune idée de l’endroit où Flavien avait appris à assembler des armures moyenâgeuse (Augustin évitait les rayonnages de bibliothèques n’ayant pas traits aux maladies dermatologiques ou aux vieux slashers des eighties) mais, à défaut d’être toujours utile, c’était indéniablement classe.

« Merci mec» souffla-t-il finalement lorsqu'il eu terminé, avec une nuance de respect dans son ton amorphe.

Après quoi, il lui posa une question qui lui fit une nouvelle fois hausser les épaules.

«Paralyser des types. Ca n’en a pas empêché un d’essayer de me tuer.» Après avoir mordu dans son repas de fortune et dégluti il ajouta, l’air sombre : «Ca m’aurait évité l’attente interminable et lugubre vers laquelle nous nous dirigeons tous. »

En vrai mourir là-bas, tué par ce type dans une bibliothèque, était assez peu reluisant -rien qu’être ici étai vaguement humiliant en réalité ; condamné à passer sa (« lente et douloureuse ») vie dans un manoir par erreur (que tout le monde ne commettait pas. Aussi il se demandait parfois : pourquoi lui/eux ? Avant de conclure avec consernation: « parce que le vie est discordante et insensée et chaotique. »).

« Et toi ? Assembler les armures ou quelque chose comme ça ? » Contrairement à ce que laissait supposer l’absurdité de la question, ce n’était pas de l’ironie. Après tout il supposait que ce genre de choses était probable. Il avait bien rencontré un animal doué de parole -rien ne l’étonnait vraiment (il avait lu trop de comics pour ça durant son adolescence pour ça, selon lui)