Plus jamais ça, se promis Marie-Colombe alors qu'elle descendait un escalier, la main frôlant seulement la rampe tandis qu'elle posait rapidement mais en silence les pieds sur les marches. C'était bien beau de voir combien de temps on pouvait veiller pour repérer les étoiles dans le ciel ou tenir compagnie à T.J et tous les autres animaux nocturnes du pensionnat; c'était même très amusant, sur le coup. Du moins jusqu'à ce que le sommeil reprenne ses droits au petit matin et nous laisse tranquillement passer le reste de la journée dans la somnolence la plus complète. La funambule s'était donc éveillée après l'heure du repas, les cheveux en bataille et l'air hébétée. Ni ses colocataires ni ses amis n'avaient trouvé bon de venir la secouer par les épaules, et c'était bien dommage, avait-elle pensé avec un profond soupir en lorgnant l'heure du cadran du réveil. Elle avait bien essayé, après avoir mangé un morceau, de retrouver le sommeil, mais c'était peine perdue.
Elle était en pleine forme, et quand elle disait en pleine forme, ça signifiait qu'elle aurait pu courir des heures au plafond sans se fatiguer ou se lasser. La jeune femme connaissait assez bien son corps pour avoir cohabité avec lui pendant vingt-cinq longues années: et là, il était en train de lui ordonner de bouger et de se dépenser, comme un enfant capricieux refuse de descendre de vélo une fois la promenade terminée.

Alors oui, rouler sous les couettes n'aurait servit à rien, à part faire passer encore plus lentement le temps. Résignée à ne dormir que le lendemain soir pour retrouver un rythme convenable, Marie-Colombe s'était habillée et était sortie de sa chambre, direction n'importe quelle destination qui puisse la divertir. De fait, après avoir parlé à quelques unes de ses connaissances, marché au plafond, fait peur à un nouvel arrivant peu accoutumé à l'idée de voir quelqu'un lui adresser un signe de tête depuis le plafond, elle était sortie dans le parc prendre l'air. La brise légère l'avait rafraichie, et le printemps qui s'installait peu à peu rendait les soirées agréables. Eloise avait profité de sa promenade à l'air libre pour venir l'enquiquiner, comme à son habitude, et il avait gagné à chat en s'enfonçant dans la forêt tandis qu'elle lui courrait après. La jeune femme aux cheveux roses était restée un moment perplexe devant la masse imposante des arbres, puis avait fini par faire demi-tour. Chez elle, aller aux bois ne la dérangeait pas, mais ici, c'était un tout autre combat.

Elle avait bien lu à son entrée qu'un fantôme en était le gardien et qu'elle n'était pas tout à fait sûre de jour. Alors le soir, inutile d'y songer.

Marie-Colombe revenait donc revigorée du parc. Ses ballerines rouges aux pieds, des collants pailletés recouvraient ses jambes et sa robe, courte et bouffante, d'une couleur jaune vive au possible, lui donnait l'air d'un clown au grand sourire échappé d'un cirque de la bonne humeur. Ses cheveux étaient simplement attachés en une longue tresse, un ruban passé en leur travers comme unique ornement.
Après toute cette marche, elle avait faim. Grande habituée du GGL, peu à l'aise avec les fourneaux en général et de toute manière suspicieuse à l'égard de la nourriture qu'on pouvait trouver aux cuisines, Marie-Colombe se dirigeait sans y penser vers le petit café du pensionnat, ayant de toute évidence fait fi de l'heure tardive et du fait que plus personne ne devait s'y trouver.

Elle devait être bien perdue dans des pensées heureuses, puisqu'il fallut un choc pour l'en sortir et la ramener à la réalité. Oulà, qu'est-ce que...

« Oh ! Veuillez m’excuser. Je suis absolument navrée ! »

Marie-Colombe considéra avec étonnement la petite silhouette qui lui faisait face. C'était stupide de se laisser surprendre ainsi, tout le monde avait le droit de circuler – et certains ne le faisaient d'ailleurs que la nuit. Ce qui lui fit ouvrir grand les yeux, surtout, fut ce visage inconnu, encadré de cheveux blonds.
A force de passer les mois en revue, à force de croiser les mêmes visages, il lui arrivait de s'étonner de la valse des nouveaux venus. Mine de rien, on commence à tous se connaître, dans cette prison.
Son sourire revint heureusement bien vite éclairer son visage.
Aujourd'hui – cette nuit, si on préférait, elle était de trop bonne humeur pour se laisser aller à la mélancolie.

« Il n'y a pas de mal, la rassura-t-elle sur un ton enjoué, on ne voit pas toujours où on met les pieds. »

Ça lui arrivait aussi, de temps en temps. Raison pour laquelle elle préférait se pendre au plafond. Il n'y avait pas foule, là-haut.
Avec un regard pour les alentours, elle reporta son attention sur la demoiselle inconnue.

« Tu chercherais quelque chose ? Ou quelqu'un, peut-être ? »

Le tutoiement était passé d'emblée, la faute à tous les enfants et jeunes gens qui se trouvaient au manoir. L'ambiance conviviale avait cédé le pas aux coutumes: Marie-Colombe ne s'en était jamais plaint. C'était aussi bien comme ça.

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{Hop ♥ J'espère que ça te convient ! o/}

C’était une jeune femme d’une vingtaine d’années, plus grande que moi. Ses yeux étaient bleus, et ses cheveux, tressés avec simplicité, semblaient d’une surprenante couleur rose, mais peut-être était-ce tout simplement une illusion d’optique causée par la pénombre. Elle portait une robe dont la couleur jaune était ravissante, certes plus courte que celles que j’étais habituée à voir, mais assortis de collants comme ceux qui commençaient à se populariser chez les danseuses d’opéra. Elle devait être une artiste.

« Il n'y a pas de mal, on ne voit pas toujours où on met les pieds. » Me répondit-elle avec un sourire chaleureux. C’était d’autant plus vrai qu’il faisait nuit noire, et que je n’avais trouvé ni lampe à huile, ni chandelle avec laquelle m’éclairer. Elle non plus n’en portait d’ailleurs pas. Peut-être ce pensionnat rationnait-il les mèches. J’avais souvent entendu que les pensionnats de jeunes filles étaient bien moins luxueux que ce qu’une lady pouvait trouver chez elle, et il devait en être de même ici.

« Tu chercherais quelque chose ? Ou quelqu'un, peut-être ? »
Je me sentis reconnaissante de sa sollicitude, car j’en avais assez de tourner en rond. Je lui souris donc à mon tour. Je remarquai à peine le fait qu’elle me tutoie car, dans sa manière de parler, cela ne sonnait pas comme un manque de respect. Cela semblait tout simplement naturel.
« A vrai dire, je suis arrivée hier soir, et je suis encore un peu perdue. Je m’appelle Alexandra…et je ne suis pas exactement inscrite. Mais ça ne doit pas se savoir. »
J’ignore pourquoi ces mots m’échappèrent. Je suppose que cela venait de son côté chaleureux, rassurant. Elle ne semblait pas le genre de personne à participer à cette vaste plaisanterie destinée aux nouveaux, et quelque chose en elle me poussait à lui faire confiance.
« Et, en fait, je cherchais la tisanerie. Un bon thé me ferait du bien, je crois. »

[Oui, c'est génial. ♥ Mais le mien est trop court, je sais pas ce que j'ai. C'est indigne du tien!

Edit : Rien à faire, j'arrive pas. En fait, j'avais fait un truc bien mais l'ordi a planté et je l'ai perdu, j'ai dû recommencer le post. Et j'ai pas réussi à faire mieux que ça, je savais plus ce que j'avais écrit. Depuis, j'ai eu beau essayer de l'améliorer, je trouve pas quoi en faire. Alors je renonce, je m'en excuse et je te promets que mon post suivant sera meilleur.]

« A vrai dire, je suis arrivée hier soir, et je suis encore un peu perdue. Je m’appelle Alexandra…et je ne suis pas exactement inscrite. Mais ça ne doit pas se savoir. »

Marie-Colombe, qui ne s'attendait pas à cette réponse, ravala sa surprise pour ne pas inquiéter la jeune fille ou avoir l'air impolie. Le sourire qui étirait ses lèvres resta les hanter tandis que les paroles de la blonde trouvaient un sens dans son esprit rendu actif par le surplus de sommeil des dernières heures. Une nouvelle, ça se confirmait; pour ne pas avoir l'air de savoir où elle se trouvait, elle pouvait difficilement être autre chose. L'incrédulité et le refus n'étaient pas le lot des anciens qui, passé trois ans entre ces murs, ne pouvaient plus croire à la plaisanterie. Aussi invraisemblables que pouvaient paraître les mots frappés sur le papier à l'entrée, ils n'en restaient pas moins le reflet exact de leur condition.
Prisonniers et pour toujours. Marie-Colombe avait pris l'habitude de ne pas s'en faire et de rassurer les autres, comme un devoir qu'elle s'était approprié parce qu'elle se jugeait mère et gardienne. C'était stupide, elle n'était responsable de personne ici. Il n'empêchait que. Faire remuer l'espoir sous toute cette apathie qui avait recouvert le désespoir premier comme la poussière enlace les souvenirs, c'était ce à quoi elle aspirait.

Qu'ils puisse au moins vivre ici dans la joie et la bonne humeur !

« Et, en fait, je cherchais la tisanerie. Un bon thé me ferait du bien, je crois. »

La tisanerie ? Le plan du manoir défila rapidement devant ses yeux pour lui apprendre ce qu'elle savait déjà: de la cave au grenier, il n'y avait aucune tisanerie ici. Elle garda un air pensif jusqu'à ce que la porte du GGL la rappelle à sa destination première et ne lui fasse pousser un 'ah' de satisfaction. Histoire qu'Alexandra ne la pense pas folle, elle désigna du menton ladite porte, souriante à nouveau.

« Je ne crois pas qu'il y ait de tisannerie ici, mais il y a de très bons gâteaux et boissons au GGL. C'est juste là. »

Elle ne voyait pas très bien son interlocutrice; la semi-obscurité mangeait la moitié de ses traits, rendaient les contours plus flous qu'en pleine lumière. Ses horaires complètement décalés, Marie-Colombe se souvint brusquement avec ce constat qu'il était tard et qu'il n'était plus l'heure de prendre un thé avec des petits gâteaux tout en discutant avec ses amis. A cette heure-ci, elle aurait dû être couchée. Ah, quelle gourde; qu'est-ce qu'elle espérait dans une pièce vide de vie ? Elle se serait bien donné une gifle, mais craignait trop pour sa crédibilité. Elle ne voulait pas vraiment passer pour la cinglée qui arpentait les couloirs une fois le soleil couché, même uniquement aux yeux de cette inconnue.
Ça n'aurait pas été... très flatteur. Ni très rassurant, à dire vrai.

« Enfin, il est tard alors je ne sais pas si... (elle s'arrêta là, puisque que de fils en aiguille, elle avait oublié autre chose de capital) Au fait, je m'appelle Marie-Colombe. »

Pratique pour ne pas se retrouver bloqué et devoir héler son compagnon de l'instant avec un 'eh, toi' très raffiné. Les pensées de la funambule retournèrent bien malgré elle vers le problème de l'heure et leur problème commun, à elle et Alexandra: pouvait-on trouver thé et nourriture aussi tard ? Elle n'avait jamais été au GGL qu'en journée, elle n'en avait pas la moindre idée de la façon dont les choses marchaient pour ceux qui préféraient l'ombre de la lune à la chaleur du soleil. Au final, la jeune femme préféra penser qu'elles aviseraient sur le tas pour ne plus s'en faire. C'était stupide de se torturer l'esprit pour si peu.
Surtout qu'il y avait toujours les cuisines en dernier recours, aussi peu accueillantes pouvaient-elles être quand la femme de ménage ne venait pas y passer son plumeau magique.

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Ah, aucun problème ! Je n'ai pas trouvé ton poste indigne du miens, en plus. 8D

La jeune femme souriait toujours. C’était si rare de voir un tel sourire ! Les ladies et les gentlemen souriaient sans cesse, c’était vrai. Mais il s’agissait de sourires polis, convenus, crispés. Faux. Elle, au contraire, avait un sourire qui illuminait son visage. Un sourire naturel, chaleureux, accueillant et plein de simplicité. Le genre de sourire qui me donnait instinctivement envie de l’apprécier.
Elle sembla un moment songeuse, comme perdue dans les méandres de son esprit. A la voir ainsi pensive, je me souvins d’une phrase d’Edgar Allan Poe, que je connaissais bien car Margaret m’avait fait apprendre par cœur le poème qu’il avait intitulé Eleanora, de nombreuses années plus tôt. "They who dream by day are cognizant of many things which escape those who dream only by night." Ceux qui rêvent le genre ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui ne rêvent que la nuit. Lorsqu’on lisait Poe, ou encore lorsqu’on la regardait réfléchir, on pouvait facilement se laisser aller à penser que les songes éveillés devaient être quelque chose d’agréable. Mais avec du temps, de la patience et de la persévérance, j’avais appris à ne plus rêver, à toujours m’efforcer de rester rationnelle. J’avais déjà fait preuve d’un manque de distinction et d’éducation flagrant, aujourd’hui. Il était temps de me reprendre.
Et puis, peut-être était-elle tout simplement en train de réfléchir à la réponse qu’elle pourrait apporter à ma question, après tout.

« Je ne crois pas qu'il y ait de tisanerie ici, mais il y a de très bons gâteaux et boissons au GGL. C'est juste là. »
Au temps pour moi. Il était vrai qu’il était extraordinairement rare de trouver une riche demeure ne possédant pas sa tisanerie – à vrai dire, je n’en connaissais aucune – mais je n’avais aucun moyen de savoir qu’il n’en allait pas de même dans les pensionnats de jeunes filles. Sans doute aurais-je dû choisir l’expression « pensionnat mixte » mais, dans le domaine de l’éducation, ce terme était un néologisme proposé par Lord Goldamer, et j’avais encore du mal à m’habituer à son emploi. De toute manière, cela ne changeait rien au problème : n’étant jamais aller en pensionnat, je ne connaissais de la vie que l’on y menait que des anecdotes que m’avaient racontées les filles de certaines connaissances de Lady Blackwood – toutes mariées aujourd’hui – et je risquais de commettre de nombreuses erreurs de ce genre. J’allais devoir apprendre beaucoup et vite pour me pas me trahir stupidement.
D’ailleurs, je ne savais pas ce qu’était un GGL, et il semblait évident que cela faisait partie des choses que j’aurais dû savoir. Enfin, j’avais compris que ces initiales devaient correspondre au « Glossy Gloomy Lovyou » inscrit sur la porte. Sauf que cela ne m’aidait en rien, car l’association de ces mots n’avait aucun sens. Scintillant et lugubre « je t’aime » ? Chic et sombre déclaration? Triste et lumineuse histoire d’amour ? Mystère.
Cela dit, comme je lui avais déjà révélé que je venais d’arriver et n’étais pas tout à fait sensée être là, sans doute pouvais-je me permettre de lui poser quelques questions. Elle n’avait définitivement pas l’air d’être du genre à me dénoncer, ni à m’envoyer promener.
Je m’autorisai donc à profiter un peu de sa gentillesse pour éclairer ma lanterne.
« Pardonnez mon ignorance, mais…qu’est-ce qu’un GGL, exactement ? Ca ne veut rien dire ! »

« Enfin, il est tard alors je ne sais pas si... elle s’interrompit avant que j’aie pu répondre pour aborder un tout autre sujet. Au fait, je m'appelle Marie-Colombe. »
Qu’elle se présente me donnait l’occasion de faire les choses correctement, ce qui était une bonne chose dans la mesure où notre bousculade accidentelle avait rendue les salutations quelque peu…expéditives.
J’eus donc une petite révérence, du genre de celle que fait une jeune dame en présence d’une autre jeune dame – c’est-à-dire totalement différente de celle que l’on adressait à un gentlemen ou encore à une lady de l’âge de Lady Blackwood.
« Je suis enchantée de faire votre connaissance. »
Le fait de l’entendre mentionner l’heure me rappela à ce que je m’étais dit avant de la heurter par mégarde, à savoir que je n’avais absolument rien à faire dehors à une heure pareille.
« Oui, je comprends. Je suis navrée, je me doute qu’il est sans doute trop tard, maintenant. Mais vous dites que c’est ici que je dois me rendre demain pour prendre un thé ? »
Une horloge au loin sonna douze coups, me signalant qu’en fait, nous étions déjà demain.
C’était loin d’être la première fois que je pensais quelque chose de ce genre, mais je réalisai pour la première fois à quel point cette phrase était étrange et absurde. Elle aurait été digne de Ca…
Oh oh. Quand je commençais à penser à Lewis Caroll – auteur que l’on m’avait d’ailleurs recommandé de ne pas lire – c’était que j’avais vraiment, vraiment besoin d’un thé pour me remettre les idées en place.

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Ouf, ça va, alors. 8D

Marie-Colombe, toujours un peu perdue au milieu de toutes ces coutumes étrangères, se demanda si ne rien répondre à la petite révérence d'Alexandra serait considéré comme malpoli de sa part et donnerait une mauvaise image d'elle à la jeune femme; mais comme il lui était déjà arrivé de vexer un autre pensionnaire avec son ignorance, elle préféra continuer à sourire pour avoir l'air aimable et ne rien faire. Pas facile de s'habituer à tout quand on ne venait pas du monde d'où était issue la grosse moitié des habitants du pensionnat. En attrapant des bribes de conversations, elle avait entendu des noms d'endroits qui ne lui disaient absolument rien mais faisaient hocher la tête aux autres d'un air entendu: pour ne pas avoir l'air stupide, et parce que Marie-Colombe aimait comprendre ce qui l'entourait, elle avait été déniché de gros volumes dans la bibliothèque et avait étudié maintes cartes et reliefs. Elle avait été étonnée par la diversité des pays et leur taille. Tout était tellement plus immense, chez elle ! Ces nouveaux noms, elle les avait enregistré dans sa mémoire pour pouvoir être en mesure de les ressortir aux moments opportuns.
Elle aurait dû en faire de même pour les coutumes, ça aurait pu lui éviter quelques ennuis. Mais trouver un livre sur le sujet était curieusement plus malaisé pour quelqu'un qui n'avait pas la notion de ce qui était contemporain et de ce qui ne l'était pas.

« Je suis enchantée de faire votre connaissance. »

Marie-Colombe répondit un gentil 'de même', toujours complaisante. La petite demoiselle enchaina rapidement, sous l'oreille attentive de la plus âgée qui ne voulait pas s'égarer et avoir à lui demander de répéter. Ça, ça aurait été malpoli, personne n'avait besoin de lui faire remarquer.

« Oui, je comprends. Je suis navrée, je me doute qu’il est sans doute trop tard, maintenant. Mais vous dites que c’est ici que je dois me rendre demain pour prendre un thé ? »

La jeune femme aux cheveux roses acquiesça, s'apprêta à matérialiser sa réponse à l'orale, mais le bruit de douze carillons la coupa et lui fit tourner la tête vers la source diffuse du bruit, comme surprise. C'était vrai, il était déjà si tard ! Mais comme elle ne comptait pas se coucher de si tôt et que son ventre criait famine (enfin, pas tout à fait, mais il ne manquerait pas de le faire d'ici quelques quart d'heure, alors plutôt prévenir que guérir), il n'était pour sa part pas question d'attendre le lendemain matin. La porte du GGL avait beau être fermée et les lieux sans aucun doute désertés, il devait toujours être fonctionnel. Au pire, s'il n'y avait ni gâteaux ni thé, elles pourraient toujours en faire sur le tas, tout en prenant garde à ne rien abîmer et ne rien renverser.

Toya n'aurait certainement pas été heureuse de trouver son joli café sens dessus dessous au petit matin. En faisant attention, en ne laissant rien traîner, ça devait être faisable. Puisque Marie-Colombe était décidée à cuisiner quelque chose de chez elle que, associé à ses talents limités de cuisinière, la plupart des pensionnaires auraient certainement pu qualifier de 'presque radioactif', elle se dirigea vers la porte de la pièce en question. Une main sur la clenche, elle se tourna vers Alexandra avec un sourire.

« Il est tard, mais je pense que la propriétaire ne nous en voudra pas si on emprunte les lieux. Tant que nous n'y mettons pas le feu, à priori... »

Puis ses yeux bleus revinrent sur l'inscription placardée sur la porte. Glossy Gloomy Lovyou, et bien, c'était...

« Je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire, en fait, mais c'est un endroit très utile quand on ne sait pas faire à manger, et la décoration est très belle. Tu verras. »

A ces mots, la funambule appuya sur la clenche qui, ô miracle, ne lui résista pas et s'ouvrit sur les lieux d'ordinaire si joyeux baignés dans la pénombre de la nuit. Comme escompté, il ne semblait y avoir personne, et Marie-Colombe tint la porte pour laisser passer sa compagne.

« Après toi. » Lança-t-elle sur un ton joyeux.

Marie-Colombe, dont les cheveux me semblaient toujours de couleur rose dans la pénombre diffuse qui régnait dans ce couloir, marcha jusqu’à la porte puis, une main sur la poignée, elle s’adressa à moi.
« Il est tard, mais je pense que la propriétaire ne nous en voudra pas si on emprunte les lieux. Tant que nous n'y mettons pas le feu, à priori... »

Le fameux « Glossy Gloomy Lovyou ». C’est en relisant le nom des lieux que je réalisais qu’il s’agissait de l’endroit même dont j’avais entendu parler quelques heures plus tôt, lorsque je m’étais rendue au salon dans l’espoir de prendre un thé. Sans doute devais-je mettre ce trou de mémoire sur la fatigue. Peut-être s’agissait-il aussi, tout simplement, du manque de théine. Au manoir Blackwood, je buvais trois à quatre tasses par jour.
En tout cas, on m’avait effectivement dit que cet endroit était là où les pensionnaires venaient pour prendre le thé.

« Je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire, en fait, mais c'est un endroit très utile quand on ne sait pas faire à manger, et la décoration est très belle. Tu verras. »

Peut-être, après tout, était-ce tout simplement une appellation farfelue choisie par plaisanterie pour désigner les cuisines ou la tisanerie et qui, avec le temps, s’était tellement propagée que plus personne n’appelait les lieux par leur nom fonctionnel. Ou peut-être s’agissait-il effectivement d’une sorte de petit café français, aussi bizarre que cela puisse être dans une école.

La jeune femme ouvrit alors la porte et s’effaça pour me laisser entrer.
« Après toi. » M’encouragea-t-elle gaiement.
La décoration était assez étrange. Les murs étaient d’un noir d’encre, ornés de petits cœurs et de fleurs de couleur rose. En fait, ce lieu portait vraiment bien son nom.

« Je ne sais absolument pas cuisiner, par contre, je sais faire le thé, dis-je après avoir repéré un service à thé, une bouilloire et les réserves de thé. A moins que vous ne vouliez boire autre chose ? »
Après tout, l’heure du thé était passée et, si je l’avais sautée, ce n’était peut-être pas le cas de tout le monde. Cela dit, il n’était peut-être pas très convenable de boire un thé au milieu de la nuit, mais comme les convenances excluaient déjà que je me trouve dehors à ne heure pareille, cela n’avait pas vraiment d’importance. Demain, me promis-je. Le lendemain matin, je me lèverai à l’heure, me conduirai comme une jeune fille responsable, et tout rentrerait dans l’ordre.

Elle me semblait d’ailleurs la personne parfaite à qui m’adresser. Maintenant que je m’étais reprise, je ne croyais plus aux élucubrations de Kélian. Et, malgré ses airs d’artiste bohême, Marie-Colombe m’avait tout l’air d’être une jeune femme respectable. Le genre à qui l’on pouvait se fier, en tout cas.
« Dites-moi, à quelle heure est programmé le lever, le matin ? Et le déjeuner ? Quand commencent les leçons ? »

Très cher Glossy Gloomy Lovyou; toujours là pour nous sauver la vie, songea Marie-Colombe en faisant courir ses doigts effilés le long du mur jusqu'à rencontrer l'interrupteur, sur lequel elle appuya sans hésitation. La plafonnier diffusa sur le champ une lueur suffisante pour pouvoir distinguer les couleurs et les contours de la pièce, ainsi que les divers ustensiles qui reposaient sagement derrière le comptoir et n'attendaient plus qu'elles. Décidée à ne pas laisser le temps leur filer entre les mains, Marie-Colombe s'y dirigea d'un pas assuré, zieutant tout ce qui s'offrait à son regard bleu. D'accord, alors, comment ça pouvait marcher, tout ça... Dans un bref flashback en teintes claires, elle revit la cuisine du manoir et tenta d'y associer le matériel du GGL. Ça lui était arrivé de regarder la cuisinière préparer le repas, de temps en temps, quand elle s'ennuyait et que tout le monde était occupé. Mais certains outils qu'elle jugeait pourtant indispensables restaient hors de vue.

Elle allait devoir improviser.

« Je ne sais absolument pas cuisiner, par contre, je sais faire le thé. A moins que vous ne vouliez boire autre chose ? »

Marie-Colombe se tourna vers Alexandra, laissa passer un 'hmm' pensif avant d'acquiescer. Le peu qu'elle avait bu de thé (si elle se souvenait correctement) lui avait plu. Et ça ne la dérangeait pas d'essayer des mélanges exotiques.
Un jour, mais elle y pensait avec amusement, son système digestif n'allait pas s'en remettre.

« Du thé, ce sera parfait. »

Après quoi la funambule se saisit d'une louche qu'elle observa avec circonspection. Ça, si elle ne se trompait pas, c'était pour la soupe. Elle pensa avec nostalgie au grand légume vert et rose qu'on utilisait pour faire sa soupe préférée et qu'elle avait bu par litres dans son enfance. Elle n'avait rien vu qui y ressemble dans les cuisines ou le parc, et était triste de s'apercevoir qu'elle en perdait petit à petit le goût. Peut-être que si elle y pensait très fort, demain il y en aurait dans les placards ? En espérant que de petits malins n'en fassent pas des totems ou ne les jettent pas après avoir conclu que c'était du poison. Sérieusement, aucun respect pour la cuisine des autres mondes !
Tout était tellement plus terne, ici. Au sens propre du terme.

Elle remit la louche à sa place. Pas de soupe à minuit, on gardait ça pour le déjeuner ou le petit déjeuner.

« Dites-moi, à quelle heure est programmé le lever, le matin ? Et le déjeuner ? Quand commencent les leçons ? »

Oh.
Elle effleura quelques ustensiles avant de se retourner une nouvelle fois vers Alexandra. Comment expliquer à une jeune fille visiblement persuadée d'être dans une sorte d'institution banale qu'elle était coincée dans un pensionnat magique ? Pas de cours, pas de lever programmé, pas d'encadrement, rien de tout ça. Juste des jeunes gens qui se couchaient et mangeaient à l'heure qu'ils voulaient. Marie-Colombe avait été nouvelle elle aussi, elle savait ce que ça faisait; mais elle avait l'impression que tout s'était passé si vite, avec le recul... Elle avait accepté, elle s'était habituée, mais certains n'y parvenaient jamais.

Que pouvait-elle offrir, si ce n'était une réponse nuancée ?

« Eh bien, hum... Il n'y a pas d'heures précises pour manger ou se lever, chacun fait comme il veut. Enfin, à condition de ne pas embêter les autres. Et les leçon, hm... Il n'y en a pas vraiment. »

Elle aurait aussi pu dire 'pas du tout', au point où elle en était, mais Marie-Colombe s'était dit qu'elle allait essayer d'être délicate. Ce n'était pas toujours son point fort, elle le concédait.
Et ces boissons à préparer.

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Si tu veux, la couleur de Marie-Colombe est dans sa signature. Je ne mets pas ses paroles directement en couleur dans mes postes parce que je n'en ai pas l'habitude. \o/