Ritournelle

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Sol la si sol sol la si sol...

Il faisait à peine nuit, dehors. C'est vrai, c'était l'été, maintenant. La morte saison était passée si vite... Si lentement. Les doigts de Morgan tenaient en tremblant le bâtonnet mortel qui causerait peut-être sa perte, qui ne faisait que soulager ses peines pour le moment. Le goût sucré de la nicotine de Mail lui rapellait la chevelure educolrée de Petra Traümer. La cave, sa bouteille, son jus de pomme, ses larmes, son sourire. Le borgne ferma les yeux, respira, inspira, prit une autre bouffée de fumée, de douleur, de bonheur carcinogène. Sur le parvis du bâtiment, s'isolant de tout regard étranger, s'affranchissant de tout contact pour porter à ses lèvres ce qu'il s'interdisait auparavant et ce qu'il condamnait même à présent. Lorsqu'il eut consumé l'embout blanc, il rentra, ecrasa la cigarette contre le couvercle de la poubelle, jeta le tout dans le sac anonyme. Il faisait frais, encore, dehors. La toux que Morgan comprima entre ses doigts n'était cependant pas due aux aléas de la météo. Son état entier n'était pas naturel, et il le savait.

Encore une fois, il s'était levé vers 14 heures pour échapper à tout contact matinal avec Zacharia ou Nao, s'était isolé dans le grenier pour que personne ne le trouve, avait finalement passé une bonne heure dans la salle des coeurs car on montait à son goût trop souvent pour chercher telle ou telle bricole. Ce qui était bien, avec ce genre de salles, c'est quelles offraient un asile presque inviolé. Ce qui l'était moins, c'est qu'il fallait constamment fermer les yeux pour ne pas contempler son intériorité obscènement projetée contre les murs comme des giclures d'entrailles repeignant la salle. Mais on se lassait de tout, surtout de cette situation, et on errait, comme un fantôme, on se plaquait presque contre le mur ou dans un coin, quand quelqu'un avait le malheur de croiser son chemin. C'était son quotidien, depuis environ trois mois. Quatre, peut-être. Un immense blanc, un immense vide. Les yeux de Morgan s'accrochèrent au papier peint du salon, où il venait d'entrer, comme pour s'y projeter eternellement. A son grand étonnement, il n'y avait personne. Pourtant, à 22h30, le soleil venait de se coucher, et c'était habituellement le début des festivités pour les gens populaires, les gens qui avaient des amis ou simplement les gens stupides voulant s'égarer dans la superficialité humaine. Tant mieux.

Morgan hésita sur la place où il devait s'installer. Il avisa des paquets de nourriture renversés sur le canapé, et décida de laisser la sorte de soubrette etrange qui passait la nuit pour réparer les bêtises des pensionnaires s'en charger, après quoi il voulut s'asseoir sur un fauteuil, mais par un esprit de contradiction stupide, il finit par élire le siège du piano. Il ouvrit le clapet, sans trop y penser, et joua Frère Jacques. Sol La Si Sol Sol La Si Sol... Finalement, ses mains s'égarèrent sur d'autres touches, se cherchèrent, pour rebondir sur la mélodie disgrâcieuse qui l'avait interpellé un jour, il y avait presque un an. Sol, sol, la, fa-mi, sol... Son doigt resta appuyé sur la touche jusqu'à ce que le son s'estompe. Il jeta un oeil sur son reflet dans la vitre. Il se fit presque peur. Il pouvait se projeter le Morgan de l'an dernier, à côté de lui. Un thé vert à la main, chemise impeccable, veste boutonnée, pantalon droit et sans plis, air fermé parfaitement maîtrisé, dos droit presque rigide, il était celui qui était entré dans le pensionnat, et qui n'en avait pas vraiment souffert, y restant comme au premier jour. Qu'est ce que l'an dernier avait fait de lui, pour qu'il devienne comme il l'était aujourd'hui? Bien lavé mais mal coiffé, le menton piqueté d'une barbe qu'il avait oublié de raser le matin, la chemise froissée, les pieds nus, le teint terreux, quelques cernes d'un bleu vif qui se dessinaient timidement sur ses joues, la silhouette légèrement amaigrie, se ramassant sur elle-même, les mains tremblantes, il ne ressemblait plus à grand chose, peut-être parce qu'il ne voulait plus ressembler à rien et ne projeter aucune image de lui-même.

Il ferma les yeux, las, durant une durée indeterminée.
Lorsqu'il les rouvrit, Emily était près de lui, dans le reflet de la vitre. Il cligna de nouveau des yeux, croyant à une illusion. Sa main s'abaissa nerveusement sur les touches, faisant résonner un faux accord dans la pièce auparavant nerveuse. Il resta un instant figé, avant de lentement tourner la tête vers la vampire, trainant son regard sur le sol pour ne pas croiser le regard de l'amie qu'il avait si savamment ignorée, coupant court à toutes les conversations qu'ils avaient eues par des prétextes stupides. Rentrant légèrement la tête entre ses épaules, se savant en faute, il leva le regard tout aussi lentement sur le visage de la jeune fille aux cheveux rouges, avant de murmurer, un sourire vain se peignant hypocritement sur ses lèvres

« Bonsoir... »

Sa voix ne tremblait pas, au moins. Pas trop...

« Serait-ce à mon tour de te déranger par ma cacophonie ? »

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Emily se passa le coton démaquillant sur les yeux, se dépêchant d’enlever toutes traces du gribouillage qu’elle s’était fait dans un instant d’égarement.
Putain. Presque 17 ans maintenant, et incapable de se servir d’un crayon. Putain… Elle ferma les yeux, et s’assit. Elle était en boxer et en débardeur, espérant que personne ne rentrerait dans la salle de bains pour la trouver là, sur le carrelage brillant et glacé. Elle tripota ses cheveux, enroula les mèches autour de ses doigts, infantile.

Il faisait bientôt nuit, le crépuscule était en train de mourir. Elle venait de passer 4 mois presque ignorée par Morgan. Et ce, sans qu’elle sache pourquoi. Elle serra le poing à cette idée ; comment pouvait-il l l’ignorer ?! qu’est-ce qu’elle avait bien pu faire pour mériter ça ?!
Rien.

Même après qu’il ait appris qu’elle s’était tapé Nao dans un grand moment de débilité profonde, il avait continué de lui parler. Et puis là, rien. Et Nao, encore moins. Elle grogna, et passa son doigt sur la longue cicatrice qui barrait son torse. Elle avait été pitoyable, sur ce coup là ; surtout que si elle avait reçu ce cou ce jour là, elle en serait sans doute morte. Les gènes vampiriques semblaient s’essouffler, laissant place à son côté humain. La galère totale. C’était sans doute pour ça qu’elle avait toujours l’air de débuter son adolescence alors qu’elle en était à la fin.
Dans deux ans, c’était une adulte.
La galère…

Elle se releva, coupant court à ses pensées idiotes, prenant appui sur son bras gauche, s’hissant vers le haut grâce à l’autre, agrippant le rebord de l’évier. Elle soupira, et d’un geste mécanique, rejeta ses cheveux derrière ses oreilles. Il fallait qu’elle les coupe… Elle ne voyait plus grand-chose, et la couleur était franchement à refaire ; elle avait commencé à partir, laissant une couleur marron rouge, un peu comme du sang séché.

« Hmpf »

Elle rentra dans sa chambre, et attrapa un short qui trainait par là, à moitié déchiré. Elle s’en était servit pour aller chasser, il y a peu ; même après avoir été lavé, les coups de griffes des ours ne partaient pas. Il tombait à moitié en lambeaux, mais elle s’en fichait ; au moins elle n’aurait pas chaud, hein.
Elle tritura les fils qui pendaient, et descendit les escaliers, nonchalante. Elle sentait la moquette sous ses pieds nus, et bailla. Elle tourna, passa devant le salon, avant de se stopper.

Sol, sol, la, fa-mi, sol...

Putain. Je vais le tuer.
Elle posa sa main sur la poignée, la tourna le plus doucement possible, évitant de faire du bruit. Elle la poussa, et la referma tout aussi lentement. Elle s’approcha ensuite de Morgan, et attendit qu’il daigna ouvrir les yeux.

Il mit un temps fou à la regarder, et lorsqu’il le fit, il n’avait jamais paru aussi menteur. Il la salua, ce à quoi elle ne répondit pas, le regard fermé. Il lui posa une autre question, qu’elle n’écouta que peu. Puis, elle craqua.

Son poing s’abattit sur la pommette de Morgan, pas trop fort, évitant de la lui casser, mais c’était quand même à des années lumières d’une caresse.

« Bouffon, tu crois que tu vas t’en tirer comme ça ? Tu m’ignores pendant 4 mois, et t’espère que ça va pas te retomber sur la gueule ? »

Elle eut un petit rire sec, sans doute appris à cause de Morgan, d’ailleurs.

« Tu te fous de ma gueule ou quoi ? » fit-elle, agressive.

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Emily le surplombait, chose étrange vu sa taille comparée à la sienne. Et son regard ne faisait que l'enfoncer dans les profondeurs de la terre, le faisant presque s'amasser un peu plus sur lui-même, semblant dévoiler sous son sourire la pauvreté de son âme à ce moment même. Mais jamais elle n'avait paru aussi malveillante envers lui qu'à ce moment. Il n'eut pas le temps de refléchir à quoi que soit pour esquiver, quand le poing d'Emily se fracassa sur sa figure, envoyant balader sa tête qui déséquilibra son corps et le fit lamentablement tomber, le siège sur lequel il était assis se renversant du même coup. Un peu sonné, il resta immobile un instant, tandis qu'Emily déversait sa colère sur lui. Elle.. Enfin elle n'avait jamais... Enfin, sur lui.. C'était prévisible, c'était même normal, mais il ne revenait tout simplement qu'elle aie porté la main sur lui et l'engueulait de la sorte. Il frotta sa joue endolorie qui s'était colorée d'un beau rouge, l'air parfaitement stupéfait. Il resta à terre une poignée de seconde, finit par se relever avec peine, la douleur ayant un peu ralenti le train de ses pensées et de ce fait des ordres que son cerveau donnait à ses membres. Il regarda Emily, ses yeux brûlant de rage. Il était en faute. Morgan baissa les yeux, évitant de nouveau la jeune fille, ne supportant pas la vue de son visage attendant des réponses. Il ne savait pas quoi donner. Sa voix faible chevrota

« E.. Emily c'est... c'est... c'est... »

Il se chercha une excuse. Puis chercha ce qu'il devait expliquer. Comment expliquer. Comment expliquer à une fille qu'il avait si violemment repoussée lorsqu'elle avait avoué s'etre adonnée au pêché de chair avec un homme qu'elle affectionnait que lui même n'avait pas montré beaucoup de résistance à ce même pêché, avec un homme qu'il haissait viscéralement? Comment expliquer la violence dont il avait fait preuve envers Eva, envers les autres, envers lui même. Expliquer la cigarette, Petra, la large blessure qui lui barrait le cou et qu'il avait couvert de sa chemise du mieux qu'il pouvait? Comment expliquer tout ça, sans la perdre? L'oeil de Morgan s'égara sur le visage de son amie, hagard.

« Je.. Enfin... Désolé, non, non, NON ! »

Il avait élevé la voix, cette fois, essayant d'affirmer sa volonté à lui-même, se détourna, et marcha d'un pas rapide vers la porte. C'était sanc ompter sur Emily, qui en plus d'être intercalée entre lui et la porte et d'être d'une force et d'une rapidité impressionnantes, lui en voulait terriblement. Elle le plaqua au sol d'une force qui lui coupa le souffle, avant de le ramener sur le dos pour que leurs regards se croisent pour de bon. Le borgne gesticula par reflèxe, mais finit par comprendre que le temps de la fuite et du mensonge était terminée. Son visage se détendit, son regard se creusa, las de montrer une face qui ne lui ressemblait pas. Jamais il n'avait semblé aussi pitoyable, mais le regard dur d'Emily ne l'epargnait pas. Morgan chercha la main d'Emily et la mit sur son front, tressaillisant lorsqu'il sentit les doigs froids effleurer son front presque fiévreux à force de rester enfermé et de ne rien faire de ses journées en se rendant malade. D'ici, elle pouvait peut-être mieme sentir l'odeur de la cigarette.

Le borgne finit par murmurer, au bout du rouleau, sa voix blanchie de toute émotion sinon de la fatigue intellectuelle comme physique

« Vas-y. Lis, si tu veux. Si c'est vraiment ce que tu veux. »

Il ferma les yeux, prêt à tout revoir. Prêt? Rien n'était moins sûr, et ses ongles s'enfoncaient dans la peau de la jeune fille, la priant de tout achever le plus vite possible. De l'achever le plus vite possible.

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Il attrapa sa main sur son front, et la somma de regarder. Elle déglutit, se demanda ce qu’elle allait y trouver. Elle avait même presque peur de regarder. Il était émaillé, presque fâné. Et en plus…

« Momo… tu pues la clope » fit-elle sur un ton de reproche.

Elle semblait s’être calmée, au dessus de Morgan. Elle ferma les yeux, et, chassant les mèches du front de son meilleur ami, posa sa main.
Mal habituée, elle s’écroula de tout son poids sur le garçon lorsque le flash vint la prendre. Elle se crispa, tandis qu’elle voyait le film de la vie du misanthrope passer, l’effleurant à peine. Elle était un spectateur anonyme, et regardait sans pouvoir faire quoi que ce soir au carnage qui se déroulait devant elle. Elle se sentait ballotée, transportée entre des flashs. Et puis quand on arriva à Nao…
Nao. Eva, Will, Zach, Morgan.

« Putain » lâcha la jeune fille, outrée.

Elle serra sa main sur le front de Morgan, glissant sur le côté, arrêtant de l’écraser. Elle avait envie de vomir, tellement elle se sentait tiraillée par tout.
Et puis Petra. Elle se radoucit, relâchant doucement le front de Morgan. Elle cessa le contact, et se retourna, se relevant en titubant, vomissant par la fenêtre. Elle tomba à terre, secouée, puis regarda le pêcheur.

« Espèce de… » fit-elle, n’arrivant pas à achever sa phrase. Elle se recroquevilla, et puis les souvenirs des insanités, des paroles sourdes et qui la brulaient encore qu’il avait prononcées remontèrent à la surface.

« T’es vraiment un gros enfoiré. »

Elle se releva, et shoota dans une table du plat de son pied, évitant les orteils.

« Et après c’est moi la fille impure… »

La colère battante qui lui avait taillé les veines, brulé la poitrine… elle était en train de refroidir, laissant place à une sourde, froide, ressassée.

« Tu te souviens pas ? C’était pas l’inverse, il y a quelques mois, hein ? C’est pour CA que tu me parlait plus ? » fit-elle, hachant ses mots. « Putain, putain… T’es vraiment une enflure, je sais même pas pourquoi je m’occupe de toi… »

Elle se mit à pleurer, se mordant les lèvres à chaque mot qu’elle prononçait.

« PUTAIN MAIS T’AVAIS QUOI DANS LA TETE ? ET EVA ALORS ? Ok, j’peux pas la saquer, MAIS PUTAIN ET TES PRINCIPES DE MERDE, T’EN FAIS QUOI ? »

Elle se moucha dans un essuie tout qui trainait par là, le foutant à la poubelle négligemment.

« Putain, au moins, t’avais des principes… Les gens sans principes ça devrait même pas exister. T’es trop con. Je vois même pas pourquoi je suis encore là… » marmonnait-elle.

Ses jambes tremblaient, fines et effeuillées de chair, tandis qu’elle s’écroula sur un fauteuil, martelant du poing l’accoudoir, le détruisant complètement.

« Putain putain putain putain putain tu pouvais pas faire ça avec quelqu’un d’autre que ce bouffon non ?! Même avec l’autre pétasse de Chiara j’aurais préféré… »

Elle ferma les yeux, prenant son visage dans ses mains, tentant de se calmer.

« T’es vraiment qu’un… qu’un… Putain, comment tu veux que j’te pardonne ? tu m’as TRAHIE, putain ! » fit-elle, ultime phrase pour déverser sa colère.

Je croyais que ma tasse des malheurs était pleine ?

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Morgan revécut tout, subit tout, une nouvelle fois, se contemplant tomber dans tout ce qu'il avait détesté. Il resta impassible, revivant le désir, la peine, le regret, le dégoût, une nouvelle fois il eut envie de vomir. Ce sentiment le poursuivait depuis quelques mois sans que jamais son corps ne rejette le tout. Il avait envie de pleurer, mais il ne pleura pas. Il avait bien trop pleuré, jusqu'à présent. Il ne devait pas être, en plus de tout ce qu'il avait été, un pleurnichard incapable de s'assumer. Ce fut Emily qui vomit, par la fenêtre, arrosant les plates bandes de son dernier diner, le flot ressemblant plutôt à du sang qu'à un amas de viande, de pâtes ou de légume comme toute personne normale. Elle le claqua, encore. Et encore. Et encore. La violence n'était plus tellement physique, mais faisait d'autant plus mal que ces paroles était immaterielles. Il aurait voulu user de son pouvoir, et la faire taire. L'empêcher de lui renvoyer toute la boue dont laquelle il s'était empêtré contre son visage, l'ecrasant sous son talon alors qu'il était encore au sol. Ne pas pleurer, ne pas pleurer, ne pas pleurer, il se répétait cette ritournelle sans cesse, s'accrochant au dernier de ses "principes de merde". Il se mordit la lèvre jusqu'au sang pour empêcher tout liquide sortir de son visage, que ce soit épanchement de son estomac qui en aurait pourtant bien besoin ou épanchement de sa crasse intérieure, qui en aurait aussi bien besoin. Tout au long du discours d'Emily, alors qu'elle passait sa colère sur les objets l'environnant, alors qu'elle lui hurlait dessus, il s'affaissait un peu plus sur lui même, à chaque phrase, à chaque coup de couteau qu'elle lui assénait, juste vengeresse d'une amitié fletrie par sa bêtise. Le dernier mot avant sa ritournelle, son mot préféré, l'acheva. Son regard se vida entièrement, fixant le tapis. Le visage qu'il leva vers Emily n'exprimait plus que désespoir sourd et aveugle, que vide intégral. Un silence. Quelques secondes de silence. La voix grave de Morgan finit par briser ce climat accablant.

« T... T... Tu... Tu as raison... »

Agenouillé sur le tapis, le dos voûté, le regard mort, il regardait Emily, osant enfin afronter son regard. Normal, elle ne trouverait plus rien en lui qu'une carcasse vide. Son oeil n'avait plus rien à lui cacher qu'une enveloppe nue, vulnérable, lamentable.

« J... Je... Je t'ai trahi... Toi... Moi... Mes principes... »

Il tremblait, sa voix tremblait, comme un chiot mouillé par la pluie, bandonné dans une boîte. Beaucoup moins attendrissant. Se sentant laid, presque difforme, Morgan passa une main dans ses cheveux hirsutes pour se masquer le visage, pour masquer cet ignoble oeil crevé à peine protegé par son bandeau. Sa voix dérapait, chargée de larmes qui ne coulaient plus. Fâné.

« Je sais pas... "pourquoi". Je... Je... Pourquoi... C'est... J-J-Tu... Il... C'est de... C'est de ma faute. Il m'a à peine fait peur que j'ai cédé. Et.. Et j'ai perdu le fil... Eva... Je sais même plus pourquoi je l'ai frappée... Elle pouvait pas me proteger, t'façons... Je... Je... Je.. Je cherchais un reponsable. Je... J'ai jamais... Jamais eu de principes.. Ca servait à rien, sauf à rejeter les fautes sur les autres, toujours les autres. Les autres... »

Morgan s'etranglait presque. Jamais il n'avait reconnu sa faute à haute voix, rejetant tout sur le dos des "stupides humains". Se brulant les levres de paroles qui auraient dû être prononcées bien avant, il craquait, lamentablement, ressemblant à une loque plutôt qu'à l'avocat de la défense. Il émit un bref rire nevrotique

« J'ai pas voulu me rapeller, mais je suis certain qu'avec ma mère, ça a été la même chose. Elle m'a un peu forcé, mais au fond, je le voulais, comme un gros dégueulasse qui a pas passé son Oedipe ! Je suis juste un connard pervers refoulé qui n'attend qu'une occasion pour faire passer ses fautes pour un viol, et pour pouvoir geindre, geindre, GEINDRE, je ne sais faire que CA, de toutes façons, RALER, PLEURNICHER, GEMIR ! J'ai JAMAIS eu de principes, putain... Jamais eu... J'ai jamais mérité d'exister.»

Il se tenait les bras, comme pour se rassurer. Il était bien là, il existait, hein? Où n'était il déjà plus qu'un fantôme? Fletri. Plus doux, il ajouta, son regard stérile n'exprimant finalement plus rien

« Je... Enfin... Je... Je voulais juste... Que tu gardes un... Un meilleur souvenir de notre amitié que... Que... Ce TRUC, là, que tu regardes. Je... J'ai... J'ai honte... Je ne veux pas te faire du mal... Ne... Si... Si tu veux tu.. Tu peux me... Me... Me laisser. Doit bien y avoir des.. Des gens beaucoup mieux que moi. Des gens m-mieux... Même Nao, même Chiara, ils sont MIEUX. »

Et voilà, il pleurait. Encore. Encore. Il se leva brusquement, laissant eclater toute sa colère envers lui-même, tout son ressentiment, son cri de detresse

« Je veux pas que tu me pardonnes. Je suis... Je suis trop.... Je... Je... Rah, putain, toujours JE, JE, JE, j'peux rien dire d'autre que ce truc OBSCENE ? Laisse tomber, t'occupe pas de moi, j'irai très bien, quelques larmes et ca passera, ca passe toujours, t'occupes plus de moi !»

Il agrippa la poignée de la porte, prêt à partir, ses poignets le lâchèrent, ses jambes perdirent toute force, et ce fut à son tour de dégobiller tout ce qui restait de son être.

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Elle s’affaissa, et rouvrit les yeux aux premières paroles du borgne. Elle le regardait, silencieuse. S’il n’avait plus rien à offrir, elle non plus. Comme ça…
Elle écouta silencieusement tout ce que Morgan avait à dire, avant de se mettre à rire. C’était nerveux.
Le vent nous portera.

Elle soupira, rejetant sa tête en arrière, tandis que l’odeur du vomi commençait à se répandre. Elle faisait le point. Emily, dix sept ans. Ou presque. Pas fait grand-chose de ma vie, j’ai trahit, été trahie… Puis, j’ai rencontré Momo. On n’a jamais trahit la promesse, la vraie promesse, celle qui nous maintenaient ensembles… pas plus aujourd’hui qu’avant.
Bah… c’est déjà bien, non ?
Elle fermait les yeux, et pensait à Petra. En fin de compte, il était tombé amoureux. D’une pétasse, certes, mais bon.
Elle allait pas le laisser, si ?
« … Je te dis les pires horreurs, tu me suis, tu arrives a me supplier, a t'accrocher a mes pieds, tu serais presque prete a me lecher les chaussures comme une des pouffiasses masochistes de Nao, tu n'as donc aucune fierte?!... »
Fallait croire que non.

Elle se releva, tapant dans le dos de Morgan.

« Bon, arrête de dégueuler, crétin. »

Elle le regarda, lui relevant la tête, essuyant sa bouche avec un chiffon trouvé sur la table. Qu’elle n’avait d’ailleurs pas remarqué en entrant, il fallait croire que la maison était encore plus sournoise qu’elle ne le croyait.

« Allez, arrête. »

Elle sourcilla, battant des cils. Elle eut un rictus sardonique.

« T’es trop con. On s’est promis un truc, et moi, je brise pas mes promesses. C’était quoi déjà la cause de la promesse ? Ne pas se haïr, non ? Bah voilà. Alors arrête des conneries. Passe l’éponge, et puis voilà. »

Il avait passé l’éponge pour elle.
Elle la passerait pour lui.

Elle s’accroupit à côté de lui, épaule contre épaule, laissant peser le silence ; ou plutôt, elle ne voyait plus avec quoi le remplir. Putain, la bonté c’était bien beau, mais quand on était conne, on n’avait plus rien à dire après 3 mots.
Ah, si.
Sourire.

« … En revanche, je suis OUTRÉE (waw un mot compliqué) d’apprendre pour Petra comme ça. Franchement, je sais pas encore comment je vais me venger, mais je vais le faire d’ici peu. Ptet que je vais la forcer à te parler, ça serait marrant » fit-elle, sardonique.

Bon.
Ben allez, hein.

On y va ?

NUL NUL NUL NUL NUUUL 8D

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Il avait vomi ses paroles tranchantes contre lui-même, serpent retournant son venin contre sa personne, reconnaissant peut-être que c'était lui l'intrus parmi les pauvre gens du pensionnat. Le reconnaissant enfin. Vomir n'était jamais quelque chose d'agréable, surtout si c'était sur la moquette du salon, ce qui était moins élégant qu'Emily - et il fallait dire que pour être moins élégant qu'Emily, fallait faire fort. Il rejetta de cette manière les restes de son mince repas, et beaucoup de la bile dont il enduisait ses paroles habituellement. Les spasmes de rejet secouant sa colonne vertébrale le faisaient trembler, lui faisait mal, mais il était persuadé que c'était mérité et qu'Emily pouvait maintenant franchir le pas de la porte, le laissant seul comme il l'avait laissée seule l'autre fois. La main le fit presque sursauter, alors qu'un dernier tressaillement d'évacuation lui fit cracher tout ce qu'il restait à cracher. Elle passa un chiffon sur ses lèvres entrouvertes, il la regarda, perdu. N'aurait-elle pas dû l'abandonner ? Il s'assit, prit timidement le chiffon des mains d'Emily et essuya ses mains sur lesquelles il y avait un peu d'impuretés, puis frotta un peu le sol pour le nettoyer au possible, écoutant en silence les paroles d'Emily, des larmes silencieuses coulant sur ses joues. Passer l'éponge, elle en avait des bonnes... Elle en avait des bonnes... Au travers de ses larmes, un mince sourire creux se traça sur ses lèvres. Qu'elle était bête, à lui accorder une autre chance... Il murmura, baissant la tête

« Tout ce que j'ai fait depuis quatre mois... Ce n'est pas comparable à ce que tu... »

Il s'arrêta en route. Laisse tomber, disaient tous les gestes d'Emily, l'entourant comme un enfant fragile, essayant de le relever avec sa maladresse toute à elle. Elle contournait un peu le problème en n'en parlant pas, n'effaçait pas ses peines, ses regrets et son incertitude. Finalement, qu'était-il, maintenant ? Il s'était raccroché au mot « misanthrope » qu'il ne s'était même pas alloué seul. Raccroché à des principes intenables et stupides pour masquer ses penchants et son vice.. Qu'était-il, finalement ? Emily se pencha, s'accroupit à côté de lui, lui parla de futilités, où plutôt de rose pailleté et de stupidités alcoolisées, à savoir Petra.

Morgan regarda Emily, son regard brouillé par les larmes, et passa ses bras autour de son cou, timidement, tremblant. Il n'avait jamais fait ça, hormis... hormis peut-être lorsque Nao l'avait embarqué dans ses histoires. Il l'amena presque brusquement contre son coeur, d'une etreinte reconaissante, amicale, aimante sans être amoureuse. Car ils se l'étaient promis, et il ne briserait pas cette promesse. Le menton sur son épaule, tout près de l'oreille d'Emily, il bougonna

« Hmf... J'vois pas pourquoi tu parles d'elle, elle a rien de... Enfin.. Ouais mais.. Ouais mais non enfin c'est pas ce que tu cr... Enfin euh ouais non rien laisse tomber. »

D'une éloquence sans pareille, le Morgan. Il serra encore un peu plus Emily dans ses bras, comme si il risquait de la perdre à tout moment, ou plutôt comme si il ne croyait pas encore en la chance qu'il avait eue de l'avoir avec lui, en la bonté dont elle avait fait preuve envers lui qui venait pourtant de la trahir doublement et de renier tous ses principes, que ce soit au niveau de la débauche, de la violence, du tabac ou tout simplement de l'amitié.

« Mais euh... Ne ne la force pas à me parler, ça va pas ?! Je je veux pas la déranger susurtout que enfin voilà. »

Fallait-il que ce soit Emily qui lui en parle pour qu'il se rende compte de l'affection toute particulière qu'il portait à Petra? Alala... Quel boulet. Mais elle l'avait fait rire et sourire en ces temps de mauvaise conscience et de dérive. Malgré ses simagrées parfois ridicules, elle était si jolie, et surtout de si agréable compagnie...

« Hmf, t'es jalouse c'est ça? »

Il desserra un peu son etreinte pour voir un peu son visage, ses yeux d'or , ses cheveux roux. Déchargé soudain du poids qui lui pesait sur le coeur depuis quatre mois, déchargé de tout ce qui lui pesait sur l'estomac depuis quatre mois, déchargé d'un peu de sa culpabilité et de la peur qu'elle l'abandonne, il eut la réaction toute inverse à celle de tout à l'heure. Un peu nerveusement, il émit un petit rire amusé et déposa une bise sur son front.

« Pauvre Milymélo, notre amour est impossible tu le sais bien » fit-il semblant de geindre, sur un ton faussement tragique. « Mais... Je t'aime quand même... beaucoup beaucoup. » ajouta-t-il d'un accent enfantin «M... Merci. »

Morgan l’attira contre elle, la serrant contre lui. Elle ferma les yeux, la bouche entrouverte, et passa ses bras autour de la taille de son meilleur ami, de son frangin, de son confident. Mais rien de plus, ils se l’étaient promis ; et elle avait beau avoir quantité de défauts, la loyauté envers ceux qu’elle aimait était indestructible… jusqu’à ce qu’ils la trahissent.
Elle le serra contre lui, entendant son cœur battre sous son oreille. Il prit ensuite la parole, s’enfonçant lui-même quant au sujet épineux Petra. Elle eut un rire moqueur, puis railla ;

« Huhu, mais voyons mon brave, je sais très bien que tu es fou amoureux d’elle – j’ai été dans ta tête, ne l’oublie pas. »

Elle songea avec amertume que, malgré tout, elle n’était pas sure que cette pouffiasse traite correctement Morgan… De toute façon, si jamais elle le rejetait en le faisant souffrir, elle s’assurerait que sa vengeance soit terrible, par tous les moyens possibles et imaginables.

« Pourquoi pas ? » fit-elle avec un sourire carnassier.

Il se moqua d’elle, ce qui la fit sourire.

« Oui, parfaitement, je pense que je vais aller lui arracher la tête rien que pour que tu n’aies d’yeux que pour moi » fit-elle d’un ton très sérieux.

Morgan lui appartenait, après tout. Nao avait tenté de le lui voler, sans succès. De plus, il l’avait complètement détruit, elle le voyait bien. Et ça, elle ne lui pardonnerait jamais.

« Oh nannnnnnn je suis folle amoureuse de toi voyons ! » geignit-elle.

Elle rit, et s’arrêta lorsqu’il la remercia.

« Promets moi que tu vas arrêter de fumer cette cochonnerie » fit-elle, humant le col de la chemise de son ami, d’un ton boudeur.

Elle releva néanmoins les yeux vers lui, lui signifiant très clairement que c’était non négociable et que s’il n’y a arrivait pas, elle le ferait pour lui.

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Ce contact était tout de même beaucoup moins inquiétant qu'il ne le pensait. Les accolades n'étaient finalement pas aussi terrifiantes ou mauvaises qu'il l'avait cru durant des années. Le langage du corps en général n'était peut-être pas aussi abject qu'il se l'était imaginé, même si la plupart des hommes restaient abjects à son regard, comme il se l'était asséné depuis presque toujours. C'était agréable. Les cheveux d'Emily avaient une petite odeur sucrée de pomme fraise banane choucroute, comme si elle venait de se les laver. Elle était toute petite, un peu plus que lui qui ne détenait pas le palmarès de la haute stature, mais l'etau qu'elle exercait sur lui montrait que si elle en avait envie, elle pourrait lui briser la colonne vertebrale en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Par exemple, si il la trahissait aussi gratuitement de nouveau. Mais il se jura de nouveau que cela n'arriverait jamais. Ces quatre mois avaient été éprouvants pour lui passer l'idée de recommencer - comme si c'était son idée, au départ. Les remarques de Mily le faisait sourire, elle semblait toujours aussi... possessive, pouvait-on dire avec euphémisme. Il ne répondit pas à sa remarque sur son possible amour de Miss Pink-Hair. Mais le simple fait qu'elle aie parlé de Petra faisait naître sur ses lèvres une esquisse de sourire un peu idiot, maladroit et qu'il tentait de masquer, et qui se termina sur une sorte d'hilarité débile avant qu'il ne dise

« Euh je crois qu'il vaudrait mieux ne pas arriver à cette extremité, surtout que... »

Elle ne s'intéressera jamais à moi, conclut-il en pensée. Enfin, ils étaient de deux mondes différents. Et puis il ne devait pas l'aimer vraiment, ca devait juste être de la reconnaissance, persista-t-il à se dire alors que l'ecarlate lui montait aux joues et qu'il se sentait un peu mal à l'aise, ce sujet abordé. Le pire, c'est qu'il se disait au fond qu'il devait bien avoir une petite chance, enfin il n'était pas très charismatique, et puis un peu trop sérieux pour une fille aussi joyeuse qu'elle, et puis dénué de sens de l'humour. Emily huma sa chemise pour lui faire une remarque piquante. Il serra les lèvres, et la regarda, mais les eux qu'ils rencontrèrent étaient sans appel. Il tenta toutefois de marchander

« Euh bah euh... Ca me détend quand même, et puis j'arrêterai quand j'aurais plus trop de choses à me reprocher, et puis c'est pas comme si j'étais accro hein, et enfin ... Ouais, bon, je ferai des efforts.», conclut-il en détournant le regard, gêné. « C'est vrai que c'est mauvais pour la santé. » ajouta-t-il pour faire preuve de bonne volonté et de sens moral tel qu'il l'assénait autrefois.

Morgan prit les mains d'Emily, assis face à face, il la regardait, content quand même d'avoir une amie comme elle, une amie telle qu'on se la représentait dans les clichés, qui conseille et prévient des dangers, des clichés quand même si chers, pour ceux qui en profitent. Elle était si petite, et si fragile, elle aussi. Malgré leurs violentes confrontations, l'une douée d'un caractère explosif l'autre ayant la réplique un peu trop acerbes, ils se construisaient l'un sur l'autre, et si il la perdait, son édifice s'ecroulerait. Il s'était pourtant promis de ne plus porter autant de confiance en quelqu'un, mais c'était naturel. Elle la méritait. Il lui sourit, reconnaissant, une petite tristesse demeurant dans son regard, qui bien que semi-éteint, venait de raviver une petite étincelle. On pourrait bien détruire ce qu'on voulait, il avait toujours ses bases. Nao avait balayé pas mal de choses, mais il se releverait, et trouvait bien un moyen de lui faire payer ce qu'il avait fait. Lui, avait-il seulement quelqu'un qui daignerait le relever, une fois à terre ? On le piétinerait. Et ce serait mérité. Son âme étant libérée d'un grand poids, elle pouvait désormais concentrer son attention sur des choses plus légères. Une question le titllait depuis qu'ils avaient abordé le sujet de Petra, et désormais, puisqu'Emily était au courant... Morgan ôta son bandeau. Contrairement à la plaie d'Eva, visiblement faite fort artisanalement et qui était une sorte d'ignoble orbite vide, déchirée, sa cicatrice n'était pas digne des films d'horreur, les chirurgiens ayant pris soin de donner l'illusion que son oeil était fermé. Néanmoins, la longue cicatice barrant son arcade et descendant sur le haut de sa pomette n'en brisait pas moins l'harmonie de son visage, présentant une face rebutant la plupart des personnes l'ayant vue. Ses cheveux tombaient devant l'oeil mort, ne masquant pas toute la vision que l'on pourrait en avoir. Il serra les lèvres, mal à l'aise, avant de demander, d'une voix strangulée

« Tu... Tu crois que j'ai une chance ? Que.. Enfin que j'aie... Au moins un peu d'attrait ? Un peu d'intérêt ? » demanda-t-il à son amie, fort peu convaincu lui-même de cette possibilité. « Je sais que Petra est une personne qui s'arête en premier sur les apparences alors... Et puis avec cet oeil je pense pas que...» Ni avec ces mains à six doigts, ni avec ces jambes arquées, ni avec ces cheveux délavés... Certain de ne rien avoir pour lui, il s'en remit à Emily, pour juger une fois pour toutes si il pouvait espérer.

Sujet: Re: Ritournelle Lun 14 Sep 2009 - 21:49

Emily eut un sourire sceptique.

« Pff, tu parles. »

Elle fronça le nez et plongea sa main dans la poche gauche de Morgan, en tirant un paquet de cigarettes dans une boite de carton rouge et blanche. Elle lui jeta un sale regard, et l’ouvrit, tirant les bâtons mortels.

« Qu’est-ce que ça pue ! » souffla-t-elle.

Elle ouvrit le papier, libérant le tabac sur la moquette. Elle recommença l’opération avec les trois autres cigarettes, faisant s’écouler son contenu le long du papier blanc. Elle observa Morgan sous ses cils, les lèvres pincées.

« Si tu sens encore la clope dans les prochains jours, je te scotche les lèvres, crame le bandeau et… j’irai voir Petra ! » menaça-t-elle.

Elle le contempla enlever le cache œil. Emily avança ses doigts, effleurant la cicatrice de Morgan. Elle entrouvrit la bouche dans son mouvement, enlevant les mèches des cheveux claires, essayant de mieux voir. Elle eut une sourire amusé, et persifla à sa remarque ;

« Si elle ne te trouvait pas à tomber par terre, elle devrait se nettoyer les yeux à la javelle. »

+

Lorsqu'Emily se pencha pour fouiller dans sa poche, Morgan esquissa un mouvement de recul, mais allez rivaliser en rapidité avec un vampire. Lorsqu'elle réussit à glisser la main dans sa poche, il se laissa faire, blasé, regardant ailleurs. Comme un adolescent pris en faute par sa mère. Il serra les lèvres, décidé à laisser la vampirette faire son sermon. Il marmonna un rapide « On s'y fait... » à la remarque d'Emily, baissant instantanément la tête, lui-même honteux de ce qui pouvait passer ses lèvres de temps en temps. Dire qu'il y avait quelques mois, le mot "tabac" était source d'autant de répulsion que les religieux envers tel ou tel sacrilège... Merci Nao, encore une fois, ou merci son être d'être aussi corruptible. Il savait qu'il devait plutôt se ranger du côté d'Emily, plutôt que de se détruire, mais il n'était pas complètement stupide, il savait qu'arrêter n'était pas la plus facile des privations, et qu'il devrait plutôt se mettre à arrêter en douceur, pour ne pas que la différence soit trop forte... Si il en avait la force. En tous cas, il devra faire attention à ne fumer qu'avant sa toilette, pouvant ainsi effacer les traces de son forfait. Se forgeant mille scenarii possibles dans sa tête, Morgan n'en trouvait pas beaucoup qui soient très optimistes.

La menace d'Emily le fit sourire, bien qu'il sache qu'elle était très sérieuse en disant chacun de ces mots, et qu'il ne devrait pas s'étonner de se trouver ligoté quelque part pendant qu'Emily allait taper la discussion avec Pink Hair. Il ne répondit rien, son silence équivalent à un accord silencieux. Il attendait néanmoins la réponse d'Emily avec un peu d'appréhension... Elle était assez franche, mais peut-être pèserait-elle ses mots pour ne pas le décevoir, ou... Il ne savait pas, mais son pessimisme considérant les chances qu'il avait de plaire à Petra le rendaient maussade. Elle s'approcha de lui, cette fois il ne se déroba pas. Lorsque sa main froide effleura la cicatrice le défigurant, il se mit à trembler, incertain de ce qu'elle dirait. Son contact n'était pas désagréable. Il n'avait pas vraiment l'habitude qu'une main autre que la sienne touche cette blessure constamment masquée par son bandeau et par ses cheveux clairs. La réponse le prit un peu au dépourvu. Mais si elle croyait qu'il allait agir comme le bon vieux Morgan normal, cette fois encore... Non, un peu surpris, il baissa la tête, comme voulant se dissimuler au regard acéré de son amie aux dents longues. Le rose lui vint aux joues, et il bredouilla, penaud

« Ah... Ah bon... ? Tu es très... gentille... »

Oui, ce n'était qu'un compliment pour lui remonter le moral. Il réussit néanmoins à esquisser un sourire, en relevant le regard. Petra avait quand même démontré quelques signes positifs envers lui ! Oui, il ne fallait pas se laisser abattre... Elle lui avait dit qu'elle se sentait bien en sa compagnie, et puis, tout de même... Ce n'était pas tout le monde que l'on embrassait. Enfin, sa conscience était à moitié défoncée par l'alcool, mais... Quand même ! Le borgne récupéra un peu de confiance, les joues toujours un peu vives. Reprenant un peu d'energie, il claqua une petite bise sur la joue d'Emily et se releva

« Je me sens... un peu mieux. Merci beaucoup. »

Morgan regarda tout le tabac deversé par terre par son amie et se dit qu'ils devraient garder cet endroit propre. C'est pourquoi, faisant un signe à la vampire, il partit chercher de quoi nettoyer leurs dégats, que ce soit quand il avait vomi sur le sol que quand Emily avait detruit les cigarettes qu'il gardait dans sa poche. Il nettoya du mieux que possible, refusant l'aide de son amie, avant de ranger le nécessaire de ménage. Il émit un petit rire timide, et fit

« Alala... On est quand même pas très discrets, hein. Surtout toi ~ » ajouta-t-il pour la taquiner. Allez. La table était rase de leurs erreurs. Ils pouvaient de nouveau sourire ensemble. Car leur amitié était inébranlable, se dit-il avec un soudain optimisme. Emily en tant qu'amie était un repère, autant que Nao en tant qu'ennemi. Rien ni personne ne pourrait y toucher. Si ce n'était eux-mêmes, si ils osaient briser leur promesse... Pour le moment, il n'y avait pas trop de risques, se dit-il, avant de demander à Emily, jugeant avoir trop parlé de sa personne

« Je ne t'ai pas demandé... Toi, ces derniers mois... Depuis le bal, raconte moi un peu ce qu'il s'est passé, pour toi ! Ton pouvoir ne semble pas s'être inversé, cette fois, je n'ai pas pu t'espionner. »

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