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Halloween
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MessageSujet: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeMar 19 Juin 2012 - 21:32

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    Une lourde chape de brume embrassait amoureusement les formes élancées qui se dressaient dans la nuit, silencieux monuments granitiques dans l’obscurité bruissante. Il devait bien être les premières heures d’une nouvelle journée… ce n’était pas comme si les morts avaient la notion du temps. N’est-ce pas ? En se frayant un passage entre les volutes grisâtres et collantes comme une épaisse toile d’araignée, il était possible de s’avancer au centre du cercle formé par le cimetière. Si d’aventure nulle cheville ne se tordait contre une pierre, si nul corps ne se heurtait à une tombe infortunée, atteindre le centre, cercle parfait de terre déblayée, était un acte finalement aisé.
    A cet endroit précis du cimetière se dressait, contrairement à la coutume, un guéridon d’un acajou sombre, au plateau tournant. Il était surmonté d’une unique bougie qui diffusait une lueur tremblante. Ce luminaire n’était certes pas le seul à éclairer la scène : tout autour du cercle, de hautes bougies de cire étaient posées à même le sol à intervalles réguliers. Chaque tombe à la périphérie du même cercle voyait sa dalle surmontée d’un unique cierge ; quelques fleurs étaient disposées çà et là, mais en y regardant de plus près, on pouvait s’apercevoir qu’elles n’avaient rien de fraîches… certaines d’entre elles étaient racornies, d’autres perdaient pistils et feuilles sur la pierre.
    Cependant, ces détails restaient en retrait dans l’ombre, tandis qu’à la lumière étaient disposés divers instruments qui, séparément, n’auraient peut-être pas pris la signification particulière qu’on pouvait leur attribuer en ce lieu particulier. Posés sur le guéridon, il y avait une multitude de pièces de scrabble réunies en tas, un verre à pied vide, un triangle de bois percé d’un trou au milieu, un pendule à l’air perdu sur un bord.
    Au pied de la table étaient éparpillés sur un drap rouge une poignée d’autres objets hétéroclites, notamment un petit sac de velours vert vomissant un jeu d’osselets blancs comme de l’ivoire et un potiron qui semblait bien se demander ce qu’il faisait là.
    Les lieux étaient déserts ; A s’interroger sur la finalité d’une telle mise en scène.

    McGuffin was a builder and a man of great renown,
    And very highly spoken of by people in the town.
    One day while on the scaffold of a house he had to build.
    He lost his hold and, sad to say, he fell down and was killed.
    Quelques mottes de terres s’élevèrent vers le ciel brumeux qui ne laissait filtrer aucune lueur d’étoile, puis retombèrent sur le sol avec un bruit mat. En retrait dans l’ombre, hors du cercle de lumière, une voix chantait sourdement tout en s’enfonçant dans la terre.

    The undertaker has him now, and our heads in sorrow still we bow.
    La pierre tombale sombrait vers la gauche, comme si elle avait voulu protester. L’intru ne s’en souciait visiblement pas, puisqu’il continua de creuser en envoyant salement de la glaise en tous sens, jusqu’à ce qu’un bruit sourd indiquât que le bois avait été touché. Deux ou trois craquements et un grincement plus tard, la face barbouillée de terre d’Halloween surgit de la tombe fraîchement rouverte, souriant avec impudence devant l’énormité du geste. Avec un gloussement, l’esprit frappeur éleva le crâne qu’il tenait à deux mains devant son visage en chantant d’une voix gutturale :

    It is painful to relate that he met an awful fate ?
    Avec un nouveau ricanement, Halloween replongea dans le cercueil pour en extraire un tibia esseulé. Il le considéra un instant d’un air pensif, puis le jeta par-dessus son épaule ; l’os atterrit hors de la tombe avec un bruit mat. L’instant suivant, l’esprit frappeur déblayait l’intérieur du cercueil comme un chien fouille la terre, les projetant en tous sens tout comme il l’avait fait en creusant quelques secondes plus tôt. Puis, quelque peu encombré par la consistance solide de son corps, à laquelle il n’arrivait toujours pas à s’habituer – on n’efface pas des siècles d’existence avec une enveloppe inconsistante d’un tour de main – il entreprit de sortir lui-même du trou. Ce qui prit un peu de temps.
    Lorsqu’il eut réussi à se hisser hors de la tombe, Halloween se redressa et ramassa un avant-bras qui avait miraculeusement réussi à rester attaché à sa main. Il l’agita plusieurs fois avec un sourire déformé : au moins ces os-là étaient-ils bien nettoyés. La précédente tombe qu’il avait ouverte ne contenait pas de cercueils. Bonjour la moisissure et les trous ! En soi le fantôme n’avait rien contre un peu de pourriture, mais il préférait s’amuser avec des squelettes en relativement bon état.
    Cela étant, ce qu’il était en train de faire n’avait strictement rien à voir avec les objets disposés dans le cercle de lumière. Objets disposés par lui, bien évidemment. Disons qu’après avoir monté cette petite mascarade, il s’était vite lassé d’attendre qu’un idiot vienne s’amuser avec et avait décidé de tuer le temps en déterrant les morts pour voir s’il était encore possible d’en tirer quelque chose. Halloween se concentra sur l’os un moment, puis conclut que ce ne serait pas ce soir qu’il ressusciterait un macchabée. Tant pis.
    Il avait bien essayé de trouver l’espèce d’épouvantail à l’allure réellement hilarante qu’il avait un jour aperçu de loin, mais apparemment ce sac de paille n’avait pas l’intention de le laisser s’amuser à ses dépens. Dommage, il aurait bien aimé lui voler sa tête, ou toute autre mauvaise plaisanterie de ce genre. Pour tout dire, il s’ennuyait un peu, puisqu’aucun humain couche-tard ne se décidait à venir jouer avec lui. Décidément, il n’avait pas de chance ce soir-là.

    The undertaker has him now. The undertaker has him noow ~
    Nullement découragé par cet état des faits, Halloween fit tourner plusieurs fois l’os autour de sa tête avant de le lâcher, l’observant disparaître dans l’obscurité à toute allure. Il entendit, plus loin, un craquement et ricana. Puis, baissant les yeux, il aperçut Sleepy O’Lantern qui venait de surgir d’entre deux tombes pour venir s’asseoir à ses pieds, sous sa forme de chat squelette coiffé d’une tête de citrouille. Il le contempla d’un air pensif. Et s’il lui volait sa tête à lui, plutôt ?
    Comme s’il avait deviné ses pensées, Sleepy sauta sur ses coussinets – ou plutôt ses phalanges – et émit un miaulement de protestation. C’est alors qu’Halloween perçut un bruit de pas.
    Tout excité, l’esprit fit un bond sur place, prêt à filer observer le spectacle, mais oublia à nouveau qu’il possédait une structure tangible ; de fait, il se prit les pieds dans son pantalon trop grand, trébucha sur Sleepy qui s’enfuit en crachant et bascula dans la tombe où il atterrit au fond du cercueil avec un craquement sourd.


Dernière édition par Halloween le Lun 15 Juil 2013 - 13:58, édité 1 fois
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T.J Henskens
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeDim 1 Juil 2012 - 22:43

{ Je rattrape mon retard, lalala ~ }

Quand T.J ouvrit les yeux, ce matin-là, il commença par tendre paresseusement ses bras devant lui. Puis il frotta ses paupières alourdies par le sommeil, repoussa maladroitement le drap qui ne le couvrait qu'à moitié. S'assit sur son lit. Et ce n'est qu'en clignant des yeux en quête de repères qu'il se rendit compte que quelque chose n'allait pas.
Il faisait noir.
Il passa ses mains sur son visage, affolé, et tâtonna au sol en quête de son portable. Ou d'une montre. Ou du portable de n'importe qui pourvu qu'il donne la bonne heure et – ah, voilà. La lumière de l'écran l'aveugla et il dut s'y reprendre à plusieurs fois pour réussir à taper le code correctement. Et même une fois que ce fut fait, il lui fallut quelques secondes de plus pour permettre à ses yeux de distinguer les chiffres inscrits au bas de l'écran. Il se souvenait s'être allongé sur son lit pour faire une sieste, histoire de digérer correctement et d'être en forme pour passer la soirée à ennuyer tout le monde. Juste quelques minutes, rien de plus. Apparemment, son corps en avait décidé autrement.
Hum. Au moins quelqu'un avait eu la bonté de lui jeter une couverture dessus. Ses bras et sa nuque jouaient à qui sera le plus douloureux mais il n'était pas mort de froid ; c'était déjà ça de pris. Ça lui apprendrait à s'installer n'importe comment en espérant se reposer deux ou trois minutes.
Tout en se levant – pour constater qu'il ne s'était du coup même pas changé – le jeune homme s'efforça de relativiser. Ce n'était pas la fin du monde, inutile d'en faire un drame. Il venait simplement de décaler sa nuit de plusieurs heures. Rien de grave. Si ce n'était que, maintenant, il n'avait absolument plus envie de se recoucher. Et absolument personne avec qui tuer le temps.
Ni nyctalope ni pudique, il ne prit pas la peine de vérifier que ses colocataires dormaient avant de retirer sa chemise. S'il se souvenait bien, personne dans sa chambre n'était du genre à faire la fête toute la nuit ; malheureusement pour lui, ce n'était pas non plus le cas de ses amis. Et il se voyait mal les réveiller uniquement pour qu'il n'ait pas à s'ennuyer. C'était lui le fautif dans l'histoire. Ses pas silencieux le menèrent jusqu'à son armoire, dans laquelle il saisit une autre chemise à l'aveuglette. Personne ne lui en voudrait d'être mal habillé, non ? Pas qu'il risque de croiser grand monde, remarque. Ou en tout cas pas des personnes portées sur la mode. Ou pas des personnes portées sur la mode et en état de lui faire des remarques.
Un soupir brisa la quiétude de la nuit. Plus que le terrible ennui qu'il allait bientôt devoir supporter, c'était s'être endormi sans prévenir qui l'ennuyait le plus. C'était le signe incontestable qu'il avait besoin de dormir plus ; par extension, donc, de se coucher plus régulièrement à des heures plus raisonnables. Le problème étant qu'il n'en avait aucune envie.
Après avoir attrapé un gilet – qu'il avait probablement dû voler à Hugo, mais quelle importance ? – et mis son portable dans sa poche, il sortit de la pièce le plus discrètement possible.
Évidemment, la porte claqua dans un bruit presque assourdissant. T.J retint sa respiration un moment avant de ne s'accorder le droit de respirer. Il ne faisait d'ordinaire pas attention au bruit qu'il pouvait bien faire mais, c'est connu, dès que l'on essaie de ne pas se faire repérer tout se retrouve amplifié. Comme le furent le bruit de ses baskets contre le plancher, le bruit de chaque porte poussée, de chaque soupir et de chaque mouvement de bras. Malgré tout, il ne croisa personne.
Après avoir vérifié dans les trois ou quatre miroirs sur son chemin qu'il était correctement coiffé, il s'arrêta devant l'immense fenêtre de la salle à manger. Lui qui avait prévu de faire le tour du propriétaire changea d'idée en apercevant ce qui ressemblait à de la fumée, à l'extrême gauche de la vitre. Ce fut à la fois suffisant pour attiser sa curiosité et trop peu pour l'inquiéter. Et quand bien même il savait pertinemment où il arriverait en allant par là, ça ne l'empêcha pas de glisser sur la rampe des escaliers et d'ouvrir la porte du parc à la volée.

Ses pas eurent tôt fait d'être étouffés par l'herbe et lui, en bermuda et avec son gilet trop fin, ne mit pas longtemps à avoir froid. Sans compter que l'ambiance n'aidait pas. S'il n'avait pas été ici mais dans un film, il aurait mis sa main à couper qu'un truc n'allait pas tarder à lui tomber dessus. Une ombre allait filer dans un coin, quelque chose allait saisir son épaule sans prévenir pour le –

Un craquement sinistre retentit devant lui. Il ne lui en fallut pas plus pour frôler l'arrêt cardiaque. Encore quelques mètres et il serait dans le cimetière. Il n'avait pas très envie d'interrompre un rituel satanique – ce qu'impliquait pour lui la présence de bougies – mais il était un peu tard pour faire demi-tour, maintenant. Il avança donc. D'autant plus que ce ricanement lui disait quelque chose et que, insouciant comme il l'était, ce semblant de certitude l'empêcha de craindre pour sa vie. Ça ou une vague tendance suicidaire.
Encore un pas, encore un pas.
Et
BAM.
Sur le moment, il ne comprit pas. Ni ce que c'était, ni ce que ça pouvait être, ni même si c'était ou non dangereux. Il entendit simplement un bruit, un chat, un craquement. Quelqu'un avait dû tomber. Éclairé par les bougies, il enjamba une tombe et effaça en quelques grandes foulées la distance qui le séparait de la source du bruit. Il fit en chemin une prière muette aux personnes qui reposaient là – ou qui avait reposées là, parce que, comment dire... hem – et s'arrêta finalement devant un trou. Une ex-tombe. Sympathique comme tout.
Sans oser trop se pencher de peur de perdre l'équilibre, il jeta un regard ahuri à l'occupant du cercueil, au fond.


« Oh, wow. Ça va ? T'es mort ? »

Pas assez pour nécessiter une tombe, à priori. Mais on ne sait jamais.
Disant cela, il jeta un regard intrigué aux installations à côté desquelles il était passé quelques secondes plus tôt. C'est vrai qu'ici tout le monde ne préférait pas vivre le jour.
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeSam 25 Aoû 2012 - 15:24

    Halloween ressentait une sorte de douleur diffuse dans le milieu du dos. Affalé dans le cercueil par le milieu, bras écartés pendant en-dehors comme une marionnette désarticulée, l’esprit frappeur médita un instant sur sa nouvelle condition, son visage poupin plissé en une moue agacée. C’est qu’il en avait assez, de se prendre des coups dans la figure à tout instant, Halloween. Ce qui, apparemment, ne manquait pas de lui arriver chaque fois qu’il entrait en contact avec le sol ; entre les humains qui essayaient de l’encastrer dans les meubles, ceux qui lui plantaient des sucettes dans les yeux, ceux qui le frappaient avec un fusil, et les portes et les murs auxquels il ne réussissait décidément pas à s’habituer, sa vie était nettement moins simple aujourd’hui qu’elle l’avait jadis été.
    Disons qu’il s’agissait sans doute là du prix à payer pour pouvoir s’amuser pendant l’éternité tout entière.
    Vaguement, Halloween chercha Sleepy des yeux, mais le chat s’était fait la belle sans demander son reste : les bords terreux du trou n’offrait rien de plus à sa vue que l’immensité d’un ciel noir voilé par la brume.
    Ah, tiens, non en fait.

    « Oh, wow. Ça va ? T'es mort ? »
    Dans un instant d’égarement, Halloween fixa le nouveau venu en écarquillant ses deux yeux d’un orange violent. Puis une ébauche de rire se saisit de ses lèvres blêmes, un ricanement lui échappa.
    Ah, ce n’était pas trop tôt.
    L’esprit frappeur joignit les mains, bras tendus, et les ouvrit d’un geste rapide ; un tourbillon de chauve-souris noires s’en échappa, nuée multiple aux milles ailes battantes qui s’échappa de la tombe et enveloppèrent un bref instant le jeune homme de ténèbres couinantes. Intervalle que mit l’esprit à profit pour, profitant de l’élan procuré par les volatiles, s’extirper de son trou d’un saut démesuré. Flottant à plusieurs mètres du sol, l’apparition effectua quelques pirouettes aériennes, fou de joie d’avoir enfin trouvé un compagnon de jeu. Et que cela plaise ou non audit compagnon, peu importait après tout.

    Small Johnnie Joskins was a boy of most ingenious mind,
    He always asked the use of anything he chanced to find.
    One day he spied a weapon he had never seen before,
    He didn't know 'twas loaded, so poor Johnnie is no more.
    Coupant là net sa chanson, Halloween se laissa tomber comme une pierre, de plusieurs mètres, pour s’immobiliser juste derrière le jeune homme, en tailleurs et la tête en bas. Non, sa tête ne lui disait rien ; il ne devait pas s’agir là d’une de ses victimes attitrées. Tant pis, peu importait quel fou pouvait avoir la mauvaise idée de se présenter à lui ; tant qu’il y en avait un pour venir, cela convenait à Halloween.

    « Good night. Cherchais-tu quelque chose ? »
    Le murmure né de l’haleine glacée de l’esprit frappeur se glissa dans le col de l’humain et, gardant sur le visage le vestige d’un sourire démesuré, Halloween s’effaça dans l’ombre le temps qu’il se retourne. Mais rapidement, l’enfant reparut, flottant, à l’endroit cette fois, au-dessus du guéridon posé un peu plus loin. A la base, ce n’était pas ainsi qu’il avait prévu son tour, mais tant pis, il réussirait bien tout de même à trouver un quelconque sujet d’amusement ce soir-là, à présent qu’il n’était plus seul.



[ Quite short ~ My excuses ]
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T.J Henskens
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeVen 28 Sep 2012 - 13:42

{ UNGH J'AVAIS OUBLIÉ ET PERSONNE NE ME DIT RIEN BRBRBR. Je suis irrécupérable. ;__; }

Un pas en arrière, juste pour être sûr ; car après tout on ne sait jamais. L'équilibre est une chose bien précaire, T.J le savait mieux que quiconque. Certains ne se gênaient pas pour dire de lui qu'il ne tirait aucune leçon de ses problèmes et ne cessait de répéter les mêmes erreurs, et en un sens ce n'était pas faux : cependant – à la longue, disons – il avait commencé à en avoir sérieusement marre de s'écorcher les poignets contre le plancher.
Il mit donc une distance de sécurité, aussi minime fut-elle, entre lui et la cavité. Se retrouver enterré vivant n'était absolument pas dans ses projets de la soirée, ne serait-ce que parce qu'il en avait pour le lendemain. Même si le contexte se prêtait étonnamment bien à un scénario de film d'horreur, devenir acteur ne lui disait...
Un ricanement, inquiétant, brisa le silence précaire qui s'était installé entre eux.
Théoriquement, la seconde suivante devrait lui servir à déterminer si, oui ou non, il vaudrait mieux qu'il prenne ses jambes à son cou ; oui, non, rien – sachant que rien reviendrait à dire non.
Dans la pratique, le rien gagne toujours : il en fit la douloureuse expérience quand, interdit, il voulut se pencher de nouveau au-dessus de la fosse. Stupide ; bien sûr, que quelque chose allait en sortir. Et à priori pas quelque chose de plaisant. Les rires de ce genre annonçaient rarement une nuée d'hirondelles.

Une chance qu'il n'ait pas peur des volatiles.

Un pas en arrière puis un autre avant qu'il ne s'immobilise dans un glapissement inquiet, le visage protégé par ses avant-bras. Ce serait bête de tomber, n'est-ce pas ?
Il y eut d'abord les battements d'ailes frénétiques autour de lui, oppressants – puis le noir quand il ferma les yeux. « Ce ne sont que des petites bêtes, rien que des petites bêtes » ; l'important était de garder les paupières closes, de protéger son visage et d'attendre.
Une seconde. Dix. Vingt ; et quand le bruit s'estompa son cœur se remit à battre, ses poumons à inspirer l'air frais de la nuit.
Lorsqu'il laissa retomber ses bras le long de son corps, tendu – perdu, surtout –, ce fut pour pousser un bref soupir de soulagement. Pour l'instant la personne dans la tombe, le noir, le guéridon – rien de tout ça n'existait plus pour lui. Il y avait les chauve-souris, loin derrière les arbres, et son soulagement de ne pas avoir eu les yeux arrachés par ces sales bêtes. Un moment de silence après que la musique, graduelle et oppressante, se soit enfin tue.
Occupé à fixer le sol dans une énième tentative pour se convaincre qu'il n'avait pas eu peur, non, il avait juste été surpris – et ce même si personne ne lui demandait de se justifier – il ne tenta pas d'entendre par delà les battements inquiétants de son cœur affolé, sourds et bruyants. Le ciel aurait pu lui tomber sur la tête sans qu'il s'en rende compte parce que, définitivement, deux frayeurs ne pouvaient pas se suivre d'aussi près.
Non, franchement ; s'en prendre à quelqu'un qui se reprend son souffle et sa contenance, ce serait trop –

« Good night. Cherchais-tu quelque chose ? »

Il cria. D'accord, il cria – le genre de cri étouffé dont on est pas spécialement fier – mais personne n'était là pour en attester. Même pas la voix censée se trouver...
Derrière lui ?
Un instant, le temps qu'il retrouve un air digne et décontracté, ses sourcils se froncèrent. Depuis quelques temps, il supportait difficilement les tours de passe-passe dans ce genre. Une sombre histoire de chute et de plancher troué, dirait-il – et personne ne se préoccupait de ses grommellements incompréhensibles à ce sujet.
Clignant des yeux pour tenter de discerner l'endroit où le garçon avait bien pu disparaître, le cœur serré mais tout risque de crise cardiaque éloignée, il fit un pas hésitant. Le deuxième et le troisième, plus assurés, le conduisirent vers le guéridon et le... La... Enfin, le garçon qui flottait au-dessus. S'il n'avait pas l'air humain, il ne ressemblait pas plus à un lama ou une chaise pour autant ; garçon, donc.

C'est en constatant qu'il ne trouvait pas la situation suffisamment bizarre que, ironiquement, il commença à s'inquiéter.
Par réflexe, il serra le gilet contre lui.

« Je me promène, c'est tout. » Il se jugea un peu trop sur la défensive ; cela dit, c'était un minimum compréhensible. «  Enfin je voulais dormir et puis non, donc je me promène. Ça revient au même. Et toi, tu... »

Il marqua une hésitation, comme s'il n'était plus tout à fait sûr que lui demander ce qu'il faisait était une bonne idée. Son regard erra sur le guéridon, sur le potiron posé au pied de la table ; il jeta même un bref coup d’œil aux tombes alentours.
Mais on ne meurt pas, au Pensionnat : il en était en sécurité. Du moins se l'était-il suffisamment répété pour y croire.

« ...Profane le cimetière, en fait ? Réveille les morts ? Prépare une fête un peu glauque ? »
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeSam 13 Oct 2012 - 23:06

    Un cri. Hin hin, il aimait les cris. Si Halloween avait été doté d’un minimum de sens pratique, et non occupé à tordre la réalité dans tous les sens à sa propre convenance, il aurait pu dresser un catalogue des différents cris que les humains étaient capables d’émettre. Les filles avaient tendance à pousser des hurlements perçants et à ne pas s’arrêter tant que quelque chose ne les y forçait pas – ce qui était en somme assez désagréable, mais vraiment divertissant une fois quelques doses de cire enfoncées dans les oreilles. Il y avait les adultes qui réagissaient tous différemment, s’enfuyant en courant ou criant de terreur, figés sur place par les cauchemars qu’ils croyaient pourtant illusoires. Les plus belles vocalises provenaient toujours des enfants ; entre le rêve et la réalité, perdant pied pour tomber dans la peur comme dans une mare profonde – leur terreur avait quelque chose de sucré qui fondait sur la langue.
    Une fois devenus adolescents, ils semblaient un peu fanés ; c’était dommage, au fond. Mais bon, on s’en accommodait bien.
    Et puis, Halloween n’était pas difficile, au fond.

    « Je me promène, c'est tout. » Répondit l’humain aux cheveux blancs. « Enfin je voulais dormir et puis non, donc je me promène. Ça revient au même. Et toi, tu... »
    Sans même écouter ce qu’il était en train de lui raconter, Halloween lorgna sur le jeune homme d’un œil orange : c’était bien, ça. C’était décidé, il allait l’appeler cheveux-blancs. Simple et évocateur – et pas difficile à retenir. La faible longueur des surnoms comptait beaucoup pour Halloween, car il était parfaitement vain d’essayer de lui inculquer quelque chose de plus de quatre syllabes lorsqu’il ne s’agissait pas d’une chanson morbide. Pas intéressant, donc pas besoin de retenir. C’était le tri sélectif perpétuel, dans sa tête vide.

    « ...Profane le cimetière, en fait ? Réveille les morts ? Prépare une fête un peu glauque ? »
    La créature gloussa. Quelles idées sensationnelles ; le jeune homme aurait pu faire fureur dans la fête perpétuelle qu’était l’existence d’Halloween si ce dernier n’y avait pas déjà pensé avant. Dommage.
    Par contre il avait un doute sur le sens du mot « profaner ». Profaner… ? Est-ce que sa version de l’anglais commençait à se détériorer ? En tout cas il ne voyait pas à quoi cheveux-blancs faisait référence. Mais, trop fier pour l’admettre et peu enclin à s’ennuyer à poser la question, l’esprit frappeur en conclut que cela devait se rapporter à une sorte de danse avec les squelettes. Ou de la jonglerie avec des tibias ; c’était amusant, de jongler avec des tibias.

    « Je m’ennuie. » Laissa-t-il tomber en effectuant une lente roulade aérienne. « J’essayais d’appeler les esprit mais ils ne répondent pas... »
    Mensonge ou pas, il fallait bien trouver quelque chose pour mettre à profit tout le matériel que le fantôme avait accumulé au milieu du cimetière. Et puis il se moquait bien d’embobiner son interlocuteur ; de toute manière, il n’en avait jamais eu la préoccupation alors pourquoi maintenant ?
    L’important était de bien s’amuser.

    « … Je crois qu’ils boudent. Ça doit être parce que je ne suis pas humain. »
    Se retournant sur le dos, la tête à l’envers, Halloween lança un regard insistant à cheveux-blancs.
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeMer 21 Nov 2012 - 15:09

Bras toujours croisés, T.J ne put empêcher ses yeux verts de glisser de nouveau vers la drôle d'installation. Aussi inconscient soit-il, quelque chose lui disait que se retrouver à côté de ce genre de trucs au milieu d'un cimetière, surtout en pleine nuit, était tout sauf une bonne idée. La présence d'un garçon potentiellement autre chose qu'humain ne rendait pas la situation plus rassurante.
Enfin, notez qu'il n'était toujours pas parti en courant. Une sorte d'attrait morbide pour les trucs qui font peur, peut-être ? Un peu comme tout le monde.
Fasciné malgré tout par le pied de nez que cette apparition faisait à la gravité, il consentit à reposer ses yeux sur lui. Il se pouvait très bien que ce soit juste un pensionnaire un peu étrange, tiens : inutile de tout de suite partir sur les hypothèses les plus tordues. Les morts ne sortaient pas de leurs tombes, de toute façon. Au pire, c'était un fantôme. Or s'il n'avait jamais vu de spectre à proprement parler, il doutait que ces derniers puissent lui faire physiquement du mal : après tout, ce n'étaient que des fantômes.
Ben oui, bien sûr. Ce type là en tout cas avait l'air sacrément en chair et en os pour un mort.
Ce n'était pas tellement plus rassurant.

« Je m’ennuie. » Ah ; ça, il pouvait comprendre. « J’essayais d’appeler les esprit mais ils ne répondent pas... »

Booon. Il pouvait jouer les ignorants et ouvrir de grands yeux, mais... Il ne pourrait pas dire qu'il ne s'en était pas douté. Bien que la simple idée d’appeler un esprit était chez lui libellé de l'étiquette ''très très mauvaise idée'', il savait à peu près comment on s'y prenait de manière générale. Les tables et les verres, tout ces trucs et ces machins qui marchaient plus ou moins. Les oui-ja, aussi – puisqu'il lui semblait en avoir vu une ébauche, sur le guéridon en bois. N'importe quel adolescent normalement constitué avait déjà voulu faire une séance de spiritisme pour voir. Mais quand comme T.J on croit vraiment aux fantômes et qu'on est pas certain de l'âme qu'on s'apprête à réveiller, c'est tout de suite plus délicat.
Enfin s'ils ne répondaient pas, hein, ils n'allaient quand même pas retourner frapper à leur porte. Même eux avaient le droit de dormir.

« … Je crois qu’ils boudent. Ça doit être parce que je ne suis pas humain. »

A ces mots, T.J leva les paumes au ciel ; puis, dans un geste fataliste, il laissa retomber ses bras le long de son corps. Bien sûr, il n'était pas humain et les esprits boudaient. De ces deux révélations – que des créatures bizarres se promenaient librement dans le pensionnat ou que des fantômes puissent être vexés – difficile de dire celle qui lui fit la plus forte impression.
Mais en tout cas, être fixé par quelqu'un qui n'avait pas les deux pieds au sol était assez perturbant. Il pouvait même dire avec certitude que ça ne lui était encore jamais arrivé. D'où le malaise.

« Ouais ben, peut-être qu'ils dorment, répondit-il en hochant tranquillement la tête. Et puis pourquoi ils feraient la tête ? Remarque, t'as qu'à demander à un humain de le faire pour toi. Non ?  »

Quelques secondes de silence ; le temps que ça remonte au cerveau.
Ah, ça y est. Les yeux grands ouverts, il lança un regard scandalisé à l'apparition.

« Who her. Je suis trop jeune pour mourir, hein ! » A peine conscient que personne ne l'avait menacé, il enchaîna sur un haussement de sourcil sceptique. « En plus je suis quasi sûr que les gens qui sont enterrés là sont pas, tu vois, morts dans leur sommeil. Ils risquent de pas être très très contents si on les réveille. »

Si on l'avait réveillé au beau milieu de tout pour savoir s'il était bel et bien là, lui, ça ne lui aurait pas plût. Surtout si c'était pour gentiment lui rappeler qu'on l'avait cruellement assassiné.
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeLun 3 Déc 2012 - 1:32

    Small Johnnie Joskins was a boy of most ingenious mind,he always asked the use of anything he chanced to find...

    « Ouais ben, peut-être qu'ils dorment. Et puis pourquoi ils feraient la tête ? Remarque, t'as qu'à demander à un humain de le faire pour toi. Non ? »
    Le large sourire qui étira les lèvres de l'apparition à ces mots fut plus qu'explicite : d'ailleurs, l'expression du jeune homme aux cheveux blancs changea du tout au tout en un instant, comme s'il n'avait compris qu'une fois ces mots prononcés. Hallow laissa échapper un ricanement asthmatique : l'humain avait l'air un peu lent. Mais ça n'en était pas moins drôle ; puisqu'il pouvait apprécier à loisir l'assimilation qui faisait son chemin sur son visage et exorbitait ses yeux d'indignation.
    En plus ça lui donnait une être à mourir de rire.
    Mais c'est pas bien de se moquer des autres. Vilain, vilain petit garçon.

    « Who her. » Opposa l'intéressé d'un air contrarié. « Je suis trop jeune pour mourir, hein ! »
    Halloween laissa filer un bref rire aiguë entre ses lèvres blafardes. Puis, étendant les bras comme s'il se trouvait cloué en croix sur une roue imaginaire, il effectua plusieurs rotations complètes dans cette étrange position. Tout cela sans lâcher l'humain de ses énormes yeux oranges. Sans l'interrompre néanmoins ; à vrai dire, il était son seul sujet de distraction à l'heure actuelle : il se devait donc de le traiter en tant que tel. C'est-à-dire, en l'occurrence, déguster à pleines dents toutes les réactions qu'il pourrait lui présenter. Avant de lui faire subir quelques bonnes plaisanteries de sa composition.
    Enfin. Bonnes pour l'enfant fantôme, évidemment.

    « En plus je suis quasi sûr que les gens qui sont enterrés là sont pas, tu vois, morts dans leur sommeil. Ils risquent de pas être très très contents si on les réveille. »
    Halloween se stabilisa à l'envers et croisa les bras. La moue boudeuse qui s'afficha sur ses traits aurait pu avoir quelque chose d'attendrissant, comme face à un enfant contrarié dans de grands projets. Mais comme souvent, le conditionnel était de rigueur pour qualifier son teint de macchabée et le pétillement mauvais de ses iris. Halloween n'était pas mignon. Il était inquiétant. Il n'était pas attendrissant, il donnait la nausée ; comme si de vagues relents de vieille peur flottaient autour de lui en une aura macabre qui effaçait d'un coup son apparence inoffensive.
    La peur stagnait là, tout autour.

    « T'en sais rien, cheveux-blancs. » Ronchonna-t-il en parfait exemple de l'enfant de mauvaise fois. « Tu t'ennuierais pas à mourir, toi, au bout de deux cent ans à moisir dans un cercueil tout pourri ? »
    Il est vrai que beaucoup de cadavres n'appréciaient que moyennement d'être sortis d'un sommeil aussi profond que celui de la Mort par un gamin aux rires aigus qui les bombardait de nids de cafards. On fait mieux, comme petit déjeuner au lit.
    Ceci dit, Halloween avait également croisé des morts charmants au cours de sa longue carrière : certains étaient même presque abonnés à ses fêtes nocturnes. D'autre adoraient jouer avec lui à terroriser les humains en hantant leurs maisons, ou en leur faisant subir un sort parfois... funeste. En général, les morts n'étaient pas pleins de bonnes intentions envers les vivants.
    Mais tout ceci, Halloween le voyait comme un spectacle animé dont il raffolait presque autant que de citrouilles. La peur et l'angoisse avaient un goût sucré sur sa langue ; et il n'aurait pas rechigné à s'enfuir devant un mort-vivant fou de rage si c'était pour ne pas manquer une telle occasion de se divertir.

    « En fait, » Lança-t-il avec un ricanement provocateur, « Tu as peur, c'est ça ? »
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeDim 9 Déc 2012 - 21:31

T.J avait en tout et pour tout deux moyens de faire face à la peur. Un : aller se cacher et prier pour que ça s'arrête. Deux : se persuader qu'il n'était absolument pas effrayé. La première solution, plus difficilement assumée et dix fois plus contraignante, n'était mise en pratique qu'en cas d'urgence. Un orage, par exemple – parce qu'il ne pouvait rien contre ces trucs-là. Contre l'enfermement et la crainte de la mort en revanche, la deuxième solution marchait très bien ; aucune raison donc qu'elle ne fonctionne pas contre une sorte d'esprit dans un cimetière au beau milieu de la nuit. Quoi qu'il allait sûrement avoir besoin de se convaincre un peu mieux que ça, vu la sensation de malaise que provoquaient ses rires.
D'ailleurs cette façon qu'il avait de le fixer ne lui plaisait pas franchement non plus – et l'idée qu'il puisse décider de le pousser dans un cercueil s'il répondait mal à ses questions allait le hanter encore un moment. Ce garçon lui donnait l'impression d'être sur le point de lui jouer un mauvais tour ; et si le lieu ne s'était pas si mal prêté aux plaisanteries, peut-être aurait-il pris cela plus à la légère. Seulement non, désolé, on ne s'amuse pas avec du matériel de ce genre à des heures pareilles. C'était, et il ne reviendrait pas là-dessus, dangereux.
Bon, il aurait peut-être dû y songer avant de marcher jusque là. On ne peut pas penser à tout en même temps.

« T'en sais rien, cheveux-blancs. » T.J haussa les sourcils ; cheveux blancs ? « Tu t'ennuierais pas à mourir, toi, au bout de deux cent ans à moisir dans un cercueil tout pourri ? »

Oubliant momentanément de corriger son blanc par un bien plus joli argenté, le jeune homme fit preuve d'un minimum de concentration et de réflexion. Hormis le jeu de mot idiot qui lui vint tout de suite à l'esprit – s'ennuyer à mourir, forcément – aucune réponse satisfaisante n'émergea. L'au-delà, tout ça, il n'avait pas la plus petite idée de comment ça pouvait bien marcher. Donc, de là... Dire si oui ou non c'était rasoir était un tout petit peu complexe. Enfin, il pouvait facilement s'imaginer que rester à ne rien faire des années durant puisse être insupportablement ennuyeux, mais ce n'était pas ça qui allait le pousser à vouloir réveiller les morts.
Comme il l'avait si bien dit, les noms inscrits sur ces tombes ne renvoyaient sûrement pas à de gentils grands-parent morts devant une cheminée entourés de leur petite famille sans histoires.
Nooon, pensez-vous. Il n'y avait même pas de vieillards dans ce manoir, pour commencer.

« En fait, tu as peur, c'est ça ? »

… Ouch.
S'il y avait bien une chose que T.J savait faire, c'était nier les évidences. Ce qui rendait son pouvoir extrêmement ennuyeux, d'ailleurs – mais quoi qu'il en soit, cette habitude lui collait à la peau. Lorsqu'il était question de défendre son honneur ou de quelque chose dont il essayait de se persuader, il fallait s'attendre à le voir protester avec deux fois plus de vigueur que nécessaire. Voire avec emportement.
Pas étonnant qu'il s'énerve quand quelqu'un s'amusait à donner des coups de pieds dans une structure déjà fragile.
Alors non, il n'avait pas peur, jamais de la vie. La mine contrariée, il ouvrit la bouche pour répondre à cette accusation : se tut in extremis. Il avait beau exceller dans l'art de se mentir à lui-même, nul besoin d'être un génie pour savoir que son « je n'ai pas peur » se transformerait en jeu du pendu grandeur nature.
Remarque, jouer au pendu dans un cimetière...

« Ha, ha, ha. Cause toujours. » Inconsciemment, il croisa ses bras contre lui. « Les esprits, je les appelle quand je veux. Limite ils se battraient pour me parler. »

Aussi détendu essayait-il d'être, le second degré ne marchait qu'à moitié. Bien sûr que si, il était inquiet.
Ce qui ne l'empêcha pas d'adresser une grimace extrêmement mature à monsieur je-flotte-dans-les-airs avant d'avancer d'un pas nonchalant vers le guéridon.

« Hm. » Ses doigts se refermèrent sur une pièce frappée de la lettre T, qu'il observa pensivement. « Et donc, yeux-oranges, t'es quoi si t'es pas humain ? T'es peut-être juste un pensionnaire qui... Ben, peut flotter. »
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeDim 6 Jan 2013 - 17:55

    One day he spied a weapon he had never seen before ; he didn't know 'twas loaded, so poor Johnnie is no more.
    Halloween remarqua avec délice que sa remarque avait piqué l'humain. Il afficha un rictus qui le fit ressembler à un gros chat malfaisant se pourléchant les babines de contentement, tandis que cheveux-blancs se rétractait comme un bernard-l'ermite que l'on taquine dans sa coquille. Il serrait les bras contre son torse, et les yeux oranges de l'apparition transperçaient avec moquerie cette protection dérisoire.

    « Ha, ha, ha. Cause toujours. Les esprits, je les appelle quand je veux. Limite ils se battraient pour me parler. »
    Halloween laissa échapper un ricanement aigu et bref, comme un caquètement de poulet qui va passer à la casserole ; à ceci prêt que ce n'était pas lui qui était terrorisé à cet instant précis. Il la sentait. La peur ; il la sentait comme une brume glacée envelopper le jeune homme aux bravades éhontées. D'une inspiration entre ses dents de croquemitaine, il pouvait l'aspirer tout entière, et elle avait un goût de sucre caramélisé ; d'un souffle, il aurait voulu l'exacerber, la renvoyer en cadeau avec en guise de rubans une ribambelle de rires lugubres et d'os qui craquent.
    C'est qu'il aimait tant le goût de leur peur. La vision de la flamme qui vacille dans leurs yeux.
    D'une pirouette aérienne, Halloween se rapprocha de l'humain, voletant au-dessus de sa tête alors qu'il saisissait un des petits carrés de bois. Le gamin volant y identifia un début de pendu à l'envers. Le bas de la potence.
    Halloween reproduit à l'identique la grimace de cheveux-blancs, tel un mime grotesque qui se serait trompé de sens. Un mime à l'envers. C'était drôle, non ? Non ?

    « Hm. Et donc, yeux-oranges, t'es quoi si t'es pas humain ? T'es peut-être juste un pensionnaire qui... Ben, peut flotter. »
    Un ricanement, encore ; c'était plus ou moins l'interlude qu'il fallait à Halloween pour réfléchir à une réponse. Si tant est qu'il y ait dans cette masse ectoplasmique - plus si ectoplasmique que cela ceci dit - assez de matière grise pour assimiler l'effort cognitif fourni à une réflexion dans les règles. Pour finir, le gosse vêtu de orange se remit dans le sens conventionnel pour agiter ses deux énormes manches devant le visage de son interlocuteur sans prononcer la moindre parole. En imitant des mots de la bouche, comme s'il se plongeait dans une tirade passionnante, passant d'une mimique convaincue à une autre déterminée ou hilare avec l'habileté d'un acteur. Il fit un tour sur lui-même ainsi, en silence - une rotation horizontale, aucun intérêt sinon - puis un autour de sa victime, avant de se diriger vers l’édredon. Il finit par saisir le crâne entre ses mains invisibles et l'approcher de son visage. Il lui sourit de toutes ses dents.

    « Bonsoir, bonsoir, cher ami. A votre humble avis, notre invité a-t-il mérité une réponse ? Est-ce qu'il a été saaaaage ? »
    Capricieux en plus du reste, l'animal. Avec un énième rire, Halloween changea le crâne entre ses mains en une grosse citrouille creuse au faciès grimaçant et se projeta d'un salto derrière la tête de cheveux-blancs. Dont il coiffa la crinière argentée du couvre-chef orange avec précaution, presque avec tendresse.
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeDim 17 Fév 2013 - 5:50

A l'endroit, à l'envers, tourne et tourne encore – c'est une toupie, ce type, songea T.J en reculant machinalement la tête, peu désireux de se prendre un coup de manche dans la figure. Une toupie ou un carrousel ; une attraction, dans tout les cas – et cette comparaison fut suffisante pour lui faire oublier, une fois de plus, l'incongruité de la situation. Ce n'était pas qu'il ne faisait aucun effort ; il était juste incapable de s'inquiéter plus de dix minutes d'affilée. Avoir peur demandait bien trop de concentration pour un esprit aussi simpliste que le sien, sans doute. Sûrement. Voir ce garçon ouvrir la bouche sur des mots sans substance et déformer son visage sur des expressions à chaque fois différente lui tira un sourire : inconscient, insouciant. L'australien avait besoin de crocs acérés, de morts-vivants, d'armes à feu ou de flaques de sang pour enfin admettre que quelque chose puisse être effrayant ; des manches trop longues et un enfant aux yeux oranges, ça ne l'était pas. Ça ne pouvait pas l'être.
Il avait peur du cimetière, à la rigueur, et de jouer à appeler les esprits. Pas de ce garçon.
Aucune raison, non ?
Il le suivit du regard comme il le put, le perdant lorsqu'il passa dans son dos pour mieux le retrouver les secondes suivantes. Désapprobateur en le voyant se saisir d'un crâne, silencieux malgré tout. Ce truc ne venait pas d'un humain, hein ? Le jeune homme ne put réprimer une grimace, une toute petite pointe d'angoisse. Les morts, ça n'a rien d'inquiétant. C'est juste... des ossements. Rien à craindre. Il tenta tant bien que mal de se convaincre qu'aucun zombie ou esprit malfaisant n'allait surgir de sa tombe pour le dévorer en guise de vengeance – il n'avait rien fait, lui, mince ! – et décida d'un commun accord avec son instinct de survie que courir serait une option satisfaisante. Au cas où un monstre déciderait de s'inviter. Même si ça ne risquait pas d'arriver. Évidemment.

Et qu'est-ce qu'il fichait là, au juste ? La lettre T, que la situation n'amusait visiblement pas, refusa de lui accorder une réponse satisfaisante.
T comme... Terrorisé. Train. Totalitaire. Très. Traumatisant. Tyler.
Hm. Tripping on acid.

« Bonsoir, bonsoir, cher ami. A votre humble avis, notre invité a-t-il mérité une réponse ? Est-ce qu'il a été saaaaage ? »

T.J redressa le nez, se demanda un bref instant si ce type pouvait faire autre chose que rire et sourire – peu probable – et reposa la lettre sur le guéridon avec ses consœurs. Bouche tordue dans une moue enfantine censée manifester son mécontentement, plus boudeur que réellement vexé, il posa ses yeux verts sur son hôte.
Puisqu'il était l'invité, hein. Autant faire les choses bien.

« Je suis toujours – » La disparition du crâne au profit d'une citrouille le rendit momentanément muet ; momentanément. « … Sage. Mais c'est pas un crâne qui va te dire si je l'ai été. Jamais vu ça, nan. »

Perdu de vue ; disparu. Un rien trop lent pour réussir à suivre les déplacements incessant de son vis-à-vis, le jeune homme se contenta de cligner bêtement des yeux, espérant peut-être qu'il reviendrait dans son champ de vision de lui-même. La suite des événements lui prouva le contraire ; et quoi que son sursaut fut justifié, il se prit à haïr de plus bel ce genre de réactions stupides et incontrôlées. Il n'avait. Pas. Peur. Aucune raison de... Sursauter.
Hébété par le geste de yeux oranges – parce que quoi, il allait devoir garder ce truc sur la tête, maintenant ? – il n'osa ceci dit pas retirer son couvre-chef. On ne va quand même pas critiquer sa façon d’exécuter des rites en tout genre, ce serait trop insensible.

D'autant plus qu'au fond, ce manque de logique lui plaisait assez.

« En fait y'a qu'à Noël que c'est important d'avoir été sage, fit-il remarquer sur le ton de la conversation. Fallait le dire, si les esprits aiment pas les méchants garçons ~ »

Son sourire se mua en une moue perplexe tandis que, d'un mouvement absent, il jouait avec une nouvelle pièce de bois pour s'occuper les mains. Bizarrement, dans sa bouche, tout avait un air franchement déplacé. Il devrait se pencher là-dessus à un moment ou à un autre.
A un autre, donc.

« Tu peux transformer beaucoup de trucs, comme ça ? » Il plissa les yeux, curieux. « Et il est censé m'aider à me concentrer ton légume ou c'est juste design ? »

Il faillit ajouter un commentaire attristé concernant ses pauvres cheveux, mais se souvint juste à temps qu'il n'était pas spécialement bien coiffé quoi qu'il en soit. Quelle chance, n'est-ce pas ?
… Oh. Quoi que.

« Ça va pas tâcher mes cheveux, hein ? »
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeLun 4 Mar 2013 - 2:07

    Cheveux-blancs faisait l'humain. L'humain qui ne sait pas, l'humain qui ne croit pas, aha ~ Bien sûr qu'Halloween n'apprendrait pas du crâne s'il avait été sage. Le crâne lui dirait peut-être de fausses calomnies, ou peut-être pas ; mais pour lui, ce n'était pas important, parce que, parce que...
    Parce qu'il n'était pas une de ces fêtes partiales et égoïstes qui réservent leurs largesses à un petit nombre de gens stupides et inintéressants qui se tiennent à carreau. Halloween ne récompensait pas, il était généreux avec tout le monde, il jouait avec tout le monde sans exception, même les plus méchants des méchants. Ce n'était pas grave. Pourquoi les reléguerait-il dans un coin alors qu'ils ne lui avaient rien fait ? Les humains étaient stupides, et certaines fêtes aussi. Halloween était généreux avec tout le monde.
    Sauf que tout le monde ne comprenait pas ça.

      « En fait y'a qu'à Noël que c'est important d'avoir été sage. Fallait le dire, si les esprits aiment pas les méchants garçons ~ »

    Un sursaut agita les épaules de pantin désarticulé dans le dos de T.J, un sursaut tenant au coeur jusqu'à la lie. Les deux prunelles oranges s'allumèrent d'une lueur rougeoyante ; mauvais mauvais mauvais. Des deux phrases, un seul mot avait résonné. Noël, Noël, Noël. Noël et ses sourires chérubins et l'éclat ridicule de ses cheveux clairs, et ses yeux brillants et ses sourires de bébé et oh, Noël et ses rires insupportables et ce constant sourire sans crocs et la brillance de son papier cadeau, son papier, ses bonbons... Les griffes de l'esprit frappeur, soudain libérées de tout gant protecteur, s'enfoncèrent de plusieurs pouces dans la chair molle d'une citrouille apparue entre ses mains ; le jus qui en coulait était comme un flot de sang répugnant à l'odeur chocolatée. Teinter d'horreur ce sourire angélique. Faire hurler ces rires, ces rires insupportables, terroriser ces enfants qui avaient des étoiles dans les yeux, des étoiles, des étoiles sur un arbre débordant de couleur, refroidir ces coeurs douillettement blottis loin, loin derrière des fenêtres infranchissable. La citrouille criait de douleur. Tant pis pour elle. C'était froid, très froid, trop froid, la flamme de haine dans la poitrine d'Halloween. Sous la pression, la citrouille éclata entre ses doigts couverts de pulpe, il les aurait mordus jusqu'au sang. Tais-toi, tais-toi, tais-toi. Ou bien ne parle qu'à moi, à moi, à moi.
    Un ricanement dissonant. Distendu. Un parmi d'autres.

      « Tu peux transformer beaucoup de trucs, comme ça ? Et il est censé m'aider à me concentrer ton légume ou c'est juste design ? » Cheveux-blancs parlait. Heureusement que cheveux-blancs parlait, parce qu'Halloween s’apprêtait à vomir des chauves-souris de colère. La haine donnait forme à sa substance, la haine. Pas de neige au pays des croque-mitaines. « Ça va pas tâcher mes cheveux, hein ? »

    Halloween partit d'un rire aigu et son visage se rapprocha brutalement de celui de cheveux-blanc. Il n'avait plus l'air content, non ; il n'était pas content. Pas content, non, mais l'humain avait été gentil, alors Halloween serait gentil avec lui. Halloween n'était pas injuste, lui. Lui, lui, lui.

      « Noooooo. No, no, mais sinon le orange c'est mieux que le blanc. » Baissant la voix, il insista. « C'est mieux. C'est horrible, le blanc. »

    Dreadful, dreadful, dreadful. Halloween plonge se cacher sous le guéridon, où il se fond parmi les ombres et ne laisse plus que deux prunelles flamboyantes. La table tremble un peu. Il est un peu énervé, juste un peu. Si la langue de l'humain peut dire des horreurs encore, il faudra la lui arracher. La lui arracher avec un bruit de clochettes.
    Avec un froid pareil, ça ne lui fera pas mal, non.
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeSam 23 Mar 2013 - 2:08

T.J ne recula pas ; la peur ça rend statue, ça rend idiot mais ça ne fait pas courir, non. Ça le figeait sur place, alors il ne recula ni les jambes ni la nuque. Il fronça juste les sourcils, plissa les yeux comme pour mieux y voir alors que, puisque le garçon s'était rapproché, ça n'avait rien de très utile ; c'était même plutôt stupide, de s'enraciner comme pour mieux attendre que la tornade passe tout démolir. Seulement enlever ce magnifique couvre-chef et rebrousser chemin n'aurait pas été beaucoup plus ingénieux. Le jeune homme avait vu suffisamment de film d'horreurs durant sa courte vie pour savoir que fuir n'amenait généralement qu'à mourir un peu plus loin ; en outre, il était incapable d'intégrer qu'un psychopathe puisse arriver et le poignarder sans prévenir. La mort ne faisait pas partie de son vocabulaire. Encore moins de son carnet d'adresse.
Ça n'empêcha pas son sourire insouciant de se tordre légèrement ; juste une petite courbe sur le côté, pour aller avec ses yeux plissés. C'est gênant, de ne pas comprendre pourquoi ni comment on a pu vexer quelqu'un. Sans motif, impossible de se rattraper.
Dommage. Il détestait mettre les autres en colère.

« Noooooo. No, no, mais sinon le orange c'est mieux que le blanc. »

La voix insista un moment – horrible, le blanc – avant de ne disparaître sous le guéridon. T.J resta un moment interdit, hésitant quant-à la marche à suivre. Devait-il l'abandonner-là et retourner se coucher, au risque de l'énerver encore plus, ou rester lui parler et obtenir strictement le même résultat ? Dans la mesure où il ne lui avait pas fait avaler sa citrouille, le jeune homme décida que ce ne devait pas être grave au point d'en vouloir à sa vie ou ses cheveux. S'il affirmait que ça ne déteindrait pas, il allait devoir le croire sur parole.
Intrigué quoi que toujours inquiet, il tenta d'apercevoir la silhouette de l'apparition sous la table.

« Okay, hein, chacun ses goûts, tenta-t-il en haussant les épaules. Moi je préfère le bleu. Enfin, le orange c'est cool aussi. Des citrouilles blanches ce serait assez nul. D'ailleurs le blanc, c'est même pas une vraie couleur. » Pensif, il décida d'ajouter : « Puis mes cheveux sont argentés. »

De la neige orange, en fait, ce serait assez marrant. Un peu comme une pluie de soda. Une neige de soda à l'orange. Perturbé par cette vision, l'australien essaya tant bien que mal de chasser cette invasion d'orange de son esprit ; il n'était pas habitué aux tempêtes de neige, quoi qu'il en soit. Lui qui passait Noël à bronzer sur la plage et à manger des glaces pour se rafraîchir ne pouvait décemment pas faire le rapprochement entre cette fête et les saisons froides.
Puisque Noël, comme son anniversaire, tombait en plein été austral.
Décidé à se concentrer sur son occupation du moment pour ne plus risquer de froisser le garçon aux yeux oranges, il frappa plus ou moins brutalement le plateau du plat des deux mains. Peu inquiet du mouvement qu'il venait d'imprimer aux pièces de scrabble – un léger sursaut apeuré des pauvres lettres – il s'empara du verre et tenta de regarder au travers. Puis, s'en lassant presque aussitôt, il le posa bien au centre et s'appliqua à déplacer les carrés imprimés de façon à ne plus les laisser en tas hétéroclite.

« Tu sais comment utiliser tout ça ? » Question stupide ; il n'avait sûrement pas préparé toute cette mise en scène en recopiant les instructions d'un livre de cuisine vaudou. « Tu devrais organiser des soirées à thèmes, t'aurais un de ces succès. Esprit, es-tu làààà ? »

Quoi que... Ça aurait viré culte de magie noire, à priori. Pas bon du tout. Sa coiffe en légume devait commencer à agir sur son cerveau – et pas de la meilleure façon qui soit.
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeVen 26 Avr 2013 - 22:59

    Dissimulé tout entier parmi les ombres - de faible envergure, pourtant, même étant donnée sa petite taille - que laissait tomber le guéridon, Halloween faisait rougeoyer deux yeux fixes dans l'obscurité. Ils s'accrochaient à la veste de cheveux-blancs comme une sangsue à sa proie. Mais le garçon ne s'enfuit pas, il ne recula pas ou ne chercha pas à se défiler, au contraire. Il sembla même tenter d'atténuer l'impact de ses paroles sur le poltergeist. Lequel ne comprit certes absolument pas la manœuvre - pourtant ce n'était pas stupide d'essayer d'amadouer l'esprit en colère dans les histoires d'horreur ; dommage que peu de personnes aient la présence d'esprit ou le calcul nécessaire pour s'y essayer - mais nota que l'australien n'avait pas non plus l'air de défendre son ennemi viscéral.

      « Okay, hein, chacun ses goûts. Moi je préfère le bleu. Enfin, le orange c'est cool aussi. Des citrouilles blanches ce serait assez nul. D'ailleurs le blanc, c'est même pas une vraie couleur. Puis mes cheveux sont argentés. » Lança-t-il d'un ton détaché en se rapprochant du guéridon.

    Halloween sursauta lorsque la table trembla, puis leva les yeux vers la surface plane qui surplombait son corps fondu dans les ténèbres avec curiosité. Les paroles de cheveux-blancs se diluèrent dans l'esprit du garçon et s'y intégrèrent parfaitement. C'est vrai, ça, d'abord. Des citrouilles blanches, n'importe quoi. Noël arriverait jamais à faire passer des citrouilles blanches parce que déjà ça n'aurait aucun intérêt, en plus elles seraient plus bonnes, et puis d'abord elles se laisseraient même pas faire, parce que les citrouilles aimaient leur couleur et pas son blanc délavé moche comme des os pourri qui n'était même pas une vraie couleur. Il était nul, Noël. Il servait à rien, il faisait juste semblant.
    ... Na.

      « Tu sais comment utiliser tout ça ? Tu devrais organiser des soirées à thème, t'aurais un de ces succès. Esprit, es-tu làààà ? »

    Cheveux blancs - non, cheveux-argentés. Mais c'était quand même fichtrement long à dire, cheveux-argentés. En plus ça sonnait mal. C'était peut-être vrai, autant qu'Halloween puisse en juger en fixant les lacets des baskets de l'humain, seul élément de son anatomie à sa portée, mais il n'empêchait pas que c'était comme avoir des cailloux dans la bouche à prononcer. Il allait s'en tenir au blanc pour l'instant. Ou non, il n'aimait pas le blanc.
    Gris, alors.
    Cheveux-gris, donc, tripotait encore il-ne-savais-quoi sur le guéridon, et Halloween finit par comprendre qu'il n'était pas à la meilleure place pour pouvoir observer ses exploits.
    Et puis, c'était quand même maintenant qu'il allait pouvoir s'amuser.
    L'enfant s'extirpa de l'ombre avec une fausse difficulté, se hissant à hauteur de la table à l'aide de deux manches oranges qui ne laissèrent dépasser que ses yeux du rebord, tandis que le bas de son corps restait comme aspiré dans le vide sous le guéridon. Il observa ainsi les tours de main du jeune homme quelques secondes, avant de prendre la parole.

      « T'y connais rieeeen. » Narqua-t-il en tirant la langue. Plongeant sous le guéridon, il en tira le jeu d'osselets qu'il renversa sur le bois. « Faut les appeler avec des noms. Et des mots spéciaux. »

    Le gamin, malgré toute l'inexpérience que son attitude et la précision de ses réponses semblait indiquer, tira alors un gros livre poussiéreux de sa manche et le lança au jeune homme. Guide pratique pour les humains bêtement terre-à-terre dans ton genre. Cadeau. L'esprit frappeur s'envola en tournoyant avec un hululement sinistre et s'évanouit dans les brumes du cimetière.
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeVen 31 Mai 2013 - 1:55

Concentré, le visage marqué par un sérieux presque hors de propos, T.J s'appliqua à placer les lettres là où il voulait qu'elles soient. A, B, C, D ; bien en ligne les unes à côté des autres, sages et un peu espacées. Il n'était pas certain de la façon dont il était censé mettre ces trucs mais, après tout, ce n'était pas comme s'il voulait vraiment que ça fonctionne : invoquer des esprits vengeurs ne lui disait trop rien, curieusement. Le jeune homme avait assez entendu parler d'abrutis se blessant à cause d'un oui-ja pour savoir que ce n'était pas une bonne façon de passer le temps. Peureux ou pas, insouciant ou non, il y avait des limites à tout. Mettre volontairement sa vie en danger tenait de l'idiotie la plus complète. Et il n'était pas idiot à ce point, lui, songea-t-il en posant de nouvelles lettres les unes près des autres. Même s'il pouvait en donner l'impression. Un peu. Il y avait une différence entre organiser une soirée occultisme et tenir compagnie à un gamin bizarre flottant dans les airs, non ?
Pas sûr que ladite différence joue en sa faveur, mais il allait devoir s'en contenter.
Peut-être encore fâché, peut-être pas, son hôte se hissa hors de sa cachette. Suffisamment pour laisser apercevoir ses yeux, pas plus ; ce n'était pas tellement plus rassurant mais, dans le doute, T.J trouva préférable de pouvoir le situer. Qu'il n'apparaisse pas dans son dos d'un seul coup, par exemple. Ou au-dessus de sa tête. Ou à ses pieds. On ne sait jamais : il aurait pu lui tirer les chevilles, le faire tomber, l'entraîner on ne sait où et lui faire on ne sait quoi de franchement désagréable. Vu le décor, il était prêt à parier que le chocolat chaud n'était pas en option.
La tête remplie de ces nouvelles idées toutes plus charmantes les unes que les autres, il adressa un semblant de sourire à l'apparition. Les pièces ressemblaient plus aux touches d'un piano ou d'un clavier qu'à un monticule sans raison d'être, à présent – et inutile de préciser que le jeune homme était plutôt fier d'avoir apporté sa pierre à l'édifice. Ce n'était pas tout les jours qu'il rangeait volontairement quoi que ce soit d'autre que ses crèmes et ses chemises.

Peut-être que s'il le lui avait dit, son charmant interlocuteur l'aurait applaudit ; ça aurait tout de même été un minimum.

« T'y connais rieeeen. »

Bleeeh ; qu'il montre, lui, puisqu'il était si doué. Aussi mature qu'un enfant de dix ans, l'australien ne trouva rien de plus constructif à faire que lui tirer la langue à son tour. Savoir comment appeler les esprits n'était pas inné, chez lui, voilà tout. D'ailleurs, ce n'était pas plus mal. Ça lui aurait fichu une de ces trouilles, de tout avoir en tête sans jamais avoir ouvert un livre d'occultisme...
Perplexe, il bougea un des osselets du bout de l'index. Ça n'avait pas l'air hanté ou prêt à le dévorer au moindre faux mouvement : pour un peu, il en aurait été déçu.

« Faut les appeler avec des noms. Et des mots spéciaux. »

Un sourire amusé se dessina sur les lèvres fines de l'adolescent. C'est qu'il était d'une grande aide, l'expert, avec ses noms et ses mots spéciaux ! Il s'était attendu à des formules savantes, ou des conseils avisés – pourquoi pas une incantation, même, ou un truc pour installer ses petits jouets : pas des bidules et des machins aussi vagues –
Ni un livre, en fait.
L'ouvrage fut réceptionné : un peu gauchement, mais il fut réceptionné malgré tout. Étonné, un peu sonné, T.J ferma les yeux et compta jusqu'à trois. Un, je t'entends pas, deux, je t'entends pas, trois... Je t'entends plus. En quelques mouvements de tête experts, il tenta de retrouver la trace de l'esprit : rien à faire. Il avait l'air... Parti. Disparu. Pfioush. Envolé. Ce dernier terme, presque trop exact, lui tira une moue désapprobatrice. Soit cet endroit abritait des pensionnaires définitivement étranges, soit il rêvait, soit il parlait tout seul devant une tombe parfaitement normale depuis un bon moment déjà. Aucune solution n'étant franchement plus plaisante que les autres, il décida de n'en choisir aucune. Haussement d'épaules désinvolte ; on verra bien.

« Pourquoi faut toujours lire, c'est pas croyable, grommela-t-il en ouvrant une page au hasard. Monique, de préférence jeune et jolie Monique, m'entends-tu ? »

« Les appeler avec des noms », pour lui, revêtait une explication d'une simplicité toute trouvée. Esprit, c'était sûrement un terme un peu trop vague : appeler Monique directement, ça c'était de l'idée. Sans compter que ce n'était pas un nom effrayant. Une Monique, ça ne pouvait pas avoir fait de mal à qui que ce soit. Définitivement pas.

« Je préférerais qu'on évite de me faire du mal, déjà. Ouais. » Yeux plissés, il jeta un coup d’œil alentours. « Poussière, poussière, redeviens poussièèère. »

Foutue poussière ; ce livre en était littéralement couvert. Ça allait lui filer des allergies, si ça continuait.

« Et reste poussière. Genre, de façon permanente. »

Sur ces paroles d'une prophétique splendeur, l'australien coinça le livre contre lui avec son bras gauche. Du droit il exécuta un large geste, qui pouvait être autant rempli de sens qu'il devait en être dénué, avant de poursuivre :

« Enfin, bienvenue à l'Au-Delà. » Par soucis du détail, il tapota le verre du poing. « Ça doit mal capter, vu la distance. »
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeDim 9 Juin 2013 - 20:56

    En fait, aussi décevant que cela puisse être, Halloween n’avait absolument aucune fichue idée de la façon dont pouvaient fonctionner les invocations aux morts. D’ordinaire, les humains se débrouillaient très bien tous seuls pour la partie pratique : ils tiraient leurs idées farfelues de livres prétendument savants et, plus récemment, d’ondes parlantes sur leurs grosses boîtes animées. Les on-dits, aussi, circulaient assez vite et attiraient les curieux et les crédules ; nulle surprise lorsqu’une partie de leurs cérémonies burlesques tournait alors au vinaigre parce qu’un ou deux mots étaient approximatifs, ou que le sens des objets invocateurs était inversé. Par conséquent, Halloween se moquait bien de savoir comment tout cela marchait : tant qu’ils rataient leur coup pour son plus grand plaisir. Et si, par hasard, leurs petites manipulations paraissaient couronnées de succès, il n’avait qu’à tout déranger d’un grand coup de vent. Pas bien difficile.
    En outre, pour sa part, il n’avait jamais eu besoin d’une quelconque mystification pour asticoter les morts et les esprits. Ils étaient là, c’est tout. Au début, il trouvait même les humains remarquablement stupide de ne pas les remarquer – jusqu’à ce qu’au bout de quelques siècles, il commence à comprendre qu’ils en étaient tout simplement incapables. Dommage pour eux ; parfois, les revenants étaient tellement frileux que les agacer était tout simplement hilarants. Mais lorsqu’un être vivant cherchait à les contacter, il leur arrivait de temps à autre de s’énerver – et Halloween aimait à être aux premières loges, dans ces cas-là. Mais au-delà de ces distraction, les appels aux morts, il aurait été proprement incapable de les effectuer - le bouquin, il l’avait volé à un vieux bonhomme momifié au fond des bois de l’Irlande du nord, dans une cabane pourrie et véreuse. Le contenu lui avait semblé approprié. En plus c’était écrit en anglais. Mais bon, ce n’était pas pour ça qu’il comprenait tout le bataclan – ou même qu’il avait la patience de l’étudier.
    D’où le caractère peu tangible de ses instructions.
    En bas, cheveux-gris se débattait avec le vieux volume en avalant des tonnes de poussière. Halloween secoua machinalement celle qui restait amassée dans ses manche, et qui se posa doucement sur ses cheveux argentés. Quelle gentillesse, il en venait à parfaire l’ensemble. Une telle générosité.

      « Monique, de préférence jeune et jolie Monique, m'entends-tu ? »

    Halloween fit une galipette au ralenti en écarquillant les yeux à les en faire rejoindre ses oreilles. L’incompréhension fit dégouliner ses traits sur sa boîte crânienne. Quoi, Monique ? C’est qui, d’abord, Monique ?
    Il lui fallut un certain temps d’adaptation pour songer avec réprobation que cheveux-gris aurait quand même pu trouver un patronyme plus effrayant. Quand même. Un peu de professionnalisme.

      « Je préférerais qu'on évite de me faire du mal, déjà. Ouais. » Il avait l’air d’essayer de parlementer.

    Cela dit, Halloween ne voyait toujours aucune manifestation intéressante dans le coin. Pas très doué, l’australien. Ou alors Monique était remarquablement timide ; peut-être qu’il pourrait lui faire peur, à Monique.

      « Poussière, poussière, redeviens poussièèère. Et reste poussière. Genre, de façon permanente. »

    C’est vrai qu’il avait beau regarder dans tous les sens, il la voyait pas, Monique. Alors si ça se trouve il parlait vraiment à la poussière, cheveux-gris. Ou alors… il ne savait pas. Halloween l’observa faire de grands gestes parfaitement inutile avec une once de pitié, oubliant bien vite que c’était lui qui avait fourni au jeune homme les instructions les plus pertinentes du monde.
    Histoire d’être en phase, le poltergeist vérifia si il ne lui restait pas un peu de poussière en stock dans sa capuche.

      « Enfin, bienvenue à l'Au-Delà. Ça doit mal capter, vu la distance. »

    Le verre vibra, le son s’estompa, et Halloween songea que Monique n’était pas vraiment synchrone. Il décida, dans sa grande générosité, de lui donne un petit coup de pouce. Regard fixé sur la table, un œil fermé. Le verre trembla.
    Le gosse en orange jeta un regard alentour, cherchant un autre facteur pouvant potentiellement effrayer cheveux-gris. Même s’il ne connaissait pas son taux de réactivité, il pouvait toujours essayer, puisque « Monique » ne se décidait pas à venir jouer son rôle. On ne pouvait jamais compter sur les esprits, tiens. C’était peut-être pour ça qu’Halloween devait si souvent faire le boulot à leur place. Noyé dans les ténèbres, le poltergeist effleura la mèche d’une bougie, sur une stèle placée dans le champ de vision de cheveux-gris, qui s’éteignit sur le champ. La voisine faillit subir le même sort, mais préféra rouler sur la gerbe de fleur toute proche et commencer à la grignoter peu à peu. Hallowen se réfugia derrière une pierre tombale en réprimant un ronchonnement. Ca risquait de faire un poil trop théâtral, ça. Si on ne pouvait plus se fier aux chandelles non plus…
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeSam 15 Juin 2013 - 2:37

Sa coiffe-citrouille entre les mains, yeux rivés sur le verre, T.J retint son souffle. Peut-être que c'était juste un coup de vent ; peut-être que les esprits n'avaient pas aimé qu'il enlève ce chapeau improvisé. Peut-être que le verre avait froid, aussi – parce que oui, honnêtement, il était prêt à cautionner la pire des âneries pour ne pas avoir à admettre que ce verre avait bel et bien frissonné. Jouer à des trucs aussi dangereux était la dernière de ses envies. Ou l'avant-dernière. Ou avant avant-dernière – mais quoi qu'il en soit, ce n'était certainement pas au début de sa liste. A faire n'importe quoi et rire comme un attardé ignorant, il s'était dit que rien de grave ne pourrait lui arriver : ce n'était pas comme si on pouvait invoquer les morts simplement en jouant au scrabble contre soi-même dans un cimetière en pleine nuit.
Quoi que d'un autre côté, peu avaient dû tenter l'expérience avant lui. Il n'avait plus qu'à espérer que la logique et le bon sens accepteraient, pour une fois dans leur maudite existence, de se ranger de son côté. Faire preuve d'un peu de compassion devait être dans leurs cordes, non ?
Le verre trembla.

« Okay. C'est un non, ça. »

D'un geste pressé, nerveux, il posa la citrouille creuse à ses pieds. Qu'un truc se secoue comme ça, ce n'était définitivement pas normal. Le garçon de tout à l'heure devait avoir posé un truc pour le contrôler à distance, quelque chose dans le genre. Il y avait forcément un mécanisme ; le jeune homme en était littéralement persuadé. Tout ceci sans penser un seul instant qu'un guéridon qui danse la samba était nettement moins étrange qu'un pensionnaire capable de flotter ou de cracher des chauve-souris : son pauvre cerveau rationalisait et acceptait chaque bizarrerie une par une. Il n'en était clairement pas rendu à ce degré de réflexion.
Le poids de son corps fit grimacer le bois quand, largement appuyé sur le guéridon, il se pencha en avant pour mieux observer ce soit-disant moyen de communication. A première vue ce n'était qu'un récipient parfaitement normal, comme on en voyait tout les jours en se rendant à la cuisine : rien d'inhabituel de ce côté. Pas de petit plus qui puisse permettre à Monique de s'installer en face de lui pour l'aider à connaître ses mensurations ou les circonstances de sa mort. Juste un verre. Un bête verre frileux et allergique à ses incantations hautement professionnelles.
Tiens. Où avait-il fichu le livre, déjà ?
Occupé à chercher l'ouvrage des yeux, l'australien ne nota que distraitement la mort d'une des chandelles : il fallut attendre qu'il marche sur le recueil – qu'il avait posé au sol avant d'enlever son couvre-chef – pour enfin voir l'ombre d'une inquiétude tirer ses traits. C'était sûrement le vent. Un micro-vent. Et puis les fantômes ne pouvaient pas lui faire de mal, voilà, problème réglé, inutile de s'en faire – et ha, Dieu savait qu'il ne s'inquiétait pas le moins du monde, loin de là ! Plus courageux que lui, ça n'existait pas. Ou pas en ce moment. Pas ici. Il était au moins la personne vivante la plus courageuse de ce cimetière en ce moment-même et rien que pour ça, il aurait mérité une foutue médaille en or.

« Moni – oh ----- ! »

Les yeux de T.J s’agrandirent de peur et de surprise mêlée. Ce qu'il avait au début pris pour la lueur d'une bougie était en fait le hurlement de fleurs à l'agonie : piégées sous la cire brûlante, elles s'embrasaient comme du petit bois dans une cheminée. L'enfer version minimaliste. Paniqué, immédiatement persuadé que tout allait brûler, arbres et manoir y compris, il chercha des yeux quelque chose pour étouffer les flammes. A peu près n'importe quoi ferait l'affaire, non, oui ? Aussitôt qu'il eut attrapé le livre qui dormait à ses pieds, toutes ses bases de physique et de logique s'envolèrent à tire d'aile pour ne pas avoir à porter le chapeau de son incompétence.
N'importe qui aurait tenté de piétiner ce brasier miniature, de l'étouffer sous un peu de terre. N'importe quoi de sensé, du moins. Apeuré, convaincu qu'il avait fait la pire bêtise possible, lui décida en son âme et conscience de jeter le livre dessus.

« Tais-toi, le feu ! Couché ! Arrête ! »

Livre qui retomba ouvert sur les fleurs et leur lueur incandescente. Un moment, il crut avoir dompté la bête : ce fut sans compter sur la sécheresse jaunie de ces pages inflammables qui, l'instant suivant, prirent part au feu de bois improvisé.
C'était encore très loin d'un bûcher, mais c'était quand même pire qu'avant. Et puis les esprits allaient peut-être vraiment hurler, maintenant qu'il avait réduit leur précieux guide de l'Au-Delà en cendres. A la façon dont les flammes couraient sur sa tranche, il doutait sérieusement de pouvoir le sauver. Paix à son âme.
Peu fier de sa performance, T.J fit courir nerveusement ses mains dans ses cheveux. Pour une fois qu'il aurait aimé être noyé sous une averse !

« Un peu d'aide serait pas de refus, l'esprit-machin au yeux oranges ! »

Peut-être que le feu l'écouterait, lui.
Histoire de prouver que son cerveau était aux abonnés absents, le jeune homme tenta en guise d'ultime hommage aux handicapés mentaux de faire glisser son gilet le long de ses bras pour l'agiter devant l'atroce-feu-de-forêt-en-devenir.
Il ne lui manquait plus que l'alcool à jeter dessus.
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeMer 26 Juin 2013 - 12:58

    Halloween se trémoussa sur place pendant un petit moment en rongeant ses gants, impatient que cheveux-gris se rende compte de ce qui se passait. Parce que quoi, c'était pas si terrifiant que ça, un verre qui bouge. Et si l'humain ne se montrait pas un peu plus alerte, il n'allait pas pouvoir lui montrer trente million de choses non plus, et ça ce serait décevant. Quand même. Qu'il pense un peu au mal que se donnait le poltergeist pour faire toute cette mise en scène.
    Enfin, c'est vrai, il ne le lui avait pas dit. Que c'était sa faute. En même temps, s'il le lui avait dit, cheveux-gris n'aurait pas eu peur. Vu qu'il n'avait pas peur d'Halloween. Donc il ne devait rien savoir. Et donc il ne fallait pas lui dire. Et donc il fallait attendre qu'il se décide à utiliser ses yeux inutiles d'humain myope pour voir que les fleurs flambaient.
    C'était long.
    Mais heureusement, le temps que l'esprit frappeur fasse le cheminement adéquat dans sa petite tête, T.J avait fini par relever la sienne et jeter un petit coup d’œil ailleurs que sur la poussière qui recouvrait la surface de la table. Le sourire d'Halloween s'agrandit considérablement en voyant un air effaré se peindre sur les traits du jeune homme à la vue du feu.
    Ah bah quand même.
    Ce fut avec un grand plaisir que le poltergeist le regarda stopper son appel mystique aux esprits pour s'inquiéter de ce qui se passait sous ses yeux. Prends-toi ça dans les dents, Monique.
    La suite fut, en revanche, un peu plus confuse. D'abord, Halloween ne comprit pas pourquoi, entre deux exclamations à son avis totalement dépourvues de sens, l'humain empoigna fermement le livre qu'il lui avait confié pour le jeter dans les flammes.
    C'était assez mal venu. Déjà, parce que ce n'était pas en lui donnant à manger qu'il allait éteindre le feu. Peut-être que cheveux-gris était vraiment stupide, au fond - quoi que, Halloween avait déjà vu de nombreux humain se mettre à agir contre leur intérêt quand il leur faisait des farces. C'était assez étrange, mine de rien.
    Ensuite, parce que c'était une honte de traiter ainsi un objet aussi ancien, aussi précieux, et surtout, qu'il avait eu autant de mal à obtenir ! L'enfant encapuchonné croisa les bras avec mauvaise humeur : de l'autre côté du cimetière, une stèle émit un raclement sinistre. Et de mauvais augure.
    Mais cheveux-gris était trop occupée désormais avec son mini-bûcher, qu'il tenait d'ailleurs visiblement beaucoup à maintenir en l'état. Qui sait, il avait peut-être l'intention de brûler quelqu'un dessus. Ou de se faire griller de la nourriture, allez savoir. Les humains étaient des créatures étranges.
    Halloween fixa ce primate monotâche avec une moue agacée. Décidément, impossible d'accaparer son attention avec plus d'une chose à la fois. C'était d'une lenteur.
    Cela dit, la façon qu'il avait de s'arracher les cheveux était assez intéressante.

      « Un peu d'aide serait pas de refus, l'esprit-machin au yeux oranges ! »

    Halloween haussa un sourcil attestant d'un intérêt mitigé. Il ne bougea pas.
    Parce que selon le raisonnement précédemment appliqué, s'il se montrait maintenant, cheveux-gris en déduirait qu'il contrôlait toutes les manifestations mystérieuses présentes, et donc n'aurait plus peur du tout. Et ça cela ne serait pas drôle du tout;
    Oui, parfois Halloween était capable de conduire un raisonnement cohérent.
    Alors au lieu d'aller gentiment conseiller à cheveux-gris d'arrêter de secouer son manteau comme ça parce que c'était décidément l'initiative la plus idiote qu'il ait vu depuis une cinquantaine d'années, le potergeist fila entre les tombes, porteur d'un courant d'air qui fit rouler de leur place les gerbes de fleurs fanées déposées au pied des stèles. Et n'ayant pas l'intention de s'arrêter là, il s'intéressa de près à la pierre qui avait bougé quelques minutes plus tôt. Contrairement à deux tiers des autres tombes, celle-ci ne se satisfaisait pas d'une couche de terre meuble, il lui fallait une dalle en marbre en plus. Avec la vague intention de punir cette ostentation affichée, Halloween s'arc-bouta contre la dalle afin de la faire coulisser. Elle bascula sur le côté avec une série de raclements suivi d'un chuintement morbide, enfin couronné par un bruit sourd proche du craquement.
    Le poltergeist se fondit à nouveau dans les ombres. Quelques chuchotis, discrets mais parfaitement audibles, s'allumèrent autour du jeune homme, et une autre flamme s'éteignit. Par contre, le brasier ne faiblit pas - ça entamait un peu les chances que cheveux-gris perçoive les nouveaux signes, mais Halloween n'avait pas non plus le pouvoir de commander aux éléments. S'il n'avait pas jeté le livre dedans, non plus.


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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeJeu 25 Juil 2013 - 23:01

Pourquoi ça lui arrivait à lui, hein ? Ce n'était pas comme s'il était le seul abruti à se promener dehors la nuit, mince ! Il devait bien y avoir une minorité de tarés adorant se faire peur en train d'ouvrir un passage vers l'autre monde dans un coin... Mais non, il fallait que ce soit lui. Évidemment. Comme toujours. D'abord les machins vengeurs dans les bibliothèques, ensuite les gamins volants et les fleurs suicidaires qui décidaient de s'immoler sans prévenir – et à quand les animaux décapités et la main sur son épaule ? Dans ce pensionnat, tout était possible. Simple. Et c'était pratique, de pouvoir se rassurer aussi facilement : dans un monde où tout était bizarre, rien ne l'était plus. Les événements étranges étaient un peu moins effrayants. Toujours imprévisibles, mais moins effrayants. Qu'il y ait des fantômes dans ce pensionnat ne voulait pas dire qu'il y en avait dehors. Ils avaient bien des pouvoirs, hein, alors en quoi des bruits suspects pouvaient être plus inquiétants que ça ?
Si le « tout est possible » avait pu se tenir loin de lui, cela dit, il aurait préféré.
Constatant que le vent n'éteignait pas le feu mais avait au contraire tendance à le rendre plus vorace encore, le jeune homme cessa d'agiter le gilet comme un idiot fini. Ça ne marchait pas. Inutile de s'acharner. Il était un peu bête parfois, d'accord, et ses techniques de survie n'étaient clairement pas brevetées, mais il avait suffisamment de jugeote pour savoir quand il devenait urgent de changer de tactique. Maintenant, donc. La veste vola sur le guéridon et, l'air plus professionnel que jamais, T.J fit un pas en direction des flammes. Ça faisait un bon feu de camp, mine de rien. Il manquait plus que les marshmallows et la plage.
Un désagréable frisson fila le long de son corps, lui donnant la chair de poule au passage. Vent abruti. Il aurait pu l'aider, lui aussi, tiens ! Vu l'heure, le jeune homme était prêt à s'adresser à tout et n'importe quoi en quête de soutien. Il en aurait vraiment eu besoin, là, de soutien. C'était exactement pour ce genre de raisons qu'il détestait être seul. Si Hugo avait été là, il aurai su quoi faire ; si Hans avait été là, il aurait au moins pu lui filer un coup pour lui expliquer à quel point sa façon de faire était stupide. D'un revers de chaussure, lèvres courbées sur une grimace peu élégante, il envoya une gerbe de terre arroser les flammes. Ça ne pouvait pas beaucoup empirer les choses, si ?
Un grincement sinistre le figea sur place.

« … Vous vous fichez de moi, c'est ça ? »

Les mots glissèrent entre ses dents dans un rire nerveux. Plus tard, il était à peu près sûr qu'il en rirait et se penserait idiot d'avoir tant tremblé. Une fois qu'il aurait compris le truc et tiré sur la ficelle, oui, il trouverait cette blague absolument hilarante : il n'était pas du genre à garder rancune, d'autant plus si cela aurait signifié admettre qu'il avait eu peur.
Sauf qu'en attendant, jouer les héros venus délivrer la terre du règne de Satan lui plaisait très moyennement. Il n'était jamais le dernier à cacher sa tête derrière un oreiller face à ce genre de films. Sans compter que, vu sa dégaine, il avait plus l'allure de la victime parfaite que du type qui survit jusqu'à la fin. Pourquoi fallait-il toujours choisir des trucs censés faire peur, vraiment... Une comédie était nettement plus intéressante, non ? Non ?
Apparemment pas.
Dents serrées, l'australien rentra sa tête dans ses épaules pour se protéger du bruit sourd qui retentit plus loin. A ce stade, il aurait probablement été plus prudent de s'éloigner et de rentrer bien au chaud, loin des tombes et des bruits inquiétants. S'enterrer sous ses couettes plutôt que sous la terre. Ce genre de choses. S'il s'était bougé, il aurait peut-être même réussi à retrouver le sommeil et finir une nuit à peu près correcte ; les avantages à cette décision ne manquaient pas.
Bien décidé à finir ce qu'il avait commencé, T.J se pencha et enterra le reste de son feu de camp sous la terre. Les flammes crépitèrent puis s'éteignirent, sages et dociles, et bientôt il ne resta de ce mauvais moment qu'une désagréable odeur de fumée et quelques pages calcinées. Par instinct, il tendit les bras pour attraper le vieux livre. Une fois secoué, malgré les pages abîmées et la tranche roussie, il le jugea en assez bon état pour être emporté. Il ne l'avait peut-être pas sauvé du feu, mais qui sait ; si Monique ne se pointait pas, il aurait bien besoin d'un allié de poids. Or il le pesait, son poids.
A pas mal assurés, un, deux, trois, il s'approcha du guéridon. Ça ne pouvait pas être des fantômes. Juste des manifestations du pensionnat. Juste de vieux tours pour lui faire peur.
Bon. Il n'avait plus qu'à se le prouver, maintenant. Sa basket, sans hésiter, vint renverser une des bougies suicidaires – et puisqu'un incendie par jour suffisait amplement, il en profita pour écraser la mèche dans la terre dans le même mouvement.

« J'aime pas qu'on me pose des lapins, soupira-t-il. Je meuuuurs de chagrin. »

Référence à peine voilée à Monique ; une nouvelle bougie de renversée. S'il les éteignait lui-même, au moins, elles ne viendraient pas lui jouer un sale coup en le plongeant dans le noir sans lui demander son avis. Garder le contrôle de la situation était important, lorsqu'il s'agissait de chasser la peur.
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeVen 20 Sep 2013 - 20:17

    Au moins, l'initiative portant sur la stèle produisit son petit effet, et Halloween put presque observer le frisson glacial qui courut entre les omoplates de sa victime lorsque le cri d'agonie se fit entendre. Cela lui rendit son sourire macabre et fissuré, ainsi qu'un peu d'entrain à la tâche.
    Puisque les misérables verres d'eau ne produisaient qu'un effet discutable, alors il allait passer à un échelon supérieur.
    Plus que de l'agacement devant le peu de succès de ses tentatives, Halloween ressentait un besoin, impérieux, pressant, de faire surgir la peur des entrailles du jeune homme qui tournait en rond dans le cimetière. De l'angoisse aussi, à l'idée de ne pas y parvenir. Il avait toujours fait cela. Il avait toujours terrifié, tiré des hurlements d'horreur pure, rempli les tête d'images atroces. Il avait toujours été celui qui gelait le sang dans les veines et rigidifiait les os dans le noir. Cela ne pouvait être autrement.
    A quoi servait un poltergeist qui n'effrayait personne.
    Il était l'Halloween. Il était la nuit, les rires grinçants, il était la poussière d'os et les marmites bouillonnantes, le sucre empoisonné, les festins répugnants, il était la terreur.
    Ce n'était pas un humain aux cheveux gris qui allait nier cela. N'est-ce pas ?

      « … Vous vous fichez de moi, c'est ça ? » La voix du jeune homme avait des échos désincarnés aux oreilles d'Halloween.

    Meurs bien gentiment, devant moi, de l'intérieur. Si tu es sage, je te donnerai un bonbon. Si tu ne l'es pas, tu devras avaler une dizaine de couleuvres.
    Le poltergeist s'éleva lentement, enveloppé par des ténèbres que laissaient derrière elle les cendres du brasier. En bas, cheveux-gris s'affairait à il ne savait quoi. Il restait de la peur. Halloween la sentait sur sa langue.
    On va jouer. D'accord ? Joue avec moi.
    L'humain s'appliquait à aller au-devant du danger ; nie-le, nie-le. C'était comme ça que faisaient ceux qui ne se cachaient pas la tête dans les mains. Je t'en prie, je t'en prie. Éteins-les, éteins-les toutes.
    Dans ma boîte à merveille, j'ai des cordes, des vipères, des araignées et des osselets, un ou deux pendus qui jouent à la marelle, j'ai aussi un billot avec le corbeau assorti. Tu veux jouer ? On va jouer.
    Devançant le petit malin et lui volant son souffle inutile, toutes les lumières s'éteignirent d'un seul coup. Un pesant silence s'abattit sur le cimetière comme la lame d'un couperet. Les arbres se turent. Le vent se tut. Les pierres cessèrent de crisser, la terre de murmurer, les souffles s'étouffèrent d'eux-mêmes. Pas d'étoiles, encore. Pas de lointaines lueurs. Il y avait la nuit. Il y avait le noir. Il n'y avait rien.
    Et puis une flamme orangée s'alluma au milieu des ténèbres. Au milieu du guéridon, la bougie était allumée. Désormais, il était vide, hormis la planche de ouija surmontée de la goutte, éclairées par la flamme. Le jeune homme n'eut pas besoin de toucher la pièce de bois pour que soudain, tout s'enchaîne : le triangle percé d'un trou pivota de lui-même, rapidement, pour glisser sur les lettres autour de la planche :

    H.E.R.E.I.A.M.
    Il y eut un raclement sonore, froid et humide de la pierre contre la pierre oubliée depuis des années, puis le bruit d'un frottement rêche sur le granit. Osseuse et lente, décharnée, gluante, la chose se déplia dans l'obscurité, hors du cercle, et la pierre gémit de la voir là. La blancheur blafarde presque verdâtre oscilla dans l'obscurité, alors qu'un liquide noir semblait dégouliner depuis la nuit pour masquer ses contours. Elle ouvrit une béance affreuse au milieu de sa moiteur morte dont sortit un râle fantomatique, cri de douleur ou gémissement de colère devant ce réveil des entrailles du monde souterrain. Avec un craquement sinistre, quelque chose se retourna et la blancheur miroitante percée d'un vide noirâtre se tourna vers le jeune homme.



    Plusieurs mètres au-dessus de la scène, le poltergeist ferma les yeux et s'efforça de reprendre son souffle, plaquant des manches bariolées sur les traits tirés de son visage dont la couleur semblait se retirer à l'instar de celle qui vacillait dans le cimetière.
    The undertaker has him now, the shooter went off, but none knew how;
    Little Johnnie had no fun when he monkeyed with a gun...
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeLun 21 Oct 2013 - 0:06

La nuit, privée de ses veilleuses incandescentes, tomba sur la tête et les épaules de T.J comme un drap humide. Seule une petite lueur d'inquiétude substituait dans ses yeux : mâchoire crispée, il écrasa la bougie sous sa chaussure jusqu'à ce qu'il n'en reste que de petits morceaux épars. M'emmerde pas. Il n'avait pas de chewing-gum sur lequel passer son stress ; le décor devrait faire l'affaire. Les fantômes, ça existe pas. Son talon continua de s'acharner sur un morceau de cire. Ça allait forcément se rallumer. Un truc allait se passer.
Parce que c'était comme ça que ça marchait, hein ? Les monstres sortaient toujours au même moment. Quand tout s'éteignait, que la musique s'arrêtait et que les protagonistes retenaient leur souffle, exactement comme il était en train de le faire...
Knock knock ; who's there ?
Dans un souffle qui le glaça jusqu'aux os, une lumière vint percer le voile de l'obscurité. Le guéridon, à sa gauche, semblait l'inviter à s’asseoir près du feu ; livre coincé sous son bras, il lui adressa une grimace ennuyée. On a beau avoir vu quinze mille héros stupides se faire avoir, on continue de croire qu'on sera l'exception qui confirme la règle. Sauf qu'il ne la connaissait pas, la règle. Est-ce que c'était « obéis aux signes et joue le jeu bien gentiment », ou « pars le plus vite possible avant d'être mangé par un zombie » ? Ça changeait à chaque fois, et jamais dans le sens où on l'aurait voulu.
« T'étais foutu dès que t'as passé le casting », quoi.
N'ayant aucune meilleure idée en tête, T.J s'approcha à pas discrets du ouija. Le gilet ne le réchauffait pas vraiment, et le livre pesait lourd contre ses côtes. S'il avait eu quelqu'un avec lui, tout aurait été mille fois plus aisé : seulement 'et si et si et si' – et si, il n'aurait pas été là. Aussi simple que ça.

« Heh – »

Main en suspend au-dessus du plateau de bois, le jeune homme s'immobilisa en voyant le triangle se mettre à bouger. Tout seul. H. Il ne le touchait pas, c'était certain – et puisque ses doigts étaient toujours tendus au-dessus, aucun fil ne pouvait s'amuser à le faire bouger. E. Ça pouvait être un aimant, non ? R. Après tout, ce n'était pas la chose la plus bizarre qu'il ait vue ici. E. Certains pouvaient faire des trucs vraiment étranges. I. Voire effrayants. A. Bouger un objet à distance, c'était presque risible à côté de boules de feu ou de pouvoirs psychiques. M. Oui, hein ?

Foutu cimetière de merde. Qu'on compte pas sur lui pour mettre des fleurs ici.

Les bruits ne lui faisaient pas peur, il n'avait pas peur – ou juste un peu – rien qu'un tout petit peu – parce que ça n'existait pas, ce n'était qu'un tour stupide comme on en voyait si souvent dans les trains fantômes – et il n'avait jamais crié là-dedans, jamais – et merde, personne irait lui affirmer le contraire de toute façon, et il emmerdait cette ambiance ridiculement glauque qui lui collait à la peau comme de la poix et ne lui allait définitivement pas.
Il n'était pas effrayé. Juste vaguement perturbé. Méfiant. Sans moyen de défense, dans un cimetière, qui sait quel genre de malade pouvait vous sauter dessus ? Les gentils garçons ne se promènent pas tous seuls la nuit – et bordel de merde, pourquoi il se contentait pas de rentrer à la fin ? Hein ? Quel genre de défi stupide il avait pu se passer avec lui-même pour se sentir obligé de rester là, à écouter ces foutus bruits qui ne voulaient rien dire ? Faischierfaischierfaischier. Yeux plissés, livre serré contre son torse, il recula le plus lentement possible loin de ces râles qui n'appartenaient certainement pas à un gentil chihuahua. La peur avait le don merveilleux de rendre aveugle et de tout faire voir à la fois – juste pas ce qu'il fallait, pas comme il fallait.
Ses doigts fouillèrent rapidement dans les poches du gilet et, comme par magie, ils y trouvèrent un briquet. Pour une fois dans sa vie il bénit Hugo de se bousiller les poumons, se jura de ne jamais lui dire qu'il avait pensé un truc pareil et agrippa anxieusement sa pseudo-arme de fortune.

« -'-- ---- ---- -'-- --- ---- »

Bordel. Il grinça des dents. Un deux trois pas en arrière ; il ne voulait pas sortir du cercle de lumière rassurante qu'offrait l'endroit.

« Vade Retro, Lovecraft ! »

Avec force, il envoya le livre voler vers la zone de danger ; le recul du mouvement, comme après avoir tiré un coup de fusil, le força à faire un nouveau pas en arrière.
Dans un bruit assourdissant, ses pieds mal raccordés l'envoyèrent faire coucou au fond d'une tombe ouverte.


Un grognement hagard certifia qu'il n'avait rien à faire là : le gémissement qui suivit, lui, fut destiné à ses cheveux plus qu'à ses os. Son gilet allait être déchiré avant qu'il ait pu le rendre. Il avait perdu le briquet.
Bon, il allait rester là en fait. Quitte à mourir un jour.
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeJeu 7 Nov 2013 - 20:11

    La chose s'ébroua et poussa un râle à faire frémir les pierres. Sa large face blanche s'étira dans un grincement lugubre et les deux trous noirs qui y creusaient des artères vérolées scrutèrent le jeune homme d'un regard sans âme. La pitoyable lueur qui émanait de son arme de fortune se refléta un bref instant dans le puits de noirceur avant d'être englouti par la nuit. En voyant sa proie faire un pas en arrière, la chose poussa un épouvantable vagissement et se précipita dans la lumière, courant sur de multiples membres dont les mouvements saccadés étirait sur ses os saillants la blancheur moite de sa peau morte ; elle fondit sur le jeune homme, ouvrant une béance aveugle en guise de gueule affamée et noire qui...
    Halloween entendit un cri et un gros bruit de chute. Il rouvrit un œil interloqué. La créature se volatilisa comme un mirage sans avoir même le temps de finir son saut.

    L'esprit frappeur contempla la disparition de son oeuvre si soigneusement préparée avec une grimace de dégoût, puis parcourut le cimetière du regard en essayant de comprendre ce qui venait au juste de se produire.
    Apparemment, cheveux-gris s'était proprement volatilisé.
    Le tricheur. Est-ce qu'il avait ce pouvoir depuis le début ? Halloween fondit sur le guéridon en zigzaguant un peu, la faute à la fatigue qui se reflétait clairement sur son visage crayeux, et regarda en-dessous par acquis de conscience. Puis il examina aussi le sol de terre battue, histoire de vérifier s'il ne s'était pas enfoncé dedans pour se cacher. Apparemment non, vu que pas une seule mèche grise ne dépassait. Halloween grogna.
    S'il s'était fichu de lui depuis le début, ça allait vraiment... vraiment... mal se passer. Un Halloween fatigué est rarement de bon poil.
    Il fureta un moment dans tous les coins, puis finit enfin par s'éloigner du cercle de lumière et par s'arrêter sur... une tombe.
    S'il avait été en mesure de comprendre le concept d'ironie, ça l'aurait sans doute frappé.
    A défaut de quoi, notre poltergeist parfois un peu dépourvu d'imagination se pencha au-dessus du gros trou dans le sol et fronça ses sourcils blafards.

      « … Qu'est-ce que tu fais. »



Dernière édition par Halloween le Jeu 12 Déc 2013 - 18:47, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeSam 30 Nov 2013 - 2:25

T.J, toujours optimiste et conscient de sa chance, pivota maladroitement sur le côté en se disant qu'après tout il aurait dû finir là un jour ou l'autre – quoi qu'il n'aurait pas imaginé devoir faire fosse commune avec un inconnu. Ou une inconnue. Un mort, en tout cas. Du moins il y avait intérêt à ce qu'il le soit. L'idée d'être allongé sur le cercueil d'un macchabée prêt à se transformer en zombie avide de chaire fraîche n'avait rien de rassurant mais, curieusement, le jeune homme se trouva incapable de s'en inquiéter plus que ça. Peut-être s'était-il cassé ; peut-être avait-il dépassé les limites de son propre corps. A la façon d'une colère noire qui se transforme en vide muet, sa peur panique l'avait laissé dans un état neutre et semi-comateux, comme absent. Sa vie n'avait même pas défilé devant ses yeux. Quelle putain de déception.
Oublieux des douleurs qui lui sciaient hanches et vertèbres, Tyler ferma les yeux un bref instant. D'accord. Récapitulons. Il était sorti pour passer le temps, et son infidélité n'avait pas plût à Monique alors il avait fini dans une tombe. Ou non. Qu'est-ce que Monique venait faire là-dedans, déjà ? Lovecraft, le briquet d'Hugo, quelques lettres de scrabble, un feu de joie et un sacré mal de crâne dansaient à en perdre les jambes dans sa tête, l'empêchant de remettre les événements dans l'ordre. On a beau tomber à longueur de temps, les os n'en deviennent pas plus solides pour autant. Pas de chance. Il aurait quand même pu y avoir des avantages à ce foutu truc, hein... Une main contre ses cheveux joliment saupoudrés de terre, il songea à se redresser puis abandonna. Qu'ils crèvent, il ne remonterait pas tant qu'il ferait nuit. Hallucination ou pas, hors de question de revoir ces machins une seconde de plus. Dieu pouvait bien en penser ce qu'il voulait, on ne lui ferait pas avaler qu'il avait fait assez de mal dans sa vie pour mériter ces conneries.

Alors il allait rester là. De toute façon, ça commençait à passer ; les sueurs froides figées sur sa peau, les tremblements de son cœur malade et même celui, plus perceptible, de ses mains. Vu l'état de ses pensées, ça avait peut-être tapé un peu plus fort que prévu. Et s'il réussissait pas à se relever, hein ?
Bercé par la douce et absolue certitude que des personnes dans ce manoir tenaient à lui et seraient parti à sa recherche dès le lendemain, il s'accorda un gémissement plaintif. Oh, woe is me.

« … Qu'est-ce que tu fais. »

Eeeeet revoilà les ennuis. Jugeant à raison que la limite de temps avant qu'un truc flippant ne devienne drôle n'était pas encore tout à fait passée, il se contenta de rouler sur le dos et de plisser ses yeux verts dans la direction de celui qui, à priori, était la cause de ce capharnaüm.

« Je repose en paix. Tu sais pas lire ? » Son bras gauche se leva en l'air, dans la direction où devait se trouver une stèle quelconque – à supposer qu'il y en ait jamais eu. « Je suis mort de peur, donc je crois que j'ai le droit à ça au moins hein okay. »

Les mots se mâchonnèrent sur la fin, comme un vieux stylo rongé. Caaumoinsheinokkkkk. Tout à fait T.J. Son bras retomba devant ses yeux ; il inspira calmement.

« Monique est trop pas sexy, hein. Je vais devoir rompre. »
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeJeu 12 Déc 2013 - 18:50

    Halloween contemplait l'humain, pitoyablement étalé au fond de son trou comme un tubercule attendant d'être recouvert de terre, et violant sans aucune gêne toutes les lois du respect dû aux macchabés. Cela dit. Halloween n'était pas non plus l'exemple le plus flagrant du voisin attentif au sommeil des morts ; et si les habitants des tombes en avaient eu la possibilité, nul doute qu'ils auraient appelé la police pour tapage nocturne depuis longtemps. 
    Mais même en passant sur ces détails pour le moins triviaux, la position du ver de terre restait d'une indignité flagrante que le poltergeist crut approprié faire remarquer avant que cheveux-gris ne se retourne sur le dos dans un raclement sourd. Halloween s'assit tranquillement au bord du trou, tas de chiffons pendouillant dans le vide, en respirant avec avidité les derniers lambeaux de peur qui s'attardaient autour du jeune homme. 
    C'était une maigre collation, mais toujours mieux que rien. Avec un petit goût de victoire sur la langue en prime. 
    Même si l'esprit frappeur regrettait amèrement de ne pas avoir pu dévoiler à cheveux-gris l'étendue des talents de sa monstrueuse création. Tant pis pour lui ; il la garderait en réserve pour une victime plus serviable. 

      « Je repose en paix. Tu sais pas lire ? Je suis mort de peur, donc je crois que j'ai le droit à ça au moins hein okay. »

    Halloween plissa les yeux devant l'humain qui recommençait à déblatérer maintenant que la terreur avait ôté son bouchon de marbre de sa gorge, et songea à l'informer du fait qu'il n'était pas mort et qu'il pouvait parfaitement faire marcher ces choses stupides que son espèce appelait "pieds" pour s'extirper de ce trou - qui au demeurant mettait une belle ambiance en recouvrant ses cheveux d'un mélange de boue et d'asticots. Mais y renonça en s'apercevant qu'il ne comprenait quasiment rien à son charabia de toute façon, et que c'était sans doute une manière pour lui de signaler au monde qu'il était désormais hors service. 

      « Monique est trop pas sexy, hein. Je vais devoir rompre. »

    Monique. Ce nom manquait tellement de charme. 
    Halloween contempla un moment l'humain au fond de son trou, battant faiblement du pantalon en se demandant s'il avait l'intention de rejouer avec lui ou pas. A le voir gésir ainsi, c'était peu probable. Et de toute manière - le poltergeist bâilla largement dans sa manche au moment opportun - lui-même commençait à être fatigué de ces petits tours. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas eu recours à des artifices aussi gros. 
    Halloween disparut du bord de la tombe tandis que, revenu d'entre les morts, son curieux AEA - squelette coiffé d'une tête de citrouille - se penchait à son tour pour observer le curieux spécimen tombé dans les filets de son maître. 
    Le guéridon et un ou deux bouquets de fleurs furent très naturellement projetés au-dessus de la tombe, silencieux dans l'obscurité qui les ravala immédiatement. Puis l'esprit frappeur trouva ce qu'il cherchait. 
    Une main surgit soudain et arracha à Sleepy sa citrouille grimaçante. Le squelette de chat s'enfuit en feulant d'indignation tandis que sa tête prenait place sur la main d'Halloween. Seul élément visible de son corps, son autre main brandit le crâne exhumé précédemment avec vigueur, et les deux ersatz de faciès se mirent à converser. 

      « Monique est fatiguée maintenant ! Couina le squelette avec la voix grinçante de l'esprit frappeur. 
      - Oh yes, très fatiguée ! Renchérit la citrouille d'une voix de baryton en se secouant de façon grotesque. 
      - Mais on ne peut pas laisser celui-là comme ça, heiiin ? Il ne peut pas s'en tirer aussi facilement heiiiiin ?
      - Mais si, de toute façon, l'épouvantail l'aura attrapé avant le lever du soleil !
      - Vraiment ?
      - Oui !
      - Ouii ?
      - OUIII !
      Tonna la citrouille avec un spasme qui faillit la faire dégringoler. 
      - Très bieeen ! Crissa le crâne en retour. Alors on va aller... 
      - Aller... ?
      - Se coucheeeeeer !
      - Good night, boy. »
      Termina un rire macabre un poil surjoué, alors que les deux objets tombaient dans le trou, ramenés à leur condition inerte par la disparition du marionnettiste.  

    Quelques minutes s'écoulèrent avant que Sleepy ne réapparaisse au bord de la tombe : ses os s'entrechoquèrent lorsqu'il y descendit d'un bond calculé, remit sa tête sur son cou, puis remonta comme il était venu pour disparaître dans l'obscurité. 
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T.J Henskens
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MessageSujet: Re: Visit to a Grave [Libre]   Visit to a Grave [Libre] Icon_minitimeMar 24 Déc 2013 - 19:15

Ses paupières se fermèrent sur quelqu'un ; se rouvrirent sur quelque chose. Minou minou, viens me faire un câlin. Au stade où il en était, considérer tout ça comme un rêve ou une hallucination était encore la meilleure chose que son cerveau puisse faire pour lui – et puisqu'il n'avait que trop rarement l'occasion de rendre service à son pauvre propriétaire, c'était bien la moindre des choses. De mettre un filtre. Un voile. Comme ces fois où quelqu'un se mettait à faire un truc totalement improbable, hein ? Sortir des trucs du néant, se téléporter. Flotter. Son esprit plus ou moins rationnel de garçon plus ou moins comme il faut n'était pas programmé pour traiter ça comme il aurait traité un match de rugby ou une blague pas drôle. Ses yeux verts, jusque là comme dans l'expectative, furent finalement recouverts d'un bras las. Il n'aurait pas dit non à une bonne sieste. Glissement de tissu, plainte inaudible. Son dos lui faisait vraiment un mal de chien. Ses hanches aussi lui faisaient mal, comme s'il s'était pris un méchant coin de table en voulant sortir d'une pièce trop étroite. Ah ; et il était toujours allongé au fond d'une tombe. Détail important. Ou pas anecdotique, du moins – parce que s'il avait dû raconter les choses, les placer en contexte, il aurait bien dû commencer par préciser ça. « J'étais au fond d'un trou, avec des ossements. » Terriblement sexy. Crédible, aussi.
Nouveau battement de paupière : une citrouille obscurcit sa vision. L'objet lui parut d'un familier étonnant, mais il ne chercha pas à en déterminer l'origine. Ça ne lui importait pas vraiment. Des citrouilles, il en avait vu suffisamment pour la journée – alors si en plus elles s'amusaient à parler, ce serait sans lui. Ses oreilles bourdonnaient, ses yeux le piquaient. Soit, okay – il trouverait ça drôle, peut-être, le lendemain ; mais le lendemain, pas avant. Même son sens de l'humour pouvait tomber en panne de temps en temps. De préférence quand il en aurait eu besoin pour relativiser, tant qu'à faire. Du genre maintenant.

« Mais si, de toute façon, l'épouvantail l'aura attrapé avant le lever du soleil ! »

...Hein ?
Sourcils froncés, n'écoutant plus qu'à demi les monosyllabes des marionnettes improvisées, le garçon tenta de comprendre ce qu'un épouvantail pouvait bien venir faire là-dedans – et en quoi, surtout, il risquait de l’attraper avant le lever du soleil. Ça ressemblait drôlement à une farce de mauvais goût : les épouvantails, de ce qu'il en savait, finissaient toujours par se lever et courir après les pauvres types s'étant arrêtés pour participer à une putain de fête du maïs (et vraiment, il fallait être attardé pour vouloir assister à une fête païenne en rase campagne). Dans le monde réel, par contre, ils étaient juste très moches et rongés aux mites. Aucun ne bougeait jamais, à part pour s'écraser lamentablement par terre.

« … Ouais, ouais. 'nuit. »

Cela dit, le « monde réel », il l'avait quitté plusieurs années auparavant.

Lorsque le silence eut tout à fait reprit ses droits, T.J consentit enfin à relever le dos. Le crâne et la citrouille, qui lui avaient tiré un sursaut en tombant près de lui, semblaient lui lancer de drôles de regards ; occupé à chasser la saleté de ses cheveux en quelques gestes agacés, il ne put que constater le larcin de l'un d'eux – tout en ignorant royalement le fait que ce gentil chaton n'avait plus que les os et même pas de tête pour compenser ça. Il aurait mieux fait de prendre le crâne, tant qu'à faire. Ça aurait été plus pratique pour manger.
Ses mains se refermèrent sur le pauvre bout de squelette, mal à l'aise, avant qu'il ne se redresse tout à fait. Peut-être que le mec du bas et le mec du dessus n'avaient pas envie de cohabiter : si quelqu'un devait venir reboucher les trous, autant que Monsieur crâne – drôlement silencieux, d'ailleurs – ne soit pas englouti dans le procédé. Ça aurait fait désordre, tout de même. Il se releva donc, s'extirpa hors du trou et, en essayant de se salir le moins possible dans le procédé, retrouva l'air libre et la terre ferme.

D'un regard, il observa l'horizon. Étouffa un rire, un bâillement et, plus optimiste que jamais, se demanda combien de chances il avait de retrouver ce foutu briquet.
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