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| Sujet: Re: A-quoi-ca-me-fait-penser Lun 14 Jan 2013 - 20:27 | |
| Groumpf > Schtroumpf. Moi aussi, j'avais un personnage cannibal avant. Son histoire était pleine de viols, de pédophilie et de violence. Du sang, des meurtres et des cadavres à gogo, aussi. Bref, c'était étrange. J'étais tordue à l'époque, je crois. Enfin, je pense que je le suis toujours un peu, en fait. - Spoiler:
PHYSIQUE.
« Vous l’avez vue ? » « Oui, elle est partie par là ! » « Décrivez-là moi. » « Elle était plutôt petite, plus maigre que la plupart des autres jeunes filles de son âge. Elle arborait une courte chevelure d’un blanc cendré anormal. Il devait sûrement s’agir d’une coloration artificielle. » « Jusqu’où lui arrivaient-ils ? » « Un peu plus haut que les épaules, il me semble. Que pourrais-je ajouter ? Hmm… Ses yeux étaient d’une couleur assez étrange. M’avancerais-je en disant qu’ils étaient bleus ? Oui, c’est cela, ils étaient d’un bleu hivernal plutôt effrayant, vous voyez ? » « Hmm… Quoi d’autre ? » « Elle était vêtue d’une simple robe rouge sang, plutôt courte. Je pense qu’elle ne devait pas lui arriver plus bas que la mi-cuisse. Hmm… Enfin, bref. Vous voyez le tableau. » « Hmm… Ce que vous venez de me dire est très… intéressant, mais cela ne m’aidera pas vraiment dans mon enquête. Je pense même que ces renseignements ne me seront d’aucune utilité. Avez-vous vu quelque chose d’autre ? Quelque chose de plus distinctif chez elle. » « Hmm... Quelque chose de distinctif chez elle ? Eh bien, je ne me souviens pas de grand-chose d’autre. Tout s’est passé si vite, je n’ai pas eu le temps de m’attarder sur les détails, mais je me souviens qu’elle traînait un sac en toile de jute derrière elle. D’ailleurs, il avait l’air plutôt lourd, que pouvait-elle bien transporter ? » « Un sac en toile de jute ?! » « Oui. Et… Attendez que je me souvienne. Oui, voilà, je me souviens maintenant. Un liquide rougeâtre s’en échappait ; du sang peut-être ? Vous croyez qu’il y avait un corps là-dedans ? » « Et vous, qu’avez-vous vu ? » « Moi, j’ai rien, vu, m’sieur l’agent. J’ai même pas eu l’temps d’la voir. Elle s’déplaçait comme une bête furieuse, v’voyez ? Ouais, j’ai bien vu qu’elle traînait un truc derrière elle. Ses yeux ? Bah, j’vous l’ai dit, elle est passée trop vite, j’ai rien vu, moi. Puis, j’dois vous avouer un truc, m’sieur l’agent : j’avais bu un p’tit verre de trop quand j’l’ai aperçue, c’est p’t-êt’ pour ça. Ses ch’veux ? Bah, j’sais pas, i’s avaient l’air... euh… j’sais pas, j’crois qu’i’s étaient rouges. Enfin, j’crois, parce que j’voyais pas grand-chose. Il faisait noir et j’étais bourré, alors bon. Puis si ça s’trouve, c’était même pas elle. » « Hmm… C’est tout ? » « Non, moi aussi, je l’ai vue, je l’ai vue ! Elle était… »
PSYCHOLOGIE.
Quand on est passé par les mêmes épreuves que moi, il est logique d’être légèrement déboussolé, mais un fou se rend-il compte qu’il est fou ? Pour ma part, je ne pense pas être folle. Certes, mon passé était sombre, sanglant ; mais il n’a pas vraiment influencé ma personnalité. Je suis quelqu’un de plutôt gentil, sociable même. Je n’ai jamais tué qui que se soit pour mon propre plaisir, d’ailleurs, je n’aime pas vraiment tout cela ; mais si je l’ai pourtant fait, c’est avant tout, voir même uniquement, pour sauver la peau de ma mère et la mienne par la même occasion, du moins la première fois. Je l’ai surtout fait pour elle, pas pour moi. Malheureusement elle n’est désormais plus ici pour en témoigner et vous ne pouvez donc vous fier qu’à ce que je vous raconte. J’ai tué. Oui, j’ai beaucoup tué. Pas par envie, mais plutôt par besoin. Je sais que vous ne me comprenez pas, qu’il est totalement absurde d’envisager tout cela. Je sais combien il vous est difficile de vous mettre à ma place ne serait-ce qu’un peu, mais après tout, nous sommes tous différents et nous n’avons pas tous les mêmes besoins, les mêmes soifs à assouvir.
J’ai toujours été destinée à devenir un monstre, c’est une certitude. Dans tous les cas, quoi qu’il se passe, c’était la voie qui m’avait été choisie. Ce n’était pas moi qui l’avait décidé, mais Dieu. On ne peut pas dire que je sois croyante. Non, mais j’ai la forte conviction qu’il y a quelque chose au dessus de nous qui nous dirige. Quoi que nous fassions, tôt ou tard, que nous échappions quelque peu à notre destin ou non, notre fin sera toujours la même. Nous sommes destinés à vivre sur cette terre maudite et je sais qu’un jour nous brûlerons tous dans les flammes de l’enfer. Et que l’Eternel rira bien devant notre souffrance. Vous pensez toujours que je suis folle ? Moi, je ne pense pas, à moins que la croyance ne soit une maladie qui, dans mon cas, se trouve être incurable. Croyez-vous au destin ? Moi, oui, j’y crois dur comme fer. Sinon, pourquoi aurais-je tourné ainsi ? Seul le destin lui-même peut décider d'une chose pareille. Oui, le destin est cruel. Pour moi, Dieu décide de notre destin. Je suis persuadée que le Seigneur connaît notre date de fin à tous et qu’il se réjouit de pouvoir un jour nous envoyer tous au purgatoire, nous, enfants du péché.
Sinon, que dire de plus concret à mon sujet ? Car je me doute que vous vous demandez toujours comment je fonctionne, n’est-ce pas ? Eh bien, je vais vous expliquer cela de manière très simple. Je vais tout simplement vous énoncer mes principaux défauts et mes principales qualités. Tout ceci n’est pas très original, je vous l’accorde, mais comme on dit « un exemple vaut mieux qu’un long discours ». Bien sûr, vous conviendrez qu’il n’est pas aisé de se décrire soi-même, surtout mentalement, mais bon, je pense que je n’ai pas vraiment d’autre choix que de le faire quand même. Je ne citerais sûrement pas tout ce qu’il y a à savoir sur moi, mais après tout, qui peut parler de lui-même de manière infaillible ? Personne. Bien, je vais tout d’abord vous citer mes qualités et ensuite mes défauts. Je suis, de mon point de vue, une personne très intelligente, gentille et sociable lorsqu’il le faut, mais en opposition à cela, je suis quelqu'un de très jaloux et possessif, tantôt calculateur, tantôt impulsif, manipulateur et mythomane, maniaque et perfectionniste. Pourquoi le perfectionnisme serait-il un défaut plutôt qu’une qualité ? Tout simplement parce que, dans mon cas, il s’agit plus d’une obsession que d’un désir du travail bien fait. Je suis du genre à passer des heures et des heures à modifier, voir même à recommencer quelque chose t uniquement parce qu’un minuscule détail me chiffonne. Chez moi, tout est maladif, je suppose que vous l’aurez compris, mais est-ce pour cela que je dois être considérée comme folle ?
HISTOIRE.
« C’est elle ? » « Oui, c’est elle ! » « Qui c’est, elle ? » « Quoi, tu ne sais pas ? » « Non, quoi ? » « C’est elle, la fille de… » « La fille de la cannibale. » « La cannibale ?! » « Oui, c’est bien sa fille ! » « Oh, mon dieu ! » « On raconte qu'elle a aidé sa mère à dévorer toutes ses personnes. » « Mais ce ne sont que des rumeurs. » « Oui, mais ce n'est pas tout, il paraît que… »
Aujourd’hui encore, quand je marche dans la rue, les gens me fuient, apeurés par mon sinistre passé forcé par les actes abominables de ma bien-aimée mère ou plutôt, devrais-je dire, les actes qu’ils croient être les siens. Le visage des personnes que j’ai autrefois tué me hante. Je n’en dors plus la nuit. J’ai envie de recommencer. Ce sentiment de supériorité me manque. Je n’en peux plus. J’ai besoin de tuer.
PASSÉ.
Je naquis au cours d’une magnifique matinée d’été. Le soleil brillait, les oiseaux chantaient. Ma mère semblait heureuse d’avoir enfin un enfant, mais pas mon père. Car oui, elle avait tenté en vain, durant de longues années, de donner la vie. Mon père était contre cela. Il ne voulait pas d’enfant. À ma naissance, il partit directement, laissant ma mère seule avec moi, sans demander son reste. L’expression ne me semble pas adéquate étant donné qu’il n’y avait plus aucun reste à demander. En effet avant de partir la queue entre les jambes comme un bâtard, il avait pris soin de vider le compte en banque de ma mère et de brûler la demeure qui avait été la leur quelques minutes plus tôt. Pour lui, ma naissance était une mauvaise chose, j’étais l'un des pires fléaux qu'il avait été donné de connaître sur cette terre. Oh, mais il ne s’agissait pas uniquement de moi ; n’importe quel enfant aurait été, pour lui, le fruit du démon.
Nous vécûmes de longues années à la rue, ma mère et moi. Les hivers étaient de plus en plus rudes et elle enroulait, sitôt que le froid gagnait les villes, ses longs bras squelettiques autour de ma poitrine pour me réchauffer un tant soit peu. Elle était maigre, extrêmement maigre ; moi, j’étais au seuil de l’anorexie. La mort me guettait depuis un petit bout de temps déjà et le moment où elle viendrait me prendre n’était pas loin. Nous ne mangions presque jamais, nous n’avions pas un sous. Pas même de quoi nous acheter ne serait-ce qu’un pain. Les gens au dehors étaient avares, obsédé par leur argent ; rares étaient les personnes qui eussent un jour partagé un bol de riz avec nous sans nous demander la moindre petite pièce. Certains nous donnaient parfois un peu d’argent, mais il nous était vite dérobé par un autre sans abris, sûrement plus affamé que nous. Ne comprenaient-ils donc pas que nous devions nous serer les coudes pour sortir de notre misère ? N’étions nous pas, eux et nous, sur le même pied d’égalité ?
Après plusieurs années d’errance, ma mère rencontra un vieux pervers d’une soixante-dizaine d’année, riche et puissant. Tout ce que voulais ce porc, c’était une femme à mettre dans son lit. Nous n’aurions jamais dû le suivre, ma mère n’aurait jamais du croire cet homme qui, soi-disant, allais nous donner tout le bonheur que nous méritions ; mais nous étions à la rue et c’était la seule solution pour que nous ayons enfin un toit. La seule, vraiment ? En y réfléchissant un peu plus, je me demande si nous n’aurions pas mieux fait de rester où nous nous trouvions à l’époque : à la rue. Peut-être une autre chance serait-elle présentée à nous.
Nous habitâmes de longues années chez cet homme qui ne nous demandait rien, mis à part quelques plaisirs sexuels, mais toujours à ma mère, jamais à moi, ce qui était logique, en somme ; mais un jour, ce qu’elle lui offrait ne lui convint plus et il s’en prit à alors moi. Ma mère s’interposa et il commença à la frapper. Ses coups résonnaient violemment dans la petite pièce où nous nous trouvions alors. Il la frappait de plus en plus fort, la faisant chaque fois souffrir davantage. J’étais véritablement apeurée. Je ne savais pas quoi faire. Mon premier réflexe fut de hurler. Ensuite, je couru me réfugier dans la cuisine et me cachai derrière la porte. Ma mère hurlait à pleins poumons. Ses cris me déchiraient les tympans. Je m’écroulai sur le sol, cachant mes oreilles sous mes mains. Sur la table, la lame brillante et affutée d’un couteau de cuisine attira mon attention. Que devais-je faire ? Le prendre ? Le laisser là ? À l’époque, je ne savais pas encore que j’allais regretter ce que j’allais faire ensuite.
Je devais le faire, je devais prendre ce couteau et sauver ma mère. Je n’avais pas le choix, je devais le tuer. Je quittai ma cachette, pris le couteau à pleine main, pratiquai une entaille sur mon bras. Le couteau était coupant à souhait. L’odeur du sang qui submergeait alors mes narines me réjouit. Ma mère continuait à hurler, aussi fort qu’elle le pouvait, mais personne ne venait à son secours et personne ne viendrait. Je pris alors mon courage à deux mains et me jetai au cou de ce vieux pervers et lui ouvris la gorge comme un porc, ce qu’il était, en somme.
Suite à cela, ma mère et moi fûmes paniquées. Que faire du corps ? Nous comptions l’enterrer dans le jardin mais comme me l’avait un jour dit ma mère : « pas de corps, pas de mort ». Si je me souviens bien, elle avait entendu cette phrase dans un film lorsqu’elle vivait encore avec mon père. Ma mère se pencha vers le cadavre et je fis de même. Nous commençâmes à dévorer cette chair putride ; la chair de celui qui aurait pu être notre bourreau ; la chair de celui qui avait souillé le corps de ma mère et qui s’apprêtait à faire de même avec le mien.
Durant les années qui suivirent, je continuai à pratiquer des actes de cannibalisme, sans que ma mère ne soit au courant, mais un jour alors que j’allais commencer ma besogne, elle me surprit. De peur que je ne recommence, de peur que je ne devienne un monstre, elle m’envoya à pensionnat Noma et se fit accuser du meurtre de toutes ses personnes à ma place. Elle fut emprisonnée et condamnée à mort. Après quelques années d’enfermement, on la décapita. Les gens de chez nous avaient pris l'habitude de la surnommer « la cannibale ». Un nom bien commun, mais dont nul n’ignore la signification ; mais c’était moi, qui aurais dû porter ce nom. Et c’était moi, qui aurais du mourir à sa place.
PRÉSENT.
Je ne parviendrai jamais à oublier toute cette histoire. Aujourd’hui, je suis à au pensionnat Noma depuis plus d’un an, je n’ai plus dévoré personne, mais je sais que tout cela n’est pas fini ; je sais qu’un jour où l’autre, l’odeur du sang submergera à nouveau mes narines et je sais que ce jour-là, ce sera moi qui finirai décapitée.
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