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 Les Âmes Soeurs || Libre

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Les Âmes Soeurs || Libre _
MessageSujet: Les Âmes Soeurs || Libre   Les Âmes Soeurs || Libre Icon_minitimeMer 5 Sep 2012 - 17:21

J'ouvre les yeux, le sommeil s'agrippant encore à moi de toutes ses forces. Un grand hall, de larges marches menant à l'étage... Ou suis-je? Je ne reconnais pas cet endroit... Péniblement, je me redresse et secoue vigoureusement la tête. Je m'appuie sur un flanc, fouille la pièce du regard, cherchant indices quelconques. Toujours pas de souvenirs. Ma tête est lourde, un peu comme si je m'extirpait d'un long sommeil, une torpeur exagérée. Je tourne le visage pour observer derrière moi, une porte. Elle est grande, trop. C'est presque grotesque, pourtant, elle est raffinée, d'un rouge puissant, vif, qui rappelle les fraises bien mûres... oui... ces petits fruits... je me souviens... je les aime. Ils sont sucrés, mais je n'aime pas le sucré... que les fraises. Non moi, j'aime plutôt le salé, les viandes, saignantes de préférence. J'apprécie tout particulièrement lorsque l'on cuisine du pain. L'odeur qui emplit les maisons, le goût qu'il a juste un peu rafraîchis après le four...

Je ne comprends pas. Je connais toutes ces choses, je sais ce que j'aime, ce que j'aime moins... mais... qui suis-je? Aucun nom... aucun souvenir. Ai-je seulement existé auparavant? Ma tête se fait lourde et je cligne fortement des yeux, comme si le geste allait m'aider à me souvenir. Pourtant, rien. La frustration me prend quelque peu. Comment suis-je arrivé ici? Ai-je une famille qui m'attends? Peut-être suis-je papa... du moins j'en ai sûrement un. Il doit bien y avoir quelqu'un, quelque part, qui me connaît, qui sais ce que je suis, d’où je viens et pourquoi j'ai atterrit ici, dans cette pièce à la décoration luxueuse, mais à l'atmosphère si pauvre. Je me lève donc finalement, déjà blasé de ce qui arrive, osant espérer trouver un indice sur mon existence, en ce lieu qui m’accueille en premier. Je laisse mes pas me guider vers la porte. Ce puissant rouge qui semble m'appeler. Sans vraiment comprendre pourquoi, je me dirige vers le bois solide, confiant, m'imaginant déjà découvrir la vérité, ou alors quelques indices.

Mon museau s'y presse alors que j'hume cette absence d'odeur. Curieux. Mes grands yeux explorent la devanture de l'immense barrière, examinant les gonds, la pognée, l'état de la peinture. Je reste un moment là, comme si j'attendais quelqu'un, ou quelque chose, ne faisant que sentir et observer, tentant d'écouter, sans jamais rien entendre. Mais bientôt, je suis las, déçu il faut dire, de n'avoir pu y trouver mon once de vérité. C'est donc lorsque je décide de me retourner, et de faire deux pas, qu'une odeur me parvient. Alors que je n'avais pu en déceler aucune, voilà qu'une effluve salée glisse sous ma gueule, emplissant mes narines, mes poumons. J'y reconnaît la mer, vaste étendu d'eau que je n'ai jamais affronté, mais qui pourtant gravite quelque part, bien loin dans mes souvenirs. L'attirance est indéniable, je ne peux ignorer cet instinct qui me pousse à me retourner, fébrile, le cœur martelant mon thorax d'une joyeuse excitation. Mais pourquoi? Qui a-t-il qui puisse me rendre si heureux?

La porte s'ouvre, laissant apparaître une désolante scène, un drastique mélange d'une pâleur extrême, parsemé du violent rouge d'un sang qui s'échappe. Une jeune femme... non, pas tout à fait... Je ne sais ce qu'elle est, mais sa vie est en danger. Voila qu'elle s'effondre contre le carrelage de la pièce dans laquelle je suis, répandant une marre visqueuse, ridiculement proche de la couleur de la porte qu'elle vient de franchir. Mon cœur se sert, je m'inquiète pour elle, plus que je ne pourrais m'inquiéter de moi-même. C'est donc sans réfléchir, que je me précipite vers elle, glissant son bras sur mon museau, puis mon cou, pour la tirer à l'intérieur. C'est donc en faisant se geste, que je remarque ses jambes. Faites d'écailles, on aurait dit une large queue de poisson, que l'on venait de déchirer en deux. La quantité de sang qui s'y trouvait, qui s'y échappait, ne pouvait être que dangereuse pour la créature qui poussa un gémissement dans son inconscience.

Quelle ne fut pas ma surprise alors, que de voir les écailles devenir peau, les nageoires devenir orteils et la déchirure prendre la forme de deux longues jambes, alors que je tirais la femme vers moi. Le sang cessa de s'échapper, et je déposai l'endormit presque au milieu de la pièce, retournant fermer la porte, de peur d'y voir surgir son assaillant. Le cœur jouant toujours du tambour, je me retournai de nouveau vers elle, inquiet. Sans savoir pourquoi, j'avais l'impression de connaître cet enfant qui se recroquevillait à l'instant. Je sentais un lien, plus puissant qu'aucun autre, nous réunir, même dans l'ignorance. Mes pas me guidèrent de nouveau vers elle, et je m'étendis à ses côtés pour lui offrir ma chaleur, observant son visage étrange, et ces traits qui ne ressemblaient à aucun autres. Je me sentis apaisé, heureux d'entendre son cœur battre, de sentir ses petits poings s'agripper à moi alors que se pressait toujours plus contre moi. Je me souvint alors de mon nom...

Korhan
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Les Âmes Soeurs || Libre _
MessageSujet: Re: Les Âmes Soeurs || Libre   Les Âmes Soeurs || Libre Icon_minitimeJeu 6 Sep 2012 - 1:01

Depuis combien de temps ? Ces heures interminables à rôder dans un endroit qu’elle ne connaît point. À prier un Dieu de toutes ses forces sans que celui-ci ne lui réponde. Jamais il ne lui répondra. Mais cette dure réalité, elle est si dure à accepter. Elle l’a vu. Elle a vu sa longue barbe, a volé en compagnie de Huginn et Muninn, a rencontré Geri et Freki. Tout est trop réel, trop palpable, pour qu’elle ne puisse l’oublier. Sa délivrance se retrouve plus douloureuse que le sort de la mort, mais que peut-elle bien faire ? Que peut-elle contre le Destin funeste qui l’attend en ces lieux ? Rien de plus qu’attendre l’éternité dans laquelle elle est déjà plongée. L’éternité sans fin d’une semi-déesse si loin de son monde. Plus qu’une poupée de porcelaine fragile et froide. Elle sort. Par l’entremise de plusieurs couloirs, elle s’enfonce plus loin dans le pensionnat qui sera à jamais sa sépulture. Elle a une chambre, un lit, quelques connaissances qui lui viennent en aide. Elle a Alea qui la guide dans ses moments de détresse. Ces quelques mots de sa langue, à elle, qu’elle vient à comprendre sans pouvoir autant les écrire ou les dire. Elle connaît son nom. Elle peut mettre un nom sur son visage, comme elle a su dire le sien sans le connaître.

Mais ses pas se figent alors qu’elle entend la porte se refermer. Ses pas se figent et son cœur chavire. Pas encore. Pas une autre personne. Non. Ses jambes tremblent et elle s’élance dans une course ne durant que quelques mètres pour se figer de nouveau dans le hall, avant qu’elle n’y entre. Ce qu’elle voit ne l’enchante guère et la laisse un long moment dans la plus grande stupeur. Cette femme, par terre. Elle semble souffrir. Et cette mare de sang… Le sang, taches cramoisies sur la neige blanche, sortant des plaies ouvertes et béantes de son destrier. Le sang des plaies faites par le Géant de Glace. Le sang qui semble s’être écoulé de ses plaies, qu’elle ne voit guère. Sa main pâle vient prendre place sur sa bouche, ses sourcils froncés dans une inquiétude profonde. Que s’est-il passé ?

Son regard céruléen se retourne vers l’animal. Un loup de brume, disparaissant presque aux extrémités de son corps, à la fois mystique et gracieux. Une certaine paix d’âme en émane, mais elle ne peut comprendre à quel point l’animal en lui-même appréhende peut-être sa venue. Elle a compris depuis longtemps que beaucoup de gens, ici, avaient un animal, un animal qui leur parlait, parfois, et parfois qui restait silencieux. Mais quelque-chose, quelque-chose les liaient. Et cet animal ne pouvait être que le sien, non seulement par la manière protectrice dont il la gardait, mais par ce regard presque aussi intelligent que celui de l’homme lui-même. Il a la même touche d’intelligence que les loups d’Odin, malgré que ceux-ci soient de voraces bêtes. Se rapprochant ainsi, la Vestale déchue remarque sa lance toujours dans sa main, son inséparable, et comprend que l’animal peut regarder cela comme une grande menace. Elle ne veut pas paraître menaçante. Elle ne l’est pas. Elle ne l’est plus. La semi-Déesse, avant maîtresse et juge de la mort, malgré ses pouvoirs toujours gardés, se sent vulnérable sans ses sœurs. Sans Odin. Sans Eileifr. Elle est seule et si fragile. Sa lance, elle la dépose, s’accroupissant par terre, devant ses pieds nus et froids. Ainsi sent-elle une sorte de confiance, peut-être anodine, alors qu’elle se rapproche à pas lents, d’une démarche qui ne signifie rien de méchant. Les yeux de l’animal la fixent comme pour fixer son âme, pour voir au travers de ses yeux, de ses mouvements. Être certain, certain que son amie, celle qu’il protège de son corps, ne serait pas injuriée. Elle se rapproche et pose une main sur son épaule fragile, sèche, mais mouillée à la fois. Ses cheveux couvrent son visage. Brynja la secoue doucement.

Hé… Est-ce que ça va ?

Brynja la secoue doucement.

Réveille-toi. Je t’en prie, réveille toi. Par Odin, ne meurs pas.

Pas devant elle. Devant cette âme déjà tant perturbée. Ses mains glacées caressent le visage de la jeune femme, par terre, si différente, mais pourtant semblable, dont la corne porte à confusion, autant que les écailles, celles qui continuaient de disparaître pour ne laisser plus rien. Rien qu’une grande trace de sang coagulant au sol, de cette porte toujours fermée, dont l’ouverture ne laissait paraître que de subtiles étincelles d’autres mondes, de mondes inconnus, dont jamais son esprit aurait pu effleurer toute la complexité. Son visage porte tant de marques insolites, gravées comme on graverait une roche, marques comme des symboles signifiant quelque-chose qu’elle ne peut comprendre. Il est d’une couleur étrange, pâle, différente. Mais sa curiosité n’est rien comparé à cette souffrance – celle de voir quelqu’un, encore une fois, se faire prendre dans ce piège comme poisson dans un filet de pêcheur. De voir cette même personne mourir devant elle. Mais la mort n’est-elle pas plus douce que de se sentir enfermé, pour le restant de ses jours ?

Certaines personnes ne semblent qu’à peine craindre ces lieux. Alors que doit-elle penser ?
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