Tracey Abrams est né en hiver, dans le chalet de ses parents, sans sage-femme et sans médecin. Seul son père aidait sa mère à accoucher, et lorsqu’il naquit, ils pensèrent pendant quelques jours qu’il était une fille. C’est pourquoi il se retrouva affublé de deux prénoms féminins, et très tôt déjà, il prit l’habitude de demander à ce qu’on l’appelle juste Abrams.

Jeune enfant, c’était un garçon timide et silencieux, qui dans le petit village où il grandissait n’avait pas beaucoup de compagnons de jeu. Toutefois, il ne semblait pas en souffrir, et les autres enfants le laissaient en général tranquille. La vie était paisible dans le hameau montagnard où Tracey a fait ses premiers pas, écrit ses premières lettres, et commis son premier crime.


Il avait dix-sept ans, et de timide et discret il était devenu un chef de bande, un gamin fier de lui qui regardait les autres de haut et aimait à les harceler. Il avait quatre sbires qui le suivaient partout et répondaient à tous ses ordres. Son activité préférée : mettre la tête des plus petits que lui dans les toilettes et tirer la chasse d’eau. C’est cette activité-là d’ailleurs qui finit par tourner mal, quand un des gamins qu’il martyrisait finit par se noyer. Ce soir-là, avant que quiconque ne puisse s’apercevoir de la disparition et appeler la police, Tracey rentra chez lui, fit ses valises rapidement, et s’éclipsa dans la nuit.


Il ne retourna plus jamais dans son village natal, mais il ne finit pas à la rue non plus. Il était facile de trouver où se loger avec l’argent qu’il avait emporté – une chambre de bonne à louer n’était pas trop chère – et trouver un petit boulot était aussi facile. Il travaillait pour quelques saisons dans une laverie industrielle, puis dans une usine de voiture – mais très vite l’appât du gain le portait vers la pègre. Il était beaucoup plus facile de gagner de l’argent en faisant des boulots plus illicites ; ainsi, il devint une main de la mafia anglaise, « collectant » des dettes et cassant la gueule de ceux qui ne pouvaient pas payer. Il menait une vie dangereuse et malsaine, mais à vingt ans, il était suffisamment bien considéré pour avoir toujours une quantité d’argent confortable et à manger dans son frigo. Il logeait désormais dans un appartement spacieux dans le centre ville de Londres et pouvait se payer des vacances à la montagne, qui lui rappelait le village où il avait grandi.

C’est durant l’une de ses vacances, l’hiver de ses vingt-quatre ans, qu’en s’aventurant dans les bois il trouvait une ruine abandonnée. Un château, semblait-il, dont les pierres effritées ne payaient pas de mine. Curieux, il s’approchait, poussait la porte qui ne semblait tenir sur ses gonds que par un miracle… Et pénétrait dans le pensionnat interdit.

Tracey est un homme froid au caractère relativement ennuyant ; il n’aime pas les enfants, les animaux ou la compagnie des autres, non plus qu’il n’apprécie beaucoup les histoires, les films, les livres, les sorties entre amis ou les discussions longues. C’est un solitaire qui parait charismatique jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’il n’a vraiment aucune personnalité. Malgré tout, il reste leader né quand il s’agit des plus faibles que lui, qui s’accroche à son apparence stoïque et à sa confiance en lui comme à une bouée de sauvetage. Tracey accepte cette attention avec une grâce toute profiteuse et utilise ceux qui l’admirent comme bon lui semble, que ce soit financièrement, politiquement ou sexuellement.

Son sens moral semble très faible et il ne recule devant rien pour s’avancer dans la société et surtout dans la mafia dont il fait partie. Malgré tout, il refuse de faire du mal aux enfants et aux animaux bien qu’il ne ressente aucune affection pour eux, et est capable de compassion s’il lui arrive d’apprécier quelqu’un un peu plus que les autres.

Tracey est un grand échalas d’un mètre quatre-vingt-douze aux cheveux roux et aux yeux verts, avec une coupe stricte et des vêtements moulants. Il porte le plus souvent des lunettes de soleil rondes et des pulls aux cols roulés, et camoufle ses taches de rousseur avec du maquillage parce que, pense-t-il, ça lui donne une apparence de gamin. Ses sourcils bien taillés sont souvent froncés et sa bouche est ferme et pincée. Il est le plus souvent vu avec un pardessus beige qui est parfois taché de sang, et il porte les pantalons les plus serrés que quiconque ai jamais vu. Il a un air d’austérité et de discipline qui en impressionne plus d’un – mais une fois rentré chez lui il lui arrive de traîner dans son appartement dans un gros pull et un caleçon en mangeant des céréales. Son nez a été cassé lors d'une bagarre et depuis il est un peu tourné vers la gauche, et il porte souvent des pansements aux jointures de ses doigts pour les protéger lorsqu'il frappe quelqu'un.