Si jouer à Mario était un sport de l’extrême, réparer les consoles et la télévision défoncées de ce sale geek en était un aussi.

Leah Hayden, pauvre petite fille aux capillaires dépigmentés marchait d’un pas plutôt vif dans le couloir, sautillant presque. Elle avait enfin terminé de réparer la télévision, et en avance en plus. Ca faisait deux fois, ça commençait à faire beaucoup. Et en plus elle avait été salement amochée. Ce n’avait pas été joli à voir. Totalement éventrée par une autre console en plus. Cannibales. Elle n’avait pas cherché les circonstances très longtemps quand elle avait vu Mail jeter un regard dont-il-a-le-secret à Nao et Ritchie.
On ne se demande pas pourquoi.

Elle poussa la porte du salon, un sac à dos… sur son dos, et une XBOX dans ses bras. Enfin, une, LA X-Box qu’elle avait arrachée à ces pauvres petites larves plantées devant juste après qu’elle ait terminé de redonner vie à la télévision.
Il avait Mail, qui, sa DS éteinte, sa cigarette aux lèvres, regardait d’un air pensif non pas l’écran de sa console de jeux mais la fenêtre.
Leah l’observa quelques secondes, surprise. Mail Jeevas délaissait sa déesse pour regarder dehors. Ouah. En tous cas, il avait l’air lugubre.
Elle s’assit à côté de lui – enfin, pas trop trop à côté, mais pas à deux kilomètres non plus. Sur le coussin d’à côté, dirons-nous -, la console sur ses genoux, le sac devant ses pieds. Elle avait attachée sa franche avec une barrette oubliée de Chiara sur le côté afin de ne pas l’avoir dans les yeux, et était encore en chaussettes. Pourquoi diable prendre des chaussures alors qu’elle ne comptait pas sortir ?
Contemplation, donc, de Mail. Si l’on pouvait utiliser le verbe « contempler » avec elle. Si seulement.

« Hm, ça va ? »

Elle se pencha un peu pour apercevoir plus précisément le visage de Mail, à moitié dissimulé par les mèches rouilles et ses genoux, certes tirées en arrière pour la plupart par les lunettes, mais il y a des rebelles partout.
Pomme, c’est un homme et une femme, et c’est tout un programme ~

La naine décolorée rampa jusque au salon. Non, c’était pas vrai, elle marchait rapidement, ce qui lui redonna un espoir dans son petit cœur tristounet et abandonné parce que ; la présence de Leah lui redonnait confiance en lui et lui donnait envie d’accomplir des merveilles Ca voulait dire qu’elle avait finit de réparer sa Xbox, et donc qu’il allait pouvoir y jouer, donc qu’il ne s’ennuierait plus, CQFD.

Mais sa morosité reprit de plus belle quand il se rendit compte qu’elle était toujours aussi mal en point ; même cette folle à lier de Leah ne pouvait pas aller aussi vite. Il répondit toutefois, sans relever la tête ce qui produit a peu prêt un ; nhmejaimembpaenvidbgoueagmaio pas très clair. Il leva donc la tête pour plus d’entente et répéta, comme boudeur ;

« ...nan j’ai même pas envie de jouer à Mario. »

Seulement, comme si ça suffisait comme qualifier son état de ‘désastreux’. Mais effectivement, Mail qui ne jouait pas avec sa console alors qu’il était SEUL, libre, dans un monde de silence et de paix, et tout ce qui va avec, il y avait de quoi avoir peur. Mais Leah qui sautillait n’était pas mal dans le genre insolite, et il décida de lui retourner la question de manière un peu plus libre cependant, et il tourna la tête vers elle, tout en retirant les lunettes de son crane avec difficulté –elles s’étaient emmêlés dans sa masse de cheveux :

« Hm, et toi, j’ai presque vu de la joie dans ton doux regard amoureux ? »

Le ton était celui d’un mauvais chanteur de variété qui drague, tel un Johnny Halliday bourré. En vrai c’était plus le timbre de quelqu’un qui s’ennuie à mourir et qui essaye désespérément de s’occuper et pour la peine il n’avait même pas prit la peine de prendre un ton ironique.

Il n’avait pas envie de jouer à Mario… ?
Pardon ?
Mail avait bien dit qu’il ne voulait PAS jouer à MARIO ?!
O.M.G.W.T.F.B.B.Q.

Bref.

Elle regardait encore Mail de travers, surprise par cette réponse.

« Heu, ah bon ? »

Elle préféra éviter d’en dire plus, et c’était plus difficile de comprendre Mail qu’une équations ou une propriété de physique quantique (comme E=MC² par exemple). Ce petit type, toujours en rayures, au regard continuellement caché, ou presque, par des lunettes teintées. Puis il lui reparla. Elle sentit son cœur s’arrêter un instant, une fraction de secondes. Ce n’était sans doute qu’une impression mais c’était ce qu’elle avait ressenti. Ô joie, Mail, elle rougit, cette pauvre écervelée.

« Hein ?! Niet. Et oui je vais bien, même si je suis horrifiée par les sagouins avec lesquels tu partages ta chambre. Ils avaient défoncé la télé, j’ai apssé deux siècles à la réparer et en plus comme elle était trop lourde et la chambre trop bordélique j’ai été obligée de rester quasiment TROIS JOURS à supporter les vannes et les allés retours incessants de « nanas » » marmonna-t-elle.

Ce fut éprouvant et très très très méchant de lui faire subir cela, surtout quand ces minettes étaient couvertes de parfums. En revanche elle avait appris des trucs intéressants : Ritchie se droguait (pas nouveau) et elle savait où il planquait sa réserve, Nao avait des tendances bi, Mail pouvait rester parfaitement inutile et immobile durant plusieurs heures afin de battre son record de vitesse et Morgan avait une petite amie rousse.

Quelle joie.

Sagoins ? Hum, en effet, Nao et Ritchie étaient facilement qualifiable de sagouin. Et comparé à Morgan, il l’était plus ou moins également. Et pour le bordel il ne pouvait rien nier non plus, seul responsable des fils électriques qui parcouraient le sol.

« Nanas ? » Releva-t-il un peu plus vif.

Il y avait Eva, qui passait tout les jours pour pouvoir regarder les feux de l’amour, rendez vous situé a 13h45, 13h46 si il y a des pubs, Lyz qui passait aussi mais pas vraiment pour les mêmes raisons, rendez vous situé n’importe quand, Rikka qui passait voir Ritchie, et Emily pour ce pauvre Nao qui n’a rien (ou trop) demandé quand ces deux la ne se disputaient pas.

Et c’est vrai que Leah ne paraissait pas être le genre de fille qui s’entend avec tout le monde, et son taux de sociabilité était franchement à revoir, mais son cas n’était pas si désespéré que ça, la preuve elle pouvait supporter Nao et Ritchie ! –enfin plus ou moins comme tout le monde, même si dans ce cas précis, c’était plus une affaire de patience ou d’insensibilité.

« Hm...Mais toi aussi t’en es une », fit-il remarquer au cas où il venait de s’en rendre compte.

Même si un peu étrange, elle était assez jolie, malgré le jaune du kit qui fait mal aux yeux ses grands yeux un peu exorbités et ses pyjamas trop large, lui donnant un air vaguement androgyne: la féminité n'était pas de rigueur semblait-il.

Taratata ! Elle n’égalait pas Chiara bien sur, mais elle avait certes des pyjamas, mais elle avait des pyjamas FEMININS avec des couleurs flower power parce qu’elle ne trouve que ça dans son armoire ! Précisément, là, elle avait un pantalon rose clair et un haut vert pomme. Avec une fleur sur le côté. Et puis elle avait les cheveux bien plus longs qu’à son arrivée, mais ça c’était surtout parce qu’elle ne savait pas couper des cheveux et qu’elle ne pensait jamais à demander à Chiara de le lui faire lorsqu’elle venait demander à Nao s’il voulait cuisiner avec elle. Ce qui arrivait souvent, d’ailleurs, ces temps-ci…

« … c’est maintenant que tu t’en rends compte ? » marmonna-t-elle, vexée.

Ou presque. Elle prit un air artificiellement pincé, et posa la X-Box sur la table, ouvrant son sac. Elle posa ses mains sur la boîte, et un courant électrique se diffusa sur tout le couvercle de plastique, le remodelant. Activant son « pouvoir », elle refaçonna le couvercle, enlevant les bosses qui avaient été causées par un baiser un peu brutal avec la télévision. Elle retira ensuite ses mains, sortit un tournevis et dévissa les vis qui retenait le couvercle.

« Hm, et à part cette observation intelligente, d’où te viens cette morosité soudaine ? »

Elle ouvrit le cadavre et jeta un coup d’œil. Bon dieu, ils l’avaient totalement défoncée, ça allait être du joli à réparer. Elle posa sa boîte à outils sur la table, à côté du macchabée, et son doigt se promena sur les différents instruments avant d’empoigner un autre tournevis qui n’avait euh, pour seule différence apparente que la couleur du manche avec le précédent. Avant d’attaquer sauvagement la bien aimée, amante numéro trois de Mail après la télévision, la PSP et sa véritable femme, sa déesse.

Leah sautillait, était vexée par une remarque sur sa féminité non existante peu prononcée, mais mon dieu, que se passait-il ?! Quelle journée étrange décidemment. Il eut un vague sourire, qui s’effaça quand il se rappela que le sort de sa console était entre ses doigts, et que si il ne voulait pas la retrouver rose fluo ou triangulaire il avait peut-être intérêt à se taire.

« Hm, mais nan, t’es mignonne, répondit-il distraitement, sans doute en guise d’excuse, cherchant à s’occuper en lorgnant la fumée de la cigarette –mais ce n’était pas très intéressant.

Il jetait des regards soucieux vers Leah, comme si sa femme était en train d’accoucher, mais c’était loin d’être le cas. Depuis le temps, il avait à peu près confiance en Leah, même si, de temps à autre, elle se plantait. On ne pouvait pas lui en vouloir, et puis elle faisait en sorte de corriger ensuite, cette pauvre petite innocente qu’on fait travailler durement juste pour le jeu d’un vilain geek malpoli.

« ...hm, j’ai perdu. A Mario. »

Le tabac nous tuera tous. Ca lui arrivait de perdre, logique, mais pas pour une erreur aussi bête, surtout au niveau VINGT, quelle honte. Toujours est-il qu’il boudait son jeu. Jusque dans une heure à peu près ou il en aura marre et recommencera.
En attendant, il observait Leah travailler –et avec vitesse, la bougresse-, parce que si Mail s’y connaissait bien pour jouer, niveau réparation ça s’approchait du zéro pointé, on ne peut pas être geek partout.

« Hm, et tu veux quoi, en échange ? »

C’était une question un peu étrange, mais la pauvre venait de passer trois jours a réparer sa télévision, puis la X-box, puis...bref, un lot de consolation en somme. Et puis c’était ça ou alors il se faisait harceler ; avoir des comptes a rendre était handicapant.

« Hm, c’était même pas de ma faute. » Marmonna-t-il, réenfonçant sa tête dans les bras – si bien que Leah n’avait sans doute rien du comprendre mis a part un grubmbleuhbleuh peu éloquent.

On ne perd jamais à cause de soi même, n’est-ce pas ? En tout cas, c’était la preuve que la fierté chez Mail dépendait de ses capacités à jouer à Mario. Ce qui avait le mérite d’être assez peace and love, bien que peu offensif.

« Nan. »

Les filles, faut toujours que ça fasse compliqué décidemment, pourquoi ne pas pouvoir se contenter de paquets de chips et de soda était visiblement un mystère à élucider pour ce pauvre Mail pas cuisinier pour un sou. Car plus de temps en cuisine = moins de temps dans la journée = moins de temps pour jouer à la console = vive les trucs a réchauffer au micro-onde.

Bref, ce fut un refus catégorique sec froid tranchant, etc. Dans la mesure où on peut être tranchant quand ses paroles ressemblent à des babillements, ou que l’on déprime parce qu’on n’a pas gagné son niveau dans son jeu vidéo préféré (surtout si il met en scène un moustachu a salopette a moitié gay/incestueux/zoophile). Ceci dit, il releva la tête pour prononcer avec intelligence;

«Tu fais pas de régime ? » Ah, nan, c’est pas ce qu’il fallait dire. « Hm,...enfin, c’est pas ce que je voulais dire. »

Bon, ce n’était pas très délicat, mais ça parait de bonnes bases, manière un peu détournée de dire que tout le monde en fait, et qu’en plus la tarte au pomme c’est pas bon pour les dents (et le ventre)

« Mais... »

...Non c’est pas vrai, pour qui me prends-tu voyons.
Ouais, si, en fait. Toujours est-il que c’était véridique bien entendu, comme si il pouvait perdre à Mario a cause d’une MALADRESSE ! C’était totalement impossible, et si c’était arrivé aujourd’hui eh bien c’était tout simplement qu’il était fatigué, voila tout, pas de doute possible à présent.
Et quelques dialogues banals plus tard, et il observait sa console se transformer en...en quoi ? C’était quoi ce truc ? Un berlingot géant ? ...sa X-BOX ?

« ...Mais... qu’est-ce que t’as fais ?! » S’horrifia-t-il, oubliant aussitôt son inactivité habituelle troquée pour l’occasion par un effarement tout ce qu’il y a de plus réussi.

Il ouvrit grand les yeux, et arracha de ses horribles mains vicieuses sa protégée, en bien mauvais état cela dit, qu’il plaqua contre son torse comme si il essayait de la défendre contre la méchante Leah. A vrai dire, c’était à peu près ça, malgré le fait qu’il n’y avait plus rien à défendre.

« ...je...je... Je te déteste ! » lâcha-t-il, aussi mature qu’un enfant de quatre ans a qui on avait confisqué son action man favori. Le ton était boudeur et épouvanté, comme si il allait se mettre à crier « on est en train de la perdre ! » un peu trop tard cependant .*
Et avec précaution, il se releva illico du canapé, comme si la proximité de Leah allait également le transformer lui et sa DS en guimauve malformée, retournant la console sous toute ses coutures, comme si il cherchait un bouton qui lui aurait redonné son état normal.