- Halte ! somma une dernière fois l’un des policiers, deux autres en joue.

Encore quelques mètres. Un coup de feu déchira la nuit au moment où ils gagnaient le seuil de l’imposante demeure. La porte se referma sèchement derrière eux. Ethan eu juste le temps de voir le visage inanimé de son infortuné compagnon, avant que le hall ne soit plongé dans l’obscurité. Un filet de sang s’écoulant d’une plaie béante sur son front... les yeux révulsés.

- Noooooooooooooooon !!


La mort c'est comme une porte qui claque. Ca arrive d'un coup, sans prévenir. Et quand bien même on s'en rend compte, on ne peut rarement y réchapper.
Ethan frappait de son poing le corps inanimé de son ami. Son meilleur ami. Son frère d'armes. Le visage marqué par la colère, les mâchoires crispées, l'adolescent ne cessait de répéter :

- Pourquoi toi... pourquoi toi...

Le souvenir de son visage ensanglanté restait imprimé dans son esprit. Tout ça pour une question d'honneur qui lui paraissait maintenant on ne peut plus futile. Soudain son poing ne rencontra plus aucune résistance et s'écrasa violemment contre le sol glacial. Ethan réprima un gémissement et ouvrit les yeux. Un halo blanchâtre entourait le corps de Cardigan. Ce dernier ce dissipait peu à peu, entraîné en une myriade de particules lumineuses vers le plafond. L'adolescent ne tenta même pas de les retenir, assistant impuissant à ce spectacle aussi macabre que merveilleux jusqu'à ce que la dernière étincelle disparaisse, le laissant seul, trop seul. Les ténèbres se firent oppressantes. Ethan n'avait jamais eu peur du noir. Mais là, quelque chose de singulier résidait là, tout près de lui. Il se sentait observé. Cette sensation désagréable le fit frissonner. Ses poils se hérissèrent sous l'atmosphère glacial qui prenait place. Il tenta de se lever mais ne put émettre le seul mouvement. C'était comme si une force herculéenne l'empêchait de bouger pour finir pas le plaquer face contre sol. La pression se fit plus forte, doublant à chaque seconde. Ethan sentait le sang battre le long de ses tempes. Un bourdonnement entêtant emplit son esprit. Ses inspirations devenaient de plus en plus difficiles. L'air commença à manquer. Ethan hurla de douleur. Un cri sourd... muet. La lumière s'alluma d'un coup, aveuglante. Ethan n'eut juste le temps de discerner un escalier de marbre avant de sombrer dans les ténèbres.

« Misère, voila ce que ça donne, de s’ouvrir au monde, hm !

Profondément offensée, elle marchait lourdement sur la terre molle, enduisant la semelle de ses bottines de boue. Aussi, ses oreilles sifflaient désagréablement à cause de sa course, et elle haletait à n’en plus finir ; il lui semblait qu’elle n’avait jamais autant couru –à vrai dire, elle n’avait jamais eut à échapper à la police.

Elle envisageait de faire demi-tour et d’afficher son plus beau sourire –« Je vous assure ; je ne vous fuyais pas ! Je m’occupais de ma cueillette nocturne de champignon ! Oh, l’heure est indispensable, hm ! Vous ?! Oh, avec tout le respect que je vous dois, je ne vous avais absolument pas remarqué ! »- lorsqu’elle aperçu le bâtiment à travers les troncs d’arbres.

Elle accéléra le pas et gagna le seuil, un sourire victorieux naissant aux lèvres alors qu’elle poussait la massive porte de ses deux mains gantées. Cette dernière se referma aussitôt derrière elle, et la froideur de la pièce lui fit resserrer son châle miteux sur ses épaules. Elle essuya d’un revers de bras la sueur qui perlait sur son front, devenu cadavérique sous l’effet de la peur. Cette dernière avait également creusé les cernes sous ses yeux, et ainsi débraillée, elle ressemblait à une morte-vivante.
Loin de s’en soucier, elle observait la beauté du hall : de curieuses idées commençaient à traverser son esprit –contenant en autres les mots ARGENT, VENDRE, RICHESSE- avant qu’elle ne remarque Ethan, inconscient sur le sol. Voila qui contrariait ses plans ! (Aussi récents fussent-ils)... Cependant stimulée par la curiosité, elle demanda :

- Monsieur ? Monsieur ?

Elle s’approcha et fit quelques pas vers lui, penchée, pour finalement s’agenouiller à ses côtés, sans manifester de prudence –en fait, elle ne pensait même pas au fait qu’une fois réveillé, il puisse être agressif.

- Monsieur ? Hé !

Par reflexe, elle pressa son épaule de sa main, vêtue d’une mitaine en laine, et ajouta, sans savoir s’il s’était réveillé :

- Vous allez attrapez la mort, Monsieur ! Voila qui serait drôlement stupide, n'est-ce pas...?

Ethan tournoyait. Désagréable impression alors qu'il sentait son corps contre lune surface glaciale. Au moins il sentait quelque chose... Un mort ressent-il quelque chose ? En tout cas, quelque soit l'endroit où il se trouvait, il y faisait sacrément noir.

* Bribes de voix *

... Pensionnat Interdit... à vie... pour vous servir...

Les mots l'effleurèrent sans qu'ils puissent s'y accrocher, en comprendre le moindre sens. Il y avait quelqu'un, là, à côté de lui. Faire un signe. Montrer qu'il est toujours là...
Il n'était pas maître de son corps, même s'il s'y sentait raccroché. Seulement deux de ses cinq sens fonctionnaient. Le toucher (sol glacial) et l'ouïe, quoi que pour ce dernier, c'était assez relatif.
Cette sensation de tournis infernal se fit plus forte. Il en eu bientôt un haut-le-coeur. Un bruit de fond sourd et aigu emplit ses oreilles. Un sens de plus se réjouit-il. Une douleur au niveau du sinus se déclara aussitôt.

"Arrêtez tout ça !" supplia-t-il mentalement.

- Je...

Ses lèvres muèrent, laissant filtrer ce simple mot. Le seul fait de s'en rendre compte accentua la migraine. C'était comme si ses rétines s'embrasaient.

- Je...

L'effort était insupportable. L'atmosphère obscure qui l'entourait semblait s'effilocher au fur et à mesure de sa lutte mentale. Sans qu'il n'esquisse un geste, il sentit le sol sous ses pieds. Devant lui, des "traces" lumineuses se profilaient alternativement. sans comprendre pourquoi, il se sentit obliger de suivre ces singulières vibrations. La noirceur de sa prison commençait à céder. Une vive douleur éclata dans son esprit, le plaquant au sol. Ethan grimaça puis se mit à ramper. Soudain le sol se déroba sous son corps. Le choc fut rude. Son palais s'emplit d'un goût métallique, quand sa langue effleura ses lèvres. Du sang. Son sang. Ethan ouvrit les yeux...

Elle observa d’un œil critique la rousse s’agiter, après s’être levé pour lui laisser sa place. Visiblement, ça n’eut aucun effet, et elle laissa un sourire moqueur étirer ses lèvres roses alors que l’adolescente continuait à parler: elles avaient, a présent, exactement la même posture, les poings sur les hanches et le regard railleur.
Bon, le reste ne suivait pas, forcément. La jeune fille était fluette, maigre ; elle se déplaçait avec souplesse, aussi, malgré l’air renfrogné qu’elle affichait.
Bref. Autant dire qu’elles étaient aux antipodes l’une de l’autre. Ce qui ne la dérangeait pas compte tenue de son léger égocentrisme (et puis, avoir 7 maris ça flattait l'ego, sans doute)

- Faustine, hm !

Elle resta un instant à la défier du regard, jusqu’a ce qu’elle réalise que l’homme inconscient n’était plus. Enfin, un peu moins, déjà : il avait commencé une phrase, restée inachevée cependant. Elle commençait à se trouver ça inquiétant, avant qu’il ne tente d’avancer, à se grande surprise. Aussi, elle lâcha, un peu inquiète ;

- Euh, monsieur ?

Effectivement, il tomba de nouveau, et il ouvrit les yeux, comme si le choc l’avait éveillé.
Elle jeta un regard inquiet à l’adolescente comme pour lui demander son avis sur la question, puis revint sur sa position initiale, à savoir, elle se pencha sur l’homme d’un air interrogateur ;

- Vous...hum ; ça va allez ?

Il avait certes les yeux ouvert, mais elle n’était pas vraiment sur qu’il puisse parler, aussi, elle ne quittait pas son air perplexe.

Le voile aveuglant s'estompa peu à peu sur un visage on ne peut plus interloqué. Ethan plongea son regard dans deux grands yeux noisettes. Une multitude de questions fusaient dans son esprit alors que l'échange perdurait, seconde après seconde, dans le plus grand silence. Elles pouvaient se résumer par un "A qui appartient ces deux yeux noisettes ?" qui amena un "Que fait cette inconnue penchée sur moi ?"puis un irrémédiable "Que fais-je allongé par terre ?".
L'adolescent n'osait prendre la parole, se satisfaisant de cet échange visuel. Les mots lui semblait pour l'heure totalement superflus, jusqu'à ce qu'une mèche brune glisse malicieusement de la coiffure de l'inconnue et s'interpose entre eux deux, coupant net ses réflexions. Ethan déglutit avant de balancer un "Qui êtes vous ?" qui se transforma en un :

- Qui êaïïïïïïÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏEEEEEEEEEEEEEEEEEEE !

Une vive douleur fut enfin prise en charge par son système nerveux encore un peu embrumé. Ethan porta sa main le long de son oeil droit. Un liquide chaud encore visqueux poissa ses doigts. La vue de sa main maculée de cette substance vermeille capta son attention, reléguant le présence de cette inconnue toujours penchée sur lui en second plan, voire plus loin encore. Le sang l'avait toujours captivé. Combien de fois s'était-il attardé sur une coupure, sur la fine trainée écarlate qui se profilait lentement ou sur une goutte en formation, ouvrant une fenêtre sur un monde monochrome.
L'image d'une lame fondant sur lui traversa brièvement son esprit. Ethan ressentit furtivement la morsure de l'entité métallique. Un frisson lui parcourut l'échine.

Une voix perça finalement sa bulle...