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| Sujet: En attendant les ombres. [PV : Alea Miller] Lun 22 Juil 2013 - 15:06 | |
| Tu aurais dû te douter qu'il se passait quelque chose d'étrange. Tu aurais dû le voir ! La couleur des arbres qui passe du rougeâtre au marron, la température qui baisse d'un seul coup, tes pieds nus qui rencontrent une autre matière que l'herbe douce. C'était évident, et peut être qu'au fond, tu t'en es rendue compte. Mais, qui sait, poussée par le désir brûlant de sauver ton peuple, rongée par la curiosité même. Après tout, c'est la première fois que tu sors de ton arbre, la première fois que tu vois... Le monde extérieur. Tu te sens étrangement attirée par l'immense bâtisse, qui est pourtant loin d'égaler ton arbre. Comme si... Comme si elle t'appelait. De ta toute petite main droite, tu serres ton calepin contre ton cœur, et tu avances, fascinée par la construction imposante. Il est vrai que tu n'avais jamais rien vu de tel jusqu'à présent.
Tes yeux couleurs de sang brillent, et tu avances, passes le portail, sans même remarquer qu'il se referme sans bruit derrière toi. Tes pas te guident vers la porte d'entrée massive, et tu as un peu l'impression de flotter au-dessus de l'allée principale. Ta main libre se tend vers la poignée de la porte, et tu ne peux t'empêcher de jeter un dernier regard derrière toi, comme si au fond, tu savais que tu ne sortirais jamais. Tu sursautes au contact glaciale de la poignée, sursautes encore quand la porte coulisse sur ses gonds sans que tu n'aies réellement poussé la porte. Et tu aurais dû fuir ! Partir loin, le plus loin possible, ne plus te retourner, et rentrer chez toi. Fuis pendant que tu le peux encore.
Mais au lieu d'écouter la voix qui hurle dans ta tête, au lieu de faire confiance à ton instinct, tu franchis le seuil de la porte. Un pas, deux pas, trois pas. La porte claque derrière toi. Nouveau sursaut. Tu te sens engloutie par l'obscurité, tu ne vois plus rien. Mais tu ne paniques pas. Tu clignes des yeux à répétition, comme pour les habituer plus vite à la pénombre. Mais étrangement, ça te fait un peu l'effet inverse. Tu perçois des ombres, des bruits. Un frémissement court le long de ton dos, et tu sers les poings le long de ton corps presque nu. Tu es une princesse, et une princesse, ça n'a pas peur. C'est ce que papa te disait, quand tu étais petite et que l'obscurité t'effrayait. Depuis, c'est ton amie, n'est-ce pas ? Tu n'as plus peur de la nuit, et du soleil qui s'en va. Tu n'as plus peur de rien.
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La petite princesse se redressa, comme pour se donner contenance. Sa vue était toujours brouillée, et cela n'avait rien d'étonnant. En effet, sur sa planète, de jour comme de nuit, la luminosité restait bien supérieur à celle à laquelle elle était confrontée à présent. Elle décida de progresser à petits pas à travers la pièce qu'elle devinait immense. Eyjil avança en tâtonnant, lentement au départ, puis de plus en plus vite. Sa vue commençait à s'habituer à la pénombre, et elle devinait les formes et les ombres çà et là. Sûre d'elle, elle finit par ne plus faire attention, et buta sur un obstacle, s'affalant de tout son long sur le plancher, se rappant le coude. Eyjil se releva péniblement, restant accroupie. Elle se concentra sur ce qui l'entourait, les bruits et les ombres.
Il y avait autour d'elle, trois sortes de bruits. Un bruit aigu, qui semblait aller et venir à travers toute la pièce. Comme un sifflement qui s'intensifiait pour disparaître, et revenir encore. Eyjil frissonna quand le sifflement la frôla, et poussa un soupir de soulagement. Le vent. Ce n'était que le vent. Elle posa son cahier sur ses genoux, et entoura ses genoux de ses petits bras. Les autres bruits étaient plus inhabituels pour la petite fille. Étranges même. Elle entendait des claquements réguliers sur le sol qui se rapprochait. Leur rythme pouvait faire penser à des pas, mais la princesse n'avait jamais entendu ce bruit auparavant. Il faut dire que sur sa planète, tous le monde se déplaçait pieds nus. Il était donc normal qu'elle ignore le son que pouvait faire des chaussures... Le troisième bruit ressemblait davantage à... Un grognement. Oui, c'est ça, elle en était sûre maintenant. Il y avait quelque chose qui grognait là-bas, dans un coin.
Eyjil cligna des yeux plusieurs fois, et entreprit de reculer lentement, très lentement. Les claquements se rapprochaient d'elle, le grognement devenait de plus en plus fort... Et elle était prise au piège. Son dos finit par percuter le mur. Elle était prise au piège. Son souffle s'accéléra, mais elle ne paniqua pas. Pas encore. Les ombres dansaient sur les murs, formant une ronde funeste. Et la princesse ne pouvait que les admirer en attendant de connaître son sort. Et quelque chose lui soufflait qu'elle n'allait pas tarder à savoir ce qu'il adviendrait d'elle...
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