Séraphin venait de se réveiller après une très désagréable nuit. Il avait mal à la tête, nauséeux , la bouche sèche voir pâteuse. Bref, Séraphin se levait d’une nuit sans rêve et il ressentait a présent les marques de la diabolique fête qu’il avait fait avec Volke dans la cave a vin. Ainsi, titubant, il s’était glissé dans les couloirs du pensionnat interdit et avait comme par enchantement poussé la porte de la cuisine. Dans un élan de joie teinté de soulagement il se précipita vers le robinet d’eau, faisant tomber au passage dans un grand fracas quelques chaises posées là. Le jeune voyou ouvrit le robinet, mit sa tête dans l’évier et entreprit de se dégriser …a grande eau si j’ose dire. Il ouvrit la bouche et aspira le plus d’eau qu’il pouvait contenir comme si il n’avait pas bu depuis des jours.
Apres de longues minutes sous l’eau froide, le jeune garçon releva la tête, les cheveux blonds dégoulinants et la bouche a demi –ouverte, laissant quelques taches d’eau au endroits où il passa. D’un revers de la manche il s’essuya nonchalamment le menton pour ensuite se poser d’un geste las sur une des chaise de la pièce. Il parcouru du regard ce qui l’entourait, ses yeux bleus clairs traînaient lentement de table en table pour enfin se poser sur le plan de travail et le « frigidaire ». Cela faisait deux ou trois jours qu’il n’avait pas prit un repas convenable et il entreprit donc de s’imaginer un laps de temps ce qu’il aurait voulu manger. Un poulet avec des pommes de terre bien chaudes, une énorme dinde farcie et tant pis si ce n’était pas noël ! Un rôti de porc avec des pâtes…Bref tout plein de « bonnes » choses.
Poussé par ces mets les plus imaginaires les uns que les autres, le jeune homme se leva difficilement et alla ouvrir le « frigidaire ». Il tiqua lorsqu’il l’entrevit quasiment vide et son estomac se retint de grogner a ce moment précis de déception. Que pouvait –il bien se mettre sous la dent ? Ainsi, l’esprit hagard, il se mit a contempler le fruit a demi –entamé posé en évidence par un pensionnaire sur la première étagère du réfrigérateur. Il s’en saisit, fermant la porte de l’appareil a l’aide de son pied et alla poser son précieux petit déjeuner sur le plan de travail.
Sa peau était verte foncée striée de bande vertes pomme ; d’apparence épaisse, son grain de chair se trouvait rouge clairsemé de blanc de ci de là…Les pépins sautaient a la vue du premier imbécile, décourageant les moins affamés et surtout les plus feignants. Mais Séraphin n’avait aucunement l’envie de laisser son ventre vide et le chasseur entama donc de dévorer sa proie sans aucun scrupule. Sans attendre d’être de nouveau a sa table, le jeune voyou mordit dans la chair rouge du fruit dont le jus dégoulinant le long de son menton vint entacher le carrelage blanc de la salle. Le jeune garçon n’eut pas le temps de grimacer, le sucre du fruit n’était plus ce qu’il était a moins qu’il ne put jamais se développer tandis que son goût ferait horreur a n’importe quel être humain normalement constitué. Cependant, Séraphin avait tellement faim et mal a la tête qu’il avait déjà englouti la moitié du quartier de la pastèque avant que son cerveau n’ait tiré la sonnette d’alarme « Attention goût infâme. ».
Enfin, quand il eut fini de manger ce pauvre fruit dépourvu de tout attrait gustatif, il s’en retrouva encore plus affamé et qui plus est ; le ventre remplit d’eau. Il lâcha un long soupir avant de se tourner vers les placards a la recherche de quelque chose de plus consistant.

-« P’tain y’a rien a bouffer dans c’te baraque ?! » Dit –il alors tandis qu’il jugeait les trois placards vides. Il se sentit partir en arrière, prit d’un vertige. Le jeune homme s’appuya sur le plan de travail pour reprendre ses esprits. Si il ne trouvait pas quelque chose a manger dans les dix minutes qui suivaient il allait faire un malheur et se reconvertir au cannibalisme !


C’est alors qu’il distingua Do qui venait de s’introduire dans la cuisine. Le lapin qui lui servait d’alter ego astral s’avança ou plutôt sautilla jusqu'à lui d’un air heureux. De ses deux grands yeux bleus il regarda le jeune homme avec un sourire jusqu’aux oreilles. Dans un éclair de folie, l’humain s’empara du lapinou par ces deux grands oreilles et de son autre main tira un couteau de boucher.

-« Ah Bah !!Tu vas m’servir a quelque chose pour un fois satané pot d’colle ! dit-il en dardant son regard sur Do qui paraissait effaré.

-« Mais enfin mon cher, que vous arrive -t’il ?

-« Ce qui m’arrive ? J’ai faim et j’ai devant moi un lapin bien dodu ! Lui repondit Séraphin d’un ton joyeux.

-« Mais et ça , c’est pas mangeable ? S’entêta Do les yeux fixé sur le couteau tout en montrant de sa petite patte blanche une baguette a peine entamée posée sur le micro-ondes.

A ces mots, Séraphin tourna le regard et ouvrit de grands yeux. En un quart de secondes, le jeune voyou s’était jeté sur le pain, trop heureux de ne pas a avoir de boucherie a faire aujourd’hui. Do resta là, la bouche entrouverte a coté du couteau qui se tenait au dessus de lui il y avait a peine quelques secondes. Il se mit a pleurer de soulagement tandis qu’il regardait, Séraphin qui mangeait la bouche ouverte devant lui et qui le toisait d’un air profondément dédaigneux. Le petit lapin blanc a la tache noir sentit son estomac crier famine et ravalant ses larmes il osa tourner la tête d’un air franchement très mignon vers Séraphin. Le jeune voyou lâcha un soupir de lassitude et coupa un bout de pain pour le déposer aux coté de la bête qui s’empressa de la grignoter. Les deux allaient ouvrir la bouche pour parler quand quelqu’un d’autre poussa les portes de la cuisine, surprenant le jeune homme la bouche entrouverte emplie de pain et le jeune lapin aux yeux encore emplis de larmes.