CE SOIR, NOUS DINONS A LA CAVE.

Voilà ce qu’aurait pu annoncer la demoiselle arpentant les couloirs du pensionnat, si elle n’avait serait-ce que la culture du XXIeme siècle et beaucoup d’humour.
Donc la demoiselle qui devait diner dans la cave marchait tristement, à l’allure d’une épave, dérivant sur un passage vide. Elle se rendait à une dite petite fête entre dit copains, organisé par Mail et Nao, à sa grande crainte elle remarquait plus elle avançait que NUL N’ETAIT SUR SES PAS.
Sa petite robe jaune canari assortie à ses souliers lui donnait l’air d’une écolière attardée, équipée d’un paquet de marshmallows pour se rendre au goûter d’anniversaire de sa copine Cynthia. Elle regretta bien vite sa tenue, car arrivée près de la cave le froid des environs la mordilla des chevilles à la nuque.


« Euh y’a quelqu’uuuuun ? » Dit-elle avec une classe tellement indescriptible que je ne vais pas la décrire.

Sans attendre de réponses, et sans en avoir, elle entreprit de descendre sans prendre le risque de finir avec cinq ou six fractures, parce que dans le cas où il n’y aurait personne elle aurait bien pu restée agonisante dans les escaliers et mourir donc de façon franchement bête. Mais heureusement notre vaillante et brave Captain’ Borgne parvint à destination sans faire naufrage.

Personne n’arrivait après elle. Elle en profita pour se gratter le dos. Oui c’est complètement inintéressant et vous pensez sans doute que ça ne sert qu’à rallonger mon récit, mais en fait c’est primordial ; ce détail me permet de préciser que la fermeture éclair de sa robe lui démangeait le dos, de plus elle avait bien du mal à marcher dans ses ballerines. Un peu comme une clocharde qui se retrouve enfin dans des habits normaux mais qui trouve ça bien moins confortable que des chaussettes trouées et un survêtement qui sent l’haleine de phoque atteint de colique, agonisant dans une déchetterie.

Sur-ce, fermons la parenthèse, et précisons également que la jeune fille s’élança dans la cave en soupirant, rien ni personne ne l’accueillait que les araignées et les souris, et c’était bien triste quand même.

Donc par dépit, elle déposa sa délicate croupe sur le sol dans un soupir, et mâchonna avec vigueur un marshmallow. Et en fait elle trouvait ça vraiment pas bon.

« Hm, désolé Ritchie, mais je viens de débloquer le niveau caché de tekken 6, tu vois ?
-...et il s’est barré ou, Nao ?
-Hm, Chais pas. Il doit t’attendre là-bas.»

Génial. Vraiment, génial.

« Pff, j’suis pas obligé d’y aller non plus, hein.
-Hm. C’est pas comme si tu n’avas rien d’autre à faire, ouais.
-Oh. Ta gueule, Mail. »

Richie lui décrocha un coup d’oeil torve –qu’il ne remarqua même pas- et gesticula pour enfiler un sweat trop grand (parce que « putain, il caille grave »). Il se demandait s’il devait amener quelque chose, mais à moins de s’embarrasser d’un sac, il ne pouvait glisser dans les poches de son jean qu’un étui à cigarette.
Ca tombait bien.

« Tu diras bonjour à Eva d’ma part hein ?
-Va crever. » Marmonna-t-il en claquant la porte.

Il se rendit compte après qu’il avait oublié d’enfiler des chaussures, et qu’à moins de passer pour un idiot total, il ne pouvait plus entrer.
Bon. Il passerait la soirée pied-nus, alors.
Il songea à se défiler plusieurs fois, mais la triste réalité s’imposait à lui : il n’avait nulle part d’autre ou aller –c’était un peu triste de se dire que ses seules fréquentations étaient constituées d’une borgne dépressive, d’un transsexuel pervers et d’un no-life amorphe.
Et puis, il y avait Rikka, aussi –mais il ne voulait vraiment pas penser à Rikka.

Bon, il y pensait encore alors qu’il entrait dans la cave, en réalité ; puis ses pensées se stoppèrent nettes quand il aperçut Eva. Eva toute seule. Et pour ainsi dire, il sentait ça plutôt mal.

« Rah le crevard. Il se tourna vers elle, et l’interrogea, en enfonçant rageusement les poings dans ses poches : y’a personne.. ? Ouais, y’a personne. »

Enfin, sauf elle. Mais il n’était pas assez désespéré pour faire une remarque pareil. Pas encore.

« C’est mort, nan ? »

Il jeta un coup d’œil aux marshmallow, en se demandant si il avait envie qu’elle dise oui ou non. Non pas qu’une soirée dans la cave à se gaver de sucre le réjouissait, mais il était pratiquement persuadé que Mail allait se foutre de lui si il rentrait maintenant –Bah alors Ritchie, t’as fait fuir tout le monde ?

Ah quelqu’un arrivait. Un bref sourire s’esquissa, balayé aussitôt par l’apparition de Ritchie Spangen.
Eva le regarda l’air interloqué : il est venu lui ? Je le pensais pas vraiment très marshmallows guimauves. Elle voyait mal le pauvre junkie s’extasier devant un nounours dégoulinant de matière blanche visqueuse, en riant bêtement au coin d’un feu une guitare à la main, les cheveux aux vents.
Cela dit, elle non plus.

Sa bouche s’ouvrit en un bel O, rien ne sortit, elle l’écoutait râler en se demandant comment allait évoluer cette situation, sachant que toutes situations en présence de ce garçon évoluaient un peu dans l’anarchie. Pas qu’il attirait la poisse, non pour ça c’était son domaine, mais leur bonne entente surgissait de façon assez aléatoire, et là elle n’avait aucun livre à lui balancer à la figure.

« Euh ben oui…c’est mort. Mail vient pas ? »

Du style : c’est pas que toi j’en ai un peu rien à foutre et en plus t’es pas très rigolo mais si quand même. Elle le détailla, pas de chaussures, énorme sweat, il comptait faire un tour chez Emmaüs ou quoi ? Eva lâcha un soupir, la soirée ne risquait pas d’être réjouissante à ce rythme. De plus elle-même était un peu vexée de voir que seul eux avaient eu l’idée de venir, les deux rejetés de la société, les vilains petits canards déplumés (lui plus qu'elle tout de même) presque.
Ses jambes la reportèrent debout avec difficulté, il faisait sombre ici, ils se situaient au début de la cave, elle continuait en dédale interminable, la salle à vins se trouvaient dans les environs, elle s’en souvenait bien malheureusement de sa dernière escapade ici.

« On fait quoi ? On marche jusqu’à la salle à vins ? » Proposa-t-elle sans se forcer, ignorant que dire elle tentait la technique de "wesh vazy on est potes on traine ensemble". Puis de crainte de paraitre vraiment trop familière, elle ajouta.

« Enfin….si tu veux rester. »

Les bras d'Eva vinrent se croiser contre sa poitrine, ce geste à l’apparence banal avait pour but de soulever légèrement le tissu de sa robe dont la fermeture éclair lui mordillait toujours l’échine, elle imita un mouvement de cheveux digne d’une vraie blonde, presque Naoesque, mais ses mèches mal coupées revinrent en rideau sur ses yeux. Et merde.

« Nan, mais... » Hésitation. Il marmonna vaguement des insultes et se décida finalement : « Il te dit bonjour, en fait. »

Il se doutait que ça devait être une mince consolation –mais il s’en fichait un peu également. Ouais, c’est vrai ça, elle avait qu’à pas être là. Avec ses guimauves stupides. D’ailleurs, il avait même pas faim. Pourquoi il était venu, hein ? Ah ! Oui. Il n’avait rien a faire.
Bon, il devait lui accorder qu’elle faisait preuve de bonne volonté ; il répondit alors, comme si il lui accordait une faveur après d’âpres hésitations mentales;

« Ouais, s’tu veux ouais. »

Ca faisait toujours plus classe que de répondre « qu’il n’avait rien d’autres à faire de toute façon » (C’était si peu rebelle). Puis il se décida à commencer la marche ; si ses pas ne formaient aucun bruit sur le sol, il entendait les pas d’Eva claquer doucement dans le silence –aussi, ça le poussa à parler :

« Mais...Sinon, t’avais rien d’autre à foutre ? » Ok, mauvaise approche –surtout si elle lui renvoyait la question- : « Parce que, tu vois, on parle de Nao et Mail, quand même, hein. »

Bon, ok. C’était totalement naze, même pour un handicapé social comme lui, et il s’en rendit compte seulement après que les syllabes quittent sa gorge : il fronça les sourcils, et continua, poussé par le même sentiment absurde :

« Enfin tu vois ce que j’veux dire. » Silence. Il se justifia : « Enfin, j’veux dire, j’avais rien d’autre non plus. » ...Ca faisait peut-être un peu trop, non ? « Enfin si, mais j’peux pas être partout tu vois. » : Là, c’était vraiment trop. « Putain. Oublie en fait. »

Il haussa les épaules, et extrait une cigarette de sa poche avant de se rendre compte qu’il avait oublié son briquet.
Crétin.

Ah il me dit bonjour, ça change tout. Elle fit une mine dépitée, la soirée s’annonçait looongue, mais looongue. Elle avança à sa suite, les ballerines tombantes des pieds, pendant un instant elle eut peur de faire face à un moment embarrassant nécessitant un DIALOGUE. Généralement dans ses conditions étaient si pauvres et pitoyables qu’elle préférait presque ne rien dire pour s’éviter de parler de la pluie et du beau temps, de tousser, rire pour rien, bref un cauchemar de banalité.

Miracle, il engageait lui-même une conversation ! Et se répondait tout seul. Elle tenta à plusieurs reprises de combler les blancs qu’il provoquait tout seul, mais c’était également très intéressant de l’écouter s’enfoncer profondément dans son honteux mensonge.
Bien sûr Ritchie, tu avais plein de choses à faire, tout le monde demande avec vivacité la présence de la dynamique loque que tu es, si fin si drôle. En plus il avait l’air encore plus con en sortant une cigarette sans pouvoir l’enflammer de sa poche. S’en était trop, Eva éclata de rire, rire bien sonore qui résonna dans les dédales.

« Euh hem désolée, oui euh j’te comprends, j’avais rien à faire moi juste, et ils sont sympas…enfin un peu quand même, et je suis pas vraiment très prise moi… » Ajouta-t-elle, elle cacha son sourire en faisant mine d’admirer le mur, oooh le joli mur aux pierres pourries et congelées ! Oh les mignons petits rats ! Non en fait c’était dégueulasse, même la vue de Ritchie (qui pourtant se dégradait ces temps-ci) était plus soutenable. Elle détourna le regard, ils arrivaient à la salle à vins.

« Oh c’est bien on s’est même pas perdus. » Dit-elle distraitement en s’approchant des rangées de bouteilles poussiéreuses. Elle en prit une dans les mains, un bruit de rongeur qui couine s’échappa du silence, une grimace puis elle recula pour se retourner vers son interlocuteur. Une frayeur lui étreignit la poitrine.

« Euh j’ai pas retenu le chemin et TOIII ? » Non le dernier mot n’a rien à voir avec une soudaine crise d’élocution, en réalité quelque chose venait de passer entre ses chevilles par surprise, s’enfuyant entre les tonneaux, une souris sans nul doute. Elle en lâcha évidemment la bouteille qui éclata à ses pieds, bon maintenant elle avait une bonne raison de retirer ses chaussures, voir même le pan de sa robe était fichue.

« Oh ça fait je sais pas combien de fois que ça m’arrive… » Pauvre Eva.

Bon, elle riait. Et ça le vexa –carrément, même- si bien qu’il se rebiffa totalement, la mine morose, et ne décrocha plus aucune parole, même si à priori, elle ne l’invitait pas à s’exprimer. Il jetait de temps à autres des regards en coin au paquet de marshmallow qu’elle avait dans les mains, mais plutôt que de lui demander quoique ce soit, il préféra attendre qu’elle lui propose.
C’était franchement mal parti.

« Nan mais tfaçon on s’en fiche du putain de chemin. » Grinça-t-il vaguement.

Bon, non, il ne s’en fichait absolument pas, parce que si ces quelques minutes lui avait semblé humiliante, les imaginer se multiplier en heures, ou en jours, c’était plutôt effrayant.
Surtout quand, pour manger, on n’a qu’un sachet de guimauves sous la main. Et une centaine de bouteille d’alcool. Il était plongé dans ses pensées de SURVIVOR, quand l’alcool glissa jusqu'à ses pieds nus, le faisant 1) sursauter 2) rougir 3) grogner :

« Bordel, mais t’es vraiment pas douée ma pauvre fille ! Putaaaain... »

D’un mouvement comique quoique ridicule, il essuya ses pieds sur le sol sec, si bien qu’on aurait pu croire à une tentative ratée de moonwalk. Malheureusement, la vie n’est pas si facile (à croire qu’Eva est contagieuse), et il dérapa sur ses propres empreintes humides qu’il avait imprimé au sol. Fort heureusement, il était muni de sens de l’équilibre (bien que minime) (et malgré les bouteilles présentes dans les environs, hum), et il se rattrapa au dernier instant (celui ou il songeait à son corps ouvert conservé dans le vin fracassé au sol) à un des étages des rangées d’étagères.
L’honneur était sauf.
Et puis maintenant il méritait bien un remontant –et une occasion de changer de sujet :

« J’peux avoir un marshmallow ? Enfin sauf si tu veux les ...souvenirs douloureux de son ancienne tentative d’alimenter une conversation : rien. »

Eva s’empourpra. C’est vrai qu’elle n’était vraiment pas dégourdie, elle aurait bien aimé lui vanter que pour le moment elle ne s’était pas encore ramassé tous les os avec fracas en s’écroulant par terre ; mais doutait fortement qu’il l’applaudisse avec un air niais et un petit rire chérissant. Elle ronchonna et le regarda manquer de trébucher avec un doux plaisir qui la réconforta : celui qui dit qui l’est.
Et c’est vrai qu’elle avait encore la guimauve dégueulasse sous le bras, et ça tombait bien qu’il en veuille.

« Oui, j’aime pas ça de toute façon… »

Elle s’approcha pour lui donner le parquet, et bien évidemment pour rajouter un ridicule extrême à leur duo, se ramassa lamentablement la gueule sur la flaque de vin humide. Non là quand même il y avait de l’abus, pourquoi tant de haine ? Elle ronchonna et lui donna le paquet encore assise par terre, bien décidé à ne plus bouger. Trempée de vinasse, mal aux pieds, fermeture éclair qui démange, trop s’en était trop. Elle prit une bouteille l’air sombre, la dévissa (sans envoyer le bouchon dans son œil) et tenta de la boire avec la plus grande précaution possible, dans le genre je boude de toute façon j’arrive à rien je préfère noyer ma triste vie dans le vin.

Un petit éclair de chaleur lui chatouilla les oreilles et les orteils, comme ce fut agréable à sentir comme frisson après toutes ses gaffes.

« Je pense qu’on va passer une super nuit… » Soupira-t-elle, en réalité elle avait pensé un peu trop fort, et tenta de se rattraper en balbutiant « Enfin non mais c’est pas que je te trouve chiant, enfin non j’veux dire ennuyeux, parce que je suis ennuyeuse aussi !Euh non zut, j’veux dire des marshmallows de l’alcool euh ça fait un peu mendiant euh non.. »

Bon elle était pas plus douée que lui. Décidément ils semblaient impossible qu’une discution normale se tienne entre eux. Elle inspira un bon coup.

« Tu bois ? » Dépit.

Il hésitait entre « ta gueule », et « ouais ok », puis il songea que peut-être, à part l’enfoncer à son idée, ça ne servirait à rien. Il préféra alors ricaner en mâchonnant une guimauve trop sucrée et particulièrement élastique –autrement dit, il avait l’impression de manger du caoutchouc :

« On ressemble à des clochards tu veux dire ? »

Il aurait souhaité dire « tu », mais même lui devait avouer qu’ainsi emmailloté dans son sweat trois fois trop grand il ne faisait pas fière allure même comparé à la robe mouillée d’Eva...
…enfin lui, il avait eut suffisament d’adresse pour ne pas tomber. Eheh.

« Sans rire. » Soupira-t-il, légèrement découragé.

Il lui saisit doucement la bouteille, et porta le goulot à ses lèvres, sans toutefois se souvenir qu’il lui restait un ou deux marshmallow égaré dans la bouche ; ces derniers gonflèrent sous l’alcool, et prise d’une soudaine quinte de toux, il les recracha en même temps qu’un jet de vodka sur son propre jean.
Elégance.

« Putain, c’est… » De ta faute ? Agaçant ? « ...dégueulasse. » Et comme les phrases n’étaient définitivement pas claires, aujourd’hui, il ajouta : « Le mélange hein. Enfin tes trucs sont pas dégueu, j’veux dire. »

Il balaya d’un revers de main les bonbons tombés sur ses genoux en y laissant une trace humide, et repris une gorgée (vas-y Ritchie, bois pour oublier.)

Afin d’épargner encore plusieurs posts décrivant des vomissements, des bourrages de gueules, des chutes, et dialogues gracieux en tout genre, nous créons une ellipse pour ces moments pleins de tendresses pour arriver au principal. Les deux clochards qu’ils étaient buvaient avec allégresse des bouteilles par-ci par-là, laissant quelques commentaires inutiles ou insultes volantes, enfin pour ça surtout Ritchie car même l’esprit un peu embrumé la charmante savait rester polie bien comme il fallait.

Et plus la boisson s’affalait dans son estomac, plus des envies étranges la submergeait. Déjà elle mourrait d’envie que Ritchie s’assoit sur ses genoux. Pas le contraire. Non, lui assis sur ses petits genoux fragiles, elle posant sa tête contre son épaule pointue, oh oui, mais elle n’osait pas trop lui demander, de une parce que c’était stupide, de deux parce qu’il devait être plus lourd qu’elle. Oh juste quelques petits instants.

« Ritchiiie ? » Chantonna-t-elle en se rapprochant de lui, l’ambiance était à son comble, elle avait conscience de ce qu’elle faisait…et le pire c’est qu’elle en riait. Oui des petits rires stupides lui échappaient tous les centièmes de seconde, et elle gloussait en se rapprochant de lui, tel un hibou.

« J’aime bien mes genoux, dit-elle en s’esclaffant ah ah trop drôle des genoux ! Lol ! Mais les tiens aussi hein ! » Ben oui ne va surtout pas croire que tes genoux sont moins beaux, je suis aimante des genoux moi, tous les genoux ont le droit de vivre. Plus elle regardait Ritchie, plus il lui semblait que franchement ses lèvres gercées n’étaient pas si repoussantes, sa beauté avait un peu flétri sur son visage, mais ça ne lui semblait plus si irrécupérable.


« Waw, attends bouge pas. »


Et comme par miracle, sa petite main froide lâcha la bouteille de vin pour agripper l’épaule pointu de Ritchie, elle dandinait des pieds, et retira ses chaussures pour se mettre à genoux face à lui. Ses lèvres babillaient un peu, hihi c’était drôle comme mot, aussi drôle que marshmallow, oh oui et ça avait vraiment l’air rigolo aussi d’embrasser ce pauvre garçon.
Sa bouche s’entrouvrit pour se déposer contre la sienne, alcool marshmallow vodka vomi, un délice de sensations. C’est bizarre elle ne sentait rien, elle happa avec plus d’insistance les lèvres de Ritchie, et ça lui chatouillait les oreilles, c’était meilleur que le vin, elle déhancha et s’écroula contre lui, comme une loque. L’embrassant sans demander d’avis, je vais avoir des problèmes se répétait-elle.

Si l’alcool rendait Eva complètement démente, Ritchie faisait également un peu peur –quoiqu’il était un peu plus amorphe. Actuellement il la contemplait comme si elle venait de lui faire le plus beau compliment qu’il n’avait jamais reçu –en fait, c’était sans doute le cas- c'est-à-dire d’un air profondément ému.
Il se décida enfin à répondre avec émotion, le regard vague sous ses paupières lourdes :

« Waw, putain c’est...gentil. »

Après tout, qu’importe le fait que ses cheveux soient mêlés de blond platine, de brun boueux de bleu ciel, ou d’un vieux gris sale ; que ses bras maigres soient couverts de vieilles cicatrices écorchées, ses jambes soient noueuses, son visage devenu flou et malade, que ses yeux soient aveuglés par ses mèches grasses, qu’il flottait dans ses vêtements comme un ado ? Il s’en foutait. Il avait de beaux genoux.

Puis elle posa ses lèvres sur les siennes ; s’il avait été sobre, il aurait été possible qu’il s’offusque –le problème étant qu’il venait d’ingurgiter un bon litre de gin et qu’elle venait de lui faire un super compliment (quelle dragueuse cette Eva). A la place, donc, il saisit le menton d’Eva entre ses doigts et l’embrassa avec un peu plus d’insistance ; il se recula quelques instants plus tard, le regard grave :

« J’suis d’accord avec toi. » Il ajouta sur un ton de confidence ; « T’as des putains de genoux super-beaux. »

Seulement, il se douta que ça ne devait pas être à la hauteur de ce qu’il avait reçu, et il décida d’ajouter après avoir approché son haleine fétide dans le cou d’ sa victimeEva.

« Et puis des cheveux super doux. » Il écarquilla soudainement les yeux ; « En fait, t’es un putain de canon ! »

Oui. La beauté se résume aux genoux et aux cheveux.
Et puisqu’il était là, il posa ses lèvres sur son cou laiteux, les bras refermés autour de ses épaules –ça serait trop bête qu’elle fuit, maintenant.