Un juron s'échappa des lèvres de Solaine, qui reposa violemment le vase qu'elle tenait dans ses mains sur le meuble de bois. L'objet protesta avec un petit bruit, mais resta malgré tout intact. De son côté, la demoiselle qui l'avait agressé faisait la moue, dubitative. Comment était-elle censée trouver une feuille quand tous les couloirs se ressemblaient et qu'elle était incapable de se souvenir si oui ou non elle avait déjà fouillé celui-là ? Sans parler de leur nombre, qui semblait infini tant il y en avait ! C'était comme chercher une aiguille dans une botte de foin, à savoir: Impossible. Ou plutôt, hautement improbable. Elle savait que certains pensionnaires avaient d'ores et déjà récupérés quelques feuilles du carnet de ce fameux Rudy, ce qui l'avait d'ailleurs encouragée à partir elle aussi à la recherche des feuillets perdus. Mais comme Solaine Rozak n'avait aucune patience, au bout de vingt minutes de recherches à travers les couloirs, elle commençait à en avoir assez. Le vase qui avait fait les frais de sa mauvaise humeur pouvait s'estimer heureux d'être encore entier, car elle avait sérieusement envisager de l'écraser à terre sans la moindre pitié. Elle l'envisageait toujours. Lançant un regard mauvais au bibelot, Solaine se tourna vers le couloir qui continuait en ligne droite jusqu'au prochain tournant. Cette sale babiole avait de la chance qu'elle soit aussi magnanime, aujourd'hui.

A contrecœur, la jeune fille aux cheveux gris se remit en route, faisant légèrement grincer son fauteuil alors que les roues de bois avançaient sur la moquette rouge. Elle devait à tout prix trouver ces feuilles, elle le devait ! Elles étaient peut-être le seul moyen qu'elle aurait jamais de découvrir comment quitter ce maudit pensionnat. Comment rentrer chez elle et rassurer son père. Revoir son oncle et s'excuser auprès d'eux pour avoir été aussi inconsciente. Ce désir de sortir tournait à l'obsession pour Solaine, qui en avait parfois des nuits blanches à regarder par sa fenêtre, totalement impuissante. Comment se faufiler à travers une barrière qui n'avait aucune aspérité ? Elle pouvait toujours tenter de l'escalader, ça ne servirait à rien !
Sur cette pensée, Solaine s'arrêta, les sourcils froncés. Elle saisit un nouveau vase sur un autre meuble, quasiment identique à celui qu'elle avait épargné quelques mètres plus tôt, et laissa ses doigts parcourir la surface brillante. Il n'y avait pas la moindre fissure, pas la moindre encoche. Ceux qui les avaient fait prisonniers ici avaient pensés à tout, ils avaient murés chaque sortie. Ils étaient dans une pièce close et dénuée de fenêtres, avec seulement un ciel peint au plafond pour rêver. Comme c'était cruel. Solaine ne voulait pas de leur pseudo-liberté, elle voulait revenir chez elle et serrer son père dans ses bras.

Vite revenir avant que quelque chose ici n'ait raison d'elle. Un truc bizarre ou l'enfermement. L'un dans l'autre, elle allait finir par en devenir folle. Et ce vase qui se fichait d'elle, là... Avec rage, elle empoigna les fleurs qui se trouvaient dedans, elles les en retira. Elle les jeta à terre, et les fixa comme si son regard avait pu les enflammer. Puis elle leur passa dessus sans le moindre état d'âme, le vase posé sur ses genoux en compagnie de son fusil. Ça faisait du bien de s'en prendre à la décoration de ce fichu pensionnat. Elle s'arrêta un peu plus loin, et saisit le vase, qu'elle leva bien au dessus de sa tête. Ça ne servait à rien, mais ça avait le mérite de défouler.

« Allez, prends ça ! » S'exclama Solaine en lançant de toutes ses forces le dit vase contre le mur devant elle, qui marquait un tournant et le commencement d'un nouveau couloir aux mêmes couleurs que celui dans lequel elle se trouvait. Le vase s'éclata contre le mur, et s'éparpilla à terre en mille morceaux.

Et la demoiselle n'avait sans doute pas prévu que quelqu'un arriverait juste à ce moment-là et manque de se faire assommer par son très beau lancer. Et même si elle l'avait su, il n'était pas certain qu'elle ne l'aurait pas tout de même lancé. Parce que c'était bien connu: La santé des autres, Solaine n'en avait rien à faire s'ils n'étaient pas ses amis. Et que les gens n'avaient qu'à faire attention à où ils marchaient, aussi; Ça leur aurait évité bien des ennuis.

{Admire mon titre génial. En espérant avoir fait un bon début !XD}

Le garçon lâcha les accoudoirs, se recula d'un pas; Solaine le regarda faire sans bouger, attentive au moindre de ses mouvements. On ne savait jamais ce dont pouvait être capable quelqu'un, principalement quand il nous était inconnu. Il aurait pu sortir une scie de sa poche (avec tous les pouvoirs étranges dont étaient affublés les pensionnaires, ça ne l'aurait pas étonnée) et vouloir la découper membre par membre qu'elle n'aurait pas été en droit d'en être étonnée. D'ailleurs elle n'aurait rien pu faire dans ce cas de figure à part se retourner et rouler le plus vite possible. Comme ça l'agaçait ! Si au moins elle avait pu être certaine qu'il n'était qu'une grande gueule inoffensive, elle aurait pu relâcher la pression qu'exerçaient ses doigts sur son fusil. Mais non, non.
Elle ne pouvait pas en être certaine. Il ne faut jurer de rien. Et qu'allait devenir sa recherche des feuilles de Rudy dans tout ça, hein ? Elle était bien partie. Bon sang, ce qu'il ne fallait pas faire pour trouver une porte de sortie, songea une Solaine exaspérée par la situation.

« D’abord je n’ai pas peur de quelqu’un qui se met même pas debout pour menacer son adversaire ! »

Pardon ? L'incrédulité passa sur le visage de la jeune fille sans qu'elle puisse y faire quoi que ce soit. Il avait dit quoi ? Qu'il voulait qu'elle se mette debout ? Habituée à ce que l'on devine son handicap en voyant son fauteuil roulant, Solaine n'avait jamais pris en compte le fait que ce genre de machines -ou de problèmes- puisse ne pas exister dans un monde quelconque. L'indignation lui donna un violent coup de poing, colorant ses joues.
Plus que la colère, l'agacement de ne pouvoir se lever et lui asséner un bon coup de fusil la tenaillait.

« Viens te battre si t’es… ‘fin ramène-toi si t’as des tripes, quoi ! »

Solaine regarda le doigt tendu vers elle, partagée. Est-ce qu'elle allait lui jeter son arme à la figure en espérant que ça l'assommerait, ou est-ce qu'elle allait lui hurler dessus en priant pour que ça le rende sourd ? D'un côté, être traitée en égal lui plaisait bien, à elle qui n'avait jamais aimé qu'on la considère comme diminuée. Mais là, c'était trop; Elle n'était même pas sûre qu'il ne disait pas ça pour l'enfoncer, elle et son incapacité à mouvoir ses jambes comme le reste du monde. Alors, même si ça la répugnait de l'avouer, elle ne su pas comment réagir, sur le coup.

La demoiselle aux yeux bleus inspira profondément pour calmer ses ardeurs. Elle ne voulait surtout pas se rabaisser au niveau puéril de son interlocuteur. Elle était sensée et responsable, mince ! Elle devait agir en adulte, et apaiser la dispute. Son regard passa sur ce sol qu'elle ne pouvait atteindre, même avec toute sa volonté. Elle avait essayé. Plusieurs fois, quand elle était enfant, de se lever. Au final, son père avait toujours été obligé de la porter jusqu'à son fauteuil. Son fusil entre les mains, Solaine fit de nouveau face à l'insupportable garçon.

Qu'elle soit debout ou pas, elle pouvait faire très peur. TRÈS peur. Et ce n'était pas un espèce de voyou mal élevé qui allait la faire reculer !

« Tu me fais pitié, lâcha-t-elle, et tu peux être sûr que si je pouvais me lever et t'en coller une, je le ferais avec plaisir ! »

Et même en double ou en triple, s'il le voulait. Avec une lenteur calculée, la jeune fille posa son fusil sur ses genoux, et posa ses mains sur les roues de son fauteuil. Elle le fit avancer jusqu'au garçon qui l'ennuyait, fit mine de le contourner pour finalement s'arrêter sur son pied. Avec un grand sourire, elle lui adressa de nouveau la parole.

« Mais même assise je peux faire mal. Ça va ? »

Parce que son fauteuil n'était pas léger et la supportait, il restait sa meilleure arme pour faire taire les autres. Puisque son fusil avait décidé de ne plus cracher que des fleurs et des jolies billes colorées... Elle devait bien trouver autre chose, quand la supercherie était déjouée et que l'intimidation ne fonctionnait plus.
On allait passer sur le moment où Solaine se disait responsable et sensée, apte à faire s'arrêter la dispute. Après tout, elle n'avait que quatorze ans.

« CALIXTE ! »

Solaine eu le réflexe idiot de reculer dans son fauteuil avec un air interdit au hurlement de Nick. Qu'est-ce qu'il avait encore à crier, celui-là ? Si elle avait pensé qu'une simple question déchainerait chez lui autant de passion, elle aurait gardé la bouche fermée, ne serait-ce que pour éviter un supplice supplémentaire à ses pauvres oreilles. En plus, se fit-elle la remarque tout en observant le garçon maugréer et regarder autour de lui, 'Calixte', ce n'était même pas une réponse. Un prénom tout au plus.
Peut-être qu'il était en train de poursuivre quelqu'un quand il avait manqué de se faire assommer par sa charmante personne. Mais elle, elle n'avait vu personne. Étrange. Bha, si elle avait permis à quelqu'un de fuir le pistolet de Nick, c'était sans doute une bonne chose. Quand elle avait pensé qu'il pouvait être un tueur psychopathe, au final, elle n'était peut-être pas si loin de la vérité.

« Je coursais une saleté de sac à main rampant ! (Ce faisant, il regarda derrière une armure sous le regard dubitatif de Solaine) Pour le transformer en reliure pour un livre. »

Une saleté de sac à main rampant. Bien. Comme elle doutait du fait qu'il poursuive un véritable sac à main (on ne savait jamais au pensionnat, mais tout de même), la demoiselle opta pour le surnom affectueux. En tout cas, qu'importe ce qu'était le dit sac à main et ce qu'il avait fait pour s'attirer les foudres du garçon, Solaine ne l'avait pas vu passer. Ça faisait un moment qu'elle roulait dans les couloirs et n'avait croisé personne, à son plus grand soulagement. Rien que des meubles, des tableaux et de la poussière. Pas de feuille de Rudy non plus, évidemment, ça aurait été trop simple.
Elle et Nick n'étaient pas très forts à la chasse au trésor. A les voir dans ce couloir, les mains vides et agacés, ils faisaient un joli tableau de perdants. Enfin, surtout Nick. Parce que pour Solaine, c'était un peu différent; Elle n'avait pas encore trouvé de feuille, mais ça n'allait pas durer. Dans quelques minutes, elle en était certaine, elle en aurait une dans les mains.

Pensait-elle avec une assurance presque ridicule.

« Mais je suppose que tu l’as pas vu. Et toi tu faisais quoi ? A part me lancer des vases dans la tête, évidemment. »

Solaine haussa les épaules; Faillit préciser qu'elle ne l'avait pas visé en lançant le vase, mais laissa tomber en songeant que ça aurait été prêter trop d'attention à ses paroles. Qu'il râle, qu'il râle, elle s'en fichait. Il aurait moins fait le malin s'il se l'était vraiment pris dans la figure. Tssss. Et dire qu'elle n'était passé qu'à ça de lui laisser une jolie cicatrice...
La jeune fille releva néanmoins le menton dans une attitude suffisante. Elle avança jusqu'à une commode dont elle souleva le vase avec une lenteur calculée. Le secoua avec conviction, et le reposa avec toute la délicatesse dont elle savait faire étalage. Là seulement, elle daigna répondre à son camarade, bien que ses yeux scrutaient à présent la tapisserie et les tableaux qui y étaient accrochés.

Allez, petite feuille, montre-toi !

« Je cherche les feuilles du journal de Rudy. (l'air de rien, elle ouvrit un tiroir, ce qui dans son jargon s'apparentait plutôt à manquer de le déboîter) Tu as déjà du en entendre parler, non ? Tiens, maintenant que tu es là, Nick... »

Autant qu'il se rende utile hein. Surtout si ça l'ennuyait. Solaine était pour l'esclavage des homme par les femmes. Ou des faibles par les forts. Mais ça revenait au même, non ? Ah ah.

« T'as qu'à regarder dans ces armures, ton sac à main s'y est peut-être planqué avec une feuille. »

On ne savait jamais. Dans les faits, ça les aurait bien arrangé tous les deux. Même si Solaine comptait bien faire main basse sur son trésor sans l'aide de cet abruti décoiffé.

Solaine s'amusait beaucoup des réactions de son pauvre interlocuteur; l'entendant grogner de la sorte, elle avait l'agréable impression d'avoir l'ascendant sur lui, ce qui n'avait d'ailleurs pas l'air tout à fait faux. Il n'avait rien fait de plus menaçant depuis le malheureux accident que darder un doigt accusateur dans sa direction. Et sans vouloir le vexer, ce n'était pas plus effrayant que ça. Comment un gamin, petit, mal habillé et décoiffé pouvait penser impressionner qui que ce soit ? A part son arme, rien chez lui n'était en mesure de susciter la peur, et encore moins ses mines bougonnes et ses marmonnements incessants. Dans tous les cas, en agissant de la sorte, il lui donnait l'impression de gagner elle ne savait trop quelle bataille: Et elle n'allait pas s'en plaindre. Qu'aurait-elle pu dire pour l'énerver encore un peu plus ? Voyons voir... Il s'agissait de rester dans la diplomatie, elle ne voulait pas briser la pseudo-paix qu'ils avaient instaurés en se présentant. Pas la première.
Tout en se disant cela, la jeune fille observait le contenu du tiroir d'un œil perplexe. Elle finit par le fermer violemment, déçue. Eh quoi ! Il était permis de rêve, de ce qu'elle en savait. Qui ne tente rien n'a rien. Mais évidemment, c'était les mains vides qu'elle était obligée de refermer ce maudit bout de bois. La poisse. Combien de temps allait-elle devoir chercher pour trouver une feuille ?

« Eh, toi… Tu crois sérieusement que je vais t’obéir comme ça ? »

Solaine nota non sans ironie le retour du doigt agressif, et se contenta de sourire en réponse au visage tendu de Nick. Non, elle n'avait pas cru un seul instant qu'il consentirait à lui prêter main forte; Cela dit, elle avouait avoir pensé qu'il puisse faire preuve de bonne volonté, les feuilles étant pour tout le monde. S'ils les réunissaient toutes, c'était une clé potentielle qui pouvait apparaître, la clé peut-être de cette porte qui s'était close derrière eux dans un tonnerre macabre, leur barrant toute retraite. Une telle échappatoire, ça n'avait pas de prix.
Mais évidemment, il y avait toujours des imbéciles pour ne pas le comprendre. Quoi que dans le cas de Nick, Solaine penchait simplement pour une moitié de cerveau mise à contribution. Forcément, avec une demi intelligence, on allait pas bien loin dans la vie. Le garçon, lui, alla se planter devant un texte sous verre accroché au mur, lui tournant superbement le dos dans le processus. C'est ça, faillit lâcher la jeune fille à voix haute, va te cultiver pour pouvoir sortir des phrases cohérentes.

Monsieur 'Heeeeeiiiiin ouaaaaais'.

« Je sais pas de quoi tu parles, mais ça ne me concerne pas. Alors je ne vois pas pourquoi je t’aiderais. »

Il ne voyait pas de quoi elle parlait ? Si Nick l'avait regardée à ce moment précis, il aurait pu lire sur son visage la plus grand incrédulité. Que faisait-il de ses journées pour ne pas avoir entendu parler du fameux journal de Rudy ? Est-ce qu'il voulait rester au pensionnat toute l'éternité pour ne pas se sentir concerné par cette recherche ? A présent, Solaine était un brin scandalisée. Il allait falloir qu'elle le prenne par le col et lui explique tout en détails afin qu'il ne passe pas à côté du plus gros évènement de ces derniers mois. Elle se promit de le faire une fois qu'elle aurait trouvé une feuille. Peut-être qu'avec une preuve à l'appui, ça percuterait mieux dans sa petite tête.

La paraplégique roula donc jusqu'à une des armures, sans pour autant oublier de lancer à l'adresse de son charmant compagnon de discussion:

« Si tu n'en as jamais entendu parler, c'est que tu dois être sourd. Ou complètement à côté de la plaque. Pas que ça m'étonne, mais quand même... »

Un sourire mesquin afficha son ombre pernicieuse sur ses lèvres. Elle ajouta, le ton somme toute satisfait de la gamine qui a réussi à arracher à ses parents le jouet tant rêvé:

« En fait, je pense que tu as juste la trouille de regarder. Puisque c'est comme ça, je vais le faire moi-même. MOI, au moins, j'ai pas peur des armures. »

Et vraiment, c'était important à préciser. Quelle supériorité Solaine venait de démontrer ! Quelle preuve de maturité, de gentillesse et de compréhension ! Si la demoiselle avait été faite autrement, elle se serait giflée pour sa stupidité. Seulement voilà, ce n'était pas le cas, ne le serait jamais, et le pire dans tout ça, c'était que son entourage devait en faire les frais.

Parce qu'une remise en question, c'était aussi probable qu'une chute de neige en plein désert du Sahara.

►Solaine regarde dans les armures.

Solaine grimaça en découvrant la merveille qu'elle venait de sortir de l'armure. Bien ! A moins que Rudy ai aussi dispersé ses sous-vêtements (on aurait pu en déduire que ce garçon avait mauvais goût), elle n'avait fait aucune découverte extraordinaire. La jeune fille fixa méchamment le vêtement, le tenant par le bout des doigts, avant de tout simplement le jeter sur Nick. Ça lui apprendrait à refuser d'aider les bonnes gens.

« Tiens, ça doit être à toi. »

Ses mains libres, elle entreprit de tapoter le mur. On ne savait jamais. Un passage secret pouvait très bien se dissimuler derrière cette tapisserie dorée.

Le caleçon lui revint dans la tête dès que Solaine eut le dos tourné. Et vraiment, la jeune fille ne sut pas bien pourquoi elle s'embêta à laisser fuser une exclamation à la fois surprise et outrée. Évidemment que cet imbécile allait le lui renvoyer, c'était presque prévisible. Au bout de quelques minutes à se connaître, c'était triste de pouvoir anticiper les gestes de l'autre, pensa-t-elle tout en enlevant rageusement l'indésirable vêtement de ses cheveux gris; Petite vengeance personnelle alors qu'elle retenait mille et une insultes dans sa bouche avec toute la volonté dont elle disposait. Ce n'était pas facile, vraiment. Pourtant, elle se serait acharnée à vous dire combien garder le contrôle de soi ne cassait pas cinq pattes à un lama.
Se yeux d'un bleu vif se posèrent sur son nouvel ennemi mortel. Elle serra le poing, prête à lui envoyer encore sa trouvaille en travers de la figure. Mais il la devança et, trop occupée à l'écouter sans vouloir lui cracher dessus, elle en oublia le sous-vêtement.

« Vu ce que tu sors de ce truc, je vois pas l’intérêt de chercher ! »

Ses sourcils se froncèrent, et elle ferma ses yeux. Pour un très court instant, peut-être deux secondes; Et les rouvrit dans un sourire tellement pincé qu'un aveugle n'en aurait pas été dupe. Malgré tout, elle choisit de garder cette expression sur son faciès plutôt que laisser ses traits se déformer à nouveau sous le coup de la colère.
Ce garçon était un idiot. Pas besoin d'être un génie pour le comprendre, ah ça non ! Ça se voyait à sa tête, à sa dégaine, à toute sa personne. Et quand il prenait un air moqueur comme il le faisait là tout de suite, sa bêtise crasse ressortait plus que jamais.

Ça servait à rien de chercher, blablabla... Elle n'avait simplement pas eut de chance, c'était tout ! La prochaine fois qu'elle passerait sa main dans un meuble ou derrière un tableau, elle en était sûre, une feuille viendrait s'y nicher sans protester. Une feuille avait plutôt tout intérêt à s'y nicher; Elle n'avait pas envie de passer pour une sotte aux yeux de cet arriéré. Il aurait été trop content de sa victoire, bien qu'éphémère et faussée.
Il était hors de question de lui donner satisfaction, pas même pour une seule petite minute !

« ‘fin, ça doit être toi qu’est pas très douée, hein. Tu devrais peut-être te contenter du caleçon. »

Solaine fit mine, comme elle le put, de ne pas avoir l'air affectée par cette remarque puérile. Elle donna un coup plus fort dans le mur, et posa le caleçon sur la table de bois, près du vase. Si l'envie lui reprenait de l'en coiffer, elle l'aurait à portée de main.
Il était inutile de le préciser, mais Solaine n'allait pas s'arrêter là. Elle allait fouiller le pensionnat, le retourner s'il le fallait et sortir de tout ce bazar une de ces fameuses feuilles. La finalité avait quelque peu changée néanmoins; Depuis que l'autre idiot s'était fichu d'elle, elle voulait surtout lui prouver qu'il avait tort et que si quelqu'un devait tomber sur une feuille, c'était bien elle.

Solaine désirait donc trouver un bout du journal pour aller l'agiter devant le nez de Nick. C'est pour la bonne cause, se dit-elle, convaincue.

« Je parie que je te le trouve quand je veux, ton bout de papier. »

Solaine se fit violence pour ne pas lui lancer un regard sévère. Dans son esprit embrumé de colère et d'indignation, non, c'était parfaitement impossible qu'il y parvienne. Il fallait croire que la demoiselle croyait encore en une quelconque justice en ce monde, puisque cette perspective lui semblait totalement et profondément injuste -et de fait inconcevable. Non non et non.
Elle le regarda discrètement mettre un genoux à terre et zieuter sous une commode: Et prit bien garde à se retourner dès qu'il se redressa. Sans un mot, ni aucun commentaire, Nick alla se planter devant un mur, raide comme un bâton. Solaine asséna un énième coup au mur, soulagée que son compagnon ait visiblement essuyé une défaite aussi humiliante que la sienne.

Elle ne résista pas à la tentation de souligner ce dernier point.

« On dirait que je ne suis pas la seule à pas être très douée, hein ? Sauf que moi au moins j'ai réussi à trouver quelque chose. »

Et le caleçon vola jusqu'aux pieds de Nick. Certes, ce n'était pas grand chose, trois fois rien; Mais c'était ce qu'elle avait tiré de ses recherches alors que Nick s'était relevé bredouille.
Dans ces conditions, même un simple caleçon devenait un inestimable Graal.

Solaine fit bouger avec bonne humeur son fauteuil jusqu'à une porte qu'elle ouvrit à la volée. Deux autres subirent le même sort. Haut les cœurs ! A continuer de tout chambouler dans ce maudit couloir, elle allait bien finir par découvrir autre chose qu'un énergumène à la langue bien pendue.

►Solaine ouvre des portes.

Elle n'eut le temps ni de crier ni de bouger. La lourde charge auparavant prisonnière du placard s'affala sur ses genoux et Solaine ne pu qu'ouvrir de grands yeux interloqués; Qui s'agrandirent comme deux assiettes quand elle regarda de plus près sa nouvelle découverte. Avec un cri strident d'angoisse, elle poussa le cadavre et recula jusqu'à toucher le mur opposé. Là, se jugeant à l'abri, elle se permit de déverser sa colère

« Mais c'est horrible, dégoûtant ! Ils vont pas biens de mettre ça là-dedans ?! Dégénérés, malades ! »

Tout en parlant, la paraplégique tentait de calmer les battements erratiques de son pauvre cœur. Quelle idée, mais quelle idée de cacher un cadavre dans un placard ! Solaine pouvait supporter d'évanescentes apparitions, des esprits frappeurs même. Mais un cadavre qui sortait de nulle part et lui tombait dessus comme ça, non !
Juste non.
Et tant pis si Nick se moquait. Elle estimait que ce coup-ci son hurlement était plus que justifié.

{C'est bien fait pour Solaine. Mais c'est quand même horrible, UN CADAVRE DANS LE PLACARD QUOI.C__C}

Solaine n'était pas mécontente, pour une fois, d'avoir quelqu'un entre elle et l'origine de son cri. Occupée qu'elle était à battre inutilement des mains en se demandant comment enlever les saletés immondes qui s'étaient déposées sur ses genoux sans avoir à les toucher, elle ne s'arrêta que lorsque Nick s'accroupit près du cadavre pour, semblait-il, l'inspecter de plus près. Si la vision de ce macchabée lui tombant dessus ne l'avait pas révulsée, elle en aurait profité pour lui mettre le nez dedans. Mais présentement, tout ce qu'elle pouvait faire de plus ou moins concret, c'était grimacer élégamment pour manifester son dégoût.
Un cadavre dans un placard, ne cessait-elle de se répéter. Un cadavre dans un placard ! Les propriétaires de ce manoir étaient complètement fous, et sûrement devaient-ils bien s'amuser de leur petite plaisanterie ! Ah ah ah, très drôle, vraiment, elle en était écroulée de rire ! Solaine aurait, si elle l'avait pu, fixer d'un œil bleu et rageur le plafond dans l'espoir que ce regard noir atteigne les I. Elle savait que c'était leur faute. Malheureusement, sa tête refusait de bouger, et tout ce qu'elle pouvait regarder, c'était Nick se relever et ranger son arme. Il était évident que sur le coup, il s'était montré plus courageux qu'elle, mais elle n'était pas encore prête à lui concéder ce point.
Elle continuait de s'accrocher au portrait empoté et stupide qu'elle avait -injustement- dressé de lui.

« Normal, il est pas frais celui-là. T’as crié super fort, bon sang. C’est juste un mec mort, pas la peine d’en faire tout un plat. »

Le visage de la paraplégique abandonna le dégoût pour s'habiller d'indignation, de colère, et le léger rouge de la honte vint lui aussi colorer ses joues.
Non mais, qu'est-ce qu'il racontait encore lui ? Il lui était tombé dessus, ce 'mec mort', là ! Qu'est-ce qu'il aurait fait si soudainement un cadavre avait voulu faire une sieste sur ses genoux à lui, hein ? Il n'aurait pas fait autant le malin. C'était dégoûtant, inattendu, et... Voilà. Elle n'avait pas eu peur, elle avait été surprise. La nuance était si subtile qu'on manquait souvent de la repérer.

« Au moins t’as trouvé quelque chose, mais bon. J’ai pas peur des cadavres, moi. »

Pas ce que j'aurai voulu, ne pu-t-elle s'empêcher de penser, quelque peu amèrement, avant que la seconde partie de la phrase de Nick ne la pousse de nouveau à froncer les sourcils. Lui, par exemple, était un parfait crétin qui n'avait pas même été capable de voir que son cri avait été motivé non par la peur mais par la surprise de voir un mort s'affaler sur ses genoux. Il était vraiment idiot. Et puis est-ce que c'était une qualité ça, ne pas avoir peur des cadavres ? Comme personne n'était censé en côtoyer dans sa vie de tous les jours, c'était profondément inutile.

« Je sais pas qui c’était, mais apparemment il n’a pas eu de bol. Je me demande ce qui l’a tué. »

Dit-il en le poussant du pied pour faire bon effet. Derrière lui, Solaine laissa s'échapper involontairement un murmure dégoûté, la tête penchée sur le côté comme pour chercher dans les traits du mort un visage connu. Mais elle ne le connaissait pas, n'aurait jamais souhaité le contraire de toute façon, vu ce qu'il en restait. Un frisson la parcourue alors car, quoi qu'elle pouvait en dire, elle craignait la mort comme tout être humain. Ce corps allongé sur la moquette était comme un terrible avertissement qui résonnait douloureusement à ses oreilles. Si elle restait là plus longtemps, c'était elle que l'on retrouverait un jour dans un placard. Elle avait confiance en sa force contre les autres pensionnaires, ennemis visibles et matériels, mais l'invisible quoi qu'indéniable présence de leurs hôtes l'effrayait bien plus.

Nick, soudain, s'éloigna d'elle de plusieurs pas avec agacement. Solaine haussa un sourcil intrigué mais ne trouva pas bon de faire la moindre réflexion. Elle s'éloigna elle aussi du cadavre, se rapprochant de Nick dans le processus.

« On s'en fiche de ce qui l'a tué, fit-elle un peu trop brusquement, ça change rien au fait qu'il est mort. »

La jeune fille aux cheveux gris jeta un rapide coup d'œil derrière elle. Si les morts avaient pu parler, elle l'aurait interrogé pour le savoir tout de même, curiosité et angoisse refoulé obligent. Ne serait-ce aussi que pour savoir son nom. Ce qu'il avait vécu. Qu'allait-on mettre sur sa tombe s'il était anonyme ?

Oh.

« Her, ajouta-t-elle, donnant un petit coup dans le bras de son ennemi aux cheveux noirs, on va le laisser comme ça maintenant ? Là, au milieu du couloir, sans rien faire ? Personne va aller l'enterrer, lui donner une sépulture correcte ? »

Elle ne savait pas comment ça se passait à ce niveau-là au pensionnat. Elle avait vu le cimetière, vu les noms sur les pierres grises, mais elle n'avait jamais vu personne enterrer qui que ce soit. L'idée que la dernière demeure d'un mort soit un placard la dégoûtait autant que s'être pris le dit mort en pleine figure.

Et bêtement, elle trouva bon de redire quelque chose d'autre, enlevant finalement avec mille précautions les restes de ses genoux; qui atterrirent au sol sans un bruit autre que le bruissement des mains sur le tissus:

« T'en as déjà enterré, toi, des cadavres ? »

Solaine se souvenait des enterrements auxquels elle avait assisté, toujours de loin, jamais trop près. Elle avait eut la chance de n'avoir eut à enterrer aucune personne chère. Il a cette arme en main et il réagit vite. D'où est-ce qu'il vient exactement ?

Le visage de Nick s'était figé, comme face à une scène épouvantable que Solaine n'était pas en mesure de voir. La jeune fille le fixa, avec quelque part dans ses yeux bleus le remord d'avoir dit une bêtise. Elle n'avait pas posé cette question par méchanceté ou dans le but de faire tressaillir son compagnon, car alors sa voix aurait pris cette intonation désagréable qui lui était caractéristique dans ce genre de cas. Elle était seulement curieuse, c'était tout, et s'était également fait la remarque que s'il en avait déjà enterré, alors il aurait su où et comment il était préférable de creuser la dernière demeure de ce mort anonyme. Mais ses yeux s'étaient perdus et il semblait lutter contre de mauvais souvenirs. Solaine s'apprêtait à le secouer et lui demander s'il allait bien quand il rengaina violemment son arme; Elle sursauta.
Elle le regarda s'approcher des armures, le pas lourd, sans savoir quoi dire. Si elle avait été plus gentille -et moins butée, moins fière, elle aurait pu s'excuser de sa probable maladresse. Mais Solaine était Solaine, et elle n'osa pas élever la voix, faute de savoir quels mots aligner pour détendre l'atmosphère. Du moins jusqu'à ce que Nick ne décide de parler à son tour.

« T'as de ces idées, toi ! Qu'est-ce qu'on en a à foutre de ce type, hein ? Et puis tu vas le traîner dans l'escalier sur ton carrosse, là, peut-être ? Ou sinon on peut le balancer par la fenêtre, hein, ça ira plus vite ! »

La colère revint et avec elle le flot d'injures et de remarques qu'elle aurait voulu asséner à ce bipède stupide qui lui faisait la conversation. C'était fou comme chacune de ses interventions avait le don de la pousser à bout et lui faire oublier toutes ses bonnes résolutions. Et dire, pensa Solaine, qu'elle avait faillit avoir pitié de lui ! Il méritait juste un bon coup de fusil sur le crâne, rien d'autre. Pour montrer tout ce qu'elle pensait de l'histoire du 'carrosse' et de la fenêtre, elle replaça avec toute la discrétion et la bonne humeur du monde son fusil dans la sacoche prévue à cet effet, fermement accrochée à son fauteuil. Quelque chose lui disait qu'elle n'en aurait plus besoin.
S'il s'était arrêté là, Solaine aurait pu le laisser passer et se taire. Se concentrer sur ses recherches. Toutefois, ce qui sortit ensuite de sa bouche la révolta tant qu'elle ne s'imagina pas garder les lèvres closes un instant de plus.

C'était impossible.

« Si ça se trouve, c'était le dernier des connards ce mec. Si ça se trouve c'était même pas un pensionnaire. A quoi ça servirait maintenant hein, à part faire le ménage ? Un mort ça en a rien à foutre de l'endroit où on le laisse. »

Dans un chemin de terre près de la forêt, on avait retrouvé le corps d'un petit garçon de neuf ans, atrocement mutilé et à demi dévoré. Il était si amoché que son père avait peiné à le reconnaître. Le ramener et l'enterrer avait été un vrai crève-cœur; mais un mal nécessaire ! Auraient-ils du le laisser pourrir là, entre les arbres, à la merci des animaux et des intempéries ? Solaine n'imaginait pas un tel sort pour un corps. C'était d'une horrible cruauté. Pour le mort, pour les parents qui n'auraient pas eu de tombe sur laquelle se recueillir, pour tous ceux qui l'auraient su dehors en train de disparaître, sans une fleur et sans une larme.
Pour ceux qui auraient pu trébucher dessus, marcher dessus, sans même le savoir.

Si son père ne s'était pas tué à sortir les corps de son frère et de sa soeur de la maison en ruines, à enterrer sa mère, elle n'aurait pas eu d'endroit où venir leur poser des fleurs et les savoir en paix. N'était-ce pas la moindre des choses ? Le dernier geste que l'on peut faire à un mort ?

« Et puis j'te rappelle que t'était pas venue là pour ça, hein. »

Nick avait ouvert le plastron d'une armure, jetant un regard à l'intérieur. Solaine sut immédiatement qu'il n'y avait rien. Les recherches, les feuilles de Rudy, oui. Mais...

Elle regarda en arrière. Et elle sut qu'elle ne pourrait pas l'ignorer.

« T'es vraiment... (elle jura avant de reprendre, ses mains serrées sur les roues de son fauteuil) Évidemment qu'on doit enterrer un corps ! Et que c'était peut être le dernier des connards ça change rien ! Regarde, moi, je te déteste. Mais y'a sans doute des gens qui t'aiment. Alors si je te trouve mort un jour, je t'enterrerai quand même. Parce qu'il y en a qui n'aimeraient pas te savoir en train de sécher dans un placard. »

Elle avait presque craché ces derniers mots. Elle n'arrivait pas à comprendre son point de vue. Elle pensait savoir pourquoi. On ne vient pas du même monde, toi et moi. Ça crève les yeux.

« Et puis c'est du respect, mince. On laisse pas un corps sans sépulture. Je sais que moi, je n'aimerai pas qu'on me laisse dans un couloir après ma mort. Alors tu vas lâcher cette armure avant que je te pousse dedans et tu vas m'aider à l'amener dehors. Je pourrais toujours continuer de chercher après. »

Solaine fronça les sourcils, l'air autoritaire. Elle ne s'attendait pas à ce que Nick vienne l'aider, et tant pis s'il s'en allait, cet imbécile; Elle se débrouillerait toute seule. Elle n'avait pas besoin d'aide. Elle pouvait le faire toute seule, comme n'importe qui.

Mon père, se dit-elle, n'aurait jamais laissé un cadavre comme ça. Il ne lui aurait pas tourné le dos.
Je ne lui ferais pas honte, jamais.

« Ça va, je vais t’aider, arrête de crier, franchement, t’en fais du bruit pour rien. »

La voix de Nick se confondit un instant avec le bruit du métal frappé; Solaine hocha simplement la tête, tournant légèrement son fauteuil pour pouvoir jeter un regard au cadavre sans devoir se briser la nuque. Il y aurait eu matière à disserter des heures durant sur leur point de vue respectif, mais la demoiselle n'avait jamais eu la langue très poétique – ni patiente. Il acceptait de l'aider, c'était tant mieux. Ça lui ôtait inconsciemment un poids de la poitrine. S'il avait refusé, à part lui crier dessus et le secouer pour tenter de le faire changer d'avis (chapeau la technique), elle n'aurait pas pu faire grand chose.

Solaine n'aimait pas être redevable à quelqu'un qu'elle n'appréciait pas, mais elle n'avait pas le choix. La situation l'exigeait. Il n'y avait personne d'autre à l'horizon, et quand bien même des pas auraient résonné dans ce couloir, rien ne lui disait que le nouvel arrivant aurait accepté de l'aider. On ne voulait rien avoir à faire avec la mort et les tragédies, pensa-t-elle en contemplant tristement ce corps qu'elle avait insulté et poussé quelques instants plus tôt. Comme si plus loin on se tenait des sales rumeurs qui circulaient, plus vite on fermait les yeux et se bouchait les oreilles, rien ne nous arriverait.

Mais c'était stupide. La mort fauchait qui lui plaisait sans se soucier du désir des pauvre âmes qu'elle emportait. Ce n'était pas slalomer entre les corps qui allait vous faire rester en vie plus longtemps.
Quand Solaine s'aperçut que Nick ne la rejoignait pas, elle se retourna vers lui. Il était toujours planté devant l'armure, l'air du reste fort peu décidé à joindre le geste à la parole. Qu'est-ce qu'il fichait, au juste ?

« J’me demande si je vois pas un truc là-dedans… »

Solaine ouvrit en grand ses yeux, l'air soudain intéressée. Malgré sa mésaventure avec le placard et le corps, l'urgence de donner une sépulture à ce dernier, elle n'en avait pas oublié l'histoire des feuilles de Rudy. Ils n'avaient pas eu de chance jusque là, certes, mais peut-être que tout allait changer. Peut-être que Nick voyait une feuille ! Parce qu'elle était gonflée de cet espoir idiot, Solaine obéit au jeune garçon sans rien rétorquer.
Arbora tout de même une mine perplexe en le voyant rentrer dans l'armure comme si ça avait été là la chose la plus naturelle au monde. Elle faillit lui conseiller de ne pas fermer le plastron derrière lui – on ne savait jamais, hein, ça aurait été bête qu'elle doive le sortir de là car il s'y serait bloqué, puis jugea qu'il savait ce qu'il faisait. C'était un grand garçon, n'est-ce pas ?

Les doigts de la paraplégique aux cheveux gris pianotèrent un moment sur ses genoux. Elle commença très vite à se demander si c'était utile d'y rentrer tout entier pour vérifier l'intérieur, et au bout de deux minutes n'y tint plus. D'accord, d'accord, elle n'avait pas été très gentille avec lui. Solaine le savait, elle avait la fâcheuse tendance à élever trop vite la voix. Que Nick partage de toute évidence avec elle ce trait de caractère ne justifiait rien. Elle aurait du se montrer posée et raisonnable, ne pas le narguer ni le chercher. Lui lancer le caleçon dessus, ça n'avait pas non plus été très mature. Elle le savait ! Mais ce n'était pas une raison pour faire la tête comme ça, non ?

Solaine se dirigea vers l'armure avec un soupir agacé. Elle contempla la figure de fer de haut en bas; Elle avait beau avoir fière allure, elle avait quelque chose de terrifiant. De sombre.

« C'est bon, tu peux sortir, y'a pas de quoi être vexé. J'arrête de crier si tu veux. »

Petit silence. Une hypothèse folle traversa l'esprit de Solaine; Et si Nick s'était fait enlever ? Si l'armure l'avait emmené ailleurs ? Idée farfelue, oui, mais avec le pensionnat, on était jamais sûr.

Elle asséna donc plusieurs coups de poing à la pauvre carcasse qui faisait le guet.

« Nick, t'es encore là-dedans au moins, hein ?! »

Parce que mince, il avait un corps à enterrer avec elle ! Il ne pouvait pas avoir disparu, et il ne pouvait pas non plus décider d'habiter là-dedans !

Sors, quoi, allez !

{... NICK DANS L'ARMURE AHAHAHA.♥}