Look at me …
… I'm burning.

La scène est presque vide, n'accueillant comme acteurs que le souffle léger d'un vent quasi-absent, que cette lune farouchement enlacée par d'épais nuages qui gardent jalousement sa précieuse lumière, que le murmure de la ville et ses fêtards, brandissant haut leur boissons, et bien bas leur fierté. Et plus loin, là où les rues sont sombres, vides, s'élance sur les pavés blancs un grand homme au visage caché par le capuchon de sa grande cape. Ses pas le mènent partout, et pourtant nul part. Il cherche sans trouver, il trouve sans chercher. La neige glisse doucement contre l'épais tissu qui le protège des flocons, tandis que doucement, l'hiver entame son ascension, se répandant rapidement, sous les yeux des quelques créatures nocturnes qui découvre sa venu.

Et Liam en fait partie, de ces gens qui ont écouté l'appel de Dame Nature, et qui ont ressenti le besoin d'arpenter les rues tard cette nuit-là. Sans doute le froid apaiserait quelque peu la brûlure de son corps, s'était-il dit, alors qu'il quittait cet appartement qui ne lui appartenait pas. La faim le tenaillait déjà depuis plusieurs jours, et la nourriture manquait. Dans sa petite ville, on ne trouvait plus d'animaux perdus, abandonnés ou sauvages. Seule source de pitance pour le vampire qui s'était juré de ne plus voler le sang aux humains, ce-dernier refusait encore de se tourner vers les rats, trop dégoûté d'abord par leur apparence, leur odeur, mais aussi leur goût.

Voila donc que ses pensées allaient et venaient sans filtres, dispersées un peu partout en l'esprit de l'homme qui choisissait machinalement des ruelles de plus en plus sombre. La froideur n'apaisa pas son corps meurtri, comme il l'aurait souhaité, mais le destin voulu lui faire une faveur, à cet instant, car un animal passa devant lui. Les sens aux aguets, les réflexes s'éveillant, tout comme sa faim qui devint instantanément insupportable, le vampire s'élança sans questions vers l'ombre qui courrait parmi les artères serrés. La course fut étrange. C'était comme si l'animal jouait avec Liam. Il disparaissait, puis réapparaissait, tenant en haleine le vampire qui grondait d'impatience. Quelques minutes passèrent quand finalement...

Il ne remarqua pas tout de suite cette petite bâtisse, prisonnière entre deux énorme bloc appartements. Pas non plus ces deux larges portes rouges qui devinrent témoin de son repas, de ce chien inconscient qui venait de fuir sa maison en quête de nouveauté. Ce n'est que lorsque la mort vint prendre possession du corps de l'animal, que Liam releva la tête, agenouillé au sol, reprenant un souffle qu'il n'avait pas. Les pupilles dilatées, son esprit oscilla quelques instants, avant qu'il n'arrive à revenir lui-même, cherchant un repère des yeux. Il reconnu les vieilles bâtisses délabrées qui n'accueillait plus que des familles peu fortunés et des junkies tout aussi pauvres, il reconnu même le coin de la rue, du coin de l'oeil. Mais pas cette maison, qui semblait le fixer de ses grands yeux rouges.

- Mais qu'est-ce que...

Quand était-il passé là pour la dernière fois? Était-ce depuis si longtemps, qu'on avait eu le temps d'y construire quelque chose? Impossible. Liam avait ses habitudes et cette rue en faisait maintenant partie depuis quelques années. Sans comprendre, sans même chercher à le faire, le vampire se leva, laissant à la neige le bon soin de recouvrir sa récente victime. Son large par-dessus maculé de la blancheur des flocons, il s'approcha lentement des portes, étudiant l'état de l'édifice. Un peu de rouille sur les gonds, des portes fait d'un bois massif comme on n'en voit plus depuis quelques décennies. Mais c'était impossible!

Une main se posa contre la vermeille couleur de la sylve morte, donnant presque l'impression à l'homme de caresser ce précieux liquide dont il dépendait. On entendit un cliquetis, comme une serrure qu'on déverrouille. Le vampire retira sa main de la porte et recula d'un pas, près à bondir. Mais rien ne se produisit. Un instant passa avant que Liam n'avance de nouveau vers la porte, touchant cette poignée qu'il eu envie de tourner. Et bien malheureusement pour lui, il le fit. Ses doigts se pressèrent contre le métal gelé, et la porte s'ouvrit. Le vampire hésita. Quelque chose d'étrange émanait de cet endroit et le seul fait de se trouver à son seuil laissa un frisson parcourir l'échine de l'homme. Il entra pourtant, comme hypnotisé par sa curiosité, quittant involontairement ce monde à jamais.

Ce qui attira d'abord sa curiosité, fut un immense tableau, à sa droite. Il était rempli de noms, de photos en tous genre et de petits mots, laissez par-ci et par-là. L'un d'eux fit sourire le vampire lorsqu'il le lu.
''Vous n’êtes pas mort, mais vous devez abandonner tout ce que vous avez laissé derrière vous jusqu'à cet instant.''
Ironique, puisque Liam était déjà mort depuis longtemps. Son cœur n'avait pas laissé entendre un battement depuis déjà un siècle.