Alyona se leva de son fauteuil roulant,son casque sur les oreilles. Elle avança dans le noir, s'aidant des meubles de la pièce pour avancer. Ses jambes étaient faibles, et n'arrivaient plus à la supporter. Elle avança, avança, avança. Le monde tournait autour d'elle. Tant pleuré, tant crié. Aucune force. Plus aucune. L'esprit confond, embrumé par trop de pensées,trop de souvenirs, trop de projets brisés.
Avancer, encore, et encore. Dans le noir. L'astre lunaire n'éclaira rien. Rien.
Elle pourtant si joyeuse, si vive, si gentille.
Le noir. Le rien. Le vide
Si vivante, si attentionnée, si sympathique.
Un trou. Un no man's land. Un néant.
Avancer, encore et encore. Il ne fallait pas s'arrêter. Elle ne se relèvera pas sinon. Avancer. Avec la musique dans la tête. Il ne faut pas penser. Non. Avancer. Réussir sans ce foutu fauteuil qui le gâche la vie !
Elle n'arrivait pas à réfléchir. Elle ne comprenait pas.
Enfin, elle pu s'assoir, et regarda en face d'elle, fixant son regard là où elle ne pouvait pas voir.
Ses larmes recommencèrent à couler. Etienne. Alice. Maxence. Sa mère. Les souvenirs. Plus rien. Sa vie. Partie en fumée.
Comment faire maintenant ? Elle se retrouvait quelque part qu'elle ne connaissait pas, avec des personnes inconnus. Bien intentionné ou non.
Mal ou Bien.
Noir ou Blanc.
Il ne fallait pas montrer sa peur. Ni son angoisse. Ni sa tristesse. Ni tout autre émotion. Elle devait rester la Alyona qu'elle était avant.
Serait-ce au moins possible ? Elle essayerait. Mais faire une croix sur son passé, ce serait dure. Ne pas oublier. C'est avec le passé que l'on fait le futur
Qu'il soit beau ou non.
Elle enleva son pantalon et le laissa à terre. Il était encore humide. Normal.
Ce qu'elle portait était ses seuls habits. Comment allait-elle faire ? Où dormira t-elle ? Comment sera sa vie ?
Sa chemise longue retombait avant les genoux, et elle s'allongea, pliant ses jambes manuellement,
car elles ne répondaient plus. Comme les premières fois...
La lune éclaira la pièce, mais l'adolescente s'en moquait. Elle fixait le vide, sans pouvoir détacher son regard.
La musique qui sortait de son casque trahissait le silence qui c'était installé.
Après de longue minute les yeux ouverts dans le noir, elle sombra dans un profond sommeil.
Quelques minutes après, des confettis de lumière apparurent au dessus-d'elle. Comme des fantômes d'un outre-monde.
Elles restèrent en suspension, sans jamais quitter l'adolescente. Des bouts de souvenirs, d'âmes enlevaient des corps de malheureux, où des lucioles protectrices ? Qui sait...
Même elle, ne se doutait pas de ce qui se passait.
Elle dormait. Essayant d'oublier. Si elle aurait pu... Non, elle n'était pas comme ça.
Elle arriverait à survivre
Folle. Seule. Triste.
Mais encore vivante …
Le soleil pénétra dans la pièce. Les premières lueurs de l'aube chassèrent les lumières de couleurs et réchauffèrent le corps grelottant de la jeune fille.
Il n'y avait plus de musique. Le calme. Le silence.
Une certaine sérénité enveloppé la pièce. La bulle de la nuit avait crevé, pour laisser place au monde réel. Laisser place au nouveau monde qui s'offrait à la jeune fille.
La pièce maintenant éclairée offrait une vue splendide. Un salon, dans un style ancien. Une cheminée, des fauteuil tous aussi douillet les un que les autres, des services à thé blanc.
Il y avait aussi, dans un coin, un piano magnifique. Aly adorait les pianos, enfin surtout écouter quelqu'un en jouer.
Un jour, à son réveil dans la maison d'Etienne, elle l'avait entendu jouer quelques douces notes.
Quand elle était descendu, il était là, assit, à jouer, comme happer par ce piano noir.
L'adolescente c'était assit à côté de lui, le regardant faire glisser ses doigts sur les touches blanches.
Avec lui, il avait apprit à jouer une simple mélodie, mais qui résonnait toujours dans son cœur..
Les rideaux sombres assombrissaient légèrement la pièce, ce qui lui donnait ce côté... rassurant.
Le soleil commença à monter dans le ciel,quand la jeune fille se réveilla enfin.
Elle s'étira, et resta quelques minutes encore, dans un pseudo-sommeil, avant d'ouvrir ses yeux.
La première chose qu'elle vit fut le plafond, décoré d'une magnifique fresque. Elle mit un peu de temps avant de se rappeler où elle était. Dans un soupir, elle ramassa son jean, encore humide et l'enfila monotonement.
En regardant autour d'elle, elle aperçut le piano.
Un sourire s'afficha sur son visage. Cela faisait un moment que ses doigts n'avaient pas parcouru les touches blanches.
Difficilement, elle se leva, et se dirigea vers l'instrument. Ses jambes ne répondaient plus beaucoup, elle du alors ce mettre à ramper pour y arriver.
Enfin, après quelques mètres, anodin pour les autres, elle s'assit et ouvrit le piano dans le silence.
Ses yeux observèrent les touches.
Dans un second soupir, elle commença à jouer quelques notes, celles apprises avec son petit copain... D'ailleurs, est-ce qu'elle pourrait l'appeler encore comme cela ? Elle ne le reverrait plus. Enfermée dans cette prison...
Le son produit l'apaisa.
Quelques mois auparavant
Il y a de la musique. Je crois que ça vient d'en bas. Etienne n'est pas là. Il est matinal.
Je ne peux pas descendre comme ça, il faut que j'enfile quelque chose. Sa chemise fera l'affaire.
Même en essayant d'être discrète, les marches de l'escalier grincent.
Il n'y a pas ses parents ? Ah oui, ils travaillent... J'avais oublié.
C'est lui qui joue. Je ne savais pas qu'il savait jouer. Il est si beau... Même de dos !
Il ne m'a pas vu, enfin je ne crois pas.
-Aly ? Je t'ai réveillé ? Viens là.
Ah si, il m'a vu.
-Non non, pas du tout. Ne t'inquiètes pas
En l'embrassant, je m'assois à côté de lui, et je le regarde jouer.
A son tour de me regarder, dans les yeux.
-Regarde
Il me montre quelques notes, que j'essaye de reproduire. Le son est plutôt mauvais
-Attends.
Il prend mes mains et me montre comment les poser sur les touches.
Je sens son parfum...
Je voudrais que cet instant ne s'arrête jamais...
Pendant tout la matinée, il m'apprend à jouer.
Mistral gagnant... Voilà ce qu'elle jouait. Le seul morceau apprit. Mais elle adorait cette musique.
Tout doucement, Alyona se mit à fredonner...
-
Ah... m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi
Et regarder les gens tant qu'y en a
Te parler du bon temps qu'est mort ou qui r'viendra
En serrant dans ma main tes p'tits doigts
Puis donner à bouffer à des pigeons idiots
Leur filer des coups d'pied pour de faux
Et entendre ton rire qui lézarde les murs
Qui sait surtout guérir mes blessures
Te raconter un peu comment j'étais, mino
Les bombecs fabuleux qu'on piquait chez l'marchand
Car en sac et Minth'o, caramels à un franc
Et les Mistral gagnants... Les lucioles de lumières étaient apparues au dessus du piano
Alyona les voyait t-elle ?
Les larmes commencèrent à couler. Roulant sur ses joues pâles, elles allèrent s'échouer sur les touches du piano.
Elle s'arrêta de jouer et regarda droit devant elle, dans le vide.
En soupirant, elle ferma le piano et se releva.
Elle adorait cette musique.
-
Ah... marcher sous la pluie cinq minutes avec toi
Et regarder la vie tant qu'y en a
Te raconter la Terre en te bouffant des yeux
Te parler de ta mère un p'tit peu
Et sauter dans les flaques pour la faire râler
Bousiller nos godasses et s'marrer
Et entendre ton rire comme on entend la mer
S'arrêter, repartir en arrière
Te raconter surtout les Carambars d'antan
Et les coco-boërs et les vrais roudoudous
Qui nous coupaient les lèvres et nous niquaient les dents
Et les Mistral gagnants fredonna t-elle encore en ce levant.
Elle fit quelques pas, puis tomba au sol. Ses jambes ne la supportait plus.
Alyona resta à terre
-
Mais merde ! Putain ! Elle c'était fait mal à la tête, et ne pouvait plus se relever