« Ouais, j’suis là, où tu veux que je sois ? ‘ttend je sors, bouge de devant. »

Solaine s'exécuta, non sans avoir esquissé auparavant une grimace censée moquer le garçon dans l'armure; Elle trouva d'ailleurs dommage qu'il ne puisse pas la voir, elle était certaine d'avoir rendu à la perfection son air buté et maussade. Impatiente comme toujours, elle fixait le plastron d'où devait émerger Nick dans la seconde, les sourcils froncés et les mains agacées. Ils n'avaient pas trouvé la moindre feuille, et ça l'énervait. Considérant le fait que la simple présence de Nick suffisait à la mettre en rogne, inutile de préciser que Solaine n'était sur le moment pas sujette aux éclats de calme et de diplomatie qui la prenaient parfois.
Une fois le cadavre enterré, se disait-elle, je retournerai chercher les feuilles jusqu'à ce que j'en trouve une. Hors de question de rester trop longtemps avec le jeune homme, il pourrait lui prendre l'envie de la pointer à nouveau du doigt en lui disant qu'elle avait à présent une dette envers lui. Il ne lui restait donc qu'à s'enfuir et oublier cette rencontre en maudissant Rudy et son incapacité profonde à conserver correctement son journal intime. Quelle idée d'en disperser les feuilles, ça ne leur facilitait pas la vie ça !
Et Nick qui ne sortait toujours pas... Ce qu'il pouvait être lent comme garçon, lui alors !

Un grand bruit et une exclamation l'arrachèrent brusquement à ses pensées. Elle vit l'armure s'ébranler toute entière, les yeux écarquillés et la bouche ouverte sur un 'quoi' muet.
Qu'est-ce qu'il se passait, là ? Il essayait de lui faire peur ou quoi ? Il n'était tout de même pas en train de se battre avec l'armure, non ? Ces machins n'étaient pas vivants, aucun risque. Peut-être, pensa-t-elle brusquement, qu'il avait peur des espaces réduits.
Mais cette idée lui paru bien vite bancale, et pour cause: Il y était rentré de lui-même. Elle voulait bien croire qu'il était abruti, mais à ce point, ça devenait difficilement imaginable.

Quoi que... A tous les coups, il devait s'être bloqué dedans.

« Knarv. Ce truc doit être bloqué de l’extérieur. Tu veux pas essayer de l’ouvrir ? »

'Gagné', se félicita mentalement la paraplégique, qui se mit immédiatement à réfléchir. Essayer de l'ouvrir, hein ? Et pourquoi ? C'était son problème s'il était coincé dedans, il y était rentré comme un grand. Aussi tentée que Solaine fut de laisser Nick à son triste sort, elle consentit tout de même à s'approcher de l'armure pour l'aider à s'en extirper. Ou essayer, au moins, elle ne garantissait rien.

Même sans un 's'il te plaît' qui aurait pourtant été le bienvenu, elle comptait néanmoins toujours sur lui pour l'aider à enterrer le macchabée. C'était une raison suffisante pour ne pas le laisser mourir de soif et de faim là – surtout qu'après, elle aurait aussi du l'enterrer.
Ça ne lui apportait rien de le laisser là-dedans, en somme. A part le plaisir de le voir s'agiter pour rien, mais ça ne contrebalançait pas assez les désavantages précédemment cités.

Dommage.

« Tu as de la chance que je me sente soudainement d'humeur généreuse, sinon je t'aurais laissé te débrouiller tout seul, fit-elle d'un ton apparemment satisfait,levant les mains vers la plastron récalcitrant, voyons ça... »

Solaine fit exactement les mêmes gestes que Nick quand ce dernier, agacé, avait ouvert l'armure à la volée. Elle essaya une fois, puis deux, puis trois, avant de s'énerver et de secouer l'armure en tentant vainement de l'ouvrir. Rien ne bougeait, pas même d'un millimètre. Comme la porte d'entrée dans le hall, l'ouverture était bizarrement scellée.

« Ça bouge pas, ce truc ! C'est bizarre... »

On ne pouvait reprocher à Solaine d'abandonner facilement. Elle martyrisa encore plusieurs fois la coquille de fer avant de baisser les bras et lui lancer un regard meurtrier teinté d'incompréhension.

« J'arrive pas à l'ouvrir. »

On pouvait dire au son de sa voix que la demoiselle aux cheveux gris ne trouvait pas ça normal.
Elle devait s'ouvrir. Si lui avait réussi à l'ouvrir, pourquoi pas elle ? C'est pas normal.

Pas normal du tout.

Le temps que Solaine tende de nouveau les mains pour réessayer d'ouvrir l'armure, Nick avait tapé du poing contre le métal. Agacée par ce bruit qui résonnait trop près de ses oreilles, elle releva inutilement les yeux pour foudroyer du regard l'insupportable crétin qui avait élu domicile dans la coque grise. Il aurait mieux fait de se calmer s'il ne voulait pas qu'elle recommence à taper sur l'armure – avec cette fois-ci le but avoué de le rendre complètement sourd !

« Ouais, c'est ça, très drôle. C'est bon, t'as fini de te marrer ? Ouvre, maintenant ! »

Hein ? Solaine n'en crut pas ses oreilles. Elle resta là, les bras à mi-chemin du plastron, abasourdie. Si la colère était venue directement, sans se soucier de sa surprise ou de son indignation, elle l'aurait renversé, cette armure. Ou aurait cherché à le faire, en tout cas. Puis elle aurait été la rouler dans tous les couloirs si la chute n'avait pas suffit à la démembrer ! Blessée dans son honneur (elle avait tout de même consenti à l'aider, et voilà comme il la remerciait, cet ingrat), elle donna un coup dans le plastron. Ce garçon était stupide, stupiiiiide avec tous les i qu'il fallait aligner pour montrer à quel point il l'était ! Il méritait une claque ou deux, que Solaine se promit de lui offrir dès qu'il serait sorti de son habitacle.
On ne se moquait pas du monde impunément. La jeune fille aux cheveux gris ne savait pas ce qui pouvait bloquer l'armure, mais elle était bloquée, c'était un fait. Il ne voulait pas qu'elle s'arrache les mains pour lui prouver, quand même ? Elle n'aurait pas été jusque là pour lui. Elle avait déjà fait beaucoup d'efforts envers sa personne, il aurait du s'estimer heureux au lieu de continuer à ronchonner comme ça.

J'aurais pu partir, pensa-t-elle en essayant une nouvelle fois, par acquit de conscience, d'ouvrir le plastron qui retenait son interlocuteur prisonnier. Comme elle l'avait pensé, il n'y avait rien à faire, les parois auraient pu être soudées que ça aurait donné le même effet. Si elle n'avait pas vu Nick l'ouvrir et y rentrer de ses propres yeux, elle aurait douté du fait que ces armures avaient jamais été ouvertes.
Son regard bleu balaya les environs à la recherche d'un outil; le problème était que Solaine ne savait pas ce qui aurait pu lui être utile dans une telle situation. Sortir des garçons maladroits des armures, ben tiens. Elle faisait ça tous les jours, elle était rodée ! Non mais sérieusement... La scène était telle qu'elle songea à aller chercher un ouvre-boîtes aux cuisines pour la rendre définitivement ridicule. Une pauvre fille en fauteuil roulant qui attaquait une armure à l'ouvre-boîtes pour en tirer un imbécile armé... Génial.
Ils auraient pu en faire une jolie histoire à raconter à leur famille ! Si seulement ils n'étaient pas au pensionnat, évidemment, parce qu'ici ça allait être difficile de...

Mais bien sûr ! Pourquoi n'y avait-elle pas pensé plus tôt ? Il n'y avait pas trente-six solutions à ce petit incident. Une seule même, probablement; Solaine n'excluait pas la possibilité que Nick se soit coincé tout seul, mais c'était moins vraisemblable. Un peu moins, disons.

« Je me marre pas, mais si ça te plaît de le croire pour te rassurer... »

Elle donna un autre coup à l'armure pour appuyer ses propos.

« C'est fermé, j'y peux rien. T'es coincé. Et je ne sais pas pour toi, mais ce serait bien le genre du pensionnat de faire une farce pareille, non ? »

La bâtisse était, comment dire... Joueuse ? Il n'y avait qu'à voir le cadavre qu'elle avait trouvé et toutes les tuiles qui arrivaient régulièrement aux pensionnaires. Elle n'aurait jamais pensé à de telles choses chez elle, son père lui aurait de toute manière dit que ce n'était pas possible, et elle l'aurait cru. Parce que chez elle, oui, rien de tout ça n'était possible.

Mais elle n'était plus chez elle et au pensionnat, apparemment, il fallait éviter de rentrer dans les armures. C'est en pensant cela qu'elle considéra d'un œil las l'armure et Nick qui se trouvait à l'intérieur. QUI rentrait dans les armures, QUI était assez bête pour faire une chose pareille ?

Nick Eastwood. On aurait du graver son nom sur le côté de l'armure pour se remémorer cet acte qui dépassait l'entendement.

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{Je me suis dit; allez, je commence à répondre pour entasser mes RP et les envoyer d'un coup comme toi, mais j'y arrive pas. C'est plus fort que moi, faut que je poste. 8D}

Solaine regretta le silence à l'instant même où Nick décida de manifester sa colère de la manière la plus polie et mature qui soit. La jeune fille, portant instinctivement ses mains à ses oreilles, peina à comprendre tout ce qu'il disait; elle soupçonna le traducteur du pensionnat de sauter quelques mots, soit par respect pour ses oreilles, soit par manque de temps. Dans tous les cas, elle ne regretta pas les injures qu'elle ne comprit pas, et son regard bleu se fit sévère dès que l'imbécile dans l'armure daigna couper son flot de colère. Ah ça ! Elle avait vu des gens qui se retenaient mieux que lui, c'était sûr ! Solaine n'avait rien contre les gens expressifs, mais trop, c'était trop – et clairement elle aurait pu sermonner sa propre personne tant elle n'était mieux lotie dans ses élans d'indignation.
Surtout qu'il y avait de quoi être fâché, non ? Même si c'était techniquement sa faute pour être rentré dedans...

Pendant que le garçon aux cheveux noirs reprenait supposément le souffle que l'ire lui avait ôté, Solaine regarda à nouveau l'armure de bas en haut. Elle n'était guère plus à la recherche d'une solution pour l'ouvrir (elle n'était même pas sûre que la scier en deux aurait marché), mais la carrure de ce soldat de fer la laissait perplexe. Ce n'était pas pour critiquer Nick, mais il était, comment dire... bien moins grand et costaud que cette coquille dans laquelle il était coincé. Qu'est-ce qu'il allait faire s'il devait se trimballer avec ? Est-ce qu'il allait seulement réussir à aligner deux pas correctement ?
Solaine se dit avec amusement que s'il lui demandait gentiment, elle le mettrait à terre et le pousserait avec plaisir. Elle se reprit néanmoins vite: ce n'était pas le moment de plaisanter. La situation n'était pas...

« Hein ouais ? Je vois pas ce que ça a de drôle ! »

… drôle. Eh bien, les grands esprits se rencontrent ! Ça n'avait effectivement rien de drôle, elle voulait bien le croire. Enfin, surtout pour lui, elle ça ne la dérangeait techniquement pas. Techniquement. Cela dit, depuis qu'elle l'avait vu rentrer dans cette armure, elle se sentait comme responsable de lui. Le pauvre, il fallait bien que quelqu'un lui vienne en aide, non ?
Maintenant qu'elle avait trouvé quelqu'un pour qui se déplacer était encore plus malaisé, elle se sentait comme rassérénée. Au fond, elle aimait se sentir utile. Ce n'était pas souvent que ça pouvait marcher dans ce sens, elle-même l'admettait.

« Et je fais comment, moi, alors ? Ça va bien s'ouvrir à un moment ou un autre, ce truc... hein ? »

Lui dit un Nick visiblement inquiet.
La demoiselle laissa fuser un 'hmmmm' qui trahissait sa réflexion. Un doigt sur la bouche, elle contempla plusieurs solutions du coin de l'œil, critique et jamais satisfaite. Il était possible que le caprice du manoir passe comme il était venu et que l'armure recrache Nick dans quelques minutes. Toutefois, il ne fallait pas négliger la deuxième hypothèse, celle dans laquelle il se retrouvait durablement enfermé là-dedans. Et c'était là que ça coinçait; qu'est-ce qu'il allait faire s'il devait rester là-dedans ? Déjà qu'elle ne voyait pas comment il pourrait tenir une journée toute entière, elle n'imaginait pas plusieurs jours. C'était même, en son for intérieur, proche de l'inenvisageable.

Ainsi, la réponse qu'elle lui donna fut honnête et pour une fois dénuée de sarcasme:

« Je ne pense pas que ça dure très longtemps, mais... bon, si tu dois rester deux ou trois heures là-dedans, ça va pas être terrible. Tu peux bouger ou pas ? »

Puis comme si avoir été presque gentille la titillait, elle enchaîna avec une petite pique qu'elle se justifia 'pour détendre l'atmosphère'.

« T'es quand même mieux là-dedans. Tu es sûr que tu ne veux pas y rester ? »

Nick ne pouvait pas voir le sourire qui étirait ses lèvres. Solaine n'en fit pas grand cas et balaya du regard le couloir, toujours désert. Personne a l'horizon, pas de sac à main non plus. Ils étaient seuls, et bien partis pour devoir se débrouiller seuls. Soit; qu'il en soit ainsi, comme on dit.
Le monde était tout de même mal fait. Partie pour trouver un des fameux feuillets de Rudy, elle se retrouvait là à chercher une solution pour sortir un arriéré d'une armure. Si elle l'avait su !

Au moins, elle ne pouvait pas dire qu'elle s'ennuyait.

« Oh ça va hein, je t'ai rien demandé à toi ! »

Peut-être que si elle allait assez vite, elle pouvait rouler jusqu'aux cuisines et revenir avant que Nick ne réussisse à bouger ou que quelqu'un ne passe et ne l'y aide. Revenir avec une boisson qu'elle siroterait ostensiblement devant lui tout en lui faisait la conversation. Oh, bien entendu, s'il commençait à avoir faim elle se ferait un plaisir de lui glisser de la nourriture par le heaume, elle n'était pas si cruelle ! Oh, mais mince. Elle ne pouvait pas l'atteindre, ce fichu heaume, c'était vrai.
Mais Solaine ne fit que soupirer. Ça aurait été très amusant de tambouriner à nouveau contre le soldat de fer, mais elle se vantait d'être capable de garder son calme et d'adopter une attitude responsable. Bien, il était peut-être temps de s'y mettre, n'est-ce pas ? Alors même si c'était très difficile de ne pas lui balancer un 'débrouilles toi' incisif à la figure, elle se féliciterait de ne pas l'avoir fait plus tard.
Cette pensée en tête, elle débattit l'idée d'envoyer Pénélope chercher de l'aide pour elle. Ça ne lui plaisait toujours pas de demander l'aide – que ce ne soit pas pour elle ne changeait rien, c'était quand même elle qui demandait et mince, elle ne supportait pas ça. Qu'on respecte un peu sa fierté déjà mise à mal par ce face-à-face avec le démon coincé dans l'armure. Ses yeux bleus se baissèrent machinalement vers les plis de sa longue robe dans lesquels se terrait son farouche AEA. Solaine ne savait pas si la petite chose consentirait à s'éloigner autant d'elle et pis encore, adresser la parole à des inconnus.

Elle ne se rappelait plus l'avoir faite aussi peu extravertie et ça l'embêtait bien à présent. Si seulement cette armure avait pu s'ouvrir avec une clé ! Ils n'en auraient pas été là, et tout aurait été vite oublié. Le cadavre aussi aurait apprécié, elle en était certaine.

Déjà, lui faire savoir que sa bonté n'avait aujourd'hui pas de limites.

« Si, tu m'as demandé de t'aider. Et c'est ce que je vais faire. »

Allez allez, il devait bien y avoir une solution ! Une qui n'impliquait pas de scie ou de roulés-boulés dans les escaliers. Solaine se mettait à la place de Nick un instant, et se rendait compte qu'elle aurait tempêté contre celui qui aurait proposé de la malmener de la sorte. Faire preuve d'empathie n'allait pas la tuer.
D'un autre côté, elle ne voyait pas comment l'en sortir sans s'y prendre violemment. Pfff, fichu casse-tête de...

Bon, elle allait se focaliser sur un moyen de l'aider à se déplacer, pour l'instant. Une petite feuille verte dépassa de sa robe et son visage clair s'éclaira. Mais oui ! Pourquoi songer à l'envoyer ailleurs quand elle pouvait s'avérer indispensable ici ? Solaine laissa s'échapper un murmure enthousiaste. Elle ne savait pas si ça allait marcher, ni si c'était une bonne idée, mais au moins c'était une idée.
Et ils en manquaient cruellement, alors ils n'allaient pas chipoter.

Dans un élan et sans penser à faire preuve de douceur, elle sortit son AEA et la déposa sur le sol. Tout en parlant elle faisait de grands gestes envers Pénélope (stupide, il ne pouvait pas la voir), et sa voix avait une emphase toute nouvelle.

« En attendant de trouver un moyen pour te sortir de là, j'ai peut-être un moyen pour te déplacer. Sauf si tu veux rester faire le guet là, hein, évidemment. »

Solaine ne mentionna pas qu'elle ne comptait pas le laisser là même s'il en exprimait le désir. Elle était trop contente d'avoir trouvé une solution pour ça. Pénélope ne toucherait pas au cadavre, elle était trop émotive pour ça, mais une armure ne devrait pas poser de problème.
Le sourire sur ses lèvres avait chassé l'indignation et la colère. Dans son envie d'aider, la demoiselle aux cheveux gris était sincère.

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{Mon premier poste de l'année ! Ça excuse sa... qualité sans doute discutable, d'accord ?}

« Euh... ah bon ? »

Solaine hocha avec enthousiasme la tête, plus pour elle-même qu'autre chose. Inutile de le préciser, son sourire parlait pour elle; fière d'avoir trouvé une solution, même temporaire, elle voyait à présent les choses sous un angle nouveau et optimiste. Bon, ne nous leurrons pas, elle considérait toujours Nick comme un imbécile rentré volontairement dans une armure et qui avait bien fait de s'y retrouver piégé. On avait pas idée de violer de manière aussi grossière l'intimité d'une armure potentiellement enchantée. C'était vrai: au pensionnat, tout était potentiellement enchanté. Solaine jetait même des regards suspicieux au réfrigérateur que l'on disait doté de la parole.

Mais au moins, elle savait qu'ils pouvaient s'en sortir sans faire appelle à une scie géante, et c'était une bonne chose. L'idée venant d'elle, elle n'en était que plus ravie. Encore faut-il que ça marche, certes, songea-t-elle en regardant le lutin rouge qui était son AEA zieuter avec inquiétude les alentours. Comme elle n'avait jamais essayé de lui faire soulever une armure, elle ne pouvait pas garantir que le résultat serait forcément, comment dire... paisible.
La jeune fille aux cheveux gris eut à cet instant une pensée pour le prisonnier du soldat de fer. Sa tête allait payer cher dans tous les cas, elle espérait qu'il l'avait solide.

« Et, euh... C'est quoi ? »

Nick posait les bonnes questions. Consciente de l'incertitude dans sa voix, elle ouvrit immédiatement la bouche pour lui expliquer et le rassurer, avant de la fermer la seconde d'après, perplexe. Lui expliquer quoi, au juste ? Qu'un farfadet allait le soulever et l'amener elle ne savait trop où ? Pas sûr qu'il la prenne au sérieux si elle lui sortait un truc pareil. Ni que ça le rassure, tant qu'à faire. D'ailleurs, où est-ce qu'elle allait pouvoir le déposer ? Obnubilée qu'elle était par son idée 'si géniale' pour le déplacer, elle en avait éclipsé le problème principal. A savoir:

Comment il allait sortir de là ?
Elle faillit en pousser un grognement contrarié. Elle se retint uniquement car elle pensa que ça pourrait être mal interprété. A la place, elle agita les mains et renseigna finalement de manière fort évasive son interlocuteur. Bha, au fond, il ne lui avait pas demandé d'être précise, non ?

« C'est, hmmm... Tu vas voir. Mais tu devrais peut-être faire attention, ça risque de secouer un peu. »

Elle l'aurait prévenu. Il ne pourrait pas se plaindre s'il finissait assommé dans le processus. Enfin, si, il pourrait. Mais elle ne l'écouterait pas. D'un geste de la tête, elle envoya Pénélope se tenir près de l'armure qui avait été assez folle pour s'éprendre de Nick.
Les petits neurones de Solaine travaillaient à plein régime. La jeune fille ne pensait pas connaître quelqu'un qui puisse les aider, bien qu'elle repassa pour en être sûre la liste de ses connaissances. Évidemment, le pensionnat n'était pas fichu de leur coller des pouvoirs utiles ! Pensant à ses jolies billes colorées, ses fleurs et ses feux d'artifices, elle se sentit enrager.
A part le transformer en armure de parade, elle ne pouvait rien faire de plus.

« Juste comme ça, fit Solaine tout en s'approchant, est-ce que tu connais quelqu'un qui pourrait t'aider à sortir de là ? Je sais pas... quelqu'un avec le pouvoir de faire fondre le fer ou d'ouvrir les armures en deux ? »

Sans mentir; ça leur aurait été utile. Et puis si elle elle pouvait faire cracher n'importe quoi de mignon à son fusil, elle ne voyait pas pourquoi ces pouvoirs auraient été aux abonnés absents. Quoi qu'à bien réfléchir, faire fondre le fer, c'était peut-être un poil trop délicat, dans leur cas.

Enfin dans le cas de Nick. Mais Solaine s'y associait inconsciemment – elle était quand même sa grande sauveuse. Une vraie héroïne de fortune. Qui, si on avait eu l'audace de lui faire remarquer, aurait laissé tomber l'armure à terre en clamant que ça ne la regardait plus.

Solaine était la gentillesse incarnée.

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{I DID IT. Maintenant admire et apprécie mon poste. |D}

Patiente – parce que de toute façon, pour une fois, elle n'avait pas vraiment le choix, Solaine attendait la réponse de Nick en faisant aller et venir son regard des tableaux accrochés aux murs à l'armure, en passant par la moquette carmin et Pénélope. Il prenait son temps, en plus, cet agité; mais bon, c'était vrai qu'avec sa capacité de réflexion visiblement réduite, il valait mieux qu'il le prenne, son temps. Histoire de pas sortir de bêtises et de bien passer en revue toutes ses connaissances pour voir si quelqu'un ne pourrait pas faire l'affaire.
De son côté, Solaine faisait le même inventaire, sans le moindre succès. Elle devait admettre qu'elle était loin de connaitre l'intégralité des prisonniers du pensionnat, et encore moins de s'entendre avec tous les pensionnaires qu'elle connaissait: ce n'était pas sa faute quand même si le trois quart était complètement abruti ! Et si ceux avec lesquels elle avait quelques affinités possédaient un pouvoir aussi utile que le sien. Hmmm. Rien ne lui venait à l'esprit qui puisse les aider à résoudre leur problème.

C'est sur une énième injure lancée à son esprit incapable de trouver quelque chose d'efficace que Nick finit par lui répondre. Et quelle réponse. Solaine, si elle l'avait su (et si elle avait su écrire, aussi), l'aurait noté sur un morceau de papier pour ne pas l'oublier. Ça valait le détour.

« ... Aphrodite. Elle pourrait la manger. »

Même si en l'occurrence elle fixait plutôt la carcasse métallique avec tellement de perplexité dans le regard que c'en était comique. Elle répéta la phrase à voix basse, espérant bêtement qu'elle fasse sens, mais non. Il n'y avait strictement aucun sens dans ce que venait de dire Nick, à tel point que la jeune fille se demanda s'il n'avait pas perdu l'esprit, tout seul dans cet espace réduit. S'il n'était pas par hasard claustrophobe et que sa peur avait eu raison de lui. Peut-être que l'obscurité le faisait délirer, ou qu'il y avait quelque chose de franchement pas net dans cette armure. Ça ne l'aurait pas étonné. Tout simplement, il était peut-être aussi stupide qu'il en avait l'air au premier abord. Ou bien chez lui, les armures étaient comestibles.
Il ne lui vint pas à l'idée que ça pouvait être un pouvoir. Énoncé ainsi, comme Nick l'avait fait, ça donnait juste envie de remettre sa lucidité en doute.
En plus, elle ne voyait même pas qui était Aphrodite. Quoique...

« Tu la connais ? C'est une rousse, avec un flingue, qui se balade toujours avec une fille brune pas très maline. »

Solaine décida de laisser momentanément de côté toutes les remarques adorables concernant les facultés intellectuelles de son meilleur ami (et dont elle aurait voulu lui faire part) pour se concentrer sur la description sommaire qu'il lui avait fournit de la jeune fille en question. Rousse, avec un flingue, qui était presque toujours accompagné par une fille apparemment pas très maline (Nick, tu mérites de mourir pour ça)... Solaine réfléchit quelques instants puis sa bouche s'arrondit dans une exclamation victorieuse.

« Mais oui, Aphrodite ! Je vois de qui il s'agit. Enfin, je crois. Tu sais où on pourrait la trouver ? »

Elle laissa filer un petit blanc, avant de se décider à formuler ses doutes à voix haute. Elle n'allait pas rester avec ça sur le cœur, quand même. Mieux valait aussi vérifier si Nick hallucinait ou s'il avait une véritable idée derrière la tête.

« Même si je ne vois pas pourquoi elle... mangerait l'armure. »

Dans les très vagues et peu nombreux souvenirs qu'elle avait d'elle, Aphrodite était une fille fermement contre toute porte de sortie, que ce soit sous la forme d'un échappatoire réel ou de feuilles volantes, et elle n'était pas plus grosse qu'une crevette. Pas le genre à planter ses dents dans du métal sans hésiter. A bien y penser, Solaine avait même mal pour elle.
Toutefois, si Nick pensait que ça pouvait marcher, elle était curieuse d'entendre ses explications. Qu'il ne se prive pour éclairer sa lanterne; ça n'allait pas la tuer, pour une fois. Normalement.

Le brouhaha soudain à l'intérieur de l'armure fit grimacer Solaine, qui songea avec une pointe d'irritation que si Nick commençait à s'assommer tout seul comme un grand, ils n'étaient pas sortis de l'auberge. Ça aurait peut-être été moins douloureux pour lui dans un futur proche, Pénélope ayant beau être un modèle de douceur, elle s'avérait être parfois très maladroite, mais il fallait un peu songer à elle aussi, dans l'histoire. Si monsieur décidait de piquer un somme dans cette sale armure, qui devrait expliquer à Aphrodite qu'ils avaient besoin qu'elle la mange pour en faire sortir le maladroit ? Pas Nick pour sûr, puisqu'il roupillerait tranquillement sans se soucier de rien. Ce serait à elle de faire le sale boulot et de passer pour une abrutie finie. Peut-être qu'on ne la croirait même pas et l'enverrait balader avec un rire !
Alors non, par pitié, qu'il reste conscient. Il y avait de fait une petite inquiétude sous l'agacement de la délicate demoiselle. Une inquiétude passablement égoïste, bon, mais de l'inquiétude quand même. On ne pouvait pas trop en demander à Solaine, dont la colère revenait côtoyer l'excitation; c'était déjà bien qu'elle ne souhaite plus sa mort.

Ce qu'elle n'avait pas dû manquer de faire à maintes reprises au début de leur conversation, rappelons le.

« Ben elle peut, hmmm... manger n'importe quoi. Elle dit que ça, euh, prend le goût qu'elle veut, après... »

… D'accord. Cette réflexion eut le mérite de lui tirer un petit sourire amusé. Elle n'aurait pas été jusqu'à dire qu'elle ne croyait pas Nick, ce pouvoir était on ne peut plus plausible; la tireuse de feux d'artifices avait vu plus saugrenu, elle pouvait en témoigner. Mais dans son esprit échauffé par les élucubrations des dernières minutes, elle avait encore du mal à intégrer le fait que quelqu'un puisse vouloir planter ses dents dans du fer sans y être obligé. Que ça ait un goût d'abricot ou de soupe, ça ne changeait rien ! C'était douloureux un point c'est tout.
Solaine se fit alors la remarque que s'il fallait forcer la rousse à leur obéir, ça allait être un autre parcours du combattant. Tout ça pour un attardé et une armure !
En plus, elle n'avait même pas trouvé de feuille dans la bataille. C'était injuste.

« Bon. On bouge, ou... ? »

Sortie de ses menues pensées par la voix mélodieuse de son ami, Solaine laissa s'échapper un bref 'ah, oui', avant de faire signe à Pénélope de soulever la carcasse creuse. Heureusement que Nick ne pouvait pas voir les bras de ce petit être s'apparentant à un lutin prendre la carrure de ceux d'un bodybuildeur: ça avait quelque chose de nettement peu rassurant. D'ailleurs, l'AEA le lui prouva en laissant choir l'armure à terre après avoir tiré trop brusquement sur la jambe. Solaine grimaça encore.
Étrangement, l'armure ne s'était pas disloquée sous l'impact. Comme par hasard. Foutu truc enchanté, va, maudit Solaine intérieurement.

« Euh, plus doucement, d'accord ? Y'a quand même quelqu'un de vivant à l'intérieur... »

La petite bête acquiesça timidement. La seconde prise fut la bonne: elle souleva le bagage peu commun par le dos, quand bien même sa petite taille ne lui permettait pas de le soulever très haut. C'est mieux que rien, pensa Solaine en avançant (direction n'importe où sauf ce couloir), et elle en profita pour jeter un coup d'œil au guet auparavant debout à monter la garde dans le couloir.

« Ça va toujours, là-dedans ? »

Au pire, il pourrait la traiter d'assassin et l'accuser de quelques bleus. Pas de quoi en faire un plat.

---

{Vite, je poste tant que j'ai internet !}

« Solaine... C'était quoi, ça ? »

Une chute, faillit répliquer la demoiselle interrogée avec le plus grand sérieux; heureusement pour elle et le sens de l'humour sans doute réduit à néant de Nick, elle préféra plutôt jeter un regard exaspéré à son AEA, qui accomplissait sa besogne sans protester. C'est qu'en plus d'être lourd, ce n'était pas facile à déplacer, une armure. En général, on les laissait le long des couloirs ou les enfilait si on avait la carrure adéquate, mais on ne les trainait pas dans tout un manoir en quête d'une solution miracle. Bha, pensa Solaine en jetant cette dernière remarque dans un coin peu utilisé de son esprit, on s'en sortira, on a fait le plus dur. Il restait juste à trouver Aphrodite, la convaincre de 'manger' l'armure, quoique ça pouvait signifier, et le tour serait joué.

Ah, et ne pas casser le nez de Nick en chemin, aussi. Ou son crâne, ou ses jambes: Bref, le sortir intact de sa prison de fer, ou en tout cas plus vif que mort. Ils pouvaient faire ça, elle le savait. Ils n'étaient pas manchots à ce point.

« C'était, euh... Une maladresse de mon AEA. Ça arrive à tout le monde, et puis c'est pas pratique à déplacer ta grosse armure, là. »

Justifier la pauvre naïade miniature au cas où il aurait désiré se venger d'elle à sa sortie. Solaine tenait quand même à son AEA, elle se révélait très pratique pour monter les escaliers sans avoir à demander de l'aide. Très pratique pour sa fierté à fleur de peau qu'il était si aisé d'érafler, donc; et en conséquence presque vitale. D'ailleurs, ne venait-elle pas de leur sauver la mise ? D'accord, elle avait faillit lui casser le nez, mais ce n'était rien en comparaison de l'aide qu'elle leur apportait.
Sans ça, Nick serait encore à faire le guet contre le mur, reclus dans sa propre bêtise. Ou en train de rouler au sol parce que l'adorable Solaine, pleine de volonté, aurait refusé de laisser son ami broyer du noir tout seul.

« Bon, allez, on va... par là. En espérant qu'on trouve vite Aphrodite. »

Et hop, direction un nouveau couloir inconnu; si la chance était de leur côté, et vu ce qui était arrivé à Nick, elle était en droit d'en douter (il devait se trainer la poisse en plus de l'idiotie, ce rustre), ils tomberaient rapidement sur la rousse. Qui bien entendu, dans son immense bonté, les aiderait sans poser de questions. Au fur et à mesure des tours des roues de son fauteuil, Solaine commençait à douter de la réussite de leur entreprise.
Juste parce que dans les faits, ça semblait relativement facile (à tout le moins pas insurmontable, hein), il allait leur arriver une tuile qui allait leur faire regretter d'être né. Ou de s'être rencontré. Ou d'être entré dans cette armure. D'être entré au pensionnat. Bref, un peut tout ce qu'ils avaient pu faire jusqu'ici qui les avaient conduits à cette situation navrante.

La jeune fille cherchait des yeux un escalier, tout en reposant régulièrement son regard sur Nick et Pénélope, qui avançaient à son rythme. S'ils trouvaient un escalier, ils pourraient monter ou descendre, elle ne savait plus trop où elle en était, et ça la rassurerait.

Les escaliers, c'était chouette, quand on était perdu. Une bouée au beau milieu d'un océan noir et déchainé.

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{Eeeet on ouvre le prochain poste ? ♥}