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 Et l’oiseau désespère... [Emrys]

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(ZYVA PAPILION)
Ayumi Iwasara
Ayumi Iwasara

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Et l’oiseau désespère... [Emrys] _
MessageSujet: Et l’oiseau désespère... [Emrys]   Et l’oiseau désespère... [Emrys] Icon_minitimeLun 18 Juin 2012 - 21:57

Et l’oiseau désespère d’un jour ouvrir la porte de sa cage
Emrys Sulwyn
    Iwasara fit glisser le petit disque de plastique qu’elle tenait entre ses doigts sur les cordes de sa guitare, produisant un accord mineur un soupçon nostalgique. Les alentours étaient parfaitement calmes, et la musique douce et claire qu’elle tira de son instrument ne fit que les perturber de manière infime. Aucun oiseau ne cessa son babillage, aucune mélodie du vent entre les feuilles ne fut supplantée. La jeune femme avait l’intime conviction de n’être qu’invitée dans un lieu si paisible, et s’attachait en conséquence à troubler l’endroit le moins possible. Ses notes étaient limpides, mais étouffées, comme une berceuse murmurée à l’oreille d’un enfant en début de soirée. Autour d’elle, le soleil brillait entre les feuillages, veinant chaque feuille d’entrelacs verts et dorés. Baigné d’une lumière caractéristique d’une fin de matinée d’été, le temple semblait radieux. Iwasara n’avait jamais vu aucun lieu du Pensionnat l’être autant, et appréciait d’autant plus ce recoin secret. Tout comme elle ne se lassait pas de s’émerveiller devant la beauté de la nature que son monde d’origine n’avait jamais pu la laisser voir ; tout comme elle ne pouvait plus se passer des rayons du soleil que les nuages de chez elle avaient toujours filtrés.
    Elle avait tenté de traverser les bois ce matin-là, prise en se levant d’une furieuse envie de s’enfuir. En réalité, malgré son apparente sérénité, la jeune femme ne supportait pas mieux son enfermement que le premier jour. Certes, elle s’était fait de nombreux et merveilleux amis. Cependant l’idée de se voir arracher les ailes quand enfin, enfin, elle réussissait à prendre son envol, avait laissé dans son cœur une trace indélébile et dans sa bouche un goût des plus amers. Elle devait se battre, sans cela elle disparaîtrait, elle en avait la certitude. Elle s’était confiée à Emrys et Ambre, mais ni l’un ni l’autre n’avait plus de réponse qu’elle à son problème. Elle avait aidé ses amis à chercher les feuillets de Rudy, en vain. Alors, tout en étant consciente de toute l’inutilité de son geste, elle avait tenté, guitare sur l’épaule, de traverser les bois pour sentir d’elle-même cette maudite barrière magique qui les empêchait de regagner leurs mondes.
    Elle n’avait pas été jusque-là. Alors qu’elle s’enfonçait entre les arbres, la lumière avait commencé à baisser, la forêt à s’épaissir. Iwasara avait compris au bout d’une dizaine de minutes de marche que son entreprise n’était pas seulement hasardeuse et vaine, mais également dangereuse. Si elle perdait son chemin, personne ne la retrouverait. Et la probabilité qu’elle s’égare était ici trop importante. Elle avait donc sagement fait demi-tour en s’appliquant à calmer sa frustration. La musique était toujours un excellent moyen pour cela.
    C’est ainsi qu’elle s’était retrouvée là, assise sur les marches d’un temple dont elle ignorait l’objet de culte, à jouer comme elle l’aurait fait n’importe où ailleurs. Chez elle, la religion s’était réduite au fanatisme le plus improbable que l’histoire que l’humanité n’ait jamais connu. Après la mise à bas des anciennes religions, la venue et le départ des Anges, la glorification de l’art pour l’art était restée la dernière trace de toute forme de religion. Tout autre culte était considéré comme sectaire et dangereux.
    A la manière de son monde, Ayumi exerçait donc une forme de rite religieux en jouant en ce lieu supposé sacré, puisque chez elle, rien n’était plus vénéré que l’art, musique bien entendu comprise.
    Lorsque ses mains commencèrent à trembler sur le manche de son instrument, la jeune femme le reposa sagement sur ses cuisses, frissonnant, car elle ne portait qu’une jupe plissée surs ses jambes pâles. Elle avait enfilé un sweat par-dessus sa chemise, de sorte qu’elle conservait un maximum de chaleur, mais la fraîcheur matinale réussissait tout de même à l’atteindre. Cependant cela ne lui importait que peu.
    Elle voulait sortir. Il y avait longtemps qu’elle réprimait la violence de ce sentiment derrière des airs raisonnables. Elle se connaissait : elle n’était pas la personne perpétuellement calme que beaucoup imaginaient. Si elle criait et s’emportait peu, elle n’en restait pas moins une combattante ; accepter son sort en silence, quoi qu’on en dise, n’avait jamais été son genre. Cette volonté se révélait majoritairement lorsqu’elle chantait ; mais qu’on se le dise, il lui était arrivé de tempêter, dans sa vie. Sinon elle ne serait jamais arrivée jusqu’ici. Il fallait juste que la coupe soit pleine.
    Et elle savait que celle-ci arriverait bientôt à un point de remplissage critique.
    Ce ne serait peut-être pas ce jour-là. Peut-être dans une semaine, ou même un mois. Mais ce serait bientôt.
    Une note retentit, solitaire, fruit du tapotement pensif d’un doigt sur la corde de si.
    Au-delà de tout, elle voulait sortir d’ici et déployer ses ailes.



Attention à toi, revoilà le machin rose 8D
Comme c'est romantique, dit de cette façon ♥
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Delicate Boy
Emrys Sulwyn
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MessageSujet: Re: Et l’oiseau désespère... [Emrys]   Et l’oiseau désespère... [Emrys] Icon_minitimeVen 29 Juin 2012 - 17:29

A peine eut-il passé la porte menant au parc qu'Emrys, une cigarette coincée entre son majeur et son index, sortit son briquet. Aucun panneau n'empêchait de fumer à l'intérieur du pensionnat ; malgré tout, par respect ou par habitude, il ne s'était jamais permis d'allumer la moindre cigarette ailleurs que dans le parc. Il n'avait jamais eu le droit de le faire ni chez lui, ni au lycée. Ça l'empêchait d'empoisonner les autres. Et de trop fumer. Que des avantages, donc. C'était juste ennuyeux quand il pleuvait.
Il souffla un petit nuage de fumée dans l'air, pensif. Pour l'instant il faisait plus frais à l’extérieur qu'à l’intérieur ; et pour lui qui mourait de chaud, le moindre frisson était accueilli à bras ouverts. D'autant plus qu'à partir de maintenant les températures n'allaient pas cesser de grimper jusqu'à l'automne. Il y aurait de plus en plus de monde à l’extérieur, de plus en plus de rires et de batailles d'eau. L'été avait toujours eu ce genre d'effets sur les adolescents, non ? C'était la saison des vacances et du laisser-aller. Qu'il soient enfermés ou non n'y changeait rien.
Lui, il détestait l'été.
Sa cigarette tomba au sol dans un petit crépitement, bien vite étouffé sous le talon de sa chaussure. Sa chemise blanche et sa veste noire n'étaient pas très épaisses mais son débardeur compressif, lui, lui collait au corps aussi sûrement qu'une seconde peau ; et quoi que c'était le but, ça devenait insupportable dès que les températures montaient. Tant pis. Chercher de l'ombre deviendrait simplement son activité favorite. Il trouverait une excuse pour ne pas se retrouver trempé. Il improviserait. En fait il n'avait aucune idée de ce qu'il allait faire sur le long terme. Mais s'il avait réussi à se débrouiller jusque là , il n'y avait aucune raison pour que ça ne continue pas. Heureusement qu'il savait positiver ; cette qualité ne lui avait jamais été aussi utile qu'au pensionnat.
Son briquet et ses mains dans ses poches, il partit d'un pas traînant sur le sentier qui traversait le parc. Iwasara n'était pas à l'intérieur, ce matin-là. Par défaut, elle devait donc être dehors. Elle ne pouvait pas être bien loin, quoi qu'il en soit. Ils étaient tous coincés ici jusqu'à nouvel ordre – et vu la façon dont les choses avançaient, ils n'étaient pas près de retourner chez eux.
Cette histoire de feuilles avait secoué le pensionnat un tremblement de terre mais, au final, il n'en restait que de faibles répliques. Le dénommé Rudy avait dû drôlement bien les cacher pour qu'ils aient tant de mal à reconstituer l'ensemble. Chaque heure de perdue abattait un peu plus le moral des troupes ; et comment leur en vouloir ? C'était comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Il ne savait même pas combien de feuilles il pouvait bien encore leur manquer. Beaucoup, sûrement.
Sa cadence ralentit à mesure qu'il avançait, les yeux posés partout sauf devant lui. Ils finiraient bien par toutes les trouver, ce n'était plus qu'une question de temps. Le pensionnat serait retourné s'il le fallait, quitte à tout mettre sans dessus dessous, mais ils les trouveraient. En espérant que ça les aiderait réellement à sortir. Personne n'avait besoin d'une blague aussi cruelle. Ni ceux qui voulaient sortir, ni ceux qui voulaient rester.
Plus ça allait, plus il se sentait...

… Hm.

Emrys regarda autour de lui, guidé par l'impression douceâtre qui se diluait dans ses veines. Ce sentiment n'était pas le sien. Il en aurait mis sa main à couper. Il avait encore du mal à discerner ses propres émotions de celles des autres, c'était loin d'être simple. Mais à force de côtoyer certaines personnes, il en était arrivé à pouvoir poser des étiquettes sur certains de ses ressentis. Les inquiétudes de Soren. Le mépris d'Antoine.
Ayumi.

« Hey. Je te cherchais. »

Le britannique adressa un sourire à la jeune fille. Il arriva en quelques pas près d'elle et, sans attendre une quelconque permission, s'assit à sa droite.
Elle semblait pensive. Il fut tenté de laisser libre cours à son pouvoir, ne serait-ce que pour savoir plus précisément ce qu'elle pouvait bien ressentir ; ne le fit pas. Il n'avait ni le droit ni l'envie de s'immiscer dans ses silences.

« Ça va ? »

La question lui sembla aussi stupide que pertinente – et s'il avait l'air inquiet, c'était uniquement parce que la réponse lui importait. Il aurait pu lui dire 'qu'est-ce qui ne va pas ?', ça revenait au même. La formulation importait peu quand son ton de voix était si explicite.


{ J'admets que c'est exceptionnellement romantique ~ Emrys devrait l’appeler comme ça. Son machin rose. Avoue qu'elle adorerait ça. |D }


Dernière édition par Emrys Sulwyn le Dim 9 Déc 2012 - 6:22, édité 1 fois
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Ayumi Iwasara
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MessageSujet: Re: Et l’oiseau désespère... [Emrys]   Et l’oiseau désespère... [Emrys] Icon_minitimeMer 11 Juil 2012 - 22:23

    Et pourtant, ils l’avaient cherchée, cette porte de sortie. Certains des pensionnaires étaient coincés ici depuis si longtemps qu’ils semblaient presque ne plus se rappeler de leur vie d’avant. Depuis tout ce temps, pourquoi personne n’avait encore réussi à trouver une échappatoire ? Ils étaient tellement nombreux ! Quoi qu’elle fasse, cette seule pensée semblait enfermer Iwasara dans une atmosphère d’extrême pessimisme. Il était impossible, impossible, impossible… que ce piège n’ait aucune faille. Ayumi n’était peut-être pas une professionnelle des mathématiques, mais elle savait que la probabilité d’un traquenard parfait était minime. Il y avait forcément quelque chose à faire. Forcément.
    Mais dans ce cas, pourquoi est-ce que personne n’y était jamais arrivé ?
    Si aucun de tous ces adolescents, ces jeunes adultes enfermés depuis des années, n’avait jamais réussi à trouver une solution, alors était-ce réellement possible ? Cet endroit magique, ensorcelé, maléfique, n’était-il pas à même de chambouler toute certitude logique afin de créer une réalité, sa réalité, au sein de laquelle aucune échappatoire ne serait envisageable ?
    Iwa se mordit les lèvres, sa main retomba sur le bois de sa guitare. Cette pensée lui faisait peur. L’impuissance, le sentiment d’être soumise au bon vouloir de ses bourreaux comme un petit animal en cage à la pitié d’un quelconque savant fou, la terrorisait. Et le pire était qu’elle n’avait aucune idée de ce qui les attendait tous. Aucun d’entre eux ne connaissait les motifs de la famille I. Il pourrait bien surgir des méandres du manoir, demain, un jeu cruel destiné à les exterminer ou juste à s’amuser de leur douleur… Ne pas savoir, craindre sans savoir à quoi s’attendre, c’était…
    Iwasara entendit le bruit de ses pas juste avant qu’un bruit de feuillage ne lui signale sa présence. Relevant la tête, elle vit Emrys qui lui souriait.

    « Hey. Je te cherchais. »
    Ayu lui rendit un faible sourire. D’habitude, la présence de l’anglais lui permettait d’oublier immédiatement tous ses problèmes, un peu comme un baume réparateur renversé sur son cœur. C’en était presque magique. Aujourd’hui, l’angoisse qui lui nouait la gorge était plus forte que ce que la simple certitude de l’aimer pouvait apaiser.

    « Ça va ? »
    Ce qui était incroyable avec Emrys, c’était sa capacité à comprendre les émotions ressenties par les gens autour de lui. Ayumi savait pertinemment que la principale cause de cette connaissance était le pouvoir du jeune homme ; elle savait également qu’il s’efforçait de respecter l’intimité des autres malgré le caractère invasif de cette capacité. Malgré tout, elle croyait, fermement, que son caractère et sa gentillesse n’étaient pas non plus étrangers à cela.
    Les lèvres serrées, la jeune femme se balança lentement d’avant en arrière, balayant son environnement du regard. Non pas qu’elle ne veuille pas se confier à Emrys. Elle qui n’avait, de toute manière, pas de secrets pour grand-monde, en avait encore moins pour lui. S’aimer, ce n’est pas dissimuler la douleur pour ne partager que les bonnes choses mais… elle ne savait toujours pas bien comment extérioriser ce qu’elle ressentait autrement que par des actes ou des notes. Elle cherchait ses mots.

    « Tu vas te détruire les poumons. » Fit-elle gentiment remarquer d’un murmure, avec un faible sourire, en lorgnant la cigarette que son ami tenait entre ses doigts.
    Iwa n’aimait pas la cigarette. Elle n’aurait pas su dire pourquoi ; son père fumait, certes, mais l’odeur du tabac ne lui faisait pas autant horreur que le goût de l’alcool. En général, elle reprochait à ses proches de fumer, elle qui ne faisait que peu de remarques aux autres. Mais trop souvent, comme pour Emrys, ce n’était pas suffisant pour les convaincre. Elle n’y pouvait rien, alors se contentait de les « taquiner » légèrement à ce sujet, si un tel mot pouvait être juste…
    … Cela ne résolvait pas son problème, malheureusement.
    La jeune femme laissa échapper un très léger soupir, puis machinalement, ses doigts s’agitèrent sur les cordes, produisant un court air un peu triste. La musique était pour Iwa un bon support pour donner forme à ses pensées.

    « C’est… l’enfermement. Le fait d’être piégée. La peur. » L’angoisse fleurit sur les traits de l’asiatique, pourtant peu expressive, et elle se mordit à nouveau les lèvres. « Quand on y pense, c’est insupportable. On se voile la face mais… Je crois que je vais finir craquer. »
    Des larmes, non. Dissimulant son expression derrière un rideau de mèches rosées, Iwa laissa tomber sa main, d’un mouvement lourd du poignet, sur les cordes qui gémirent un accord déchirant. Exactement comme la résonnance que devait avoir son cœur, coincé dans l’étreinte glacée de l’angoisse. Elle n’aimait pas charger les autres de ses peurs. Mais elle ne pouvait pas mentir à Emrys.



Ohh oui ~ Qui sait, ça pourrait la retenir de le larguer si ça se trouve 8D *sort*
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Emrys Sulwyn
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MessageSujet: Re: Et l’oiseau désespère... [Emrys]   Et l’oiseau désespère... [Emrys] Icon_minitimeJeu 19 Juil 2012 - 5:40

Emrys observa, en silence, la jeune femme se balancer d'avant en arrière. La voir autrement que souriante lui laissait un amer sentiment au creux de l'estomac, mais il savait que c'était inévitable. Parce qu'ils avaient tous des hauts et des bas, parce qu'ils étaient tous enfermés. Parce que si Ayumi n'avait cessé de sourire et de lui assurer que tout allait pour le mieux, ça aurait tout simplement voulu dire qu'elle refusait de se confier à lui. Et quoi qu'il aurait très certainement assuré qu'il comprenait et respectait un tel choix, bien sûr que ça l'aurait blessé. Il espérait être digne de sa confiance. Suffisamment proche d'elle pour qu'elle accepte de lui dire honnêtement si quelque chose la tracassait.
Son respect pour la vie privée des autres et son manque de curiosité lui permettait en général de ne pas insister quand on lui répondait 'je vais bien' avec un sourire qui racontait une toute autre histoire. Mais avec ses proches, c'était tout autre chose. Ça avait toujours été le cas et n'était visiblement pas prêt de changer. C'était sa marque de fabrique, un chiffre glissé dans son code génétique. Il ne cesserait jamais de tout prendre pour lui, de ressentir la peine des autres avec autant d'intensité que si c'était la sienne.
C'était vu sous cet angle que son pouvoir prenait tout son sens. Étrangement approprié.

« Tu vas te détruire les poumons. »

Le visage d'Emrys oscilla entre surprise, embarras et résignation ; il opta finalement pour la dernière option, un sourire désolé aux lèvres. Il aurait pu lui dire que c'était une mauvaise habitude, mais cette phrase avait déjà été tant et tant de fois répétée qu'il jugea préférable de rester silencieux. Il aurait aussi pu dire qu'il arrêterait, mais il savait très bien que ce n'était malheureusement pas prêt d'arriver. Même en tant que fumeur occasionnel, ce n'était pas une décision à laquelle il pourrait se tenir. Pour l'instant, en tout cas. Ce n'était pas exactement le bon moment pour s'infliger un stress supplémentaire. Peut-être plus tard. Il y songerait.
Le britannique posa malgré tout l'objet du délit à côté de lui. Ne pas l'avoir dans les mains aiderait peut-être.
Il était plus préoccupé par le soupir de la guitariste que par ses poumons, de toute façon. Ses yeux clairs suivirent le mouvement que ses doigts imprimèrent aux cordes de l'instrument, et il sentit la musique se répercuter en lui avec la précision d'un poignard. Bien sûr, il savait qu'elle allait mal ; il pouvait le voir, le sentir, abilité particulière ou non. Mais entre imaginer et entendre, il y avait un fossé trop régulièrement oublié. Se dire 'Iwasara va mal' était bien moins douloureux que l'entendre de sa bouche. Que ce soit par ses notes ou ses mots.
Sa sensibilité accrue y était sûrement pour beaucoup. Mais, là encore, ça n'avait que peu d'importance.

« C’est… l’enfermement. Le fait d’être piégée. La peur. Quand on y pense, c’est insupportable. On se voile la face mais… Je crois que je vais finir par craquer. »

Emrys écouta en silence, le cœur serré. Par respect, parce qu'il n'avait pas la plus petite idée de ce qu'il devait répondre. Parce qu'il se rendait progressivement compte qu'il était complètement désarmé face à la détresse de la jeune femme. Consoler n'était pas son fort. Sa trop forte sensibilité ne lui était d'aucune utilité dans des cas comme celui-là. Son pouvoir n'aidait pas. Rien n'aidait. Il était là, à vouloir faire au mieux sans réussir à se décider sur l'attitude à adopter. Inutile au possible.
L'accord qui vibra dans l'air envoya des frissons le long de sa nuque.
Sa main se posa de son propre chef sur l'épaule d'Ayumi, et il ne sut même plus si c'était lui ou elle qu'il cherchait à rassurer en faisant ça. Les peurs, les angoisses, il pouvait les ignorer si elles restaient muettes. Il pouvait les envoyer promener, les noyer, les étouffer sous des discussions sans importance. Mais si quelqu'un d'autre mettait des mots sur ces émotions, c'était fini. Cassé.
Il aurait vraiment aimé trouver les mots parfaits pour rassurer Ayumi. Mais que dire ? Elle était oppressée par leur enfermement, mais il ne pouvait pas la faire sortir. Il n'avait aucun moyen de faire ça. Lui promettre de chercher une sortie ? Ils s'y évertuaient et, jusque là, aucun de leurs efforts n'avait porté ses fruits. Essayer de lui faire accepter son sort ? Jamais. Alors quoi ?
Finalement, sa brève réflexion ne fit que le perdre un peu plus.

Il chercha une réponse dans le ciel ; en conclut que devenir un oiseau était presque une solution plausible.
C'est dire s'il était à court d'idées.
Malgré tout, il s'efforça d'élever la voix.

« Je sais. J'aimerai vraiment avoir une solution, mais... »

Mais je n'en ai pas. Les mots bloquèrent dans sa gorge et il ne chercha pas à les en faire sortir. Elle comprendrait.

« Ça a l'air sans issue, hein ? » Il esquissa un sourire teinté d'une certaine tristesse et laissa glisser la main qu'il avait posé sur son épaule sur la marche froide. « Mais on va finir par sortir. Il doit bien y avoir une faille, c'est obligé. »

Ses propres paroles lui semblèrent presque trop familières. Combien de fois avait-il pu répéter ça, à voix haute ou pour lui-même, sans que ça ne change quoi que ce soit ?
Trop.

« Heh. C'est dans ces moments-là que me sens vraiment inutile. »

Il le concéda un peu à contrecœur, en riant à demi. Il savait que la musicienne ne se moquait pas de sa présence. Et il espérait, au moins, que l'avoir près d'elle l'aidait un peu. Mais ce qu'il aurait voulu, c'était vraiment pouvoir faire quelque chose pour apaiser ses craintes. Pas la soutenir, l'aider. Vraiment.
Ce à quoi, pour l'instant, il échouait misérablement.


{ #3615mesRPsontpsychédéliquesetjesaismêmepascequej'écrisargh.

Cool ! Je retiens, alors. Vu que cette fille est une dangereuse briseuse de cœurs... B) }


Dernière édition par Emrys Sulwyn le Dim 9 Déc 2012 - 6:23, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Et l’oiseau désespère... [Emrys]   Et l’oiseau désespère... [Emrys] Icon_minitimeMar 7 Aoû 2012 - 18:45

    La sensation de sa main sur son épaule, le désarroi face à un détresse impossible à calmer... Iwasara regretta presque immédiatement d’avoir imposé à Emrys une souffrance à laquelle il ne pouvait rien changer. Plus encore, elle regretta d’avoir mis des notes sur son sentiment tout en sachant parfaitement l’effet que cela aurait sur lui. Elle ne pouvait pas lui mentir, elle puisait du réconfort dans sa présence ; mais elle se sentait égoïste, d’en ressentir le besoin. Elle avait mal, mais elle n’était pas la seule ; après tout, ils étaient tous enfermés ensemble. Certains d’entre eux avaient perdu bien plus qu’elle en poussant la porte : des amis, de la famille, un avenir radieux. Elle n’estimait pas avoir le droit de se plaindre quand elle n’avait perdu que sa liberté. Elle aurait dû rester forte ; tenir bon, sans accabler ses proches, quelle que soit la force de la confiance qu’elle avait en eux.
    Mais elle n’était pas habituée à la sollicitude. Et l’inquiétude d’Emrys, et son affection, c’était comme quelque chose de doux et sucré qui fond dans la bouche. Si réconfortant.
    Pour un peu, cette faiblesse aurait fait monter les larmes. Ayumi s’astreignit au calme et à la maîtrise d’elle-même ; lorsque la main de son compagnon s’écarta, ne put s’empêcher d’y poser la sienne, à plat sur la pierre réchauffée par le soleil. De la chaleur. Cela suffirait peut-être à combler tous les trous ; pour la première fois, Iwa se demanda si cette chaleur vaudrait un jour la peine de renoncer au ciel.

    « Je sais. J'aimerai vraiment avoir une solution, mais... »
    Fermer les yeux et tout oublier, tout sauf Emrys, Emrys, sa voix, et ses mots. La peur et la douleur. Non, il n’avait pas de réponse non plus, mais elle le savait déjà. Elle n’aurait pas pu exiger de lui une solution ; cela n’aurait été exigible de personne. Excepté peut-être de la famille I.

    « Ça a l'air sans issue, hein ? Mais on va finir par sortir. Il doit bien y avoir une faille, c'est obligé. »
    Elle voulait y croire. Imperceptiblement, la jeune femme resserra les doigts sur la main de son ami, refusant de poser un nouvel accord. Inutile de lui imposer les émotions négatives découlant de son pessimisme momentané.

    « Heh. C'est dans ces moments-là que me sens vraiment inutile. »
    Ayumi resta un instant silencieuse, les yeux baissés. Inutile ? Non, elle n’aurait pas dit cela. Quand bien même il lui était impossible de trouver une solution concrète au problème qui les enserrait tous, la simple présence d’Emrys n’avait rien d’anodine. Cela lui donnait la certitude qu’elle n’était pas seule. Elle n’aurait pas cru que cela puisse prendre une telle importance.
    Relevant la tête, Ayumi sourit au jeune homme :

    « Ne dis pas n’importe quoi. Je me sens vraiment mieux depuis que tu es là. »
    C’est chaud et doux à la fois. On pourrait croire que ça suffit à effacer ; du moins, ça suffit à enterrer sous un manteau cotonneux les élancements douloureux dans la poitrine. On verra plus tard. Il est impossible d’oublier la peine, quoi qu’on puisse faire ; alors même si c’est dur, continuer de la tenir à distance est sans doute la meilleure des solutions.
    Alors on va tenir. Et chercher, encore et encore.

    « Je vais bien, ne t’en fais pas ; c’est passager. Je suis désolée, je ne devrais pas me laisser aller, » sourit la jeune nippone d’un air d’excuse, « comment tu vas, toi ? Tu faisais une drôle de tête en arrivant. »
    Relâchant la main de l’anglais, elle la reposa sagement sur ses genoux, où s’appuyait déjà sa guitare.
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MessageSujet: Re: Et l’oiseau désespère... [Emrys]   Et l’oiseau désespère... [Emrys] Icon_minitimeSam 18 Aoû 2012 - 18:22

Ce que ça pouvait être cruel. Les enfermer, les laisser se débrouiller – ré-apprendre à vivre, nouer des liens, tout faire pour sortir. Cet endroit avait beau être dangereux et imprévisible, il avait beau leur avoir pris de leur famille jusqu'à leur maison, il restait vivable. Si leurs vies avaient sans cesse été menacées, personne n'aurait songé que rester ici à tout jamais était une option acceptable. Mais il régnait dans cet endroit une douce indolence, des promesses d'éternité et bien plus encore ; les relations qu'il avait développé ici s'étaient tissées avec plus de rapidité et d'ampleur qu'aucune de celles qu'il avait pu connaître avant. L'enfermement et la proximité constante multipliaient tout par deux.
Tant et si bien que pour certains, quitter le Pensionnat revenait à perdre autant que ce à quoi ils avaient renoncé en poussant cette porte.
C'était ce qu'il craignait, la main d'Iwasara posée sur la sienne, l'esprit empli de questions auxquels personne ne pouvait répondre. Plus le temps passait, plus la sortie allait être difficile. Ils ne savaient même pas s'ils se souviendraient de quoi que ce soit. Peut-être que, en repassant cette porte, tous leurs souvenirs de l'intérieur seraient effacés.
Et dans tous les cas, ils seraient séparés. Emrys faisait de son mieux pour y croire mais, même en se tenant la main, il ne parvenait pas à s'imaginer que chacun ne retourne pas dans sa propre réalité. Or laisser ses deux amis les plus chers retourner dans des mondes qui ne réservaient pour eux que mélancolie, horreur ou mort prématurée ne l'enchantait pas. Loin de là.
C'était un problème sans fin.

« Ne dis pas n’importe quoi. Je me sens vraiment mieux depuis que tu es là. »

Ce simple sourire l'apaisa quelque peu. Il était soulagé de savoir qu'il pouvait l'aider d'une façon ou d'une autre, bien sûr ; pourtant cela n'enlevait rien au problème. Elle n'irait pas mieux en un claquement de doigt et, sur la distance, ils n'étaient même pas sûrs de pouvoir un jour pousser cette porte dans l'autre sens. C'était horrible, de se sentir à ce point impuissant. Ils auraient dû être suffisamment nombreux pour trouver une faille, une brèche...
Au lieu de ça, tout ce qu'ils pouvaient faire était prendre leur mal en patience et espérer. Ce qui était loin de le satisfaire. Il fallait à tout prix qu'ils trouvent un moyen de s'enfuir de là, c'était la première et unique chose qui aurait dû occuper leurs esprits à tous.
Lui, en parallèle à cela, comptait bien trouver un moyen d'épargner à ceux qu'il aimait un retour dans un monde inhospitalier.

« Je vais bien, ne t’en fais pas ; c’est passager. Je suis désolée, je ne devrais pas me laisser aller. Comment tu vas, toi ? Tu faisais une drôle de tête en arrivant. »

Un bref signe de la tête, tout d'abord, pour lui faire comprendre qu'il n'y avait aucun mal. Il préférait qu'elle ait des moment de laisser-aller et de tristesse ; tout garder pour soi était aussi dangereux qu'auto-destructeur. Puis il posa sur elle un regard sincèrement étonné. Une drôle de tête ? Sa mémoire fit instinctivement le tour de ce à quoi il avait bien pu penser en partant marcher dans le parc, et il en vint à la conclusion qu'hormis son enfermement et la chaleur il n'avait songé à rien en particulier.
La chaleur...
Sa main gauche, entre eux, pianota de manière absente contre la marche. Il évita sans s'en rendre compte de croiser le regard d'Ayumi et, avec un sourire qu'il espérait convaincant, décida de dissiper toute inquiétude sans tarder.

« Je vais bien, répondit-il avec un haussement d'épaules qui ne voulait rien dire. Je devais juste me dire qu'il fait un peu trop chaud. »

Il faisait frais, pourtant. Ayumi ne semblait pas avoir bien chaud malgré son pull ; lui, en partie à cause de sa veste, préferait déjà rester à l'ombre.
Mais ça ne voulait rien dire, non ? Beaucoup de personnes n'aimaient pas mourir de chaud, et pour ceux qui n’affectionnaient pas la mer et les baignades l'hiver était une saison bien plus attrayante. Puis il n'avait pas vraiment menti en disant aller bien – il allait bien. Pas plus mal que d'habitude. Son dos lui faisait mal, oui, et il le ressentait un peu plus ces derniers temps. Mais les courbatures et bouffées de chaleur, beaucoup les subissaient. Il ne mentait pas. Il ne faisait qu'omettre certains...
Détails, hein ?
Devant quelqu'un qui n'hésite pas à vous confier ses états d'âme, difficile de ne pas se sentir coupable. Il lui cachait quelque chose que, légitimement, elle était en droit de savoir.
Mais impossible d'aborder le sujet.

« Qu'est-ce que tu fais là, d'ailleurs ? Il est encore tôt. »

Disant cela il se tourna à demi pour voir l'entrée du temple, évitant consciencieusement l'éclat grenat à sa gauche.


Dernière édition par Emrys Sulwyn le Dim 9 Déc 2012 - 6:24, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Et l’oiseau désespère... [Emrys]   Et l’oiseau désespère... [Emrys] Icon_minitimeSam 25 Aoû 2012 - 15:15

    En fait, malgré tous les efforts qu’elle faisait pour oublier, Ayumi ne s’en sortait pas. C’est comme ça les idées fixes, ça vous tourne dans la tête, surgissant d’un recoin alors même qu’on croyait les avoir oubliées, prenant de l’ampleur jusqu’à occuper tout l’espace et devenir une obsession. Ce n’était pas seulement l’enfermement, mais également la certitude qu’au bout du voyage, il n’y aurait pas de solution à son problème. Iwasara détestait cette cage où on l’avait enfermée. Mais pour la première fois de sa vie, elle avait trouvé des êtres à aimer ; le fait que ces gens se trouvent prisonniers avec elle au fond de cette boîte magique était peut-être le fruit du destin, mais alors, que ce destin était cruel ! Elle voulait s’enfuir et elle voulait rester. Sortir, mais conserver auprès d’elle ceux dont, sans le Pensionnat, elle aurait été séparée par des centaines d’années et plusieurs continents. Comment concilier son désir de liberté et cette affection cruelle qui lui dévorait le cœur ? Il aurait fallu, pour gagner l’un, abandonner l’autre, et elle ne se croyait pas capable de faire un tel choix. Elle ne pouvait pas rester immobile sans se battre, et elle ne pouvait pas retourner de son plein gré là où ne l’attendaient que solitude et mélancolie. Alors à force de chercher à conquérir sa liberté, elle ne ferait que se rapprocher de l’alternative de ce choix impossible, et cela, elle ne le voulait pas. Elle était coincée, comme devaient l’être tous ceux qui avaient eu la faiblesse de se laisser aller à vivre, quand il aurait fallu résister jusqu’au bout pour ne pas souffrir. Mais comment attendre d’eux une chose pareille ? Là, pensait-elle, était le piège le plus pernicieux du pensionnat. Là était sa plus cruelle torture. Non, elle ne savait pas quoi faire, comment briser cette situation, et elle craignait de ne jamais le savoir.
    Glissant un regard à Emrys, la jeune femme sentit que les mêmes réflexions le tourmentaient. Au fond, tous les pensionnaires les connaissaient, ces angoisses, blotties tout au fond d’eux tandis qu’ils s’efforçaient de noyer la douleur dans l’illusion d’une vie nouvelle. Parfois, elle se surprenait à envier Aphrodite et Courtney, qui clamaient haut et fort leur refus de quitter le Pensionnat ; parfois, elle aurait aimé se laisser convaincre.
    Il n’y avait pas de solution. Pas d’autre rempart que cette chaleureuse illusion.

    « Je vais bien. Je devais juste me dire qu'il fait un peu trop chaud. »
    Ayumi avait beau avoir vécu presque seule pendant des années, abandonnée par des parents laxistes, elle avait beau avoir fait partie de groupes de jeunes, survécu dans la rue, avoir été désillusionnée de la vie qu’elle menait très tôt, elle n’avait jamais été proche de personne dans sa « vie antérieure ». Quelques amitiés par-ci par-là, mais à Ame, l’entraide n’était pas la vertu du monde, qui préférait que chaque individu se préoccupât de lui-même. C’est pourquoi elle n’était pas accoutumée aux faux-semblants, à ces petits mensonges qu’on dit parfois pour préserver l’autre, à ces secrets qu’on craint de révéler. Au fond, elle était certainement encore trop naïve vis-à-vis des autres ; c’est pourquoi le regard du jeune homme s’échappant sur le côté ne l’alerta pas. Pas plus qu’une soudaine nervosité, ou une retenue dans la voix.
    Après tout, elle n’avait jamais eu aucune raison de douter de ses nouveaux amis. Aucune raison de douter des paroles d’Emrys. De toute manière, jamais elle n’aurait envisagé que quoi que ce soit provenant de lui puisse la blesser ; elle l’aimait, après tout. Et la réciproque était encore plus importante.
    Alors s’il disait qu’il était simplement incommodé par la chaleur, Ayumi ne pouvait qu’hocher la tête, compatissante. Pour sa part, n’ayant jamais connu l’éclat chaleureux d’un soleil d’été, elle ne pouvait qu’apprécier ce rayonnement au maximum. Lorsque le temps se réchauffait, elle, au contraire, rayonnait ; sentir la froideur se dissiper au bout de ses doigts engourdis, la lumière imprégner sa peau, la revigorait comme elle ne l’aurait jamais cru envisageable. Difficile de s’étonner de la morne apathie des peuples de son temps, privés de cette lumière.

    « Qu'est-ce que tu fais là, d'ailleurs ? » Enchaina-t-il rapidement, tourné en direction de quelque chose qu’Iwasara ne pouvait voir.« Il est encore tôt. »
    La jeune femme sourit gentiment :

    « Je voulais aller voir la barrière invisible au fond de la forêt. Mais elle se trouve plus loin que je l’avais imaginé. » Estimant qu’il n’y avait pas grand-chose à ajouter à ce sujet, elle en profita pour ajouter : « Tu n’aimes pas la chaleur ? Je ne savais pas. Tu préfères qu’on rentre, peut-être ? »
    Un coup d’œil vers l’ombre du temple l’assura que la température devait y être plus clémente, assurément. Sinon, ils pouvaient toujours retourner au manoir.
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MessageSujet: Re: Et l’oiseau désespère... [Emrys]   Et l’oiseau désespère... [Emrys] Icon_minitimeMar 4 Sep 2012 - 23:22

« Il y a forcément une solution » ; c'est comme ça qu'on tient le désespoir à distance. En attendant une réponse, un signe, un n'importe quoi. Comme des naufragés perdus en pleine mer, ils fixaient le ciel en quête d'une échappatoire. Repoussaient l'inévitable. S’accrochaient à ce qu'ils pouvaient parce que, tant qu'ils seraient enfermés dans cet endroit, ces petites choses qu'il refusaient de lâcher seraient leur seule et unique protection. Contre l'acceptation, l'abandon, la folie – contre tout et n'importe quoi. On ne peut pas s'imaginer ce que ça fait, de se savoir seul au milieu de nulle part. Être enterré sous terre, voir les chiffres défiler et savoir, savoir pertinemment que rien ni personne ne les empêchera d'avancer. On ne peut pas se l'imaginer.
Alors bien sûr, qu'ils se voilaient la face. Emrys aurait été incapable d'assimiler la vérité brute de son enfermement. Vouloir sortir, c'était sa bouée de sauvetage. Se dire qu'il finirait par rentrer chez lui l'aidait à supporter l'attente. Il s’efforçait de ne pas penser au reste, de ne pas se compliquer la tâche. Il sortirait. Ils sortiraient tous et la vie reprendrait ses droits, point. Vouloir rester était complètement... Impossible.
La vérité n'avait pas que du bon ; la logique non plus. Se répéter sans cesse que sortir était la seule et meilleure option possible l'empêchait de penser à l'autre alternative. L'idée qu'une réflexion posée puisse lui prouver le contraire le terrorisait.
Dans quel cas était-ce de la lâcheté ? Abandonner ses amis pour rejoindre sa réalité, ou abandonner sa liberté et accepter son sort ?
Il n'en avait pas la moindre idée.

Toutes ces questions, cumulées à ses propres problèmes, commençaient à former un amas inconsistant au creux de son estomac. D'ordinaire il parvenait à les laisser de côté, mais maintenant qu'Ayumi avait soulevé le problème, qu'elle avait mit des mots dessus, il peinait à le faire disparaître de nouveau. L'angoisse est un sentiment fort. Très fort. L'enterrer prendrait encore quelques minutes, peut-être même quelques heures. Ce n'était qu'une tranquillité d'esprit envolée, rien de plus ; mais lui, qui colmatait avec tant de soin la moindre brèche, souffrait réellement de les sentir s'infiltrer dans celle qui venait d'être ouverte.
Il aurait presque pu s'inquiéter de l'endroit où il avait laissé Bilboquet ou encore de l'état dans lequel pouvait se trouver la cuisine. Comment faire autrement ? Il ne s'agissait que de maintenir ses vraies peurs le plus loin possible.

Plutôt que de le rassurer, le hochement de tête de la guitariste ne fit qu’ajouter à son malaise. Il aurait presque préféré qu'elle plisse les yeux, lui pose des questions, mette sa parole en doute. Peu importe quoi pourvu que l'initiative de la discussion vienne d'elle et pas de lui. C'était complètement lâche et égoïste, c'était refuser de porter la responsabilité de ses propre choix ; c'était vouloir être dos au mur, sans autre alternative. Parce que s'il n'y était pas contraint, il n'était pas sûr d'en être capable.
Il allait bien falloir, pourtant.

« Je voulais aller voir la barrière invisible au fond de la forêt. Mais elle se trouve plus loin que je l’avais imaginé. »

Emrys assimila l'information sans rien dire, comme soucieux de ne pas ramener les angoisses de la jeune femme à la surface. La forêt n'était pas un lieu sûr, et ce pour personne : s'y rendre, même de jour et en plein été, comportait des risques.
Inutile de dire qu'il n'avait pas envie de la savoir là-bas.

« Tu n’aimes pas la chaleur ? Je ne savais pas. Tu préfères qu’on rentre, peut-être ? »

Sourire gêné. Il ferait plus frais à l'intérieur, sûrement... De là à savoir si ça changerait quoi que ce soit, rien n'était moins sûr. Il avait appris, à force de temps et de questions, que les seules solutions à son problème se trouvaient, en définitive, dehors.
Voilà une autre raison en faveur de la sortie. Il pourrait la marquer quelque part ; dans un carnet, par exemple. Pour tenir le compte.
Après quelques secondes il acquiesça et, presque dans un même mouvement, se redressa sur ses pieds.

« Je veux bien, oui. »

En attendant qu'Iwasara l'imite, il fit quelques pas en direction de l'entrée.
Juste avant de passer d’extérieur à intérieur, il marqua une hésitation.

« Je suis jamais rentré dans un lieu de culte, en fait. » Et ça, c'était bien de la faute de ses parents. « Je me demande pourquoi ils ont pris la peine d'en mettre un là. »

Et quelle importance ? La religion pouvait bien en tenir certains tranquilles. Ce Temple avait à peu près autant de raison d'être que la bibliothèque. Personne ne s'en plaignait.
Allez, ravale ton malaise et rentre.
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MessageSujet: Re: Et l’oiseau désespère... [Emrys]   Et l’oiseau désespère... [Emrys] Icon_minitimeLun 10 Sep 2012 - 21:56

    Iwasara se remit debout, calant d’un geste qui était devenu une partie de son attitude même la sangle de sa guitare sur son épaule droite. Si c’était ce que préférait Emrys, alors elle n’avait aucun problème avec le fait de changer d’endroit ; elle avait beau aimer le soleil, ce n’était pas pour autant qu’elle avait l’intention d’y exposer son entourage si cela lui déplaisait.
    Les semelles de la jeune femme claquèrent discrètement contre les marches de marbre lorsqu’elle s’avança dans l’ombre du temple dont les hautes colonnes et l’architecture géométrique ne lui rappelait rien de ce qu’elle avait jamais connu. Entrant à la suite de l’anglais, Iwasara s’arrêta au bout de quelques pas pour lever les yeux vers la voûte de pierre blanche.

    « Je suis jamais rentré dans un lieu de culte, en fait. Je me demande pourquoi ils ont pris la peine d'en mettre un là. »
    « Parce que ceux qui désespèrent ont besoin de croire. »
    Les mots s’étaient échappés des lèvres de la jeune femme, comme animés d’une volonté propre ; cependant ils étaient le reflet exact de sa pensée. Parce que lorsque l’humanité qui l’avait enfantée avait perdu tout espoir, lorsqu’elle avait sombré dans les ténèbres, c’était la foi en une existence supérieure qui l’avait redressée. Parce que c’était par une foi semblable qu’elle-même avait trouvé la volonté pour se débattre dans les méandres de ce labyrinthe gluant de pluie qui avait été sa matrice ; c’était un tel culte, quand bien même il n’aurait supposé la vénération d’aucun dieu, qui l’avait menée là où elle était aujourd’hui.
    Dit de cette manière, ce n’était peut-être pas une bonne chose. Mais Iwasara ne voulait pas réfléchir à l’endroit où elle pourrait se trouver aujourd’hui si l’espoir ne lui avait pas été insufflé par une quelconque croyance. Misérable sans doute, morte peut-être. Il y avait des choses pires que l’enfermement à vie, et au fond d’elle-même, malgré son insistance à le nier, elle savait que c’était vrai.
    Un faible écho accompagna les quelques pas de la guitariste vers le fond de la salle. Elle lui semblait immense et glacée, malgré les dorures qui tentaient de donner aux murs un faste impressionnant. Mais c’était ainsi que, selon Ayumi, se devaient d’être les lieux de culte ; immenses et vides, reflets de ceux qui venaient y prier. Tout le reste n’était qu’artifice, puisqu’il avait été prouvé que Dieu lui-même n’existait pas. Selon les philosophes de son époque, la Foi était autre chose que la simple adoration ; Iwasara l’entendait, et de nombreuses générations avant elle avaient suivi cette doctrine. Mais était-ce pour cela qu’elle était vraie ? Sans doute ne le saurait-on jamais ; mais malgré tout, la guitariste pensait qu’il y avait quelque chose de spécial dans ces endroits sacrés. Une importance que seuls les croyants leur donnaient.

    « C’est étonnant que tu n’en aies jamais vu ; chez moi il n’y avait plus de temples, mais… tout de même. »
    Sur la Terre dont elle venait, la propagande de dieux factices était directement diffusée dans les rues. La foi en la voie angélique, elle, était nettement plus obscure et personnelle… Mais il n’empêchait qu’on pouvait trouver des lieux de culte dans les grandes villes. De simples pièces blanches dépouillées de tout ornement où on pouvait enfermer certains réfractaires pendant des semaines.
    Et jamais personne ne s’était interrogé sur la barbarie de tels actes.

    « Est-ce que par hasard il n’y aurait pas de religion à l’époque d’où tu viens ? » Demanda-t-elle avec simplicité.
    Il fallait accorder à Iwasara qu’elle n’avait jamais beaucoup étudié le début du millénaire ; après tout, avec la maigre éducation qu’on lui avait prodigué, l’inverse aurait été étonnant. L’époque d’Emrys revêtait donc pour elle l’aspect d’un épais mystère, quand bien même elle se doutait, par les détails qu’il lui avait fournis, qu’elle ne devait pas tant différer de la sienne.
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MessageSujet: Re: Et l’oiseau désespère... [Emrys]   Et l’oiseau désespère... [Emrys] Icon_minitimeMar 25 Sep 2012 - 13:59

« Parce que ceux qui désespèrent ont besoin de croire. »

La réponse d'Ayumi, sans vraiment le prendre de court, l'astreint pourtant au silence. Dès qu'il s'agissait de religion ou de croyance, même la plus bénigne des affirmations revêtait un aspect extrêmement personnel. Pour Dieu les hommes avaient tué, idolâtré, brûlé et soulevé des montagnes : au nom de Dieu, peu importe l'appellation ou l'apparence que l'on voulait lui donner, les hommes avaient fait preuve de la plus grande des bonté et commis les pires atrocités.
La foi, en soi, était un concept très intime. Emrys ne se sentait pas en droit de remettre quoi que ce soit en question à ce sujet.
Alors il acquiesça, pensif, et attendit que quelques mètres le séparent de la guitariste avant de n'entrer à son tour. L'atmosphère du temple, plus fraîche et légère, enleva un lourd poids de ses frêles épaules.
Si ceux qui désespéraient avaient besoin de croire, très bien : c'était une façon comme une autre de faire face à l’inacceptable. S'en remettre à quelque chose d'autre, joindre les mains et se laisser bercer par l'assurance d'un monde meilleur. Se dire que peu importe les difficultés face auxquelles l'on se trouvait, des prières prononcées sans un seul mot, à genoux sur un sol dur et froid, pouvaient redonner la force de se redresser et de continuer. C'était une belle chose, dans le principe ; il ne le niait pas. Lui aussi aurait aimé pouvoir fermer les yeux et toujours avoir quelque chose auquel se raccrocher.
Pourtant, il ne le ferait pas. Ou plus, en tout cas.

Ses yeux bleus épièrent sans réelle curiosité les quelques décorations qui tapissaient l’intérieur des lieux, désireux de laisser ce silence s'étendre encore un peu. Cet endroit en lui-même le mettait mal à l'aise ; peut-être parce que, tout simplement, il ne s'y sentait pas invité. Pour ceux qui avaient une quelconque foi, ceux qui croyaient en quelque chose, n'importe quoi, ce Temple avait une raison d'être : pas pour lui.
Sûrement était-ce un sentiment commun à tout les athées. Il se sentait un peu hypocrite, de mauvaise foi. Rien que le temps ne saurait faire passer.

« C’est étonnant que tu n’en aies jamais vu ; chez moi il n’y avait plus de temples, mais… tout de même. »

Les yeux dans le vague, il plongea distraitement ses mains dans ses poches. Vu, si ; de l’intérieur, non. Ou jamais dans un cadre autre que celui d'une visite scolaire, par exemple – or ça n'avait strictement rien à voir. Son père n'était pas croyant et sa mère, du plus loin qu'il s'en souvienne, lui avait toujours répété ne pas avoir besoin d'aller à l'église pour prier et être entendue. Après le divorce de ses parents, il avait continué de se considérer croyant sans pour autant fréquenter les bancs durs et froids de la messe. Pas que ça lui ait manqué ; à l'époque, il se contentait de considérer Dieu comme partie intégrante de ce monde, sans en parler ou incendier les autres s'ils venaient à insinuer le contraire. C'était une affaire personnelle, quelque chose qui le concernait lui et lui seul.
Le britannique observa sans insistance la silhouette d'Iwasara, dont il s'était rapproché à mesure qu'il avançait. Maintenant, la religion n'avait pour lui pas plus d'importance que les contes de fée. Il la respectait pour ne froisser personne. Rrien de plus, rien de moins.

« Est-ce que par hasard il n’y aurait pas de religion à l’époque d’où tu viens ? »

Le bruit de ses pas cessa alors qu'il s'arrêtait, pas plus songeur qu'il n'était intrigué. Une fois que l'on s'était habitué aux questions concernant le monde et les époques, elles cessaient de paraître hors de propos.

« Si, il y en a. Il y en a même presque trop, en fait, ajouta-t-il avec un sourire. Des religions très importantes, d'autres dont je ne connais même pas le nom... Beaucoup de lieux différents et encore plus de problèmes. »

Une certaine amertume vint se diluer dans ses derniers mots. Quand il avait cessé de croire, les bons côtés de la foi avaient tôt fait de ne plus être qu'une minuscule bulle irisée au centre d'une mer houleuse de critiques.
Il vivait aussi bien sans, vraiment. Sa vie n'était pas moins belle, ses convictions toujours aussi fortes. Oui ; il se débrouillait aussi bien seul.

« Mon père n'est pas croyant et je ne le suis plus, ajouta-t-il d'une voix presque absente. Alors évidemment... Mais les églises étaient encore très fréquentées quand je suis parti, tu sais. »

'Parce que ceux qui désespèrent ont besoin de croire', sans doute. Pourtant, c'était le désespoir qui l'avait amené à s'éloigner de la religion ; comme quoi il n'y avait pas qu'une façon de réagir au même problème.

« En quoi tu crois, toi ? »

Ni curiosité mal placée ni ton inquisiteur, non. Rien qu'un intérêt réel, loin d'être indifférent à l'affection qu'il portait à la jeune femme.
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MessageSujet: Re: Et l’oiseau désespère... [Emrys]   Et l’oiseau désespère... [Emrys] Icon_minitimeSam 13 Oct 2012 - 23:06

    Iwasara inspira une bouffée d’air frais. Elle avait beau chercher, elle ne ressentait aucune présence dans ce lieu de pierre et de marbre qui les entourait. Rien qui puisse lui donner le sentiment de pouvoir demander de l’aide, rien qui puisse l’encourager à espérer. Ce n’était qu’une pièce vide aux murs creux, rien de plus. Un cube gris et froid, à l’écho désincarné.
    C’était si triste, au fond. Comme s’il n’y avait plus rien à espérer de cet endroit déserté par la foi et la chaleur. Comme si, l’espoir envolé, les dieux avaient décidé de le suivre ailleurs. En abandonnant ici-bas tous les croyants.
    Iwasara avait beau ne pas adhérer du plus profond du cœur aux tournures ampoulées et aux poèmes épiques des anciennes religions, cette idée presque romanesque avait pour elle quelque chose d’émouvant.

    « Si, il y en a. Il y en a même presque trop, en fait. Des religions très importantes, d'autres dont je ne connais même pas le nom... Beaucoup de lieux différents et encore plus de problèmes. »
    La réponse d’Emrys laissa la jeune femme songeuse. Plus il lui parlait de son monde, plus elle se rendait compte qu’il ne devait pas être si différent de celui dont elle venait, quand bien même il y aurait des siècles qui les sépareraient. Mis à part la destruction environnementale globale et la misère qui en avait découlé, Iwasara avait bien l’impression que l’humanité n’avait pas évolué d’un pouce depuis le début du XXIème siècle ; toujours aussi vaine, aussi égarée comme se plaisaient à le répéter jusqu’à la lie certains prêcheurs. Cette laideur était juste remontée à la surface et avait obscurci le ciel, elle avait plongé les hommes dans la boue. Mais certains vivaient toujours dans un confort égal, voire supérieur, aux anciens de la civilisation.
    Ils n’avaient juste plus de fleurs ou de ciels bleus à exposer sur leurs cartes postales – mais quelle importance, quand n’importe qui peut projeter une ambiance de prairie sur les murs de son appartement d’un simple claquement de doigts ?
    Illusion. Le maître-mot de cette humanité à la dérive ; celui qu’Iwasara n’arrivait pas à saisir quand elle tentait d’y réfléchir.
    Il était incroyable d’imaginer que l’homme ait pu détruire le radeau sur lequel il se trouvait pendant des décennies, le regarder partir en lambeaux et, plusieurs siècles plus tard, se réveiller chaque jour dans le même état que lorsque l’herbe était encore verte.

    « Mon père n'est pas croyant et je ne le suis plus. Alors évidemment... Mais les églises étaient encore très fréquentées quand je suis parti, tu sais. »
    La japonaise resta silencieuse, respectueuse de cette tension qu’elle sentait soudain dans la voix de son compagnon. Elle jeta un coup d’œil dans sa direction ; il avait l’air ailleurs.

    « En quoi tu crois, toi ? »
    Iwasara battit des cils ; puis elle se retourna vers l’autel nu et ferma les yeux.

    « Je crois qu’il est toujours possible de se relever quand on est à terre ; que personne n’est condamné à ramper pendant toute sa vie. Je crois en l’espoir et en l’art. »
    Rouvrant les paupières sur ses yeux pourpres, elle fit dériver son regard jusqu’à Emrys, à qui elle adressa un petit sourire d’excuse.

    « Ça semble sûrement assez naïf, dit comme ça mais… »
    La destruction, la descente des anges, tout cela avait changé les perspectives de son temps, Ayumi s’en rendait maintenant compte. Et elle ne savait pas bien comment le prendre. Sa guitare battant contre l’épaule, la jeune femme se tourna à demi vers l’anglais.

    « Et toi ? Qu’est-ce qui t’a fait perdre la foi ? »
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MessageSujet: Re: Et l’oiseau désespère... [Emrys]   Et l’oiseau désespère... [Emrys] Icon_minitimeMer 21 Nov 2012 - 13:49

« Je crois qu’il est toujours possible de se relever quand on est à terre ; que personne n’est condamné à ramper pendant toute sa vie. Je crois en l’espoir et en l’art. »

Elle avait fermé les yeux ; il garda les siens grands ouverts. Le regard dirigé vers elle puis, quand il crut qu'elle allait rouvrir ses paupières, vers une fissure sur le mur qui lui faisait face. L’édifice avait beau sembler froid et usé, il tenait encore – et serait sûrement là longtemps après qu'eux se soient écroulés. Ce n'était même pas déprimant. Juste doucereux. Après tout, les bâtiments qui avaient le mieux tenus étaient ceux qui dataient de civilisations bien antérieures à la sienne : son siècle n'avait jamais réussi à construire quoi que ce soit d'aussi solide. Ou esthétique.
Il était né et avait grandi à une époque où tout était temporaire et jetable ; que sa foi n'ait pas tenu était peut-être, finalement, la suite logique des choses.
L'espoir et l'art étaient pourtant de belles valeurs. Se relever, ne pas être condamné à ramper. Il acquiesça, plus pour lui-même que pour la guitariste dont la silhouette, à quelques pas de là, se découpait maladroitement dans l'angle de ses yeux détournés. Se relever n'était pas si difficile, ou du moins y était-il toujours parvenu jusque là. Il croyait d'ailleurs fermement que, avec un peu d'aide, n'importe qui pouvait se redresser sur ses deux jambes.
Le plus difficile était plutôt de rester debout ensuite.

« Ça semble sûrement assez naïf, dit comme ça mais… »

Au sourire d'Ayumi, quand il reposa sur elle ses yeux bleus, l'anglais répondit par un autre sourire. Il ne comptait pas questionner sa naïveté : il la connaissait suffisamment pour savoir qu'elle n'était ni stupide, ni franchement crédule. Croire n'était pas une marque d'idiotie. C'était simplement... Une façon différente de voir les choses.
Tant que ça ne blessait personne, ce n'était pas blâmable.
Et à vouloir trop s'élever, on rendait la chute inévitable. C'était une des raisons pour lesquelles, souvent, son père lui avait dit de ne pas hésiter à courber l'échine si la situation l'imposait. C'était plus difficile à appliquer que ça en avait l'air.

« Et toi ? Qu’est-ce qui t’a fait perdre la foi ? »

Un léger mouvement du poignet et sans prévenir, sans qu'il y prête attention, il s'appliqua à martyriser ses phalanges. Un 'hm' dubitatif, pour se donner le temps de réfléchir ; un sourire maladroit le temps que ses idées se mettent en place. Pourquoi il avait perdu la foi, pourquoi... Il n'était même pas sûr de le savoir lui-même. Ce n'était pas parce qu'il aurait pu se considérer comme une 'erreur' de Dieu ; ce n'était pas non plus parce qu'il avait commencé à trouver la religion stupide. C'était juste... Arrivé. Peut-être qu'il en avait eu assez qu'on ne réponde pas à ses prières. Ou peut-être que c'était juste devenu trop difficile à supporter. Ou peut-être était-ce tout simplement que, comme beaucoup d'autres choses à ce moment de sa vie, il l'avait envoyée valser dans un élan de colère. La religion ne l'avait pas aidé ? Très bien ; il ferait sans.
Maintenant qu'il y pensait, son comportement de l'époque avait été assez...

« Je crois que j'ai juste... » Il hésita, mal à l'aise. « Oublié comment faire. Laissé tomber. »

Un haussement d'épaule, comme pour signifier que ça n'avait aucune importance ou encore chasser ce poids qui menaçait de s'y installer. Il s'éclaircit la gorge, gêné, avant d'étirer ses bras devant lui. Ça n'avait réellement aucune importance, de toute façon : qu'il n'ait jamais eu la foi ou qu'il l'ait perdue – et comment ça avait pu se produire –, dans tous les cas il ne l'avait plus. Le résultat était suffisant, les raisons...
On les passe à la trappe, elles ne manqueront à personne. C'est ça, serre ta veste contre toi.

« Ça fait longtemps, de toute façon. C'est pas très important, ou très... Joyeux. » Bras croisés, serrés contre son torse, il esquissa l'ombre d'un sourire. « J'ai... pas envie de me prendre la tête. »

Ces derniers mots chutèrent dans l'air un peu lourdement, sans conviction ; comme si, à mesure qu'il parlait, il s'était rendu compte que ce souhait était totalement hors de propos. Vu leur situation, espérer être tranquille revenait à attendre sans rien faire. Non – vu sa situation. Il n'était pas question d'enfermement.
Mais, malgré tout.

Il alla pour ajouter quelque chose ; se retint.
Pendant ce qui ne fut qu'un instant, il aurait presque pu se plaindre du froid.

{ Ça y est, je sais plus RP TT }
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MessageSujet: Re: Et l’oiseau désespère... [Emrys]   Et l’oiseau désespère... [Emrys] Icon_minitimeLun 3 Déc 2012 - 1:25

    Idiote et inutile. C'était ce que son père aurait utilisé comme mots pour la qualifier, si elle avait un jour osé parler d'une telle manière devant lui. Inconsidérée et puérile, aurait dit sa mère. Crédule, mais marrante. Ça, ça aurait été les jeunes de son quartier - si elle pouvait qualifier ainsi le bidonville dans lequel elle avait passé toute son enfance. Et pourtant, dans la rue, derrière façades et dérobades, il y avait de sincères blessures, des désirs de changements. Les réveiller chez les autres, c'était ce qu'elle avait voulu. Les crier à cette ville toute entière, cette cité moribonde, voilà ce qu'elle avait tenté, avec sa voix, avec ses doigts, avec son corps et toute son âme.
    Et tant pis si cela paraissait stupide. Ou inconsidéré.
    Elle ne voulait pas perdre cet espoir si fragile. Elle voulait l'entretenir comme une petite flamme, le protéger jusqu'à la fin.
    Parfois cette flamme pouvait vaciller. Et parfois, comme maintenant, le fait qu'on l'écoute sans dénigrer ses paroles, sans tenter de briser cet espoir par des arguments rationnels, la faisait gonfler. Peut-être qu'elle était sur le point de surmonter ses craintes, elle.
    Elle. Elle avait senti l'hésitation dans la voix d'Emrys, sans d'abord la souligner.

    « Je crois que j'ai juste... Oublié comment faire. Laissé tomber. » Murmura-t-il, assortissant sa réponse d'un geste vague, comme si cela ne lui importait que peu.
    Iwa ne répondit rien. Elle accepta avec un très faible effort l'idée que l'anglais énonçait avec une feinte conviction ; au fond, elle n'était pas dupe. Elle connaissait maintenant assez Emrys pour savoir déceler quand quelque chose n'allait pas. Elle pouvait en conclure que ce sujet n'était pas le plus joyeux qu'elle aurait pu aborder.

    « Ça fait longtemps, de toute façon. C'est pas très important, ou très... Joyeux. J'ai... pas envie de me prendre la tête. »
    La jeune femme resta silencieuse. Elle se rendit compte, avec un certain désarroi, que les paroles réconfortantes n'étaient pas son fort. N'ayant jamais reçu beaucoup de tendresse, ou même de la sollicitude, Iwasara avait parfois du mal à en faire preuve. Ne sachant pas comment faire, sans doute, tout simplement. Et pourtant. Et pourtant, le fait de voir Emrys comme ça lui aurait fait accomplir beaucoup plus. Le jeune homme n'était pas quelqu'un d'un naturel triste ; elle n'aimait pas le voir ainsi, les bras serrés contre son corps comme s'il avait froid. Cela ne lui rappelait que trop ce qu'elle avait jadis ressenti, seule sous une pluie glaciale sans parapluie pour l'en sauvegarder.
    Elle ne voulait pas que les gens qu'elle aimaient aient à subir une telle souffrance. Elle ne voulait pas de douleur. Pas de tristesse.
    Iwasara aurait pu croire que son corps avait agi spontanément, peut-être. Mais cela n'avait pas d'importance. La jeune femme fit quelques pas vers Emrys, posa une main sur son épaule et se glissa en face de lui. Puis, se haussant légèrement sur la pointe des pieds, posa une main sur la sienne et l'embrassa sur la joue ; juste un peu de chaleur. Juste te dire "je suis là". Juste ça, si ça peut servir à quelque chose, encore.
    La japonaise envisagea quelques mots, mais se ravisa au dernier moment. Si elle n'avait pas l'intention de continuer sur un sujet qui lui déplaisait, elle n'avait pas besoin de le dire. Si, un jour, il avait envie de lui parler, alors il savait qu'il le pouvait toujours.
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MessageSujet: Re: Et l’oiseau désespère... [Emrys]   Et l’oiseau désespère... [Emrys] Icon_minitimeDim 9 Déc 2012 - 21:33

Emrys voulut tendre les bras, craint de les décroiser ; ne fit rien. Les épais murs du temple avaient beau le couper du vent – s'il soufflait en premier lieu –, il ne pouvait s'empêcher de serrer sa veste contre lui. Ça ne le protégeait de rien du tout, non, ça ne l'aidait pas même à se sentir plus à l'aise : ce n'était rien de plus qu'un bête réflexe. Pour se rassurer, se cacher, peut-être. Un psychologue aurait sûrement pu trouver mille raisons à son geste sans que lui n'en comprenne un traître mot. Tout ce qui importait était ses bras serrés contre lui, et peu importe pourquoi ou comment. Les actes lui suffisaient.
Iwasara se tut. Il pensa le sujet clôt. Et autant d'un côté il aurait préféré qu'elle commente – le pousse à dire quelque chose, n'importe quoi – autant il ne put que se sentir rasséréné par l'attitude de la jeune femme. Sa seule présence, généralement, suffisait à chasser cette sensation d'oppression qui enserrait parfois sa poitrine. Peut-être était-il trop stupide et romantique, mais la simple certitude de sa main serrée dans la sienne aurait été bien assez pour le pousser à se redresser. Sa tristesse était passagère, rien de plus. Comme toujours.
Et ça, il le savait. C'était bien là le problème. Il n'avait jamais été doué pour les projets à long termes s'ils impliquaient autre chose que des lignes floues et des souhaits.
Alors quand son amie posa une main sur son épaule, face à lui, il se contenta de chercher son regard. Parce qu'elle était suffisamment respectueuse pour ne pas l'obliger à quoi que ce soit, que lui avait appris à sourire et apprécier ce qu'il imaginait être de la confiance. Il l'aimait aussi sincèrement qu'il ne voulait pas la perdre ; tout simplement. Le vrai dilemme était de savoir si ses quelques silences empêchaient leurs doigts de se desserrer ou si, au contraire, ce serait eux qui les ferait se lâcher. Qui vivra verra, c'est bien ça ? Les lèvres d'Ayumi contre sa joue, rassurantes, lui tirèrent un sourire de remerciement. C'était vraiment injuste de sa part, d'être si attentionnée. Elle pouvait difficilement avoir le mauvais rôle dans une situation pareille.
Ça le faisait se sentir coupable. Juste un peu, comme un pincement au cœur. Comme à chaque fois c'était passé, il ne s'en était jamais trop inquiété ; repousser à plus tard n'avait fait que l'enfoncer plus profondément dans le mensonge. Au bout d'un moment, on risque la noyade.
Mais elle l'aurait sorti de l'eau, n'est-ce pas ? Il n'en doutait pas.
Décidant finalement de desserrer les bras, il saisit la main de la guitariste dans la sienne. Pour faire durer le silence, comme quand il avait vraiment pu la serrer contre elle pour la première fois. Il voulait, s'il ne pouvait apaiser entièrement ses craintes, du moins rendre son enfermement plus supportable. S'ils étaient coincés dans un mauvais livre, il allait falloir déchirer la dernière page pour pouvoir en sortir.
Sa prise se raffermit ; consciemment ou pas, il étouffa ses peurs sous une fine couche d'apathie.

« Iwa ? »

Vraiment – ça sonnait comme la mauvaise reprise d'une très jolie scène. A ce moment-là, oser lui avait réussi. A ce moment-là.
Alors quoi ? On rentre ? Joue quelque chose ? Parle de toi, dis n'importe quoi ? Tu as vu Soren ce matin ? Tu veux qu'on se remette à chercher un moyen de sortir ? Tu veux manger quelque chose ? Tu es sûre que c'était passager ? Tu vas vraiment bien ? Tant de possibilités sans aucune conséquence, étalées juste devant ses yeux. Il ne pouvait pas nier que c'était tentant.
Mais, non. Non.

« Il faudrait que je te montre quelque chose. Tu voudrais bien me suivre ? »

Posée sur ce ton et malgré la pression délicate qu'il exerçait sur sa main, il semblait évident que la question méritait réflexion – ou, en tout cas, qu'il pensait pouvoir s'attendre à un refus.
S'il ne faisait pas que l’espérer.
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MessageSujet: Re: Et l’oiseau désespère... [Emrys]   Et l’oiseau désespère... [Emrys] Icon_minitimeJeu 3 Jan 2013 - 23:15

    Ses bras qu'il serrait contre lui, c'était stupide, c'était idiot, mais l'espace d'un instant elle les aurait envisagés comme un mur. Une barrière pour l'éloigner d'elle, et elle de lui. Une interstice qui s'insère entre leurs souffles, entre leurs bras et entre leurs, coeurs, et qui grandit, prête à devenir, petit à petit, une espèce de faille béante prête à les engloutir tous deux.
    Tout ça. Elle, lui. Ou l'inverse. Et pourtant.
    Iwasara écouta son nom franchir les lèvres de l'anglais avec le même frisson que toujours. Entre ses lèvres, chaque mot qui lui adressait avait un écho de douceur. Il y avait dans cet appel une réminiscence d'un jour, un jour qu'elle aurait peut-être pu appeler le premier.
    « ... Et je sais que j'ai dit que ça prendrait deux minutes, mais tu peux attendre juste, dix secondes de plus? »
    C'était un beau souvenir.

    « Il faudrait que je te montre quelque chose. Tu voudrais bien me suivre ? »
    C'était comme une scène qui se répète ; un flash-back impromptu. Et aussi une éventuelle promesse de réponse à cette question qu'elle se posait sans la déposer sur ses lèvres. "Qu'est-ce qui ne va pas ?". Une question innocente, inquiète, empressée. Qui était venue d'elle, d'elle seule.
    Et pourtant, son coeur eut un hoquet de crainte.
    C'était un beau souvenir. Un merveilleux souvenir. Alors pourquoi ? Songea la jeune femme en sentant le bout de ses doigts enserrés dans cette poigne glacés se refroidir à son tour. Alors que cette sensation aurait dû être habituelle, conforme au nombre de fois où ils avaient répété ce geste ; la jeune femme sentit que quelque chose, peut-être, était différent cette fois. A la fois comme une gangue de métal autour de sa main et comme un bâillon qui, sur sa bouche, aurait soudain scellé sa voix sous le sceau du secret.
    Sans savoir au juste ce que cela voulait dire, elle se contenta de hocher la tête.
    Certes elle ne comprenait pas l'origine de ce soudain pressentiment, mais s'il était mauvais, et s'il les concernait tous deux, il ne pouvait qu'être faux. C'était ce qu'elle se disait ; ce en quoi elle croyait. Elle, lui. Un lien encore indestructible. Parce qu'elle était Ayumi, et qu'il était Emrys, que malgré toutes les oppositions cruelles et amères qu'on pourrait donner à cette vision idéaliste des choses, cela n'était pas dépourvu de sens. Briser un état, un lien si solide, en un coup de burin, était impossible - n'est-ce pas ?
    Serrant les doigts à son tour, la guitariste hocha la tête derechef, comme pour donner plus d'assurance à son geste. Si c'est ce que tu veux.
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MessageSujet: Re: Et l’oiseau désespère... [Emrys]   Et l’oiseau désespère... [Emrys] Icon_minitimeMar 29 Jan 2013 - 10:32

La jeune femme acquiesça. Oui, d'accord ; évidemment. Ils se connaissaient depuis assez longtemps pour ne plus être surpris des réactions de l'autre, et sans doute était-ce une bonne chose. Emrys n'avait pas besoin de montagnes russes et de grands frissons pour être heureux. Juste un peu de changement de temps en temps, comme tout le monde – mais rien de plus, rien du tout. Il aimait ses habitudes et son confort. S'habituait trop vite. C'était bien pour ça qu'il hésitait à vouloir sortir, non ? Par facilité, par peur du changement et des pas dans le vide.
Craignant de blesser son amie ou de l'inquiéter sans raison, le britannique prit garde à ne pas raffermir l'étreinte de sa main ; à la place, ce furent ses poumons qui semblèrent se recroqueviller sur eux-même. Il tâcha de l'ignorer. Tout ses efforts étaient concentrés sur les apparences. Avoir l'air détendu, calmer les battements de son cœur et sourire étaient autant de choses qu'il se savait capable de faire malgré le stress. Ce n'était pas parfait mais c'était mieux que rien, définitivement. S'il n'était pas rassuré, au moins pouvait-il donner le change. Aller contre les décisions hâtives de son corps. Faire semblant. Est-ce que mettre un masque pour mieux se ressembler pouvait être considéré comme un crime ? Selon Antoine, oui. Selon lui, non.
Il va falloir trancher.
La pression des doigts d'Iwasara sur les siens envoyèrent des signaux électriques par milliers jusqu'à son cerveau grippé et, bientôt, la réalité s'imposa à lui ; bouger. Il doit bouger. Sinon il ne le fera jamais, il se connaît – il lui dira « non, en fait ce n'est rien, ne t'en fais pas », se cachera derrière une excuse ridicule et retournera sagement au point de départ. Pas que ce soit une mauvaise chose ; il est bien, ce point de départ. On aurait facilement envie d'y rester, avec toutes ces jolies certitudes qui lui donnent des airs de prison dorée.
Seulement si la guitariste avait avouée vouloir s'échapper, dissiper l'angoisse et l'enfermement, lui aussi en avait besoin. Chacun ses barreaux.

« D'accord. » Il acquiesça une nouvelle fois, bien que ça ne servit à rien ; esquissa un sourire à demi franc. « Hmm... »

Ses yeux bleus s'égarèrent un bref instant sur les murs de pierre qui les protégeaient encore du monde extérieur. Le suivre, d'accord – mais où ?
Il ne mit pas longtemps à se décider et, ignorant le sentiment à mi-chemin entre l'empressement et la crainte qui semblait vouloir le réduire au silence, le jeune homme retrouva le sourire pour mieux entraîner la jeune femme à sa suite. Pas à un instant il ne songea à lui lâcher la main, la laisser calquer ses pas sur les siens par elle-même. Ce n'était pas qu'il s'attendait à la voir s'arrêter, l'abandonner en cours de route. Ce n'était pas non plus pour se donner le courage de mettre un pied devant l'autre, puisqu'il l'avait déjà fait tant et tant de fois par le passé. Courir et sauter dans le vide, il savait faire.
Non. Emrys voulait juste sentir la chaleur de ses doigts refermés sur les siens ; rien d'autre.
Et ça n'avait pas à être plus compliqué que ça.

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