C'est seulement lorsque le premier éclair déchira l'obscurité qu'elle se décida à avancer. Cela faisait des heures, peut être même des jours, qu'elle attendait devant ce grand portail en fer, sans trop savoir ce qu'elle avait à faire. Ses doigts avaient crocheté les vieux barreaux de l'immense porte. S'en suivait une sanglante bataille intérieure dans laquelle elle entreprit de peser le pour et le contre. Elle ne pouvait pas se permettre de rentrer ici, pas alors qu'il y avait ses deux enfants là-bas, dehors. De plus, sa voix intérieure, celle de la sagesse dit-on, lui soufflait que si elle entrait, elle ne ressortirait pas. De l'autre côté, il y avait cette attirance inéluctable, contre laquelle Billy Hastings luttait de toutes les misérables forces qu'elle possédait encore. Cette attirance bien trop forte. Mais pas autant que l'amour qu'elle portait pour ses filles.

La pluie s'était mise à tomber une ou deux heures plus tôt, faisant tomber la nuit d'une façon aussi brusque qu'inattendue. Billy n'avait pas bronché lorsque ses mèches s'étaient collées sur son front pâle. Elle n'avait pas bougé non plus lorsque ses habits, gorgés d'eau, s'étaient alourdis. Les gouttes d'eau dégoulinaient sur son visage, telles des larmes. Elle était véritablement déchirée par deux besoins contradictoires. La nuit était bien entamée lorsqu'elle décida de faire demi tour et de ne jamais revenir ici. Billy semblait déterminée, et elle l'était sans doute. Mais tout vola en éclat lorsqu'elle entendit le grondement sourd du tonnerre. Elle se mit à courir sans plus réfléchir, guidée par une curiosité qui n'était plus seulement la sienne.

Billy ignorait qu'il était déjà trop tard lorsqu'elle hésita, sur le pas de la porte. Elle ignorait qu'il était même déjà trop tard lorsqu'elle avait aperçu le bâtiment, quelques jours plus tôt. Il lui avait semblé faire un choix qu'elle n'avait, en réalité, jamais eu. Pourtant, dans un éclair de lucidité, elle se demanda si le libre arbitre existait réellement. Si un jour dans sa vie, elle avait réellement fait un choix qui lui appartenait entièrement de faire. Lorsqu'elle se rendit compte que sa vie semblait déjà toute tracée, la porte se referma derrière elle, la laissant seule, trempée, dans une obscurité des plus totale. Cette fois, il était vraiment trop tard pour reculer. Elle avança donc de trois pas, s'arrêta devant ce qui semblait être un panneau d'information. Billy le parcouru rapidement des yeux, impassible en apparence. En réalité, elle bouillait.

A la fin de sa lecture, hésitante, elle se racla la gorge.

- S'il vous plait ? Il y a quelqu'un ?