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 Chance

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Chance _
MessageSujet: Chance   Chance Icon_minitimeMar 5 Juil 2011 - 12:15


" Allez directement en prison, ne passez pas par la case départ. "

Si même les cartes de Monopoly s'y mettaient... Pierre-Xavier haussa les épaules. Il avait la poisse, c'était un fait avéré. Il était littéralement poursuivi par tous les problèmes possibles et imaginables. Il cassait tout, il ne pouvait pas aligner trois mots sans prononcer une absurdité telle que la moitié de l'assistance poufferait et l'autre moitié brûlerait d'envie de lui en coller une. Quoiqu'il fasse, il déclenchait une catastrophe. Il finissait par croire à une malédiction. Il ne s'étonnait guère, alors, que la carte chance qu'il avait tirée - drôle de superstition - lui prédise l'échec. De toute façon, il n'avait jamais été doué à ce jeu. Il haussa les épaules, mit la carte dans sa poche et leva les yeux.

*

Ça n'avait pourtant pas si mal commencé.

Il avait dix-neuf ans aujourd'hui, son bac en poche et résolument ras-le-bol du climat familial. Alors il avait décidé de s'offrir le toit du monde. L'ascension lui donnerait le temps de réfléchir. De se calmer, se recentrer. De trouver, enfin, ce qu'il voulait faire de sa vie. Certainement pas du droit comme Anne-Juliette. Encore moins reprendre l'entreprise familiale avec Charles-Edouard. Il voulait couper les ponts, définitivement, avec ce foutu milieu. Ces foutus requins sans foi ni loi. Ces milliardaires sans amour. Partir, partir. Il voulait voir l'Himalaya. S'entraîner, pour reprendre la compétition l'année d'après. Et coller la défaite de sa vie au Népalais qui l'avait battu.
Il se leva tôt pour vérifier une dernière fois son œuvre : une centaine de pages rédigées au cours de l'année, plus toute la documentation annexe. Une vraie bombe. Il y aurait du bruit demain dans l'univers de la restauration rapide, songea-t-il avec un mince sourire. Tous les moyens sur la frange de la légalité qu'avait employé Vincent pour construire son empire étaient détaillés. Une politique de pots-de-vin et d'intimidation systématique qui faisait passer les parrains de la Mafia pour des bons samaritains. Ah, papa si tu savais... se dit Pierre-Xavier en changeant quelques virgules. Après une hésitation, il joignit au document quelques pages de son journal intime et cliqua sur Envoyer. L'Economist allait adorer.

Le rouquin ne pouvait plus reculer, maintenant. Il prit son sac à dos en ne faisant tomber que trois photos au passage et quitta sa chambre dans une relative discrétion. Il se cogna à peine contre la porte et ne tomba que dans les trois dernières marches de l'escalier. Après une telle performance, il se sentait invincible. Adieu, famille haïe ! Adieu, réputation de MégamiamFood ! Dans quelques semaines, je prends l'air sur le toit du monde ! Plongé dans ses rêveries jubilatoires, il manqua se faire renverser par un bus et deux taxis, qui se contentèrent de l'éclabousser copieusement de neige fondue. Il ne s'en rendit pas même compte et continua son chemin vers l'arrêt de bus. Hormis une rencontre avec un réverbère, il n'eut aucune mésaventure sur les cent mètres qu'il lui restait à parcourir. Une navette arriva cinq minutes après - il n'était qu'un peu mouillé d'avoir patienté en-dessous du seul trou dans le toit de l'abri. Direction l'aéroport.

Peut-être qu'aujourd'hui, la chance avait tourné. Peut-être qu'enfin, loin de l'atmosphère étouffante de son foyer, il pourrait vivre sans drames, sans catastrophes, sans incendies. Sans plaies et sans bosses. Vivre normalement, avoir le contrôle de son corps comme tous les autres adolescents. Cesser de renverser les objets, de parler à tort et à travers. Il se prenait à rêver d'une existence où tout serait plus facile, où la malédiction cesserait de le poursuivre, où les gens l'accepteraient sans se soucier de son apparence physique. Et s'il gagnait les championnats... Le rêve devenait audacieux. Il s'entraînerait, là-bas sur le toit du monde. Tous se demanderaient où il avait disparu, mais il n'en aurait cure. Il s'entraînerait encore et encore puis il réapparaîtrait en vainqueur. Et ceux qui l'avaient méprisé le supplieraient de leur pardonner, tous l'aimeraient. Lui, Pierre-Xavier Mégamiam, il serait heureux et adoré !

Il voyait un avenir brillant s'ouvrir devant lui. Trop occupé à le contempler, il poussa une porte sans lever les yeux, trébucha dans ses propres pieds et s'étala sur un sol en marbre. Un grand bruit retentit derrière lui.

*


- Merde alors ! Ils ont fait vachement de progrès dans la déco des aéroports !

Il ne lui fallut pas plus d'une demi-seconde pour constater la stupidité de son exclamation. Il n'y avait pas de sol en marbre, de tapisseries et de boiseries dans les aéroports. Il n'y avait pas d'escaliers monumentaux en bois, pas de fauteuils Louis-je-ne-sais-combien. Pas de toiles de maîtres au mur. Un aéroport, de ce qu'il pouvait se rappeler de son dernier voyage en avion - trois mois auparavant - c'était grand, géométrique, vaguement clair entre beige impersonnel, blanc cassé et acier industriel. Un aéroport, c'était moche et moderne. Cette pièce était moche et ancienne. Ce n'était donc pas un aéroport. Après cette brillante déduction, Pierre-Xavier referma la bouche et se leva en s'époussetant. Bon. Il venait de passer la porte de l'aéroport et d'entrer dans un endroit qui n'était de toute évidence pas un aéroport. D'où, question :

- Attendez, c'est quoi cet endroit ? Ça fout quoi à la place de l'aéroport ?

Il parlait plus pour lui-même, puisque l'endroit avait l'air absolument désert. Il fit quelques pas hésitants, fit tomber à grand fracas une plante en pot qui n'avait sans doute rien demandé de tel et renversa une table basse. Hormis ces quelques incidents de parcours, il réussit à s'approcher du panneau d'affichage et à lire ce qui y était écrit.

- N'importe quoi, grommela-t-il. Je vois mal comment mon alter-ego astral pourrait être un animal je veux dire je n'ai jamais... Et... Ah !

Son regard venait de se poser sur l'immonde créature qui rampait au sol. De stupeur, il trébucha, tomba sur son séant. Absolument terrorisé, le grand rouquin se tortilla pour s'éloigner du monstre en tremblant comme une feuille. La bête approchait lentement, prenant comme un plaisir sadique à décomposer tous les mouvements qui lui permettaient de se déplacer. Elle frétillait presque de joie à l'idée de manger le rouquin, et il crut même l'entendre japper.

- Au secours ! A l'aide ! hurla-t-il, espérant qu'une âme compatissante viendrait lui prêter main-forte. Un sushi géant veut me dévorer !

Évidemment, dit comme ça...
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Chance _
MessageSujet: Re: Chance   Chance Icon_minitimeMar 5 Juil 2011 - 16:04

Il y avait des barres chocolatées et des canettes d'ice-tea dans la boite-à-gants ouverte. Seng, qui était son meilleur ami, lui avait dit qu'ils partaient en week-end alors il y avait aussi un sac rempli de fringues dans le coffre (contenant entre autres des cardigans et des slims et une deuxième paire de tennis parce que celles qu'il portait étaient défoncées et que "nous allons beaucoup marcher tu sais ?"). Il lui avait parlé du beau temps et il n'avait pas objecté (« 50 à 70 % des cancers de la peau sont liés à l’exposition au soleil. Je dis ça comme ça.») -et maintenant il était 23h, il était assis du côté passager de son picasso gris et fixait vaguement la route. Seng parlait lorsqu'ilne chantait pas par-dessus son CD des Stooges (Augustin était plutôt content de ça parce qu’il culpabilisait si il écoutait de son plein gré quelque chose qui ne soit pas de la pop américaine) et il se contentait d'hocher la tête l'air concentré (la vie sentimentale de ce type était compliquée et triste) : aussi il n'avait prononcé aucune phrase entière depuis que la voiture avait démarré trois heures auparavant et il n'était plus très sûr de leur destination mais ça n'était pas encore un problème (ça le deviendrait après qu’elle lui demanderait de lire la carte).

Il venait de saisir une canette de thé tiède lorsque Seng jura et braqua brusquement la voiture -le contenu de la boite-à-gants se répandit sur ses genoux, la nourriture, les dizaines de cartes pliées et vaguement décolorées certainement plus à jour, une vieille bouteille d’eau, un livre de poche dont la couverture pliée représentait une espèce d’humain emmailloté dans une toile d’araignée verdâtre, un tube de crème hydratante neuf, du gel antiseptique, un vieux CD des Ramones et une boite d’ibuprofènes. Il clignait lentement des yeux alors qu'on lui expliquait : « il y a un problème avec la voiture. Elle commençait à ralentir alors je l’ai rangé sur le bas-côté mais elle ne redémarrera pas. »

Et c’est lui qui avait été envoyé ici, dans « le manoir là-bas plus loin dans la forêt » -parce qu’il était incapable de rester sur place à tenter de réparer la voiture. Seng n’avait pas de téléphone portable et le sien n’avait plus de batterie; il n’était pas sûr que les propriétaires allaient être OK pour qu’il passe un appel -il n’était pas le type le plus engageant du monde. Aussi, il traversait la forêt avec son thé glacé à la main, en avalait parfois une gorgée mais ne la jetait pas quoique son sucre eut tendance à attirer des insectes minuscules mais franchement bruyants. Le froissement de leurs ailes commençait même à être menaçant, vaguement effrayant peut-être lorsqu’il aperçut enfin la porte (close et dépourvue de sonnette -c’était comme une mauvaise blague). Il frappa de l’index mais c’était inefficace -bien sûr ; il hésitait à entrer, cependant -ça ne ferait pas très bonne impression. Les lumières étaient allumés et il ne savait pas si c’était bien ou non. Il se rappelait vaguement ces films d’horreurs de série B et était à peu près persuadé d’être plutôt bon dans le rôle de la victime de la famille de cannibales arriérés (à ce moment-là il pensait vaguement à Sheitan) ; il n’avait rien pour se défendre (il n’y avait dans ses poches qu’une tablette de chewing-gum à la fraise, son mp3 et un briquet. Ses cigarettes et son téléphone éteint étaient encore avec Seng, dans la voiture.) mais s’efforça finalement de pénétrer à l’intérieur.

Il s’y efforça et commença à regretter immédiatement après que la porte se soit fermé derrière lui (quelques secondes où il eut le temps de voir : un grand type roux en train d’hurler, abattu sur le carrelage ; pris en grippe par quelque chose qu’il n’identifia pas, ne voulut pas identifier -pourquoi les gens achetaient des animaux de compagnies aussi dangereux? Que faisaient-ils des personnes âgées dévorées par leur yorkshire? Ils étaient tellement naïfs ). Il plissa les yeux un instant ; repoussa même ses énormes lunettes sur son crâne ; puis réalisa que l’animal était un sushi au moment même où Pierre-Xavier le hurlait.

Un sushi.

Il entreprit d’essayer de sortir discrètement; mais la porte ne s’ouvrait plus, maintenant, et il se retrouvait coincé entre elle et le type gémissant sur le sol. Il espérait juste que le rouquin soit suffisamment nourrissant pour rassasier la chose parce qu’il était hors de question qu’il ne se batte avec un putain de sushi -il était à peu près persuadé d’être incapable de faire ça.
Il se demandait ce qu'aurait fait Bear Grylls à sa place (mais ce type faisait-il autre chose qu'escalader des montagnes ou se perdre dans le désert, sérieusement ?) lorsque le sushi s'immobilisa subitement devant le type sur le sol; son corps furieux figé devant eux.

"Putain, mec...ce truc, c'est..." commença-t-il après une dizaine de secondes sans quitter la chose -le sushi- des yeux.

Il était toutefois incapable de terminer correctement sa phrase -parce que : qu'est-ce que c'était, exactement ? Et pourquoi -et surtout : pour combien de temps ?- s'était-il pétrifié ?
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Chance _
MessageSujet: Re: Chance   Chance Icon_minitimeMer 6 Juil 2011 - 0:49

" Putain mais quelle foutue poisse ! " fut la principale pensée qui traversa l'esprit de Pierre-Xavier, de façon pas tout à fait irrationnelle. Cette phrase, qui revenait comme un leitmotiv à chaque instant de sa vie, n'avait sans doute jamais été plus pertinente que dans la situation présente. Auprès d'elle, toutes les chutes, les vases cassés, les accidents évités de justesse, les murs non-évités apparaissaient soudain dérisoires. Le jeune rouquin n'avait jamais connu pareille crise. Une part de son esprit se disait qu'il s'agissait d'une évidence. Après tout, il était tout de même assez peu commun que les portes d'aéroports ouvrent sur des manoirs. Assez rare également que les manoirs en question soient des sortes d'univers parallèles dont on ne pouvait pas s'échapper et où l'on développait des pouvoirs et se retrouvait accompagné d'un alter-ego sous forme animale. Si l'on en croyait le panneau d'affichage, évidemment. Ce pouvait être une mauvaise blague, une caméra cachée qui retransmettait des images de personnes terrorisées à des téléspectateurs hilares. Oui, ce pouvait être une machination de ce genre : encore quelques minutes et il se frotterait les yeux, entre fou rire et larmes de soulagement en constatant que tout ça n'avait été qu'un coup vachement bien monté.

- Oui, ça doit être ça. Une foutue émission de merde. marmonna-t-il en fixant le monstre qui se tortillait dans sa direction.

Théorie sublime. Hé, ho, coupez tout ! Il s'était rendu compte de la supercherie, ils pouvaient tout arrêter et se trouver une autre victime. Par exemple le type brun avec les lunettes, là, qui venait d'entrer. Ils pouvaient stopper les effets spéciaux, faire disparaître la foutue créature. Pierre-Xavier souffla un grand coup, presque rassuré. Oui, tout ça c'était truqué.

- Hé là, la régie ! C'est bon, c'est fini, vous pouvez arrêter ce cirque ! Ouais, ils sont géniaux vos effets spéciaux mais bon le sushi géant c'est pas crédible une seconde !


Non, vraiment, comment avait-il pu tomber dans le panneau ? Un sushi de la taille d'un gros caniche, avec des ronds bleu électrique pouvant servir d'yeux. Vachement bien fait, tout de même. Le bougre continuait de se tortiller lentement vers l'adolescent toujours assis par terre et occupé à invectiver les plafonds. Très réalistes, ces mouvements. Et le détail du grain de riz égaré, c'était sublime. Comment faisaient-ils ça ? Avec des hologrammes ? L'échalas cherchait en vain des yeux le savant dispositif qui aurait pu matérialiser cette horreur. Rien, rien ne se cachait derrière les tapisseries hideuses et les meubles antiques. Pas une once de modernité. Pourtant le sushi continuait d'avancer dans sa direction. Pierre-Xavier paniqua de plus belle.

- Merde, c'est pas une blague ! Il existe vraiment ! Et il me bouffe la chaussure ! Au secouuuurs !

Brillant.
Le jeune Mégamiam était apparemment très doué pour énoncer des évidences, dès qu'il paniquait. Ou pour hurler des phrases qui pouvaient sembler totalement incohérentes - si l'on ne connaissait pas la situation, totalement absurde. Mais malgré ce léger problème de communication, il sembla soudain que le ciel s'était décidé à lui venir en aide : le sushi s'immobilisa brusquement, laissant à PX la possibilité de se dégager. Ce qu'il fit prudemment. Puis il se leva lentement, fit quelques pas hésitants de sa plus belle démarche de crabe toxicomane pour s'éloigner du monstre. Il se méfiait, la créature pouvait se réveiller et l'attaquer à nouveau. Enfin, il eut l'idée de lever les yeux vers son sauveur. Un adolescent brun qui avait l'air aussi surpris et paumé que lui face au monstre. Et avec de grosses lunettes.


"Putain mec... ce truc c'est..." Il fixait l'horreur d'un air complètement incrédule. Pierre-Xavier répondit d'un ton las - la poussée d'adrénaline, retombée, l'avait laissé à plat. Il n'osait même pas imaginer ce que ce serait quand la bête se réveillerait.
- J'en sais rien, mec. J'en sais foutrement rien. Je voulais aller à l'aéroport, j'ai ouvert la porte et je me suis retrouvé ici. Et ce... ce truc m'a attaqué. Et puis tu es arrivé.

Il était complètement sonné et ne comprenait rien à ce qu'il se passait. État compréhensible lorsque l'on venait de se faire agresser par un sushi géant. Et que l'on n'avait réchappé à l'attaque que par un phénomène inexplicable : le garçon brun était arrivé et le monstre s'était immobilisé. Pierre-Xavier passa quelques secondes à rassembler ses esprits. Finalement, il additionna un et deux et se tourna vers le garçon - en pointant un doigt vers le sushi. Sa voix tremblait encore de peur.

- C'est toi qui a fait ça ? Je veux dire le figer comme ça ? Parce que sur le panneau ils parlent d'un genre de pouvoir et... Enfin si c'est grâce à toi je te dois une fière chandelle, mon gars. Je veux dire je suis capable de me défendre contre un foutu sushi quoi mais la surprise enfin tu sais...


Il sentit qu'il s'enlisait. Il se contenta de tendre la main au brun, de marmonner un merci. Puis, après cogitation, il ajouta sur un ton anxieux :

- Au fait il va rester combien de temps comme ça ? Pas que mais je n'ai pas trop envie de me faire bouffer quoi.
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Chance _
MessageSujet: Re: Chance   Chance Icon_minitimeMer 6 Juil 2011 - 13:12

L’aéroport, vraiment ? Il haussa un sourcil, l’air sceptique ; comment pouvait-on s’y tromper ? Il ne releva pas, cependant, parce que le garçon continuait ;

- C'est toi qui a fait ça ? Je veux dire le figer comme ça ? Parce que sur le panneau ils parlent d'un genre de pouvoir et... Enfin si c'est grâce à toi je te dois une fière chandelle, mon gars. Je veux dire je suis capable de me défendre contre un foutu sushi quoi mais la surprise enfin tu sais...

Augustin haussa vaguement les épaules, balaya la salle du regard jusqu’à identifier le panneau en liège ; il ne le quitta pas des yeux, alors même qu’il serrait la main à Pierre-Xavier, et s’en approcha finalement en évitant le pot de fleurs explosé sur le carrelage.

- Au fait il va rester combien de temps comme ça ? Pas que mais je n'ai pas trop envie de me faire bouffer quoi.
- Je ne sais pas
, fit-il distraitement en s’écartant de la table basse renversée. Il faudrait partir mais la porte est fermée. Ou quelque chose. Je n’arrive pas à l’ouvrir.

Il s’apercevait, alors qu’il était maintenant planté devant le panneau d’affichage, qu’il tenait encore entre les mains sa canette d’ice-tea, et qu’on l’attendait dans la voiture; Seng allait être super énervé -il n’allait même pas le croire quand il lui parlerait du sushi géant. Personne n’allait le croire.
Il lu et la "chasse à l'homme" était peu près la seule chose qu’il avait tâché de retenir ; ça, les pouvoirs et le fait qu’il y a un certain Faust à ne jamais rencontrer. Il peinait à croire que l’on ne puisse pas sortir mais il était à peu près persuadé que c’était un mensonge qui cachait quelque chose d’encore plus étrange.
Il s’éloigna un peu du panneau pour rejoindre Pierre-Xavier et reprenait machinalement une gorgée de sa canette tiède lorsque son regard buta une nouvelle fois sur le sushi immobile. S’ils ne sortaient pas de cette pièce, ils allaient se faire manger par ça. L’idée qu’elle soit l’Alter Ego Astral de Pierre-Xavier ne lui effleura même pas l’esprit parce qu’il n’avait pas prêté attention à ce dernier point sauf quelques secondes, le temps de penser à Alvin et les Chipmunks.

- Peut-être que l’on devrait aller par-là, soupira-t-il, morose, en désignant du menton le couloir. Quitte à rencontrer une famille de cannibales. Après réflexion, il ajouta : Ou pire. Tu as déjà vu Amityville ?

C’était le lieu idéal, après tout -non ? Un bâtiment aussi vieux et reculé ne pouvait pas ne pas être possédé par une identité maléfique quelconque. Ou bien, deuxième théorie : il y avait un savant fou (pitié, pas le type de The Human Centipede ! Pas ça, songea-t-il brièvement) quelque part qui les avait drogué -ça expliquait le sushi vivant ; son immobilisation ; le manque de force les retenant prisonnier ici. Disons, Pierre-Xavier aurait accepté une boisson louche à l’aéroport et quelqu’un aurait empoisonné sa propre canette d’ice-tea puis ils auraient été jetés ici. Pour servir de nourriture à ce sushi géant, ou pour être victimes d'expériences -ou bien n'importe quoi d'autre! Il y avait même une possibilité comme quoi Seng était complice ou quelque chose comme ça (sa sœur avait-elle eut raison en disant qu’il fallait avoir un problème pour être ami avec lui ?).
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Chance _
MessageSujet: Re: Chance   Chance Icon_minitimeJeu 21 Mar 2013 - 19:03

Encore sous le choc, Pierre-Xavier passa une main dans ses cheveux. Remets-toi, mon gars, remets toi. Tu es juste bloqué dans cette espèce de manoir-qui-n'est-pas-un-aéroport et tu t'es fait attaquer par un sushi géant. Rien de grave. Il soupira. " Calme-toi, PX. Et puis, avec ta chance il fallait bien que ça t'arrive un jour ou l'autre." Enfin... Il s'était toujours attendu à se faire renverser par un bus, à tomber d'une falaise ou à mourir assommé par un pot de pétunias tombé du douzième étage jusqu'à son crâne roux insuffisamment endurçi par toutes les plaies et bosses qu'il avait accumulées. Ou alors, à la limite, à se faire crever les yeux par un choucas enragé, à s'étrangler avec un verre de champagne. Jamais il n'aurait imaginé ça, par contre. Se trouver bloqué dans un manoir peuplé de cinglé mythomanes délirant à propos de pouvoirs magiques... Et avec un sushi géant qui était toujours bloqué à quelques centimètres de son pied, paré à le dévorer. Il médita encore quelques secondes, avant de parvenir à une brillante déduction :

- On ne croise pas de sushis géants si agressifs à Paris. Il réfléchit encore une seconde. En fait, on ne croise pas du tout de sushis géants à Paris, je crois, non ? ajouta-t-il à l'adresse du jeune brun qui paraissait présentement beaucoup plus intéressé par les élucubrations sur le tableau de liège que par le rouquin.

Attendez. Si l'on ne croisait pas de sushis géants, c'est bien que ce n'était pas normal. Ce n'était pas normal qu'ils se figent ainsi en plein vol. Pierre-Xavier, toujours assis sur le sol et sonné, commençait à se dire qu'il allait devoir revoir sa notion de la normalité à la baisse dans un tel endroit. Puis, ses pensées s'interrompirent.
Il lui semblait avoir vu un grain de riz bouger. Méfiant, il fixa le monstre pendant quelques secondes avant de faire trois pas de plus en direction du brun pour s'éloigner de la Chose. Il trébucha sur son pied droit, mais fort heureusement, put se rattraper au mur sans quitter la créature du regard. Elle ne bougeait toujours pas. Avec un imperceptible soupir de soulagement, il se tourna vers le jeune homme au moment où il lui parlait.

- Hein, quoi ? Non je n'ai jamais... Des cannibales ? PX essaya de faire un tri entre les informations qu'il venait de recevoir, pour élaborer une réponse un peu moins pitoyable. Oui, lâcha-t-il finalement, On devrait partir de là avant que ce truc ne se réveille. Et puis, avec un peu de chance, quelqu'un nous expliquera comment nous en débarrasser. Enfin, si on trouve quelqu'un.

Cette histoire de cannibales lui paraissait encore plus effrayante que les mots sur le panneau. Il croisa les doigts. Superstition, Pierre-Xav'. Réfléchis, plutôt, quel est le pire scénario possible ? Avec ta chance, il se réalisera sûrement. Son cerveau se mit à tourner à plein régime pour lui fournir des hypothèses toutes plus délirantes les unes que les autres. Un centre de recherches sur extra-terrestres. Ce qui supposait qu'il soit un extra-terrestre. Peu crédible. Un jeu pervers qui consistait à enfermer des jeunes pour les voir s’entre-tuer. Mais quel malade ferait ça ? Et puis, le garçon comme lui étaient entrés de leur plein gré. Enfin, lui, il croyait rentrer dans l'aéroport, mais personne ne l'avait forcé, il aurait suffi de mieux regarder la porte avant de la pousser bille en tête.

- Quel idiot je fais, marmonna-t-il.

Dire qu'il lui aurait seulement suffi de regarder où il entrait. Il serait en partance pour le Népal, droit vers le toit du monde. Il aurait continué à grimper, à s'entraîner. Mais au lieu de ça il était enfermé. Pour toujours, disait le panneau. Il n'avait rien fait pour ça, et il était enfermé. Il avait encore du mal à réaliser. Aussi ne fit-il pas un pas vers le couloir ou l'escalier, se contentant de retourner l'information sans cesse. Enfermé. Piégé. Incarcéré. À vie. Mais pourquoi ? Qu'avait-il fait ? ( Il ne se posait cette question qu'en cas de crise majeure. La plupart du temps, il partait du principe que c'était sa malchance coutumière, soupirait, et continuait. ) Était-il maudit ? Quelle taille faisait cet endroit ? On aurait dit un décor de film, il attendait toujours qu'on lui révèle que c'était un caméra caché. Mais il perdait espoir de minute en minute. Enfermé, putain. Et voilà qu'il fallait explorer cette prison de cinglés, où il ne pouvait plus grimper et où un sushi géant avait visiblement la très ferme intention de le dévorer tout cru. Il n'y avait qu'à voir la façon dont il remuait la queue, ce fourbe... Attendez une minute.

- AAAAAAAHHH ! IL S'EST DÉFIGÉÉÉÉÉ ! COURS, MEC, COURS !

Pour une fois, Pierre-Xavier ne trébucha pas, ne fit pas tomber de vase, et n'eut même pas le temps de s'en réjouir. Il courut. Sans réfléchir à quoi que ce soit d'autre, plus vite qu'il n'avait jamais couru, sans retenir le trajet qu'il prenait. Il voulait juste mettre le plus de distance entre lui et ce... cette créature. Il tournait à droite, à gauche, sans logique, pour la semer. Au terme d'une très longue course - Immense, ce manoir !, se rendit-il compte - il s'arrêta, à bout de souffle. Sans savoir où il était. Mais pas de sushi en vue. Il était sain et sauf et espérait que l'autre avait eu la même chance. Peut-être aurait-il dû vérifier s'il le suivait. Mais bon.
Il se sentit soudain très seul, dans ce couloir obscur et glacé. Très seul et très coupable. Il soupira. Il fallait qu'il retrouve l'autre avant qu'il ne se fasse dévorer par le sushi. Et il rebroussa chemin.
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MessageSujet: Re: Chance   Chance Icon_minitime

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