« Les bons mûrissent, les mauvais pourrissent » - {May Ellenton}

Dernière édition par Aphrodite Areïl le Jeu 5 Jan 2012 - 4:20, édité 1 fois

{Aha Aphrodite passe sa vie dans les cuisines.\o/}

Dès que la porte fut refermée derrière elle, Aphrodite fronça les sourcils et se concentra sur le chemin à suivre. Par ici, par là? Pour l'instant ce n'était pas bien difficile, il suffisait d'aller tout droit. Si elle gardait bien sa destination en tête, tout devrait bien se passer ; les couloirs ne pouvaient pas constamment jouer avec son sens de l'orientation. Avec un sérieux étonnant pour la situation, donc, la petite rouquine se mit en marche vers les cuisines. Trop préoccupée par son entreprise – à savoir 'trouver la cuisine sans me perdre et sans faire perdre son temps à tout le monde bêtement' – elle ne jugea pas utile, pertinent ou possible d'engager à nouveau la conversation avec la jeune femme qui l'accompagnait. Ses bottes plates produisaient un son mat à chaque fois qu'elle les posait au sol, suivit de près par celui des talons hauts de May ; elle se concentra là-dessus pour éviter d'être distraite.
En fait d'être distraite, c'était cette histoire de végétarisme qui la préoccupait grandement. Sur le coup, elle ne s'était pas vraiment posé de question : après tout, elle savait déjà que certaines personnes ne mangeaient pas de viande. Mais maintenant qu'elle y réfléchissait un peu plus, des dizaines de questions stupides se pressaient contre ses lèvres. Est-ce que ce n'était pas dangereux, au juste? Et puis est-ce que les œufs étaient de la viande, d'ailleurs? Est-ce qu'elle pouvait quand même manger des gâteaux et autres sucreries? Elle ne savait pas de quoi ils étaient composés, et l'idée qu'il puisse y avoir quelque chose d'animal là-dedans ne l'aurait pas plus choqué que ça. Or si elle pouvait s'imaginer vivre sans steak ou volaille, elle ne pouvait plus s'imaginer la vie sans biscuits et autres douceurs. Ça ne devait pas être facile, tout de même, comme régime alimentaire.

Son attention se reporta sur le chemin à suivre quand, peu après, elles dépassèrent une porte qui ne lui était pas inconnue. Elle acquiesça pour elle-même, rassurée, et fit savoir à May qu'elles seraient bientôt arrivée. Histoire qu'elle ne la pense pas perdue. La rouquine avait du mal à aller vers les autres, de manière générale – bien qu'elle se soit beaucoup ouverte depuis son arrivée : alors dès qu'elle pouvait parler avec quelqu'un qu'elle jugeait aimable et gentil, sa bonne humeur revenait peu à peu. Et si ce n'était certainement pas très..., correct de sa part de se réjouir du malheur des autres, elle ne pouvait s'empêcher d'être heureuse que ces personnes soient enfermées ici aussi. C'était sa deuxième chance, elle y croyait dur comme fer. Et c'était celle de la jeune femme qui la suivait, sans le moindre doute. Passé le moment de choc et de doute, elle finirait par se plaire ici. Mieux valait se faire à l'idée plutôt que se rendre malade, non? Bien sûr que si. Bien sûr.

Ses yeux s'arrêtèrent sur une porte sur leur gauche et elle s'arrêta, un peu brusquement, pour en saisir la poignée. Les gonds grincèrent légèrement quand elle la poussa, jetant un bref coup d'œil pour vérifier qu'elle ne s'était pas trompée. Un sourire étira ses lèvres et elle fit signe à May d'entrer.

« Voilà, c'est ici. »

Bon. Elle n'allait pas faire un discours, non plus. D'autant plus que vu la pseudo-propreté des lieux (quoi que, ce n'était pas si mal aujourd'hui tout compte fait. Peut-être que la soubrette était passée récemment?) et le manque de prestance de la pièce, ça aurait paru déplacé. Elle laissa entrer la nouvelle arrivante et ferma derrière elles, à nouveau. Pas qu'elle n'aimait pas tout laisser ouvert, mais les pièces fermées la rassuraient plus. Allez savoir.

« C'est pas très, hm, joli, ajouta Aphrodite sur un air plus que convaincu et sérieux, mais j'aime bien cette pièce. Il faut fouiller un peu, mais tu devrais trouver quelque chose de bon! »

Elle s'interrompit un instant, jeta un coup d'œil circulaire à l'endroit.

« Je ne sais pas ce qu'on mange, là d'où tu viens, ajouta-t-elle d'une voix désolée. Mais il y a un peu de tout, je crois, si on cherche bien. Tu penses à quelque chose en particulier? »

+

May suivit la jeune fille de prêt. Elle entra dans le couloir, les yeux bien ouverts, tout ses sens à l’affût. Elle referma la porte du grand hall derrière elle, voyant à peine Marcel se glisser entre ses pieds et filer dans le couloir comme un petit rat. Cet étrange sentiment de déjà vu... Elle porta son attention sur le couloir, il y faisait sombre mais elle pouvait distinguer plusieurs portes de part et d'autre du couloir. Elle comprit d'où lui venait ce sentiment légèrement désagréable, ce couloir, ces nombreuses portes, la ramenait malgré elle à quelques heures en arrière alors qu'elle parcourait le couloir de sa grande demeure vide, s'accrochant aux poignées de portes et aux murs. Ce couloir ne ressemblait pas au sien, il n'avait rien de luxueux ni de criard mais il y avait ce terrible pré-sentiment que derrière chaque porte se cachait peut-être une horreur, un cadavre, un enfant qui pleure, de la nourriture qui pourrit..que pouvait-il y avoir derrière ces portes ? Aurait-elle le temps de le découvrir ? Aphrodite avançait dans le couloir rapidement, chacun de leurs pas résonnants sur le sol. May se demanda alors depuis combien de temps la jeune fille était ici ? Elle connaissait bien les lieux visiblement... Elle jeta un regard derrière elle subitement, Marcel ? Il n'était plus là, il n'avait pas suivit les deux jeunes filles. Peut-être s'était-il perdu ? Tant mieux, manger au calme lui ferait du bien, pensa t'elle.

« Voilà, c'est ici. »

May s’arrêta derrière Aphrodite et attendit qu'elle n'ouvre la porte, légèrement inquiète de ce qu'elle trouverait à l'intérieur. Encore ce sentiment étrange de déjà vu, juste avant d'ouvrir la porte de la chambre de sa fille...ne pas y penser, ne plus y penser, oublier encore un moment, le temps de prendre quelques repères, le temps de relativiser les derniers événements.

« C'est pas très, hm, joli, mais j'aime bien cette pièce. Il faut fouiller un peu, mais tu devrais trouver quelque chose de bon! »

May entra dans la pièce à son tour et parcourut la pièce lentement du regard, soulagée de ne pas y trouver de mauvaises surprises. Dans cet endroit, on semblait n'être à l’abri de rien !

« Je ne sais pas ce qu'on mange, là d'où tu viens. Mais il y a un peu de tout, je crois, si on cherche bien. Tu penses à quelque chose en particulier? »

May reporta son regard sur celui d'Aphrodite. Penser à quoi... ? De quoi avait-elle envie ? Aucune idée, la nourriture n'avait jamais été un plaisir particulier. Elle mangeait toujours par simple nécessité, parce que c'était vital, pas par plaisir.
Peut-être d'une bonne cuisse de lapin ? Ça elle aimait bien le lapin. Mais elle avait l'intelligence de dire un peu plus tôt à Aphrodite qu'elle était végétarienne, qu'elle idiotie ! Il ne faudrait pas oublier ce détail si elle voulait éviter de se discréditer ou d'avoir à s'expliquer. Faire une croix sur les viandes et produits animales, elle s'y ferait....Aphrodite attendait sa réponse...

« Je voudrais des cerises !»

C'était sortit tout seul. Comme un caprice. Après réflexions, elle aimait bien les cerises. Elle se contenterait peut-être de se nourrir de fruits et de pain à l'avenir...May fit vivement un quart de tour sur elle même et commença à fouiller frénétiquement la pièce, frottant régulièrement ses mains pleines de poussières sur sa robe.

Elle lança soudain à Aphrodite, tout en soulevant une lourde porte d'un placard :

« Tu es ici depuis combien de temps ? »

Encore une question qui sortait toute seule, décidément...les mots lui échappaient un peu trop à son goût...May hurla contre elle-même silencieusement, n'osant regarder Aphrodite de peur de l’embarrasser.

Elle aurait peut-être dû regarder ce qu'elle trouvait dans les placards avant de ne lui demander ce qu'elle voulait, à la réflexion. Bah... Si vraiment elles ne trouvaient pas ce que May demandait, tant pis ; ce n'était pas si grave. Et puis savoir ce que l'on cherchait aidait, en général. Avec un peu de chance le Pensionnat se sentirait de bonne humeur et les deux jeunes femmes pourraient trouver à manger sans trop de mal. Ça pouvait sembler stupide à dire mais l'endroit semblait quelque peu, comment dire... Lunatique. Au final, ne pas connaître l’identité des propriétaires l'avait amené à attribuer une personnalité propre à la grande bâtisse. Ce n'était pas plus mal, dans le fond. Tout ce mystère lui convenait – voire lui plaisait.
Il lui plairait moins si elle ne trouvait pas de quoi grignoter, mais ça, elle n'y pouvait pas grand choses. Ses grands yeux foncés restèrent plantés dans ceux de la jeune femme tandis qu'elle réfléchissait à sa question. Et, si cela ne dura que quelques secondes, ce fut suffisant pour qu'Aphrodite remarque platement l'absence du petit chien. Il n'avait pas dû le suivre. Les AEA étaient tellement mystérieux, parfois.

« Je voudrais des cerises !»

Des cerises ? Le visage de la rouquine s'illumina, et un léger sourire vint étirer ses traits. Elle qui ne se lassait pas de manger des fraises, elle ne pouvait qu'approuver ce choix. Les fruits, c'était tout simplement délicieux. Peut-être était-ce de ne jamais en avoir mangé auparavant qui les rendait si bons ? Les raisons importaient peu, finalement. Le tout était d'en trouver. La soldate répéta 'cerise' à mi-voix, comme pour elle-même, et imita sa compagne d'infortune en se dirigeant vers un placard au hasard. Retenir l'emplacement des choses ne servait à rien ; parce que soit tout changeait de place, soit quelqu'un ne savait jamais où ranger les choses. Ce qui, quoi qu'il en soit, revenait à dire que rien n'était à sa place. Quand il y avait quelque chose, bien sûr.
La porte d'un petit placard grinça désagréablement quand elle l'ouvrit et, immédiatement, l'odeur de renfermé la prit au nez. Quelques boites de conserve, des paquets divers et variés qu'elle ne prit pas le temps d'identifier... Mais pas de cerises. Hm. Il devait bien y en avoir, pourtant ; si elle avait réussi à trouver des fraises, elle pouvait sûrement trouver des cerises ! Elle répéta le mot en boucle dans sa tête, comme si cela allait faire apparaître l'aliment tant désiré devant ses yeux éblouis.

« Tu es ici depuis combien de temps ? »

Aphrodite s'immobilisa, la main sur la poignée d'un nouveau placard, puis se tourna à demi pour pouvoir regarder Missis May Ellenton. Elle lui tournait toujours le dos mais, dans la mesure où elles étaient seule dans la pièce, la question s'adressait forcément à elle. Le silence qui suivit, loin d'être lié à une quelconque gêne ou à un refus de répondre, fut nécessaire à la jeune fille pour effectuer un rapide calcul. Enfermé, on perd vite la notion du temps.

« Ça va faire... Bientôt un an, répondit-elle d'une voix hésitante – et ses propres yeux s'écarquillèrent sous la surprise. Je m'étais pas rendu compte que ça faisait si longtemps. »

Sa petite main tira finalement sur la poignée du placard – moins poussiéreuse que le précédent – et elle l'inspecta avec minutie. Cerises, cerises...

« Je trouve que le temps passe vite, ici. Enfin, j'imagine que tout le monde ne doit pas être d'accord avec moi... Si ta vie d'avant te manque, évidemment, c'est plus dur. »

En effet. Beaucoup voulaient sortir, après tout. Ses doigts se refermèrent sur une barquette transparente. Satisfaite, elle ferma le battant en bois et se rapprocha de la table, sur laquelle elle posa sa trouvaille.

« J'ai trouvé des cerises, lâcha-t-elle avec le sourire de circonstances. Ça ne va pas te remplir l'estomac, mais c'est déjà ça. »

+

« Un an...»

Murmura May pour elle-même. On ne devait pas sortir de cet endroit si facilement...supporterait-elle l'enfermement aussi longtemps ? Sans doute que oui, si toutes les compagnies étaient si agréable que Aphrodite, sa vie 'd'avant' ne lui manquerait certainement pas.

« J'ai trouvé des cerises. Ça ne va pas te remplir l'estomac, mais c'est déjà ça. »

May se tourne vivement vers Aphrodite, un sourire enfantin sur le visage.
Elle s'approche en clopinant vers les fruits posé sur la table et plonge sa main dans la barquette. Elle porte une cerise à sa bouche.
Délicieux et si frais. Le contact avec les saveurs du fruit éveille les papilles de la jeune femme.
Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas dégusté quelque chose de si bon.

Elle sourit à Aphrodite.

« Merci. Et pas seulement pour les cerises, merci pour ton...»

Marcel saute tout à coup sur la table comme un diable et penche sa truffe au dessus de la barquette, reniflant le contenu.

« Pouah...dégoutant! »

Il tourne sur lui-même, saute de la table et renifle les coins de la pièce.

« Pas de poulet rôti, de bonnes côtelettes, de jambons fumé dans ce taudis ? Pas croyable, je m'insurge ! Je refuse de m'installer ici sans le minimum vital ! Je veux voir le responsable ! Wouf ! Un responsable, vite ! Je ne bouge pas d'ici avant d'avoir ma commande !»

Marcel s’assied sur son derrière, semblant attendre quelque chose.

« Je n'ai pas l’impression que qui que ce soit vienne te servir, regarde bien où tu es ! »

May soupira en voyant que Marcel ne bronchait pas.
Elle se tourne vers Aphrodite.

«Quant au responsable...Y en a t'il seulement un ou une ? Peut-on le voir ? Je serai assez curieuse de le rencontrer. J'aimerais bien connaître la raison de ma venue. »

Le sourire qui étira les lèvres de May quand elle vit les cerises emplit Aphrodite d'une joie diffuse. Tout était si beau, ici. Elle aurait aimé lui dire que cette année lui avait parue à la fois très longue et très courte, qu'elle n'avait pas eu tellement de problèmes et qu'elle s'était fait plein d'amis ; elle aurait aimé lui faire partager son amour des lieux, ne serait-ce qu'un peu. Mais elle venait d'arriver ici, n'avait même pas encore posé les pieds dans sa chambre. Il était bien trop tôt pour lui casser la tête avec tout ça. Elle se ferait sa propre idée du Pensionnat, bonne ou mauvaise. Et si elle trouvait vraiment cet endroit trop effrayant ou ennuyeux, alors elle pourrait lui montrer tout ce qu'il y avait de joli et de drôle, ici.

« Merci. Et pas seulement pour les cerises, merci pour ton...»

Et voilà que Marcel faisait son grand retour, interrompant au passage sa maîtresse d'un magnifique bond sur la table. Apparemment, les cerises n'étaient pas à son goût. Fascinée par le manège de l'animal – elle n'était pas encore familière avec les chiens – elle ne put s'empêcher de le fixer avec curiosité tandis qu'il furetait un peu partout dans la pièce.

« Pas de poulet rôti, de bonnes côtelettes, de jambons fumé dans ce taudis ? Pas croyable, je m'insurge ! »

Les sourcils d'Aphrodite se froncèrent, toute plongée qu'elle était dans sa tentative de compréhension (ratée) de ce drôle d'animal. Rhylaa était silencieuse et effacée, alors voir tant d'énergie chez un AEA la laissait toujours un peu perplexe. Est-ce qu'il était sérieux quand il demandait à voir le responsable ? Parce que s'ils ne s'étaient pas montrés suite aux demandes des pensionnaires, ce n'était certainement pas un petit chien qui allait les décider à sortir de leur cachette. Si c'avait été aussi simple, évidemment...
La rouquine fit judicieusement remarquer à son 'ami' que personne n'allait venir, arrachant un sourire désolé à Aphrodite. S'il voulait un poulet roti, il allait devoir chercher. Ou demander à quelqu'un de fouiller dans les meubles pour lui. Dans le frigo, peut-être ? Et encore, ce n'était pas dit.

«Quant au responsable...Y en a t'il seulement un ou une ? Peut-on le voir ? Je serai assez curieuse de le rencontrer. J'aimerais bien connaître la raison de ma venue. »

Aucune hésitation de ce côté-là ; la réponse était simple à donner. Elle secoua sa tête de gauche à droite, faisant glisser ses doigts fins sur le bois de la table.

« Il y en a, oui. Les 'Fondateurs' – elle dessina des guillemets dans l'air avec ses doigts. Ou les I., comme tu préfères. On ne sait pas grand chose sur eux, mais ça m’étonnerait que tu puisse les voir. Ils ne se sont pas beaucoup montrés, et c'était avant que j'arrive. Et puis pour la raison de ta venue... »

Elle chercha l'inspiration sur les irrégularités de la table.

« C'est un peu ce qu'on aimerait tous savoir. Mais c'est pas si terrible, vraiment. Ma meilleure amie, ajouta-t-elle avec conviction, m'a dit qu'on a peut-être été amenés ici pour être plus heureux. J'aime bien cette idée.»

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