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 « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou. » [LIBRE]

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Hadriel Delahaye
Hadriel Delahaye

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• Pouvoir : Réduction des émotions d'autrui ainsi que des siennes propres.
• AEA : D'allègres ronds de fumée pas si ronds que ça.
• Petit(e) ami(e) : Le genre de question qui doit le torturer dans une autre vie.

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« Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou.  » [LIBRE] _
MessageSujet: « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou. » [LIBRE]   « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou.  » [LIBRE] Icon_minitimeJeu 21 Mar 2013 - 22:44

« Merde », siffla Hadriel. Si Kathie l’avait entendu, un sourire sarcastique aurait étiré son joli visage, avec cet éclat moqueur intenable que les années lui avaient appris à supporter, bon gré mal gré. Le grand brun était beaucoup trop occupé à ne pas savoir où donner du regard pour penser à son vieil ami : s’il levait la tête, un plafond haut se déroulait devant ses yeux. Au centre brillait la lumière froide d’un lustre magnifique qui y dessinait une auréole blanchâtre et étincelante. S’il tournait la tête à droite, à gauche, une tapisserie aux motifs intriqués qu’il ne put s’empêcher de démêler. Mais bientôt, son attention versatile se perdit dans les méandres qui couraient, folâtres, sur le mur. S’arrachant à sa contemplation, il se tourna vers l’imposant escalier de marbre que couvrait un tapis usé jusqu’à la trame par une armée de semelles. Bouche bée, les bras ballants, il en oublia sa récente dispute avec Domino et jusqu’à son propre nom. Tout était magnifique, doré, vivant, vert, or, tout était beauté et diamants. Subjugué, il laissa un soupire s’écraser lamentablement dans l’air vide et se répercuter pour revenir heurter ses oreilles et blesser le silence de plomb qui y régnait.
La seule question qui traversa son corps et fit vibrer jusqu’au dernier de ses nerfs lui arracha un nouveau sifflement admiratif : combien d’argent Helen avait-elle pu dépenser pour s’offrir un appart pareil ? Avec ses revenus, sa petite retraite –sa retraite dont il se demandait déjà comment elle avait pu seulement en avoir une ! La rente de son mari ? Était-elle donc la veuve ou l’ex-femme d’un riche milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou et plus royaliste que le roi ? Il jura que l’immeuble se serait arrêté avant ce plafond qui semblait crever le ciel, que la salle à manger de l’appartement qu’ils partageaient avec Domino aurait tenu aux côtés de sa sœur jumelle dans la largeur de ces marches.

« Helen ? Mais qu’est-ce qu’elle a branlé avec le fisc… »

A part les avoir spoliés d’une vie d’un demi-million par mois, ce qui allait sans dire. Un sourire abruti plana sur ses lèvres et Hadriel retira son chapeau. Il le fit machinalement tourner autour de son doigt, le fit tomber, le récupéra et le replanta sur son crâne, tira les bords pour s’occuper les mains. A peine glissa-t-il sur le panneau de liège placardé à n’en plus finir de couches d’affiches, de notes, de photographies. Aucun nœud ne vint emmêler ses intestins, aucune boule ne remonta jusqu’à sa gorge : si le pensionnat avait déjà accueilli entre ses murs décrépis âme plus insouciante de son propre sort, sans doute avait-il depuis pris grand soin à la dénaturer. Delahaye, s’avança, posa un pied sur l’escalier, puis l’autre, le droit, le gauche, le droit, pas plus inquiet que la veille de ses examens. Sans doute aurait-il tiré une ou deux fois la sonnette d’alarme au son clair s’il avait, ne fut-ce qu’une malheureuse fois, eu la présence d’esprit de pousser le lourd battant de la porte. Comment se serait-il douté de sa misère, à se pencher ainsi par-dessus les rampes, les rambardes, à faire claquer son talon sur le marbre ?

« Euh, excuse-moi de te déranger, Helen, vociféra-t-il, ses mains en porte-voix pour s’assurer que la vieille, pas du genre à le laisser entrer sans l’épier depuis l’encadrure d’une porte, l’entende. Mais Domino m’a foutu dehors –encore, bon. Mais le temps de calmer le jeu, faudrait que je r… »

Une voix retentit et le coupa au beau milieu de son édifiante tirade.
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MessageSujet: Re: « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou. » [LIBRE]   « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou.  » [LIBRE] Icon_minitimeDim 24 Mar 2013 - 15:34

La Bavière était l’une des régions les plus charmantes qu’il m’ait été donné de visiter. Ce village, dont j’ai déjà oublié le nom, était petit mais plutôt accueillant. Les habitants étaient des gens simples, mais bons vivants, et ouvrir ma chocolaterie avait été plus facile que dans nombre d’autres endroits, surtout que j’étais arrivée à la période de Pâques, ce qui était évidemment excellent pour mes affaires. J’étais habituée à supporter des regards torves et des commérages au début, puis à me faire ma place. J’ai donc considéré que les choses étaient gagnées pour cette fois. Je me trompais.
Au fil des mois, mon ventre a commencé à s’arrondir. Si j’avais été veuve, ou si mon époux avait été à la guerre, les femmes du village auraient massivement été attendries par cette "pauvre" jeune mère contrainte à se débrouiller seule. Mais pour moi, qui avais rectifié nombre de "Madame Rocher" pour que l’on m’appelle "Mademoiselle", c’était tout à fait différent. J’étais une mère célibataire, et Magdalena ce que les gens appelaient une fille "naturelle".
Alors, comme toute Vagabonde qui se respecte, j’ai accouché seule. Ensuite, j’ai décidé de rester le temps de prendre des forces. Et puis, trois jours plus tard, le Vent du Nord s’est levé, et j’ai su qu’il était temps pour moi de partir. Bien m’en a pris : lorsque j’ai atteint le sommet de la colline, j’ai vu un attroupement devant la maison que j’avais louée, avec à sa tête les doyennes du village menant un représentant de la loi. Nous l’avions échappé belle. Jamais je n’aurais laissé quelqu’un me prendre ma fille. J’étais capable de m’occuper de Magdalena, seule, comme Chitza avait élevé Vianne, et comme Vianne m’avait élevée, moi, Anouk.

J’ai marché, pendant toute la nuit, et une bonne partie de la journée suivante. J’ai dormi dans une petite ville polonaise, où j’ai finalement décidé de passer quelques semaines, consciente que j’avais encore besoin de reprendre des forces. Mais le Vent du Nord soufflait toujours. Cet endroit n’était pas mon escale. Alors, je suis repartie, en train, jusqu’à Varsovie. A la gare de Varsovie, je suis montée dans le premier train, sans même regarder sa destination. Ma mère faisait souvent cela.
Ce train m’a emmenée à Saint-Pétersbourg, la ville des Tsars. Il y avait un moment que je pensais à la visiter, alors ça tombait bien. Des passants ont même eu la gentillesse de m’indiquer une maison bourgeoise abandonnée, avec un ancien atelier de confiseur. Parfait pour moi, ou plutôt pour nous.

Je passai donc à la mairie pour régler les détails administratifs puis, après une marche relativement courte, je parvins devant la bâtisse qu’ils m’avaient indiquée. Le portail était massif, en fer forgé, et le bâtiment lui-même était impressionnant, tenant plus du manoir ou de l’hôtel particulier que de la maison. Il ne semblait d’ailleurs pas aussi délabré que j’aurais pu le craindre au vu des tarifs ridiculement bas que l’on m’avait annoncés. Cela dit, je n’avais pas encore vu l’intérieur. Peut-être un plafond s’était-il effondré, pour ce que j’en savais.
Je posai donc mes lourds sacs de voyage pour ouvrir la porte et les repris pour entrer. Une fois à l’intérieur, je les posai à nouveau pour refermer la porte, et les laissai là. Ils commençaient à peser, et après tout j’étais arrivée à destination. Il me serait toujours possible de les reprendre plus tard.
C’était un hall d’une propreté étonnante, de grande taille, illuminé par un magnifique lustre en cristal. Les lieux n’étaient pas déserts. Un homme aux cheveux bruns se tenait au milieu du hall, et criait.


« Euh, excuse-moi de te déranger, Helen. Mais Domino m’a foutu dehors –encore, bon. Mais le temps de calmer le jeu, faudrait que je r… »

Je sentis Magdalena s’agiter contre moi, dérangée dans son sommeil par ce bruit soudain.
« S’il vous plaît, l’interrompis-je dans un murmure, arrêtez de hurler. Ma fille essaye de dormir. »

Je me rendis soudain compte que je tenais toujours mon titre de propriété à la main. Cet homme était chez moi. Beaucoup de gens en général, et de femmes en particulier l’auraient tout bonnement mis à la porte. Pas moi. Lorsqu’un Vagabond se trouve une maison temporaire, il s’y montre toujours hospitalier.
« Je m’appelle Anouk Rocher. Je viens de louer cette maison. Mais vous pouvez rester, si vous voulez. »
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MessageSujet: Re: « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou. » [LIBRE]   « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou.  » [LIBRE] Icon_minitimeDim 24 Mar 2013 - 17:49

Hadriel se retourna, le sourire toujours suspendu aux lèvres ; la situation, quoiqu’éminemment bizarre au demeurant, ne prêtait pas non plus à pleurer. Trop accaparé par la multitude de détails que son cerveau emmagasinait, plus par habitude qu’y voyant une réelle utilité, il fut incapable d’ajouter à la cacophonie sous son crâne d’autres questions, d’autres idées et d’autres remarques. Ses pensées avaient perdu leur chef d’orchestre et sans personne pour les mener à la baguette, cette suite désarticulée de mots et d’observations à la pertinence douteuse réclamait toute son attention pour ne pas partir complètement en queue de poisson. La voix qui résonna dans le grand hall fastueux eut au moins le mérite de calmer leurs ardeurs : si c’était la voix d’Helen, il voulait bien se faire couper la langue. Le timbre rocailleux de la vieille lui avait toujours évoqué un verre de whisky-coca sans coca, une bière où des graviers auraient remplacé les bulles et qui lui serait restée en travers de la gorge. Une mauvaise autoroute. Un chanteur qui aurait trop crié. Rien à voir avec le chemin de campagne, à hauteur d’un murmure, qui se fit entendre. De ses yeux sombres mais brillants, il balaya la pièce et ne tarda pas à localiser l’inconnue –qui, bingo, ne ressemblait pas franchement à Helen, si ce n’était le hâle de sa peau. Les cheveux gris et couverts d’un fichu sale avaient été troqués contre un nuage de boucles brunes, le corps rabougri, ratatiné et plus voûté que le plafond d’un chœur gothique changé en une silhouette ni lourde ni gracile mais indubitablement plus jeune.

Qu’elle ait été riche à en crever sans en faire étalage était une idée que Delahaye, dans son imagination galopante, pouvait considérer ; que la chirurgie eût fait des progrès pareils lui paraissait déjà un tantinet plus invraisemblable. Il se posa une ou deux questions sans lendemain. En tira la conclusion qui aurait dû s’imposer depuis le départ : ça, c’était pas sa voisine de palier. Elle tenait un mouflet dans ses bras, serré contre sa poitrine. Instinctivement, Hadriel baissa le ton et laissa la fin de sa demande mourir sur ses lèvres. Perturber le sommeil d’un enfant avait quelque chose d’assez cruel –surtout, songea-t-il, avec les efforts qu’il faut pour les rendormir, ceux-là. Toujours prêts à découvrir la vie, de vrais guerriers. Il hocha le menton, signifiant sans un bruit qu’il avait compris le message et fit glisser sa main sur la rambarde magnifique. Peut-être était-ce la fille d’Helen ; quelque chose au fond de lui avait beau tenter de l’en dissuader, il ne pensait plus être à ça près.

« Je m’appelle Anouk Rocher. Je viens de louer cette maison. Mais vous pouvez rester, si vous voulez. »

Hadriel fronça les sourcils, paumé : la ville avait quelque chose de presque traumatisant pour les provinciaux, parfois. Dur de leur en vouloir d’appeler le métro TGV, de sortir leur bagnole pour un oui ou pour un non, de rester pendu à leur GPS, de perdre les pédales dans les embouteillages et d’être constamment en retard, et surtout de ne connaître personne. Mais appeler un appart aussi miteux une maison, c’était encore quelque chose de nouveau, ça, nota le brun avec amusement. A moins qu’elle fut le promoteur qui avait racheté l’immeuble ; l’idée que personne ne lui en ait touché un mot ne l’aurait pas choqué, pas outre mesure –il n’y habitait pas à proprement parler et ne payait pas un rond de loyer. Ce qui l’étonnait bien plus était qu’Helen ait loué le coin. Plus attaché à sa petite chambre qu’une bernique à son rocher, et il se souvenait d’un séjour à la mer où ces coquillages avaient éprouvé à la fois sa patience et ses doigts avant de finir décollés à coups de galets. Un vague pincement au cœur ; elle ne leur aurait rien dit ? Rien qui durât.
Il descendit quelques marches, jusqu’à se trouver à peu près au niveau d’Anouk :

« Ah, euh… Cool ? C’est Helen qui vous a loué l’appart ? demanda-t-il, intrigué malgré lui. Attention à ce qu’elle ne vous fasse pas de sale tour avec le loyer, elle est fourbe dans son genre. »

Il se tut une seconde, enleva à nouveau son chapeau, lança un sourire contrit à la cantonade et reprit, mû du besoin impérieux de justifier son intrusion :

« En fait c’est Domino –vous savez, de l’appart à côté, qui en a eu marre et j’avais pas tellement que ça envie d’aller battre la semelle devant l’immeuble. En plus, j’ai même pas pu récupérer ma guitare, alors bon, hein… C’est cool de pas appeler la police, déclara-t-il avant d’agiter ses mains devant lui, enfin pas qu’y ait besoin, mais les gens sont paranos des fois, avec les cambriolages, tout ça tout ça… »

Il sourit, soupira, conscient d’avoir parlé un peu plus que son dû et beaucoup moins fort qu’à son habitude. Il ne comprenait rien et le plus triste dans cette sombre histoire, c’est qu’il ne s’en rendait pas seulement compte.

« Désolé pour la petite. J’aime bien les enfants, précisa-t-il avant de désigner sa droite du pouce. J’habite juste à côté. Ça doit vouloir dire qu’on est voisins… ? Mince, vous êtes sûre de pas vous être trompée, je pensais pas qu’Helen partirait comme ça. »
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MessageSujet: Re: « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou. » [LIBRE]   « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou.  » [LIBRE] Icon_minitimeLun 25 Mar 2013 - 19:31

Je l’observais tendis qu’il descendait le massif escalier de marbre.
« Ah, euh… Cool ? C’est Helen qui vous a loué l’appart ? »
Je supposai qu’il faisait référence à la partie habitable située au-dessus de l’échoppe. Cette partie habitable était sensée être en plutôt bon état, comparée à l’ancien atelier et au magasin qui, eux, étaient, à ce qu’on m’avait dit, dans l’état de délabrement le plus total, ce qui était la raison pour laquelle cette maison abandonnée m’avait coûté si peu cher.
« Attention à ce qu’elle ne vous fasse pas de sale tour avec le loyer, elle est fourbe dans son genre. »
Cette Helen était probablement la vieille femme préposée à la mairie avec qui j’avais signé le contrat de location. Elle ne m’avait effectivement pas semblée commode, mais ce n’était pas ça qui allait me faire peur.
« Je suppose que oui, elle ne s’est pas présentée. Merci pour votre sollicitude, je ferais attention.»
Il me salua en retirant son chapeau, ce qui me fit sourire. Certaines coutumes semblaient être les mêmes partout dans le monde. Un mur ne pouvait pas changer la nature humaine, ni en bien, ni en mal.

« En fait c’est Domino –vous savez, de l’appart à côté, qui en a eu marre et j’avais pas tellement que ça envie d’aller battre la semelle devant l’immeuble. »
Je ne compris pas bien ce qu’il voulait dire par « l’appart à côté », mais peut-être ce Domino était-il tout simplement son voisin et son locataire. Ceci dit, je ne voyais pas pour quelle raison j’aurais dû le savoir. Mais, dans la mesure où nous nous trouvions dans un vieux quartier bourgeois et où il avait parlé d’un immeuble, je supposai que ce pauvre homme chassé de chez lui avait dû marcher pendant longtemps dans les rues froides de Saint-Pétersbourg, avant de se réfugier ici. Un chocolat bien chaud, avec une pincée de piment rouge, lui ferait le plus grand bien.
Je n’eus pas le temps de lui faire part de mes pensées, car il continuait déjà.

« En plus, j’ai même pas pu récupérer ma guitare, alors bon, hein… »
« Oh ! Vous êtes musicien ? J’adore la musique ! »
C’était avec ça que Kamil m’avait séduite. Un charmant musicien tzigane qui chantait des chansons d’amour avec un accordéon ou une guitare et vous faisait chanter jusqu’au bout de la nuit…Quelle femme aurait pu résister ?
Evidemment, cela n’aurait pas pu durer, pas avec une femme comme moi, pas avec un homme comme lui. Je crois que nous les savions tous les deux, dès le début. Ce qui ne nous a pas empêchés de profiter de notre romance italienne. Et puis, une fois en Allemagne, j’ai disparu dans la nuit, poussée par le vent du Nord. Je suis certaine qu’il n’a aucun regret. Moi non plus, d’ailleurs. Sauf peut-être sa musique. J’ai toujours su chanter, mais je n’ai jamais été musicienne.


« C’est cool de pas appeler la police, ajouta-t-il en agitant ses mains devant lui, enfin pas qu’y ait besoin, mais les gens sont paranos des fois, avec les cambriolages, tout ça tout ça… »
Je lui offris un sourire à la fois mystérieux et chaleureux, un sourire de Vagabonde.
« La police ? Nous sommes assez grands pour régler nos histoires tous seuls, vous ne croyez pas ? Et puis, vous comprendrez qu’une femme dans ma situation évite d’avoir affaire à la police. Surtout s’il s’agit des forces de l’ordre soviétiques, mais cela, vous le savez sûrement mieux que moi. Et puis…je n’ai pas beaucoup d’argent, vous savez. Je possède beaucoup à offrir, mais peu qui mérite d’être volé. Mes chocolats ? Je les offrirais tous, si je m’écoutais, et s’il n’y avait pas les loyers à payer. Mes ustensiles, mes vêtements ? On en retrouve toujours. Magdalena est mon seul trésor… » Conclus-je en regardant ma fille d’un air attendri.
Il sourit, et poussa un soupir.

« Désolé pour la petite. J’aime bien les enfants. »
« Vous ne pouviez pas savoir. Et puis, elle dort toujours, alors tout va bien. »

Il désigna ensuite sa droite de son pouce.
« J’habite juste à côté. Ça doit vouloir dire qu’on est voisins… ? Mince, vous êtes sûre de pas vous être trompée, je pensais pas qu’Helen partirait comme ça. »
C’est là que je compris que quelque chose clochait. Je fronçais les sourcils.
« Attendez, vous n’aviez pas dit que vous viviez dans un immeuble ? Nous sommes dans un quartier bourgeois. Et, à ce qu’on m’a dit, la maison est abandonnée depuis plus de cinq ans. »
Je pris le temps de réfléchir.
« Non, je ne peux pas m’être trompée. Nous sommes au 23, Allée Marx. J’ai vérifié sur la porte, et c’est l’adresse qui est inscrite ici. » Répondis-je en lui montrant le titre de propriété que je tenais toujours, et qui indiquait bel et bien le 23, Allée Karl Marx, Leningrad.
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MessageSujet: Re: « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou. » [LIBRE]   « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou.  » [LIBRE] Icon_minitimeJeu 28 Mar 2013 - 23:45

Un peu long à la détente, le garçon : à sa décharge, ce n’était pas entièrement de sa faute. Pas cette fois-ci, alors que la situation était si confuse, embourbée dans une vase gluante. Plus on se débat, plus on s’enfonce, récita le grand gamin avec un froncement de sourcils, perplexe. Le mieux était de rester calme, un calme olympien qu’une statue de marbre lui aurait envié. Tout n’allait pas si mal. Hadriel tenta vainement de récapituler : cette femme, Anouk, venait de rentrer chez elle. Lui s’était fait jeter dehors par son amour de colocataire sans autre forme de procès et avait débarqué chez la voisine –qui du reste avait apparemment quitté le navire avec lequel elle pourrissait depuis des années, presque enfoncée dans les planches et au moins aussi moisie qu’elles. La brunette n’avait pas l’air vindicatif : une mère avec son gosse, une amatrice de musique, pas franchement regardante, pas malpolie. Il comptait crécher là, pas longtemps, l’affaire de quelques jours tout au plus ; il avait eu de la pizza la veille, trimballait toujours sa console quelque part dans sa poche, et avait même trouvé le moyen de visser son chapeau sur sa tête avant de partir. Il avait pris une, deux lignes dans la journée. Une journée assez classique, quasi enviable. Mais.
Le problème venait plutôt de cette histoire de police soviétique. A retardement, les mots pénétrèrent dans ses oreilles et s’entrechoquèrent sous son crâne à en rendre les parois douloureuses et, il en était certain, carrément bosselées. On n’aurait peut-être pas dit, à le voir se trainer d’un pas guilleret ici et là, mais il était plutôt calé en histoire. Delahaye comptait préparer une thèse plus tard, son bac en poche. L’oppression restait son dada à lui : NKVD, répressions tsaristes, les bleus et les camps d’internement, et pourquoi pas les goulags communistes ou il ne savait encore quel millier d’autres atrocités la terre enneigée du pergélisol et de la toundra, jusqu’au fin-fond de la taïga, avait pu voir depuis. Soviétique, ça ne faisait tout de même pas très moderne.

Ce qui ne suffit pas à inquiéter sérieusement le grand type appuyé sur la rambarde, à mille lieues de se douter de son sort.

« Attendez, vous n’aviez pas dit que vous viviez dans un immeuble ? Nous sommes dans un quartier bourgeois. Et, à ce qu’on m’a dit, la maison est abandonnée depuis plus de cinq ans. »

Un sourire plus franc étira ses lèvres épaisses : les quartiers chics, les coins bourgeois, il connaissait. Ces allées proprettes bordées de maisons, toutes les mêmes, aux mêmes toits pentus, au même jardinet carré, aux mêmes volets peints des mêmes couleurs et rehaussé des mêmes fleurs. Seuls les rideaux qui pendaient mollement aux fenêtres transparentes différaient : ici des violettes de dentelles, là une scène champêtre. Petit, il n’arrêtait pas de s’y perdre, un peu exprès, un peu par hasard, et n’était que trop heureux de lever le nez et de se retrouver loin d’eux. L’immeuble crasseux d’ici n’avait rien de rupin, à part les fringues qu’ils portaient. Et encore, c’était pas du Gucci. Pourtant c’était chaleureux, on se connaissait de palier en palier, on portait les sacs de la petite vieille parce qu’y avait pas d’ascenseur, on fumait un joint tranquille sur le toit, on souhaitait son anniversaire à la petite Anne. L’incohérence du propos le laissait mi attendri, mi perdu. Sans doute complètement les deux, d’ailleurs.

« Non, je ne peux pas m’être trompée. Nous sommes au 23, Allée Marx. J’ai vérifié sur la porte, et c’est l’adresse qui est inscrite ici. »

Paperasse à l’air vieillot, suranné à l’époque du tout au numérique. Hadriel adorait le papier autant qu’il adorait les enfants, mais les points tout juste marqués s’évanouirent aussitôt, noyés dans les lettres assemblées sur la feuilles. Des lettres, qui formaient indubitablement des mots, des phrases, mais qui n’avaient ni sens ni valeur.

Parce que Leningrad, pauvre fille, elle s’était paumée de plusieurs zéros dans son itinéraire. Et de quelques dizaines d’années, tant qu’à faire, parce que sinon ça n’aurait pas été drôle du tout. La drôlesse n’avait pas l’air de plaisanter, pourtant, et dériver pendant si longtemps, un papier à la main, à la recherche d’une maison, d’un chez-soi, c’était beau –beau mais improbable, hélas. Il le saisit sans brusquerie, relut une fois, deux fois, le parcourut bêtement, ne trouva rien à redire.

Delahaye comprit qu’il aurait dû s’affoler ; mais il se souvint l’histoire du marécage et força un nouveau sourire sur ses traits.

« Pardon, madame. Les quartiers un peu plus, euh, cossus, il fallait prendre à droite en sortant de la gare. Si vous avez pris le train. Ou descendre et longer le parc, y en a aussi, si vous sortez de l’aéroport, récita-t-il d’un ton rompu à renseigner le badaud. Mais Leningrad, on s’est fichu de vous. »

Il se mord la lèvre, gonfle ses joues, les dégonfle, cherche quoi dire et finit par reprendre, il le fallait bien :

« Le traité doit être vieux, on vous aura refourgué ça sans que vous fassiez trop attention. D’abord c’est en Russie, pas en France, et elle s’appelle Saint-Pétersbourg depuis bien, au moins, allez –1990, 1991, quelque chose comme ça, hésita-t-il, presque certain de sa mémoire, avant de claquer des doigts, l’illumination divine s’était abattue tambour-battant sur sa pauvre tête. Vous vous êtes trompée de vol et vous avez atterri ici, non ? Quand on connait pas… Je sais pas ? Avec un bébé, en plus… »
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« Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou.  » [LIBRE] _
MessageSujet: Re: « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou. » [LIBRE]   « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou.  » [LIBRE] Icon_minitimeVen 29 Mar 2013 - 11:40

Il me prit le papier et je le regardai silencieusement tandis qu’il le parcourait des yeux. Je le vis sourire à nouveau.
« Pardon, madame. Les quartiers un peu plus, euh, cossus, il fallait prendre à droite en sortant de la gare. Si vous avez pris le train. Ou descendre et longer le parc, y en a aussi, si vous sortez de l’aéroport. »
Je lui offris à mon tour un sourire chaleureux. Je n’avais pas épousé le père de Magdalena. Chitza, ma grand-mère, s’était mariée, et nous avait transmis qu’il s’agissait de sa plus grande erreur. Le mariage était un lien indéfectible, trop pour une Vagabonde. Mais tout le monde faisait cette erreur. Lorsque j’étais enfant, nos interlocuteurs faisaient souvent la même à propos de ma mère. Il était vrai que les mères célibataires étaient toujours aussi rares, et moins fréquentes encore étaient celles qui choisissaient d’élever elles-mêmes leur enfant.
« C’est Mademoiselle Rocher, pas madame. »
En sortant de la gare, je m’étais trouvée face à trois rues. L’une d’entre elles allait à droite, la seconde tout droit, et la dernière à gauche. J’avais trouvé la mairie à gauche, bien visible, puis sur les conseils du brave vieux couple qui m’avait renseigné, j’avais emprunté le premier chemin. Je ne compris donc pas vraiment où il voulait en venir.
La suite de sa déclaration me parut encore plus obscure. Je savais ce qu’était un aéroport, car j’étais un jour passée avec ma mère devant celui de Berlin Templehof, fondé en 1923. Mais avais-je réellement l’air d’une femme ayant les moyens de prendre l’avion ? J’étais une jeune mère célibataire errant de ville en ville, pas la veuve d’un milliardaire excentrique en tour du monde.

« J’ai pris le train. Je suis allée à gauche jusqu’à la mairie, où j’ai pris cette location. Je suis ensuite revenue à la gare, tout près, et sur les conseils d’un couple de personnes âgées, j’ai pris à droite jusqu’ici. Je suis certaine d’être au bon endroit. Je voyage beaucoup, et je ne me perds jamais. »

« Mais Leningrad, on s’est fichu de vous. » Je le vis se mordre la lèvre. Il semblait chercher ses mots.
« Le traité doit être vieux, on vous aura refourgué ça sans que vous fassiez trop attention. » Le papier était certes de mauvaise qualité, mais c’était le cas de tout ce que l’on pouvait trouver en Union des Républiques Socialistes et Soviétiques, je le savais. De plus, j’avais vu la standardiste – la fameuse Helen, très probablement – le taper sur sa machine, devant mes yeux. Il portait le tampon officiel de la commune de Leningrad. Et puis, j’avais eu suffisamment de titres de location entre les mains pour savoir reconnaître un faux lorsque j’en voyais un.
« C’est un vrai, je le sais. Et c’est la bonne adresse. Je vais vous le montrer. »
J’actionnai la poignée pour lui montrer le numéro inscrit sur la maison, mais la porte refusa de s’ouvrir. Je haussai les épaules sans méfiance, en songeant qu’il serait toujours temps d’huiler les gonds plus tard. Tant que le Vent du Nord ne m’appelait pas, l’enfermement ne me posait pas plus de problème que ça.
« Bon, elle est bloquée, je vous le montrerais une autre fois. »
« D’abord c’est en Russie, pas en France. » Je ne croyais pas avoir mentionné la France, pays où je n’étais d’ailleurs pas retournée depuis environ trois ans – c’était-à-dire depuis que ma mère y était morte, probablement empoisonnée par une pâtissière jalouse de son succès. Mais ce fut à ce moment-là que je réalisai quelque chose d’essentiel. Nous parlions français. C’était peut-être un constat stupide (après tout, le français comme le russe faisaient partie des langues que ma mère avait tenu à m’apprendre). Mais nous nous trouvions en Russie et, encore quelques instants plus tôt, j’avais la profonde conviction de parler russe.
« Qui a dit que Leningrad était en France ? » demandai-je en me retenant de l’interroger sur cette question de langage, de crainte de passer pour une folle.
« Et elle s’appelle Saint-Pétersbourg depuis bien, au moins, allez –1990, 1991, quelque chose comme ça »
« Elle s’appelait Saint-Pétersbourg. C’est Leningrad, maintenant. »

Je le vis alors claquer des doigts, comme s’il venait d’avoir une idée lumineuse. « Vous vous êtes trompée de vol et vous avez atterri ici, non ? Quand on connait pas… Je sais pas ? Avec un bébé, en plus… » Trompée de vol ? Il devait encore faire référence à l’aéroport. Ne connaissait-il pas le prix d’un avion ? Ou alors était-il riche comme Crésus sans en faire étalage ? Mais, si tel avait été le cas, il n’aurait pas été à la porte de chez lui.
« Non, je ne prends jamais l’avion. »
Je me demandais encore comment prendre sa remarque à propos de ma fille lorsque ce qui m’avait échappé me frappa subitement.
« Avez-vous dit 1990 ? C’est une blague ? En 1990, j’aurais quarante-cinq ans. »
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MessageSujet: Re: « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou. » [LIBRE]   « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou.  » [LIBRE] Icon_minitimeSam 6 Avr 2013 - 18:43

Anouk s’avança vers la porte, sûre d’elle. Toujours accoudé à la rambarde, Hadriel se redressa et la suivit du regard seulement, prêt à accueillir d’un sourire blasé le mur terne qui faisait face à la porte, la plaque numérotée en biais, tout près de l’escalier dont l’angle du mur cachait la silhouette mais qu’il devinait derrière. Une fois, deux fois elle appuya sur la clenche récalcitrante –qui ne cessa pas pour autant de récalcitrer, cela dit. Le gamin se demanda si ce mot existait réellement et parvint vite à la conclusion que non, quoiqu’il sonnât plutôt bien. Perdu, mais pas inquiet, le brun haussa les épaules, désinvolte. Eh bien ? L’hôtel de ville, ce n’était pas la porte à côté ; qu’elle refusât de remettre en doute son sens de l’orientation était une chose, qu’elle délirât complètement en était une autre. Peu enclin à s’énerver pour un oui ou un non, Delahaye ne se formalisa pas de cette nouvelle affirmation ni de son incongruité crasse. D’ordinaire déjà il lui semblait presque impossible de relier les deux parties d’une équation. C’était au-dessus de ses forces et, de ce que Kathie lui avait toujours dit et maintes fois répété, si la question était importante on y répondait par oui ou par non et on n’avait que cinquante pourcents de risques de se tromper. Tranquille et un peu intrigué, il jeta un énième coup d’œil autour de lui. Jamais il n’avait embrassé décor plus somptueux –excepté cette fois quand il était jeune où son oncle l’avait emmené à Versailles.

Anouk lui posa une question mais, infichu de se souvenir de ce que lui-même avait bien pu raconter, il se trouva bien en peine de lui répondre et se tut. Quand on n’a rien à dire, récita Hadriel, autant fermer sa gueule. Politique d’une sagesse irrécusable, sauf que lui en avait, des trucs à déblatérer. Par exemple, cette histoire de Leningrad. Il n’était certes jamais allé en Russie et sa paranoïa naturelle lui avait déjà soufflé que ce qu’il lisait dans les livres d’histoire, les images diffusées à la télévision, aux infos et dans le journal étaient filtrées par un gouvernement consciencieux et soucieux de son image, peut-être même par les Illuminatis ou il ne savait encore trop quelle secte à la puissance insoupçonnée. De là à faire passer Leningrad pour Saint-Pétersbourg et vice-versa, il ne comprit pas et fronça les sourcils. Ces derniers temps, il n’avait pas franchement eu le temps de se renseigner sur autre chose que le prix des pizzas. Le visage surpris de Domino lorsqu’il lui avait expliqué que la Tchécoslovaquie n’existait plus depuis longtemps, en plus d’avoir valu le détour et un polaroïd, lui avait fait comprendre que ce n’était pas de là non plus que l’info lui servait parvenue.

Mais, merde, on ne changeait pas le nom d’une grande ville en deux semaines sans que la polémique se lance dans tous les bus, sans que d’une manière ou d’une autre le dernier écureuil forestier fût mis au courant. Pas dans ce monde, pas de ce temps, pas de cette époque gavée aux tabloïds. Surtout depuis Depardieu, remarqua le type. Il retira son chapeau et le fit tourner autour de son doigt comme une toupie. Ses mains ainsi occupées, il se sentit mieux. Tout le temps on lui disait qu’il était trop speed mais lui ne voyait pas en quoi c’était un mal mieux valait ça qu’autre chose pas vrai d’ailleurs il aurait dû commencer à se poser des questions mais aucune ne lui venait ce qui était bizarre en soi et…

« Avez-vous dit 1990 ? C’est une blague ? En 1990, j’aurais quarante-cinq ans. »

Et tout de même. Cette année-là, il n’était pas encore né : ses parents devaient danser quelque part dans une boîte et son père, rêver seulement de devenir capitaine, et sa mère, manger encore des bonbons malgré son âge en pleurant sur les années qu’elle perdrait à s’ennuyer comme un rat crevé en fac de médecine. Quelque chose ne tournait pas rond, sans qu’il pût mettre le doigt dessus. Dans les paroles contradictoires qu’ils se balançaient à la figure, dans les vêtements d’Anouk, dans l’ivresse qu’il avait ressentie en entrant. Son instinct le trompait aussi rarement qu’il se manifestait. Il mit son excitation sur le compte de la coke, fit tomber son chapeau, se baissa, le ramassa, extatique.

Il se passait donc enfin quelque chose.

« Mademoiselle –je peux vous appeler Anouk ? Vous devez pas être beaucoup plus vieille que moi. Soit vous êtes amnésique, énuméra-t-il, soit vous êtes un fantôme. Qui attirez sans le vouloir des gens jusqu’à vous, sans vous rendre compte que vous êtes morte, parce qu’il vous reste encore une chose à accomplir et qu’il faut vous y aider, pour que vous trouviez la paix et qu’il n’y ai plus de victimes ! »

Parti loin, si loin qu’on pouvait être sûr de ne jamais le revoir, Hadriel se persuada que cette hypothèse devait être la bonne : elle aurait tout expliqué. La taille du bâtiment, leurs réalités si différentes, ce sentiment étrange qui le prit aux tripes alors qu’il descendait les dernières marches. Il avait une imagination débordante qui n’avait de cesse de lui créer des soucis.

« Si c’est le cas vous ne me croirez pas, et vous allez me prendre pour un fou. Mais regardez, je porte un jean, j’ai un portable. » Il sortit la bête de sa poche et l’exhiba au nez de la jeune femme. Pas fan des tablettes et de ces lunettes bizarres, le sien restait plutôt sommaire quoique tactile. Un message. Il se promit de se souvenir de le regarder plus tard. « Je peux vous citer tous les Présidents, français et américains, depuis les soixante dernières années au moins. Si vous voulez. On parle français, pas russe, ça ne vous paraît pas bizarre ? Je suis né en quatre-vingt-seize, en France, essayez de vous rappeler, peut-être que quelqu’un vous a… »

Il s’arrêta un instant dans sa logorrhée et leva les yeux au plafond qui faisait office de ciel.

« Ou peut-être que c’est moi qui suis mort aussi. Ou peut-être que nous sommes dans un palais au milieu du Tartare, prisonniers de Pluton et Proserpine. »

Hypothèse non moins crédible à ses yeux, qui ne manqua pas de déclencher une panique irréfléchie. Il baissa les yeux sur l’enfant, tranquillement endormi, pour s’insuffler un peu de calme. Mais on ne rigolait pas avec les dieux, surtout quand ils se sentaient offensés.

« Merde », lâcha-t-il finalement d’une petite voix.
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MessageSujet: Re: « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou. » [LIBRE]   « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou.  » [LIBRE] Icon_minitimeLun 8 Avr 2013 - 15:02

Le jeune homme fit tomber son chapeau de sa terre, se baissa pour le ramasser et se relever, arborant un sourire empreint d’une joie presque extatique. Il m’interpella alors à nouveau.
« Mademoiselle –je peux vous appeler Anouk ? Vous devez pas être beaucoup plus vieille que moi. »
« Bien entendu, acceptai-je en souriant de bon cœur. Je n’ai que vingt-trois ans, et Anouk sera parfait. Et moi, comment dois-je vous appeler ? »
Mais il n’avait pas terminé, aussi lui coupai-je involontairement la parole. Même si nous avions parlé en même temps, je compris ce qui suivit.
« Soit vous êtes amnésique, énuméra-t-il, soit vous êtes un fantôme. Qui attirez sans le vouloir des gens jusqu’à vous, sans vous rendre compte que vous êtes morte, parce qu’il vous reste encore une chose à accomplir et qu’il faut vous y aider, pour que vous trouviez la paix et qu’il n’y ait plus de victimes ! »
C’est-à-dire que je compris parfaitement les termes qu’il employait et le sens de ces mots, sauf que je ne voyais absolument pas où il voulait en venir. Ou, plus exactement, je ne comprenais pas d’où sortaient ces idées. Moi, souffrir d’amnésie ? Être un fantôme ? Soit il s’agissait d’une plaisanterie ridicule, soit…je ne savais pas exactement. En tout cas, c’était tout simplement délirant.
« Je… »
J’ignore ce que j’allais rétorquer exactement, mais les mots moururent sur mes lèvres, car il enchaînait déjà.
« Si c’est le cas vous ne me croirez pas, et vous allez me prendre pour un fou. » Commença-t-il. Et il avait raison : à cet instant, je commençais à m’interroger sérieusement sur a santé mentale.
« Mais regardez, je porte un jean, j’ai un portable. »
La première partie de sa phrase était si absurde que je ne prêtais aucune attention à la fin sur le moment. Un jean ? Est-ce qu’il me prenait pour une idiote ? Un jean, la belle affaire ! Certes, je portais actuellement une robe. Mais n’importe quel péquenot de campagne n’étant jamais sorti de son hameau savait ce qu’était un jean ! Ce genre de vêtements existait depuis au moins un siècle !
Certes, on ne pouvait pas encore dire que cela se soit démocratisé, surtout chez les femmes. J’avais eu l’occasion d’en voir un certain nombre à l’âge de dix-sept ans, lorsque j’avais abandonné pour trois mois ma mère à Boston afin de suivre un groupe de hippies voyageant en direction du sud des Etats-Unis – je n’avais d’ailleurs jamais été capable de dire si elle avait approuvé ou désapprouvé cette expédition. Les voir portés par des hippies montrait bien que la société n’était pas encore tout à fait prête à les admettre. Cela prouvait donc qu’il avait l’esprit plutôt libéré des convenances sociales. Toujours bon à savoir, mais je ne voyais absolument aucun rapport avec notre conversation.

C’est alors qu’il sortit de sa poche l’objet le plus étrange que j’avais jamais vu. Il était de forme rectangulaire, plutôt fin, assez petit pour tenir dans une main. Il semblait constitué de plastique noire, avec une sorte d’écran noir. Etait-ce…une télévision portable ? J’ignorais qu’il en existait d’aussi petites.

« Je peux vous citer tous les Présidents, français et américains, depuis les soixante dernières années au moins. Si vous voulez. On parle français, pas russe, ça ne vous paraît pas bizarre ? Je suis né en quatre-vingt-seize, en France, essayez de vous rappeler, peut-être que quelqu’un vous a… »
Je profitai du moment où il se tut en observant le plafond d’un air songeur pour lui répondre. J’avais soudain l’impression étrange que mes pensées ne deviendraient réelles que lorsque je les aurais formulées. La situation était tout simplement délirante.
« Je crois que la France est dirigée par de Gaulle, en ce moment. Aux Etats-Unis, c’est Johnson. En Allemagne de l’Est, d’où j’arrive, c’est Walter Ulbricht. Et en U.R.S.S., où nous sommes sensés nous trouver, d’après moi, c’est un certain Podgorny, ou quelque chose comme ça. Je peux me tromper, cela dit, je viens d’arriver. Ne me demandez pas de vous lister les précédents, je suis bien meilleure en géographie qu’en histoire. A vrai dire, j’ai cru que nous parlions russe pendant la moitié de notre conversation avant de m’apercevoir que nous parlions français au moment où vous avez dit "France", ce qui est totalement délirant en soit et ne m’était jamais arrivé. Nous sommes le 3 février 1968. Et je suis tout à fait certaine que personne ne nous a tuées ma fille et moi. Mais je vous accorde que quelque chose ne tourne pas rond ici."

« Ou peut-être que c’est moi qui suis mort aussi. Ou peut-être que nous sommes dans un palais au milieu du Tartare, prisonniers de Pluton et Proserpine. »
La référence me parla. Ce n’était pas parce que j’étais incapable de citer le moindre chef d’état d’avant ma naissance – à quelques exceptions près – que je n’avais aucune culture, et j’avais toujours été friande de mythes et légendes en tout genre.
L’hypothèse était délirante, mais la situation l’étant aussi, j’aurais presque pu y croire.
Sauf que je ne voulais pas y croire. Je baissai les yeux, en même temps que le jeune homme, sur ma fille, et contemplai son visage d’ange. Je ne pouvais pas admettre qu’elle puisse être morte avant même d’avoir vraiment vécu.
Quand on était mort, on le savait, non ?

« Merde », lâcha-t-il.
C’était parfaitement résumé.


« Je n'aurais pas dit mieux. Bon…je crois qu’on ne trouvera pas d’explication rationnelle. La question est : on fait quoi ? »
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MessageSujet: Re: « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou. » [LIBRE]   « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou.  » [LIBRE] Icon_minitimeSam 20 Avr 2013 - 15:39

Hadriel sentit ses entrailles se nouer et regarda, sans piper mot, sa chance s’évanouir au loin avec un semblant de regret poignant. Chienne de vie, marmonna-t-il machinalement sans rien en penser. Cinq lettres ridicules, qui n’étaient pas celles d’aimer, brillaient avec l’éclat un peu suranné, un peu vieillot, un peu usé des enseignes publicitaires des années soixante : merde. Les pieds rivés au sol, il se sentait étrangement flotter et se remémorait les paroles latines de Virgile, les prédictions empressées des pythies au cerveau brouillé d’opium, la longue descente d’Enée, les cours sacrilèges d’Epicure sou le portique –et la voix monocorde et ennuyeuse de son professeur de collège qui se métamorphosait, par les pas tant impénétrables voies nasales, en celle de ce qu’il imaginait être un vieil homme perclus de courbatures, intelligent mais foutrement irrévérencieux. La Divine Comédie, récita-t-il sans humour, sauf que ça n’a rien de bien drôle. L’hypothèse du fantôme lui plut d’autant plus qu’un spectre était inoffensif. L’hypothèse du fantôme le séduisit d’autant plus qu’elle lui suggérait une solution plutôt évidente. L’hypothèse du fantôme l’enjôla d’autant plus qu’il n’avait jamais eu peur des revenants.

Avec le discours décousu d’Anouk, ça aurait été cohérent. Il sut qu’il fallait se décider rapidement, au risque de se tromper. Rester planté à ne rien faire, ici ou là, commenta-t-il, voilà la véritable erreur. L’indolence n’avait rien de bon. Le gamin secoua imperceptiblement la tête et se força à chasser ces références douteuses de son esprit, sans grand succès. L’idée lui était venue et ne repartirait sûrement pas aussi facilement juste parce que lui, le voulait. Nouveau coup d’œil presque inquiet à la porte ; il se fût presque attendu à ce qu’elle les fixât d’un regard torve et se mît à parler, à réciter de longues tirades pour elle-même. Il baissa la tête vers la mère et son enfant –Hadriel avait toujours à baisser un peu la tête pour regarder les gens dans les yeux. Elle lâcha une platitude qui avait pourtant bien besoin d’être énoncée : une solution rationnelle, non. Pas une qui les satisfît tous deux. Il était un peu tôt pour abandonner les recherches au goût du grand brun dont l’esprit s’activait sous ce chapeau et cette tignasse mal peignée. Il n’y avait pas trente-six raisons pour lesquelles il aurait mérité l’enfer. Il n’en voyait qu’une seule –et à l’entente de son « mademoiselle », celui d’Anouk devait être du même genre.
Il s’interrompit pour mieux réfléchir à la question de la jeune femme : « on fait quoi », qu’elle disait. Très bonne question, il voulut répondre. Un haussement d’épaule fit l’affaire.

« Lasciate ogni speranza, récita-t-il d’un ton un peu pompeux et sentencieux à la place de la porte dans un italien assez honnête, voi ch'entrate. »

Il fourra ses mains dans les poches de son jean et sourit, bon gré mal gré, avant de répondre :

« Je sais pas, reprit Hadriel avec un certain entrain. Mais si on ne sait pas ce qu’on doit faire, autant faire… Eh ben, ce qu’on peut faire. Pas que ça nous avance beaucoup, mais si on ne peut pas retourner en arrière, c’est qu’il faut avancer. »

Peut-être fallait-il tout traverser pour repartir, songea-t-il dans une approche un peu trop métaphorique pour qu’il se comprît bien lui-même. Cette situation lui faisait peur mais d’un autre côté, elle lui plaisait. Il sortit pour la deuxième fois son portable, fit glisser du bout de l’index les noms de son répertoire : Adeline, Bertille, Carlos, Hassan, d’autres, encore d’autres. Dix secondes, puis le message d’alerte s’afficha sur l’écran qu’il rengaina dans sa poche. Erreur. La belle affaire.

Il s’en serait douté.

« C’est calme. Je ne pense pas qu’on risque quelque chose au sens propre du terme pour le moment, déclara-t-il en montant quelques marches à reculons. Enfin, ce n’est pas vraiment l’image que j’avais des enfers. J’aurais pensé à un truc plus… Kitsch. Si on peut… On évite de s’écarter ? »

Trop impressionné pour être déçu, il se tourna vers le haut des marches.

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MessageSujet: Re: « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou. » [LIBRE]   « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou.  » [LIBRE] Icon_minitimeDim 21 Avr 2013 - 13:20

Le jeune homme ne répondit pas, soit qu’il ne m’aie pas entendue lui demander son nom – ce qui aurait été compréhensible, dans la mesure où j’avais involontairement parlé en même temps que lui – soit qu’il ne souhaitait pas s’identifier. Je ne répétais pas cette question. C’était le genre de détails qui pourraient toujours se voir plus tard. Pour l’heure, nous avions des soucis bien plus important à régler.

Il haussa les épaules en réponse à ma dernière question, puis déclama avec emphase un vers célèbre de Dante
.
« Laissez tout espoir…voi ch'entrate. »
Je fronçai les sourcils en constatant, avec un temps de retard qu’au moment précis où j’avais reconnu cette phrase, je l’avais entendue dans sa langue d’origine. Je n’avais pas rêvé tout à l’heure, cette fois, c’était certain. Mais c’était…bizarre. J’avais du mal à envisager que ce soit lui qui jouât avec mes nerfs, car il semblait passer d’une langue à l’autre avec aisance et sans accent. Mais peut-être que je me trompais. Après tout…moi aussi, je maîtrisais parfaitement plusieurs langues ou dialectes.
« Attendez…qu’est-ce que vous venez de dire ? »

Il répondait déjà à ma question précédentes, mains dans les poches et souriant malgré notre situation des plus étranges.

« Je sais pas. Mais si on ne sait pas ce qu’on doit faire, autant faire… Eh ben, ce qu’on peut faire. Pas que ça nous avance beaucoup, mais si on ne peut pas retourner en arrière, c’est qu’il faut avancer. »

Oui, c’était ça. La meilleure chose à faire était d’aller dans la seule direction où il nous était possible d’aller. Tôt ou tard, nous finirions bien par comprendre de quoi il en retournait.
J’ouvrais la bouche pour répondre au moment où il sortit à nouveau sa petite télévision portative de sa poche. Il passa le doigt sur l’écran, sans ses préoccuper des traces qui en résulteraient sûrement et qui l’empêcheraient ensuite de bien voir ses émissions.
Je n’en crus pas mes yeux lorsque je vis que ce qu’il y avait sur l’écran se déplaçait au fil de son doigt. D’ailleurs, ce n’était pas un film qui s’affichait, mais une liste de nom, avec de petits numéros de téléphone, comme dans les calepins servant de répertoires téléphoniques que j’avais parfois eu l’occasion de voir. La plupart commençaient par 06, quelques uns par 07. Ils avaient dix chiffres, à l’instar des numéros de téléphone français, mais je ne connaissais aucun pays dont les numéros commençaient ainsi.
« Comment vous faites ça ? Je n’avais jamais vu une télévision portable aussi petite, et encore moins avec de telles fonctions. »

Lorsque l’écran afficha « Erreur », il le rangea et reprit la parole.
« C’est calme. Je ne pense pas qu’on risque quelque chose au sens propre du terme pour le moment, déclara-t-il en montant quelques marches à reculons. Enfin, ce n’est pas vraiment l’image que j’avais des enfers. J’aurais pensé à un truc plus… Kitsch. Si on peut… On évite de s’écarter ? »

Il se tourna vers le haut des marches. Je lançai un dernier regard au hall, cherchant à voir si quelque chose m’avait échappé. Il y avait deux portes, un lustre, des tableaux et…
« Hé, regardez ça ! »
Contre l’un des murs était accroché un panneau d’affichage, un panneau en liège comme ceux qu’on trouvait dans les écoles. Plusieurs feuilles y étaient épinglées.
« On devrait peut-être les lire. Je pense que ça ne peut pas faire de mal. »
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MessageSujet: Re: « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou. » [LIBRE]   « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou.  » [LIBRE] Icon_minitimeDim 21 Avr 2013 - 17:59

Hadriel, après avoir vaguement grommelé que c’était de l’italien, s’amusa de l’étonnement d’Anouk : il n’était pas méchant mais le désarroi profond dans lequel le mouvement fluide et linéaire de la liste de ses contacts l’avait plongée avait quelque chose d’impayable. Peut-être parce qu’il n’avait jamais été du genre à s’extasier sur la dernière merveille technologie en vente chez Micromania ; peut-être, peut-être pas. Toujours était-il que l’innocence ingénue de cette remarque le plongea dans une rêverie brumeuse malvenue dans leur situation. Elle exigeait d’eux un sérieux exemplaire, une réflexion aussi rapide qu’efficace, une prudence paranoïaque, un glacis de calme sur fond de persévérance pour mieux provoquer la chance. De l’attention, compléta Hadriel sans en prêter plus pour autant à la drôle de réalité qui s’étalait sous ses yeux. Distrait comme à son habitude, il se laissa à nouveau emporter par le tourbillon de détails sous ses pieds et au-dessus de sa pauvre tête ébahie à l’air rien moins que brillant. A vouloir trop de choses on ne veut plus rien, conclut le gamin écrasé par l’immensité des lieux. Il avait besoin d’air. De grandes goulées d’oxygène pour embaumer ses poumons de l’odeur sucrée d’une poignée de fleurs de pommier –pas l’air saturé de gaz de chez lui qui n’était au monde que ce qu’une ampoule nue était au feu flambant d’un âtre.

Il n’entendit que d’une oreille la jeune femme l’interpeler et ce fut par le plus grand des hasard que l’adolescent hagard se retourna à ce moment-là vers elle pour la voir s’agiter près d’un grand panneau en liège qui, d’un banal criard, avait échappé à l’examen minutieux d’Hadriel. Au pied de l’immeuble, dans le bureau de sa mère, à l’entrée de la salle de classe, dans le couloir secrétariat où il finissait toujours par se retrouver sans comprendre pourquoi ; partout où il avait été des planches semblables étaient affichées au mur, percées à n’en plus finir par des punaises et habillées tantôt de blanc comme une jeune mariée, tantôt de jaunâtre passé comme une vieille dame défraichie, tantôt de bleu, rose et rouge où les éternelles pattes de mouches du Times New Roman laissaient la place à d’immense lettres capitales censées attirer l’œil mi vagabond mi lassé du chaland. Il n’y avait pas fait attention –et pour cause.

Le brun se retourna, sauta les deux dernières marches pour atterrir d’un bond et sans trop de fracas sur le sol, ce bon vieux plancher que cet escalier l’appelait à quitter avec tant de force. Il jeta au passage un coup d’œil à l’un des tableaux et sourit, rêveur : il lui évoquait les représentations pastorales de Boucher ou Fragonard et respirait une sérénité apaisante. Il revint au tableau de liège, écrit des mains conjointes de « pensionnaires ».

« Euh ? Je comprends pas trop, en fait, lança-t-il par-dessus son épaule à la jeune femme sans honte ni gêne. C’est pas que ça ait pas de sens, mais franchement, de là à savoir où ils veulent en venir… Pas Très cohérent, leur affaire. »

Des animaux, des pouvoirs, un style maladroit mais presque sincère dans sa désillusion. Delahaye rit tout bas, comme on rirait à une mauvaise blague à laquelle il manquerait la chute, et haussa derechef les épaules. Il n’avait rien remarqué de spécial depuis son arrivée –si ce n’était les communications qui ne passaient pas et les affirmations incongrues de la jolie brune. D’accord, concéda-t-il à contrecœur, que nous soyons passés dieu sait où, d’accord. Mais enfin, ça ne pourrait pas être aussi bizarre et tiré par les cheveux que ça.

« Ils disent qu’on peut pas sortir ; moi je reste sur mon idée. Vous avez vu un « vieil ami », vous ? Ou votre fille ? En tout cas ils ont l’air de penser qu’on a la poisse. »
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MessageSujet: Re: « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou. » [LIBRE]   « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou.  » [LIBRE] Icon_minitimeMer 24 Avr 2013 - 20:38

Le jeune homme marmonna tout bas, comme pour lui-même, qu’il s’agissait d’italien. Je ne pus retenir un soupir agacé, qui n’était pas vraiment destiné à mon interlocuteur ou moi-même, mais plutôt à notre situation. C’était de l’italien ET du français. J’avais parfaitement compris sa phrase, même la seconde partie, mais…non, vraiment, cette histoire de langage, c’était trop étrange.
« Vous venez de le refaire. Si c’est une blague, elle ne m’amuse pas du tout, et si vous ne vous en rendez pas compte, il y a vraiment un problème. »

Lorsque j’attirai son attention sur le panneau d’affichage, il se retourna et sauta d’un bond au pied de l’escalier, sans trop faire de bruit. Il marcha alors jusqu’au panneau de liège et le lut en même temps que moi. Les mots étaient presque illisibles, les couleurs des photos avaient passé.
Le premier texte était rédigé dans un style très mélodramatique, le second plutôt déluré, et les derniers assez menaçants. Tout avaient en commun d’être à priori assez délirants. De la magie, un ami oublié, un animal et des super-pouvoirs, rien que ça ? Cela dit, j’avais eu dans ma vie suffisamment de temps pour apprendre à ne pas me montrer hâtivement incrédule. Pour ne pas apprendre à sous-estimer un nouvel habitat, surtout.


« Euh ? Je comprends pas trop, en fait, déclara-t-il par-dessus son épaule, sans se retourner. C’est pas que ça ait pas de sens, mais franchement, de là à savoir où ils veulent en venir… Pas Très cohérent, leur affaire. »
Je ne pus m’empêcher de rétorquer.
« C’est sûr que notre situation l’est tellement plus. Je viens de 1968, vous d’après 1990, nous n’arrivons pas à tomber d’accord sur la langue dans laquelle nous conversons, et nous ne savons pas avec certitude si nous sommes vivants ou morts. Si, comme vous le pensez, nous sommes dans les Enfers grecs, tout est possible, pas vrai ? »

« Ils disent qu’on peut pas sortir ; moi je reste sur mon idée. Vous avez vu un « vieil ami », vous ? Ou votre fille ? En tout cas ils ont l’air de penser qu’on a la poisse. »
« Ma fille est un peu jeune pour reconnaître ses amis, vous ne croyez pas ? Quant à moi, nom, je n’ai vu aucun de mes amis. Cela dit, je n’ai pour l’instant rencontré personne à part vous. Peut-être devrions-nous attendre d’en savoir plus au lieu de tirer des conclusions hâtives. D’ailleurs, cette porte ne s’ouvre pas, mais peut-être y en a-t-il une autre quelque part. Ou une fenêtre, au moins. Ce n’est pas difficile de casser un carreau. Alors maintenant, s’il vous plaît, puis-je vous demander de rester calme et de m’aider à trouver une solution, monsieur sans nom ? »

Ca, ça ne me ressemblait vraiment pas. En temps normal, j’étais bien plus courtoise et amicale. A ma décharge, il fallait bien avouer que n’importe quelle mère, à l’idée que sa fille puisse être morte avant même d’avoir prononcé son premier mot, aurait eu de bonnes raison d’être vraiment, vraiment à cran. Un bon cacao m’aurait sans doute fait du bien, mais il m’aurait fallu pour cela un endroit où le préparer. C’était exclu pour le moment. J’inspirai profondément.

« Excusez-moi. C’est moi qui devrais rester calme, en fait. On y va ? Et vous avez raison, on ferait mieux d’éviter de se séparer. »
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Hadriel Delahaye
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• Petit(e) ami(e) : Le genre de question qui doit le torturer dans une autre vie.

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MessageSujet: Re: « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou. » [LIBRE]   « Un milliardaire, excentrique et plus fou que le chapelier, pingre comme Picsou.  » [LIBRE] Icon_minitimeSam 27 Avr 2013 - 16:26

Hadriel leva les yeux au ciel ou au plafond et soupira. Dans ce genre de cas, songeait-il alors, le mieux était encore d’attendre tranquillement que l’orage passât. Caché dans les tréfonds d’une tour d’ivoire, il lui semblait peu probable de se faire frapper par les foudres agacées d’Anouk. Sa personnalité jouait contre lui : avec quelle insistance elle le poussait, non pas à sortir de ses gonds encore assez bien huilés, mais à envoyer promener la jeune mère ! La patience n’avait jamais été son point fort, et seul le sauvait un acharnement désespéré qui n’avait rien à voir avec la constance nécessaire pour supporter, la tête haute et le dos droit, une piquante diatribe. Qui tirait des conclusions hâtives ? Qui était incapable de rester calme ? Sans sortir les mains de ses poches, il observa un silence désinvolte. Vrai, reconnut Hadriel, j’ai paniqué un moment. Mais en avait-il encore l’air ? Son cœur battait-il la chamade, comme ces messages suspendus au panneau de liège le laissaient entendre ?
Il ne doutait pas de pouvoir sortir, tel un nouvel Enée, victorieux de cette épreuve. Il ne doutait pas de la mission qui devait leur incomber non plus, pas plus qu’il ne doutait de la semi-véracité des propos que ces bouts de papier leur tenaient avec un si grand sérieux. La vie était ainsi faite, il fallait lui faire face avec flegme. En dépit de ces belles paroles le regard qu’il jeta à la brune était clairement ennuyé. Cette lueur terne reconnaissable entre mille parlait mieux que le pli placide de sa bouche, inchangé. Quiconque vivait ici avait pris le temps d’écrire à leur intention ses impressions sur l’endroit. Quiconque vivait ici avait indubitablement pris le temps de le faire. Quiconque était entré ici avait dû traverser ce hall avant eux et constater avec effarement ces mêmes incohérences. Pourquoi avoir punaisé à l’entrée leurs mises en gardes et vœux de bonheur sur fond d’éternité si la sortie était si proche ? Improbable. Sortir ? Pour aller où ? Chez lui, chez elle ? Ailleurs ? Ces noms étaient américains, anglais, japonais –ajouter à cela les deux leurs, Anouk et Hadriel Delahaye, qui tranchaient singulièrement avec l’endroit et sa majesté écrasante.

A son sens, l’hypothèse des enfers n’avait rien d’incongru –il y croyait dur comme fer. Celle d’une nouvelle Babel, chère à un chrétien, avait aussi un beau potentiel. Il ouvrit la bouche, près à rétorquer dieu seul savait quoi à sa compagne affolée, lorsque celle-ci se chargea pour lui de reprendre :

« Excusez-moi. C’est moi qui devrais rester calme, en fait. On y va ? Et vous avez raison, on ferait mieux d’éviter de se séparer. »

Le gamin jeta un coup d’œil au bébé endormi dans son couffin comme une relique précieuse dans sa châsse : elle avait peur pour son gosse. Lui n’avait qu’à s’inquiéter un peu de son propre sort. Il devina que la différence devait être là, surplombée peut-être de l’influence de leur caractère qui n’aidait peut-être pas tant que ça à observer une sérénité crasse dans son cas.

« Hadriel, réagit-il à retardement. Balisez pas trop, je suis sûr que ça va aller. Simplement, je préfère réfléchir à des trucs que je pourrais comprendre. Chercher une solution alors qu’on connaît pas le problème, j’ai peur que ça mène pas très loin. »

Il remit en place son couvre-chef, releva la tête et désigna théâtralement les marches :

« Après vous ? »
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