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 Jouons à un jeu. Le premier qui hurle a perdu. (Chess)

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Pensionnaire
Zack Fea
Zack Fea

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Masculin Pseudo Hors-RP : Litchi
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• Age : 35
• Pouvoir : Je ne fais l'amour qu'aux maso. Paumes et doigts ayant l'improbable qualité de découper tout. Viande ou pas.
• AEA : Un canin argenté qui ne bave pas et ne remue pas la queue. Constamment colérique et déprimé, il répond au nom de Clad.
• Petit(e) ami(e) : L'intemporalité.

RP en cours : ~
O La désobligeance du loup. ~ Loeva
O Un brin de ménage ... ~ Blue
O Tranchez fin ... ~ 'Nyme.
O La caresse du ciel ... ~ Soah

Messages : 49
Inscrit le : 19/12/2011

Jouons à un jeu. Le premier qui hurle a perdu. (Chess) _
MessageSujet: Jouons à un jeu. Le premier qui hurle a perdu. (Chess)   Jouons à un jeu. Le premier qui hurle a perdu. (Chess) Icon_minitimeSam 15 Juin 2013 - 1:13

Jouons à un jeu.
Le premier qui hurle a perdu.




Clutching at what is mine.

Viens. Viens avec moi, reste près de moi, et déchire ta peau, laisse transparaître les os que tu dévoreras. Laisse apparaître ton âme, et conserve le silence. Je veux que tu te taises, que tu hurles de rire, que tu massacres et que tu découpes. Fais toi plaisir, joue de ce que tu es, et n'hésite pas, car je n'hésite pas avec toi. Mais surtout, jamais, et je te l'interdis, ne cesse de détourner tes yeux de moi. Je veux que tu me regardes. Que tu ne me lâches pas du regard. Je veux te voir me regarder quand je te sourirais.



(…)



    « Kohaku Joshua Mitsumasa ! »

    Et je criais ce prénom, en m'élançant en avant. Je criais ces trois noms, qui assemblés dans une seule identité, dans un seul être, avaient sut être les précurseurs d'une chose qui m'avaient arrachés aux ténèbres. Je m'élançais, bousculant, ignorant les barrières humaines des corps qui se dressaient devant moi ; comme pour toujours me bloquer la route, dans leur normalité et leur banalité de la société. Je poussais, bousculais, écartais, ignorant cris et sarcasmes, dédaignant les fureurs de l'animal grondant que l'on nommait foule, et je courais vers l'avant, vers lui, attiré comme la phalène l'est par la flamme. Je courais, et dans mon cœur, une vague plus importante encore que la violence des mouvements humains ; je courais pour ne pas le perdre des yeux, pour ne plus jamais le voir disparaître, et parce que je savais qu'il y avait ce fossé entre nous deux à franchir pour que je referme mes doigts sur lui, je criais le japonais de son être, la facette de son être qui m'avait fait aller jusqu'à la fontaine.

    « Kohaku ! »

    Il avait toujours été bien plus que cela. Quand bien même j'abandonnerai derrière moi la représentation des lames, quand bien même j'abandonnerai sur mes pas le tranchant des souvenirs, je courais vers l'avant, pour ne jamais le lâcher du regard. Parce qu'il était là, et que même s'il devait me corriger un millier de fois, je hurlerai qu'il était mien.

    « Chess ! »


    (…)

    Une semaine plus tôt.

    Glissés contre ma poitrine, les fils de mes écouteurs serpentaient devant mon pectoral dans un long soulignement blanc. J'avançais en silence, et les battements de la musique tapaient le rythme de mes foulées, succinctement aux impacts doux de ma besace sur ma hanche. Mes yeux couraient sur les tapisseries dépassées qui s'accrochaient aux murs du Pensionnat, comme les témoins ultimes des fondations de celui-ci, mais aussi comme le paradoxe de ces générations qui s'entassaient sous le même toit, dans des anachronismes de tout âge. J'avais bien croisés des génies capable de construire des robots aux technologies plus avancés encore que ce que les technologies de mon Tokyo étaient capable de produire, et des soldates aux lames aussi redoutables que mes légendes samouraï. J'avais l'avantage, je crois, d'appartenir à deux générations du Japon. Mais certaines personnes ici étaient si vieilles, ou bien provenaient de ce qui, pour moi, était le futur. Ces personnes vieilles, qui restaient choquées devant une gameboy color, de par l'avancé technologique que cela pouvait représenter. Ou bien d'autres, qui ne comprenait simplement pas pourquoi des êtres humains ne regardaient pas la télévision, et passaient leur journée à prier pour sortir de cet endroit. Encore. Si la technique s'était révélé utile ? Je tordais mes lèvres, dans un sourire moqueur. Cet endroit, clos et détaché de toute logiques humaines, enchaînait en son sein toutes les dimensions de la temporalité. Qu'ils appartiennent au passé, ou au futur, les pensionnaires se retrouvaient tous figés dans leur présent, ici. Une histoire qui se construisait sur les traces des vies s'égrenant au fil des personnalités. On ne pouvait nier qu'il restait passionnant le fait de contempler des génies venus du futur, construisant ces robots quasi-humain, ou bien discuter avec des chamanes du passé, venus d'une terre étrangère. Je longeais les tapisseries, en gonflant ma poitrine, dans une inspiration lente. Moi, j'étais un mélange. Ce mélange du passé et de la modernité. Cet être mien, moulé par les mots et les actions d'un autre. Mais indubitablement tel que je devais l'être.

    S'habiller en jean's, porter des Doc Martens, plaquer contre ma poitrine un sweat bleu, et nouer mes cheveux entre eux par un élastique céruléen m'attachait à cette dimension qui m'avait vu naître. Porter mes sabres à la ceinture, mon katana et mon wakizashi glissés dans un obi, relevait de ce que je voulais être.

    Dans ce que je voulais être, il y avait cette réclamation violente d'une liberté que je recherchais, posant mes mains contre les murs, ouvrant et refermant chaque porte, étudiant et cherchant. Je n'avais pas l'impression d'être complètement obsédé, en comparaison à certains qui ne vivaient plus que pour trouver la sortie. Je veillais à apprendre de cet endroit, considérant que je devais rester sur mes gardes et envisager chaque chose comme un apprentissage à prendre en compte. Qu'il s'agisse de ces filles aux cheveux naturellement bleus à ces garçons à l’intelligence sur développée … J'apprenais, en ayant simplement l'impression d'être de passage dans cet endroit.

    Une fleur de lys m'arracha à mes pensées.
    Dans la découpe d'un mouvement qui vint effleurer ma mâchoire, surprenant mes foulées, je bondissais sur la gauche, percevant le sifflement d'une arme de métal. Avec un claquement mât, l'aiguille de métal alla se planter dans le mur derrière moi, et je me retournais pour l'observer, les prunelles fendues, et la main sur la garde de mes sabres. Voilà un sérieux manque de réaction, songeais-je, en considérant que la fleur m'avait pris par surprise. Je m'en approchais, considérant avec attention l'aiguille qui avait été glissé dans la tige végétale. La fleur, véritable, semblait pousser à travers le mur. Je regardais autour de moi, à la recherche du lanceur. Mais, il fallait s'y attendre, nulle trace de mains, de bras, ou de corps tout entier. Je posais mes yeux sur la fleur, avec attention. C'était un pressentiment. Un simple pressentiment. Mais l'idée qu'il puisse y avoir des ninja dans ce pensionnat excitaient mes désirs de rester ici un peu plus longtemps. Le tir parfait et l'absence de déclenchement de Mei étaient les arcanes d'un art que je n'empruntais pas, mais qui restait parallèle à la voie du Bushi. Shinobi. Ces guerriers de l'ombres, ces hommes-endurants. Je posais mes doigts sur la fleur, et l'arrachait du mur, dans un tintement de métal. L'aiguille tomba au sol, et en me penchant pour la remarquer, je constatais qu'elle était enduite d'un fluide poisseux, qui, au contact et à la reconnaissance me fit sourire. Par réflexe, encore une fois, je levais les yeux. Mais le couloir était vide de toute autre présence féodale.

    Ciselés sur les pétales lourds, les kanjis « rendez-vous » et « invitation » me laissaient perplexe. Assis sur le rebord d'une fenêtre, je contemplais la fleur que l'on m'avait offert. Une date avait été griffonnée sur un papier que l'on avait glissé contre le pistil, une localisation du lieu de rendez-vous, un numéro suivi d'un point d'interrogation, et des prénoms. Les mots, écrits en japonais, me perplexaient. Pourquoi en japonais ? Pourquoi pas n'importe quelle autre langue ? Ne serait-ce que l'anglais ? Je laissais tourner la fleur entre mes doigts, mes yeux accrochant les circonvolutions de la forme évasée des pétales, imité dans ma concentration par le petit singe des montagnes. Je détachais mes yeux de la fleur, et vint caresser la tête de Dji Hong, qui abandonna des yeux la fleur, levant ses pattes pour attraper ma main, sa gueule s'ouvrant sur ses crocs allongés. Le fait que le rendez-vous soit donné en japonais m'intéressait plus que le rendez-vous en lui-même. Le fait qu'il y ait ce ninja, quelque part, que des idéogrammes se retrouvent écrites sur une fleur … les pièces qui se plaçaient sur ce goban m'entrainaient dans une partie qui ne pouvait que m'arracher le sourire. Qui ne pouvait se plaire dans le souvenir d'un présent constant ? Les crocs de Dji Hong mordillèrent sur mes doigts, et j'ammenais la fleur près de mon visage.

    On me demandait de jouer à un jeu auquel j'avais envie de me prêter.

    (…)

    Devant mes yeux, la porte gigantesque d'un entrepôt entassé dans le disque mur du Pensionnat. Comme le cadavre d'une chose dévorée trop vite, absorbée par le temps, l'entrepôt se mêlait à l'univers du Pensionnat avec la même crédibilité que les tapisseries qui pouvaient revêtir certains mur. Je posais ma main sur le métal d'une porte aux éclats de rouille, écoutant sans surprise les éclats de voix trop nombreuses qui résonnaient derrière. Combien y'avaient t-ils d'invités ? Je regardais derrière moi, sur cette porte au seuil absurde qui venait d'ouvrir sur l'entrepôt. Sur le panneau de bois, des graffitis, qui aux yeux de n'importe qui passeraient pour … de bêtes graffitis. Pour un œil comme le mien, pour un regard bridé, il s'agissait d'une indication, en katakana. Une tragédie que mes yeux bleus aient sut les déchiffrer, quelque part. Je posais mes doigts sur la garde mon wakizashi, ignorant la pression des doigts de Dji Hong installé sur mon épaule, et poussais la porte. La réaction fut immédiate, et dans un déchirement de métal, un claquement d'acier, ma lame contra celle d'un homme plus âgé que moi. L'opposition des courbes en fer se fit dans un échange de regard aussi froids que nos lames, et je veillais à ne pas baisser la lame en premier, attendant qu'il rengaine.

    « Hajimemashite. »

    Il tendit la main, et rangeant mon sabre dans son fourreau, j'observais ses doigts. De la corne recouvrait les rebords des phalanges, et ses ongles étaient âbimés, comme la composition finale d'un tableau strié de cicatrices. Je lui offrais la fleur, considérant qu'elle devait être le « carton d'invitation », et il sourit en la recevant. Son visage s'éclaira, et je le vis chercher l'aiguille des doigts. Elle y était ; rangée dans la tige comme il se devait. Je souriais doucement, à mon tour.

    « Yoroshiku onegai shimasu. »
    « Si vous voulez bien me suivre. »

    Je le vis s'emparer de la fleur qu'il écorna entre ses doigts, avançant devant moi sans la moindre crainte de me tourner le dos. Était-ce lui qui m'avait lancé la fleur, sept jours plus tôt ? Glissant à pas lents dans ses foulées, pour ne pas perdre une miette de ses mouvements devenus trop parfaits pour ne pas être ceux d'un ninja, je le laissais me guider jusqu'au centre de l'entrepôt, séparé de la porte d'entrée par un gigantesque mur qu'il me fit franchir en passant par un tourniquet semblable à ceux que l'on trouvaient dans les métros. Il se glissa devant moi, glissant sa main sur le capteur de sécurité, et lorsque je le rejoins, je laissais glisser mes yeux sur la foule rassemblée. Comme dans un cheptel, des japonais fourmillants, rassemblés entre eux, pour une raison apparemment commune. J'entendais des nombres passer entre les lèvres, et les yeux se tournaient tous sur les mains qui se soulevaient aux quatre coins du lieu. Des paris ? Je tournais les yeux vers l'homme qui m'avait accompagné, et je l'observais me tendre le papier que j'avais déjà remarqué dans la fleur de lys.

    « Vous ne faites pas de paris ? »

    Je n'avais pas saisi le concept. Saisissant lentement le papier, je récupérais aussi un crayon qu'il me tendait, cherchant à comprendre quel était l'objet commun à toute cette excitation, commune, qui faisaient tourner mes sens à chaque stimulations. Ils étaient tous là, japonais, modernes, anciens, surtout morderne, jamais samouraï, à hurler, à parler entre eux, et à se bousculer. Des femmes, des hommes, même des enfants qui couraient dans les jambes des adultes, en trainant derrière eux des liasses de billet. Ils criaient tous, pour s'entendre, pour capter l'attention, et leurs voix se superposaient les unes aux autres dans des glouglous vocaux. Les trémolos d'une mini-société nippone, intemporelle, enfermée entre les murs d'un entrepôt qui résonnait. Chaque pas, chaque respiration, amplifiés dans sa puissance, pour une noyade autiditive. Je cherchais mon accompagnateur du regard, fouillais un océan de couleurs, de forme et de mouvements, mais le type en question avait disparu, me laissant simplement mon papier et un crayon entre les miens. Je restais immobile, perdu dans ce monde devenu trop japonais à mes yeux ; mon singe grondant sur mon épaule, mes yeux bleus parcourant la foule. Que faire ? Pourquoi avais-je été invité à cette soirée ? J'hasardais, me mettant à défiler au milieu des gens bruns, stupéfaits par l'idée qu'ils puissent appartenir à ma conscience, à mon histoire, à mon pays. Je me stoppais devant un vieillard aux boucle d'oreilles métalliques, aux vêtements trash. Sur son crâne rond, un chapeau au jean élimé, sur son nez, des lunettes rondes, aux branches taillées dans du fil de fer. Son sourire tordu me fit crisper la mâchoire, mais refusant de le considérer comme autre chose qu'un homme, je lui tendais mon papier. Son regard glissa sur mes Doc Martens céruléenne et mon jeans, qui contrastaient certainement avec le haori noir que j'avais glissé sur mon sweat bleu. La large encolure de celui-ci dénudait mes clavicules, et je sentis le regard du vieil homme peser sur celle-ci. Il eut été un poids qu'il se serait amusé à me broyer les os, pour le simple plaisir. Dans son regard, tout le mépris du monde, et j'ouvrais lentement la bouche, le foudroyant des yeux. Ce bleu. Ce bleu là, jamais je ne l'abandonnerai. Ni dans mes yeux ni sur mes vêtements. Comme une tâche dans ma perception des choses, que je voulais continuer à voir dans mon champs de vision, et ne pas perdre du regard.


    « Pardon. Je n'ai pas saisi le concept. »

    Sans me répondre, il me saisit par le bras, et me tirant à l'intérieur d'une homogénéité humaine, me fit traverser la foule, pour m'approcher du sein d'un bruit que je n'avais pas perçu jusque là. Des aboiements. Des aboiements qui firent hérisser le poil de Dji Hong, et lorsque mes yeux se posèrent sur les cages qui bordaient tout un mur. Des numéros étaient plaqués sur les grilles, et dans des centaines de répartiments, les chiens gueulaient, rendus furieux sous les exclamations de la foule. Le vieil homme riait.

    « Parie sur le chien de ton choix, fiston ! Ça promet d'être drôle. Les combats seront à la hauteur des attentes. »

    La pression de ses doigts sur mon bras disparut, mais je ne le cherchais pas du regard, mes yeux concentrés sur les chiens qui se jetaient contre les barreaux, aboyant follement. L'un d'eux, un labrador, avait la patte orienté en un angle bizarre, et allongé sur le sol de sa cage, avait posé sa large tête sur le sol, dans une passivité toute étrangère aux comportements des autres chiens. Je croisais son regard ambré, et l'envie de vomir monta dans mon ventre lorsque j'activais finalement les liaisons des éléments qui m'avaient déjà été fournis. Comme pour appuyer le clou d'une douleur déjà trop viscérale, une voix, résonnée par le biais d'un haut parleur, traversa les lieux, ses intonations électriques venant griffer ma peau pour une chair de poule fulgurante.

    « Les combats sont lancés ! Prenez les paris, car les combats commencent ! »

    Dans une formidable mouvements, la foule devint arène. Les hommes, les femmes, les enfants se positionnèrent pour devenir des alvéoles de vide : remparts de leur propre corps. Des chiens furent arrachés des cages, traînés, tirés, bousculés et battus ; dans l'éclats des voix, des rires, et des chiffres qui circulaient. Je reculais, me glissant dans l'ombre d'un escalier en béton, filant les marches, pour venir m'installer en hauteur. Posant mes avant-bras sur la rambarde de métal, laissant Dji Hong se glisser sur mon épaule pour un équilibre scrutateur, je plongeais mes yeux sur les scènes de combat. On avait trainé les chiens devant les spectateurs, deux par deux, et on les avaient tirés aux jambes des hommes qui se chargeaient de retenir leur laisse. J'attrapais du regard le duel imposé le plus proche de mon point d'observation, et je contemplais, avec dépit, le labrador à la patte brisé, que l'on avait soulevé par la gorge, pour le traîner devant un dogue noir. Mes doigts se crispèrent sur la barre de métal, et spectateur silencieux devant cet amusement qui n'avait rien de japonais à mes yeux, je regardais deux hommes en blouse blanches se presser devant chacun des chiens. Des hurlements fusèrent, et lorsque le type en blanc s'écarta du labrador, après lui avoir enfoncé une aiguille dans le cou, mes prunelles se fendirent lorsque le chien, devant mes yeux, devint une fille allongée au sol. Ses cheveux défaits autour de son visage, elle portait un T-shirt blanc cassé qui n'allait pas sans rappeler la robe du labrador. Le dogue qui lui faisait face avait laissé place à une femme noire, élancée et haute, habillée en cuir. Sous la couvaisons des hurlements des gens autour des chiens devenus des humaines, il se préparait des combats anormaux, horrifiants. Le cuir de mes gants crissa contre le métal, tandis que je me penchais vers l'avant, pour ne rien perdre de vue. Comment était t-il seulement possible de transformer un chien en fille, me hurlait ma raison. Mais comme pour défaire mes raisonnements logiques, le bruit de mes doigts à l'intérieur de mes gants, le bruit des lames qu'ils étaient devenus. Ma gorge se noua soudain. On venait de tirer brusquement sur la laisse qui pendait encore autour du cou de la fille-labrador, et bousculée, elle tomba face contre terre, ses cheveux clair s'éparpillant sur le sol. Son bras gauche formait un angle bizarre. Il y eut un sifflement ; et partout dans la salle, tous les chiens devenues des filles se raidirent et se jetèrent les uns sur les autres. Les cris montèrent.
    Dans un mélange de griffures, de coups de dents et d'impacts les plus violents les uns que les autres, les chiennes se battaient. Femelles enragées, plus hargneuse que le mâle qui veut son morceau de viande, elles se déchiraient entre elles, ni humaines ni canines. Les mèches de cheveux tourbillonnaient, et dans des claquements d'os, leurs phalanges s'explosaient contre des mâchoires aux incisives fragilisées. J'observais. Silencieux et immobile, j'observais, ces chiennes qui se mordaient au cou, leurs ongles balayant le sol, pour s'arracher sur la peau de leur adversaire, frappant au visage, pour lacérer le corps de l'autre. Une hargne animale, sans but ni mesure ; une hargne qui excitait les fureurs des gens autour d'elles. Elles se battaient, et sans lois, sans arbitres, se frappaient comme l'animal qui gagne en intelligence et en méchanceté. LA poussière et le plâte se soulevaient dans les vagues de leur mouvements, et lorsque les poings des berger-allemandes frappaient la poitrine des retriever, celles-ci s'envolaient pour venir frapper les murs, faisant vibrer les fondations d'un lieu de démence humaine. Je regardais la labrador se relever pour une énième fois ; être frappée une énième fois de plus par la noire, qui lui explosa finalement le visage contre le béton du sol. La chienne ne bougea plus. Des hurlements résonnèrent des bouches des humaisn qui les entouraient, et des billets furent distribués, échangés, balancés, tandis que quelqu'un attrapait la labrador par les chevilles et la tirait en arrière, pour la dégager, laissant sur son passage le marquage d'un feutrage rouge, sur le sol.
    Le souffle coupé, je tournais les yeux vers l'homme qui venait d'apparaitre près de moi. Le souffle coupé, je le dévisageais, sans parvenir à articuler. Il ne s'agissait plus d'incompréhension, mais d'une terreur enfantine, qui gémissait tout au fond de ma poitrine d'homme. Il n'était plus question de fleur de lys ou de ninja. Seulement de violence qui se déchainait devant mes yeux. Je voulus ouvrir la bouche, pour respirer, pour parler, et prononcer un mot qui aurait attesté de mon statut d'être humain, de ma différence à l'animal. La vue de mes deux lames dans les mains de mon homologue me firent abandonner l'idée.

    « J'aurais du vous préciser quelque chose. Ici, le pari est obligatoire. Il faut mettre en gage quelque chose. Sinon, le jeu ne serait pas drôle, n'est-ce pas ? »

    L'envie de le tuer me fit ouvrir mes doigts. Deux secondes seraient suffisantes pour ôter un gant et plaquer ma main contre sa carotide. Sous l'escalier, les combats reprirent de plus belle, avec une rage plus violente. L'homme bondit en arrière, attestant de ses capacités de déplacements propres au ninjutsu.

    « Vous ne comprenez pas. Ici, le jeu, c'est de se dépasser soi-même, pour se vaincre. Il faut offrir quelque chose qui nous tient à cœur pour prouver qu'on est capable de le récupérer. Quelqu'en soit le prix. »

    Mon gant droit tomba sur le sol, et j'avançais droit sur lui, abandonnant l'idée d'une attaque surprise. Dans un feulement aiguë, Dji Hong bondit sur lui, et je plongeais en avant. La caresse du vent, le sifflement de mes doigts près de sa gorge résonna dans mon âme, et à mon tympan, comme un échec. Dépliant son corps comme celui d'un serpent, le ninja avait esquivé mes doigts, et prenant appuie sur la rambarde, répartit une distance de sécurité entre lui et moi. Les yeux écarquillés, le souffle court, je contemplais mes lames entre ses doigts. Mes lames. Mes possessions. Mes armes, mes extensions, mes âmes féodales. Je l'interdisais, je l'interdisais … Intolérable. Insupportable. Il n'avait pas le droit de les toucher sans mon accord. Je rivais mes yeux sur son visage, affrontant le jais de prunelles qui se voulaient plus japonaises que mon âme. Mes doigts se déplièrent, et je glissais mon pied sur le sol. Un bond. Un bond, et je lui explosais la gorge. Mes armes. Mon katana, mon wakizashi. Celui-là même avec lequel j'avais perforé les poumons de cet homme blond, des années plus tôt, trop tôt, qui s'était dressé dans mon mei, comme obstacle définitif à mes doutes. Cette même arme là avec laquelle j'avais tâché mon corps de sang, pour soulever la main et tendre les doigts vers le poignets de Kohaku. Je refusais de la laisser s'emparer de ce qui m'appartenait.
    Ses genoux se plièrent, imperceptiblement, et j'entrouvrais mes lèvres, sur un souffle de colère, une inspiration de violence. Mon corps s'élança, le sien se tordit. Comme une lame, ma main fusa. Traversa l'air, droit sur la cible que représentait sa gorge. Son mouvement le déplaça. Les secondes, pour ce refus de la perte, pour ce combat qui imitait celui des centaines de chiennes en bas, et le déni. Le déni de perdre ce que j'étais, ce que je voulais être, ce que je pouvais faire.
    Le sang gicla.
    Et je me figeais.

    Les doigts empourprés, la main raidie, je ne contemplais plus le ninja. Je ne contemplais plus les lames. Je ne contemplais plus son être et sa normalité. J'observais cette tâche blanche, au milieu des opacités brunes. J'observais ce corps maigre, cette peau blanche. Cette manière de se déplacer, ce corps qui se décalait de la réalité. Dans ma tête, comme un petit pont qui se construisit logiquement, je réfléchissais à ses appartenances métisses, mais redevables du sol japonais. À ses miaulements nippons, et sa manière de buter sur mon prénom, la première fois qu'il l'avait prononcé, dans la ruelle. Son propre prénom à lui, que je détachais en trois syllabes. Et son sourire.
    Quelque chose, dans ma poitrine, me fit abaisser le bras. Me fit abandonner la rage, et planta toute mon attention sur lui. Il y avait cette alarme dans ma tête qui hurlait, tourbillonnant à l'idée de son visage et de sa voix, cette alarme qui se mit à brailler assez fort pour effacer le son des foules, des chiennes, de la mort et de la violence. Il n'y avait plus que la constatation de sa présence, dans ce milieu humain, dégradé, et la mienne. Il y avait la lumière, qui pouvait ressembler à celle des souvenirs du métro. Il y avait cette foule, qui pouvait ressembler à celle de la prise d'otage. Il y avait lui, qui était simplement lui depuis cet instant. Et bien plus. Mon cœur loupa un battement.
    « Eyh ! »

    J'ignorais. Je réfutais. Tout, tout, absolument tout. Je hurlais dans ma tête à m'en faire mal. Abandonnant ninja et lames, abandonnant tout obstacle finalement trop matériel, abandonnant la candeur d'une quotidienne trop tranquille, je descendais ces escaliers, accroché à la rambarde pour ne pas tomber. Et s'il disparaissait ? Si je le perdais ? La panique se mit à enfler dans ma poitrine, et je me mis à courir. Courir, dans ce besoin d'avancer, de franchir la distance, et de ne pas laisser le vide s'installer. De dévorer, tout, tout, d'abandonner la réalité, et de franchir.
    De franchir tout obstacle, pour ne jamais le lâcher du regard. Alors les mots quittèrent ma tête, ma bouche, et explosèrent.

    « Kohaku Joshua Mitsumasa ! »

    Et je criais ce prénom, en m'élançant en avant. Je criais ces trois noms, qui assemblés dans une seule identité, dans un seul être, avaient sut être les précurseurs d'une chose qui m'avaient arrachés aux ténèbres. Je m'élançais, bousculant, ignorant les barrières humaines des corps qui se dressaient devant moi ; comme pour toujours me bloquer la route, dans leur normalité et leur banalité de la société. Je poussais, bousculais, écartais, ignorant cris et sarcasmes, dédaignant les fureurs de l'animal grondant que l'on nommait foule, et je courais vers l'avant, vers lui, attiré comme la phalène l'est par la flamme. Je courais, et dans mon cœur, une vague plus importante encore que la violence des mouvements humains ; je courais pour ne pas le perdre des yeux, pour ne plus jamais le voir disparaître, et parce que je savais qu'il y avait ce fossé entre nous deux à franchir pour que je referme mes doigts sur lui, je criais le japonais de son être, la facette de son être qui m'avait fait aller jusqu'à la fontaine.

    « Kohaku ! »

    Il avait toujours été bien plus que cela. Quand bien même j'abandonnerai derrière moi la représentation des lames, quand bien même j'abandonnerai sur mes pas le tranchant des souvenirs, je courais vers l'avant, pour ne jamais le lâcher du regard. Parce qu'il était là, et que même s'il devait me corriger un millier de fois, je hurlerai qu'il était mien.

    « Chess ! »

    Et cette fois-ci ; mes doigts toucheraient leur but. Dans ce plongeon, ce grand saut vers l'avant, ce glissement de hanche, ma main gauche se referma autour de son poignet. Je m'imposais. Je m'imposais, et je hurlais de toute mon âme qu'il ne devrait jamais m'ignorer. Jamais. Et je le tins, entre mes doigts. Mon souffle se perdit, et je m'immobilisais, cherchant son regard, cherchant son sourire, dévisageant ce visage devenu adulte. Mais indubitablement sien. Indubitablement Chess.

    « Toi. »

    Je ne le lâcherai pas. Au diable la foule qui dans ses spasmes de vies, bousculait et frappait, je ne le lâcherai pas. Une addiction depuis trop longtemps assumée, sur laquelle j'avais glissé mes doigts, et son prénom. Une addiction, une fureur de vivre, auss, peut-être. Le refus de le voir s'éloigner. Le besoin de lui rappeler qu'il était mien. Et qu'il pourrait répéter ce qu'il voudrait, je lui murmurerais cette vérité à l'oreille autant de fois qu'il le faudrait. L'étau de mes doigts ne se brisa pas, je me rapprochais simplement, me plaçant face à lui, pour ne pas lâcher son regard. Je refermais le poing droit, et des phalanges, vint toucher sa poitrine. Vivant. Solide. Présent.

    « Je t'ai retrouvé. »

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Jouons à un jeu. Le premier qui hurle a perdu. (Chess) _
MessageSujet: Re: Jouons à un jeu. Le premier qui hurle a perdu. (Chess)   Jouons à un jeu. Le premier qui hurle a perdu. (Chess) Icon_minitimeDim 22 Sep 2013 - 8:02

GAME ON.
I’m always game and I can’t be defeated.
So why does this all hurt so fucking much ?

-

Derrière une porte close.
Si différente de celle de la première fois.
It hurts. It hurts. It hurts.

-

Une rose fanée à la manière d’une pomme séchée au soleil, zébrures brunes transperçant le bleu venimeux de ses pétales comme une maladie sans nom, s’affairant à en contaminer toute la surface. La décomposition du corps, de l’esprit aussi. Elle gisait là, comme ce bouton rouge qui ne présage jamais rien de bon, l’élément déclencheur de la situation. Je la saisi du bout des doigts, presque réticent, la pinçai entre deux phalanges, soucieusement, considérant son apparence et sa texture. Bleue, elle était bleue, cette rose fanée, tellement bleue, la couleur de toutes mes hantises, de beaucoup de mes songes, aussi. Je la considérai longuement, presque sidéré, sentant mes synapses s’électrifier lorsque je m’adonnai à en effleurer un pétale. Il ne s’agissait pas du même bleu cyan qui avait entouré les cordages du hamac de la véranda siégeant à l’étage, non, ce bleu là m’était familier, un sourire, des souvenirs. Et il ne transformerait pas mes mains en deux monstruosités chantantes.

Je froissai la fleur avec hargne.

Cette demoiselle à la tige où s’alignaient de petites épines, de la douleur et de l’affection, parce que le bleu fait mal, avait été abandonnée au beau milieu du labyrinthe interminable des couloirs serpentant dans l’entièreté du pensionnat, sur chaque étage. Je me trouvais au deuxième. Près de moi ce dessinaient les contours d’une porte, au verni défraichi et dont émanait une curieuse sensation de nostalgie. Ne sachant pas trop où je me trouvais, ayant déambulé comme une chimère sur chacun des étages, posément, cherchant une attraction digne de mon intérêt, j’ignorais ce qui s’étendait derrière cette porte. Toutefois, ma cognition me susurrait que la couleur bleue trouverait toujours un moyen de s’accaparer toute mon attention, qu’elle s’étende dans les iris des gens que je croisais, qu’elle se berce dans le reflet qu’attrapait tranquillement le lac au dehors ou qu’elle s’attache aux pétales moisis d’une fleur d’ironie.

Ce fut donc en fredonnant la mélodie indistincte ayant autrefois émané de mes paumes mutées que je pénétrai, sans trop le savoir, dans l’enceinte de la Salle Yume, dans ce pays des merveilles délicieusement absurde et faussé. Aurais-je porté attention à autre chose que la couleur, aurais-je remarqué les kanjis, oui des kanjis dissonant dans ce traducteur automatique qui m’arrachait mes langues maternelles, mon français, mon anglais, mon japonais, pour les transformer en une bouillabaisse uniforme. Si j’avais examiné la fleur froissée dans ma paume, je les aurais vu ces doux kanji qui lisaient ‘rendez-vous’.

Derrière la porte s’étendait un univers différent des remparts vieillis présentés dans le reste du pensionnat et je réalisai sans mal, une pointe de cynisme perlant au bout de ma langue, que cette foutue abomination dégradée m’avait conduite dans la salle des rêves locale. Of fucking course. Je poussai les portes striées de l’orange de la décomposition métallique, avec la grisante impression d’être Chess qui pénétrait dans la partouze de la Reine Rouge. Vive Michelle, étrangle-moi de m’être perçu être toi ne serait-ce qu’une milliseconde. Le spectacle qui se dévoila à moi se mérita une élévation de sourcils qui donna ensuite naissance à l’ébauche d’un sourire, rictus désopilant et désopilé. Je contemplai la foule, esquissant quelques pas vers son centre, pour la sentir, pour la vivre, touchant les illusions du bout des doigts, appréciant les voir basculer, tantôt japonaises, tantôt blonde, reflétant des indécisions et des choix personnels. Dans chacune des exclamations nipponnes qui venaient se fracasser contre mes tympans persistait une impression de déjà-vu, comme si je connaissais toute les voix qui ne cessaient de résonner, comme si elles m’étaient familières. À vrai dire, elles l’étaient probablement, ne me trouvais-je pas dans la Salle Yume, après tout ? La salle qui puisait sa force de mes souvenirs et de mon imaginaire ?

On tira sur ma manche, un coup, deux coups. Je tournai mes yeux noirs vers la source du dérangement, contemplant les longues mèches d’ébène qui encadraient un visage enfantin et des yeux rieurs. Mes doigts se crispèrent dans le néant, ma bouche s’entrouvrit pour hurler le vide et mes yeux s’écarquillèrent imperceptiblement. Oh, Yume . . . Des souvenirs, des souvenirs, une lacération profonde. J’avalai ma salive, mes yeux n’osant pas quitter la petite silhouette, les menues courbes et la dégaine fluette. Oh, Yume. Mon index se crocheta autour d’une mèche de cheveux et le double de la princesse lunaire m’intima d’un sourire simple. Mon sourire avait disparu.

« Il faut parier. »

Je claquai ma langue contre mon palet, l’observant longuement, plus heurté par le ton que par les paroles. Il ne s’agissait pas de la voix qui persistait encore dans les documents de mon ordinateur portable, pas de la voix qui avait injurié Swan et quémandé des milliers d’étreintes. Non, non, pas la bonne donnée, recommence, reformate, ça ne concorde pas. J’avais la bouche sèche et les yeux vitreux et je ne souriais pas, parce que ce qui se trouvait devant moi était encore moins réel que Yui Valentine, parce que ce n’était ni Alea, ni William, ni Ekzael, ni Selenda. J’avalai des échardes de bois verni, de la salive empoisonnée.

« Parier ? »

Clignement de yeux. Parier sur quoi ? Sur leur sort d’illusions malsaines ? Sur la tournure des événements en cette salle ? Mais à quoi bon . . . c’est moi qui dominait ici, de toute façon, roi dans le monde intouchable et irréel des chimères et des songes. Yume, que je pouvais rencontrer dans cette salle. J’ouvris la bouche pour déclarer tout haut ces réflexions, mais on m’interrompit, jovialement, gaiment.

« Oui. Parier. Sur le chien de votre choix. », renchérit un individu à sa droite, blond celui-là, aux yeux révulsés et impossible à définir, des bosses noires et dégoutantes là où se trouvait généralement les globes oculaires. Je le considérai, vicieusement, songeant au bouillonnement interne que je pourrais faire exploser sur ses bras, une mort de l’intérieur, brûlé vif par sa propre hémoglobine. Ses yeux exploseraient en un artifice goudronneux et tâcheraient l’innocence imitée de Yume qui . . .

Où était-elle passée ? J’envoyai valsai ma tête de tous les côtés, n’accorda pas même une larme d’intérêt aux femmes qu’on forçait à s’affronter par terre, des dizaines d’entre elles grognant et lacérant la chaire tendre leur adversaire. Il n’y avait ni scrupules, ni limites dans mon univers. Ni grilles de métal pour me séparer du spectacle. Mais Yume . . . la cicatrice de la séparation élança durement contre un recoin de mon âme et je retroussai les lèvres, homologues aux femmes-chiennes déchaînées, placardant mon poing contre le front du blondinet défiguré. Ces mèches soleil ne mentaient pourtant pas et à l’instar de celle que j’avais autrefois appelé mon hamster, la voix concordait. Un double de Lawrence Evelynn Swanster se fracassa au sol, ses yeux éclatant et giclant la vase noire que j’avais imaginé. La satisfaction de sentir l’os craquer sous mes jointures m’arracha un rugissement satisfait, qui s’égraina en un sourire carnassier.

« Je parie . . . », une pause, plus une contemplation qu’une hésitation, les syllabes roulant sur ma langue comme des bonbons à l’érable. Je serrai mes doigts, pas ceux qui avaient frappé, autour de la rose fanée. « . . . ma vie. Je parie ma vie. »

Je gagnais toujours de toute manière. Mon sourire s’élargit, dodelinant dans une moquerie diluvienne que j’utilisai pour écraser ce fantôme blond percutant ma vision de sa présence mauvaise. Et les femmes animales n’en finissaient plus de se refaire le portrait, l’odeur du sang atteignant mes narines et je pourrais tous vous tuer, vous savez, et je te hais, je te hais, je te hais, je te hais Swan !

Je hais mes regrets, je hais t’avoir suivi pour rejoindre mon Québec natal et plus que tout je te hais de m’avoir tendu là main, au Japon, ce soir là. Dans Bougu, alors que je déambulais les mains couvertes de sang, le souvenir de mon pseudonyme scarifié dans la chair d’une cuisse palpitant sous mes paupières. Je relevai le pied, ma botte noire et élégamment lacée prenant un envol subit pour s’abattre sur la hanche du connard de clone, du cygne muté. Je ne voulais plus jamais voir le bleu de ses yeux, plus jamais.

Je te déteste tellement de m’avoir tué.

« Je ne suis pas un chien, mais nous ignorerons ce détail, n’est-ce pas ? Je parie ma vie, prenez-la moi. »

Quelques têtes se retournèrent vers nous, un océan de noir clignotant tantôt en blond, tantôt en rien et qui mutaient en une masse uniforme et indistincte. Oui, j’avais parié. Les mains du clone s’aplatirent au sol, et les muscles se tendant dans ses bras dénudés, il se releva, sans vaciller, semblant m’observer de part l’intermédiaire des cloches noires, éclatées, suintantes de douleur, qui coulait comme des rigoles muettes et polluées sur ses joues.

Mon visage se tordit en un rictus malsain. Ma jambe s’éleva à nouveau et je fracassai mon pied contre son genou, avec force, avec rage, avec le bouillonnement alarmant des cellules sanguines s’affolant dans mes veines. Tombe, tombe et ne te relève pas.

« On reste au sol, clébard. »

Il y eu des clignotements dans la foule à la fois bruyante et silencieuse, paradoxale dans son existence et illusoire dans son essence, des jeux de lumières qui attirèrent mon œil. Les hommes volants dans les toits, les songes aperçus dans des dojos, il y avait de cela trop longtemps, des portraits d’honneur et d’invisibilité, tous pourvus de lames. Ils se distinguaient, parmi les autres êtres présents, parmi les blondinets sans yeux et les Yume Namida volatilisées, parmi les enfants qui murmuraient du japonais rouillé et les grand-frères qui toisaient de prunelles onyx calculatrice.

Ris, souris et crache-leur leurs dogmes à la figure comme tu l’as toujours fait, brûle les laisses restreignant tes mouvements et réfutes-les, dévores-les. Arraches tout, même si . . . Comment les dévorer sans les détruire, comment voir leur intérieur sans étirer la chair. En amenant Aarne dans une barque au beau milieu d’un lac, en susurrant des idioties à l’oreille de William, en enfonçant des doigts dans les creux d’Alea ? Je ne me souviens plus très bien, parfois, entre la monarchie dystopique pullulant entre mes synapses, l’éternité de mon sourire et ce qui manque, ce que j’ai perdu.

« Kohaku Joshua Mitsumasa ! »

Et cette voix qui résonne, parfois, un baume à ma confusion, une mémoire imperméable, mais qui ne vit que pour me rappeler mes erreurs un brin davantage. Pourquoi suis-je parti ? Dans ce Darebury difforme où je me heurte à la possibilité de devenir celui que je veux être, ou je peux m’alambiquer dans les murs en plus de dans mes mots, persiste ce relent flegmatique. Ce n’est pas la bonne question and lost we are.

« Kohaku ! »

Je tournai la tête sèchement, laissant mon sourire, hargne et déchéance, virevolter dans la direction de la foule qui se fendait sous la pression d’une apparition soudaine. Les têtes orientées vers moi changèrent de cap et celles qui n’avaient pas jugé bon de m’observer firent de même. Ce n’était pas la bonne question, car j’étais entré dans Daresbury à la manière d’Aliss, sans comprendre, sans me douter, avec une pointe de violence plus proéminente, de la sauvagerie qui m’avait fait éclater mes jointures contre le panneau de bois et tuer un homme, un autre, de sang froid. Ou chaud, mais on tombait dans la nuance, dans la réalité de ce sang que je tempérais dans mes veines tout comme dans celles d’autrui. Chess, lui, était le cœur de son royaume, l’essence qui faisait vibrer son quartier de déboires et de secrets, il ne s’était pas fait attrapé, il l’avait créé. Dominant chaque molécule avec son sourire transcendant, dantesque.

Je le vis percer la masse humaine, homogène et incertaine dans sa constitution, s’offrant à moi, braqué sur moi. Lui, le baume, l’eucalyptus qu’on étendait sous les pansements, un bout de royale, de micro et de macro s’enfonçant métaphoriquement dans ma gorge. Drink me. Eat me.

Ma gorge se noua.

« Chess ! »

Sa paume, puissante, calleuse, se referma sur mon poignet, si désespérément tangible que la boule prenant de l’ampleur au fond de ma gorge nouée se décupla et envoya valser ses petits dans mon estomac. J’avais envie de pleurer. Trop de larmes depuis que j’étais arrivé ici, la métamorphose était rude, difficile. Et j’avais envie de crier.

Avec la rose bleu, pas cyan, pas céruléenne, qui s’était transformée à un moment où à un autre, en pomme-grenade de la même teinte, dans ma paume, je le considérai brutalement, dévisageant, un rire d’ironie mourant sur ma langue.
J’avais envie de mourir de rire.

Toi.

Of course, tu serais évidemment l’exception d’office dans ce tableau de filaments d’or aux yeux crevés et d’asiatiques typiques. Tu sais, ils sont dépourvus d’yeux, car je leur les ai arraché, mais j’ai toujours préféré les tiens, par conséquents, je les laisserai dans leurs orbites. Parce que tu es si beau, parce que même les tremblements de terre n’atteignent pas le ciel. Et que je ris, nerveusement, et que je papillonne des paupières incrédules, haineuses.

Je déglutis, souriant un frisson vacillant, un je ne veux pas te regarder, enfonçant mes ongles par-dessus le tissu de son t-shirt, sur l’étendu qui dissimulait son pectoral droit. Un nouveau gloussement éthéré fila hors de mes lèvres.

« . . . Bout de rêve éveillé. Embrasse-moi, fais-moi un truc comme j’aime, viens là. »

Mes mains tremblaient, spasmes nerveux secouant les intersections de mes doigts. Mes épaules se recourbaient, créant des plis dans la chemise sur laquelle se côtoyait violet et dentelle. J’agitai une langue pâteuse, activant des cordes vocales frappées d’incertitude. Choc. Choc. Et si tangible. Zakuro. Zakuro. Zakuro.

Za-ku-ro.

« Litchi. Litchilitchilitchitoitoileciel, letemps, l’intemporel, monsamurai, artisted’argileetpourfendeurd’âges. »

Mais rien de ceci n’était réel.

J’étouffai ma tirade d’un hoquet, me laissant prendre au jeu des illusion, laissant le fruit bleu tomber et rouler sur le sol, terminant sa course contre le pied d’un des automates de la foule. Je m’égarai dans ses yeux, qui même irréels me semblaient détenir toutes les vérités de l’univers ou, du moins, tout le temps nécessaire à leur découverte. Mes synapses nageaient à contre-courant, crachant l’eau que le typhon de mon cerveau leur fracassait au visage. Un hoquet, peut-être un rire, encore, incrédule, à demi sourit. Je tirai sur l’encolure de son chandail, la glissant vers le bas, sans jamais détacher mes iris sombres des siens. Je t’ai crée, ou plutôt, j’ai crée cet homme dont tu émules présentement l’apparence. À l’époque, il était plus jeune et prétendait détester un monde qui ne lui convenait pas, l’ère étant la mauvaise, les croyances s’avérant inadaptées à sa vision du monde. Je l’avais crée, je lui avais montré, he was mine, mine, mine. Forever fucking mine. Then why did I, why did I . . .

« Dis-moi pourquoi je suis parti, veux-tu bien ? »

Je ne me rappelais plus très bien.

« Dis-moi pourquoi je l’ai tué. »

Je déposai une phalange contre la commissure de son œil, là où l’épiderme de la tempe se creusait pour faire place aux paupières, je caressai l’endroit d’un mouvement circulaire, sondant les tréfonds de ses iris, m’y accrochant, me voyant rappeler très précisément tout ce que j’avais laissé derrière en quittant le Japon. J’inspirai la chimère, avant de m’en écarter d’un mouvement ample, plus pour fuir que pour partir, plus pour me rappeler que tout dans cette salle tirait sa source de mon intérieur. Et que visiblement, mon subconscient me détestait.

Ha. Ha. Ha.

« C’est ironique. »

Je secouai la tête, me reculant de quelques pas, accrochant de mon omoplate la figure d’un asiatique aux traits indéchiffrables, identiques à ceux des autres, élargissant mon sourire, ricanant follement. Je fis un tous sur moi-même, écartant les bras, m’adressant à l’entièreté de la foule, mes paroles résonnant comme le tonnerre.

Les couronnés d’or et les embrochés d’ébène nous fixaient tous de leur néant oculaire, leurs doigts tendus dans une attente muette, leurs bouches tirées en une fine ligne de lèvres retroussées. Des chiens guettant l’ordre sans qu’on puisse vraiment deviner ou déterminer à qui ils obéiraient.

« Je parie ! Je parie sur moi dans un combat contre lui ! Contre vous tous ! »

Goguenard, je refis de nouveau face à l’émulation de Zakuro Fea, dévoilant des dents et prononçant cette jovialité meurtrière qui explosait au-delà de mes pores. Le meurtre de de qui, exactement, ne pouvait s’empêcher de se demander une part de moi, part que je ne rechignai pas à faire taire d’un nouveau ballant de bras, attrapant la pomme grenade préalablement échappé pour la lui lancer au visage. J’avais presqu’envie de lui dire de me faire mal, pour mes nerfs puissent se griser sous l’éveil qui émanerait de la violence. J’avais presqu’envie de lui demander de me mentir, de me convaincre qu’il ne relevait pas du rêve.

Mais . . .
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• Pouvoir : Je ne fais l'amour qu'aux maso. Paumes et doigts ayant l'improbable qualité de découper tout. Viande ou pas.
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• Petit(e) ami(e) : L'intemporalité.

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O La désobligeance du loup. ~ Loeva
O Un brin de ménage ... ~ Blue
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MessageSujet: Re: Jouons à un jeu. Le premier qui hurle a perdu. (Chess)   Jouons à un jeu. Le premier qui hurle a perdu. (Chess) Icon_minitimeVen 25 Oct 2013 - 0:16



    JOUONS A UN JEU.

    Près d'une fontaine qui n'est plus d'eau, mais de sang.

    Oh, c'est toi, c'est toi, c'est toi au milieu de ce nulle part, toi que je ne cherchais même pas ici. C'est toi, et j'en suis tellement désolé, tellement ravi. Tellement, tellement. Mon corps, pris d'un frisson qui me secouait avec la violence de mon âme bouleversée, mon corps qui réclamait le sien, mon âme la sienne, mes doigts, les siens. Mon poing refermé, mes phalanges sur sa poitrine, et le hoquet de ma conscience qui me hurle de me jeter sur lui, de refermer mes bras sur son corps, pour supplier son âme de rester là, un tout petit plus, avec moi. Mes dents mordirent mes joues, atteignant cette stimulation par la douleur qui se devait de me retenir au sol, encore un peu, encore plus justement, et correctement que cela ne se faisait déjà. Kohaku, Kohaku, Chess. Toi, toi.

    «. . . Bout de rêve éveillé. Embrasse-moi, fais-moi un truc comme j’aime, viens là.»

    Enfant d'une éducation-souvenir qui revenait me hanter, les injonctions se mirent à brûler dans ma tête ; ne pleure pas, ne pleure pas. Ne pleure pas parce que tu es un homme, un soldat, un japonais. Et les souvenirs par millier d'une existence par la Voie, par sa voix, par des milliers d'autres qui m'avaient détruits, et lui qui m'avait crée. Alors pourquoi fallait t-il seulement que cet ordre de ne pas pleurer et de correspondre à une norme du genre réapparaissait-elle, sournois et magistral, dans ma tête, dans mon cœur, à ce moment là ? Pourquoi ne voulais-je pas pleurer ? Ses doigts, sur mon vêtements, devinrent la concision de ce à quoi je voulais me retenir, et le monde qui avait cessé d'exister dès l'instant où je l'avais vu au milieu de ces silhouettes appartenant à des univers qui ne me concernaient pas, se remit à tourner doucement sous mes pieds. Dans une acceptation, dans un sursaut de normalité, de retour à ce qu'il fallait que la vie soit. N'est-ce pas ? N'est-ce pas.

    « Litchi.Litchilitchilitchitoitoileciel, letemps, l’intemporel, monsamurai, artisted’argileetpourfendeurd’âges. »

    Mes ongles griffèrent ces dentelles lilas, ce violet de ses tissus, et j'empoignais l'épaulette d'un vêtement, pour le maintenir entre mes doigts ; pour ne pas le lâcher, mon souffle rendu court sous la violence du sentiment qui tournoyait dans tous les sens dans ma tête. Chess, Chess, Chess, Chess, Chess, Chess. Te souvenais-tu ? Te souvenais-tu de tout ce qui avait existé, avant que tu ne prennes cet avion dans lequel je ne t'avais pas suivi ? Les lèvres entrouvertes sur des mots imprononcés, et l'ampleur de ce que cela signifiait, mes yeux dans les prunelles noires, je valsais sur le balancement de mon cœur, et ses spasmes grisés m'effrayaient, me tuaient. Oh, Chess. Est-ce que tu te souviens seulement tout ?

    « Dis-moi pourquoi je suis parti, veux-tu bien ? »

    « Je ne sais pas. »

    Les dents plantées dans ma langue, dans la douleur de cette inacceptable vérité, je me sentis pleurer, et ma poitrine se gonfla sous cet air qui se mit à lui manquer. Une seule larme. Je ne sais pas, je ne sais pas, je ne sais pas. Je ne sais pas. Je ne veux pas savoir. Je ne le veux plus. Je ne veux plus écouter ce sentiment qui m'a fait hurler des nuits et des nuits sur ce départ dans lequel je n'avais pas pu t'accompagner. J'avais souri, j'avais salué, j'avais ricané à Lawrence, en lui disant de prendre soin de toi, et j'avais posé mes yeux sur toi, sur tes valises, puis sur ton visage, sur tes yeux, et pendant l'éternité d'une seconde, j'avais pensé à te dire « Pourquoi ? ». Parce que les raisons, si elles étaient connues, elles ne m'avaient pas paru assez normales, assez impliquées dans l'instant. Et puis parce que je le refusais. Pendant une seconde, j'avais cherché à me tester, à voir si je serai en mesure de te demander de ne pas bouger, de ne pas t'envoler dans ce ciel trop haut. Pendant une seconde, j'avais croisé ton regard, et quelque chose avait fait que je détournais les yeux, pour sourire sur quelque chose, et aider à ranger une valise dans le rail. Qu'avions nous fait ? Qu'avais-je fait en dernier ? Quelle couleur portais-je, à ce moment là ? Avais-je mes Doc ? Je ne m'en souvenais plus. J'avais lâché la valise, j'avais lâché ta main. Et tu étais parti, sur un simple pas en avant.

    Lorsque l'avion avait disparu, au loin, jamais le ciel ne m'avait paru aussi étrange. Capitonné et gigantesque à la fois. Je m'étais senti écrasé par son poids. Je n'avais pas cherché à voir Yume. Je n'avais pas cherché à voir Yui. J'étais resté un peu trop longtemps dans cet aéroport. Trop pour que le combat que j'effectuais à ce moment là à l'intérieur de ma tête ne me fasse pas mal.

    Évidemment, il y avait eu les mails, les coups de téléphones, les fous rires, et les sourires. Ces sourires qu'il me manquait de pouvoir caresser du bout des doigts, lorsque tu passais à côté de moi. La distance était ce problème, ce gouffre, que je ne parvenais pas à combler. Combien de fois avais-je eu la possibilité de m'acheter un billet d'avion, pour voler jusqu'à ce pays de neige, et de sirop d'érable ? Assez. Assez de fois pour qu'à chaque fois, je ne le fasse pas. Retenu par moi-même sur cette terre de guerre, de légende. Sur cette terre où il y avait une fontaine au rebord couvert de graffitis, et sur laquelle tu avais été assis la première fois, lorsque tu avais relevé tes yeux sur moi. Si je partais aussi … est-ce que je ne laissais pas tout ça disparaître ? Si je ne restais pas … est-ce que cela ne voulait pas dire que tu reviendrais peut-être ?


    « Dis-moi pourquoi je l’ai tué. »
    « Je ne sais pas. »

    Près de mon œil, son doigt pressa ma peau. Te souviens-tu ? De cette arme hérisson, avec laquelle tu avais défié mon regard ? De ce mascara que tu avais apposé sur mes cils, dans un viol, à l'époque, de ce qui allait contre mes idées. Et puis, comment, dans la même journée, tu m'avais transformé. Tu reculais. Chess, tu reculais. Tu t'éloignes de moi. Encore.

    « C’est ironique. »

    Il s'écarta. Le silence d'un monde que je ne contemplais pas, ignorant la transformation dorée d'un peuple ébène. Debout, droit, glacé comme ces hivers d'un Japon féodal, d'une saison empirée par le vent qui ignore les générations, mordait, détruisait, tuait. Je ne bougeais plus, interdit, aussi raide que ces chiens qui patientaient la moindre syllabes qui leur indiquerait la manière de bouger. J'attendais le moindre mot, le moindre geste. Et un sourire espéré. Mais qui ne vint jamais.

    « Je parie ! Je parie sur moi dans un combat contre lui ! Contre vous tous ! »

    Car ce n'était pas ce sourire de méchante moquerie que j'attendais. C'était ce sourire qu'il avait eu, qu'il n'avait plus, et dont l'absence retournait mon estomac pour un éviscèrement mental, pour une violence redoublée. Les yeux ouverts sur les mots qu'il venait de gueuler à ce monde que je refusais soudain, je respirais difficilement, cherchant à comprendre ce qui n'existait pas dans sa phrase, mais que je voulais comprendre et entendre, par désespoir de cette compréhension imposée. Je ne voulais pas avoir compris. Je voulais avoir mal compris. Je ne voulais pas de ce résultat qu'il annonçait, qu'il prohibait avec un orgueil qu'il n'aurait pas pu offrir à ses intonations s'il avait tenu à moi. S'il te plaît. S'il te plaît. Ma supplication, silencieuse, se fit l'utérus de ma compréhension. Une compréhension identique à ce travail de la femme qui accouche : car il me sembla que tous mes os étaient en train de s'exploser à l'intérieur de mon corps, pendant que la vérité se frayait son chemin jusqu'à ma tête, jusqu'à mon cœur. Et lorsqu'elle les atteint, lorsque cela devint complètement évident, la douleur devint insupportable. La douleur balaya tout, balaya l'espoir et le désir, le plaisir et la consolation, la joie, le ravissement, les souvenirs, la mélancolie, la tristesse et la douleur. Car il n'exista soudain plus qu'un gouffre monstrueux. Celui de l'horreur qui me dévorait, d'une horreur tellement vide, tellement pleine, qu'elle me remplissait et me noyait. Un coup, sec, contre mon œil et ma joue, et je fermais les yeux pour les rouvrir sur les roulements au sol, à mes pieds, d'un fruit. J'ouvrais les yeux pour les relever sur un Lawrence aux yeux aussi goudronneux que tout les autres. Sur ce fruit qui roulait, roulait, et puis s'immobilisait. Zakuro, Zakuro. Grenade. Litchi. Litchi. Chess. Derrière moi, on s'excitait. Le tonnerre d'un murmure essoufflé, d'une foule qui réclame, et on se mit à siffler des ordres, et des armes, dans les chuintements féodaux de leur apparition, glissèrent entre les doigts. Mon cœur saigné, mon sang gelé, mon regard éteint, je fixais cette grenade au sol. Te souviens-tu de moi, Kohaku ?

    Chess, dis. Est-ce que tu te souviens de moi ?

    Une lame plongea, dans le mouvement d'un vent qui vint hurler à mon oreille. Et mes doigts explosèrent la hampe de l'arme. Mouvement colère, mouvement réflexe, mes doigts devenus les tranchants d'une fureur qui se refusait de disparaître, je détruisais, réfutais, hurlais. Silencieux, déposant sur eux le bleu d'un regard qui ne leur appartenait pas, je me détournais lentement de lui pour dénoncer du regard ce combat qui venait de commencer sans que tous les combattants ne se soient déclarés. Celui qui avait attaqué tenait entre ses mains une réplique des centaines autres pointées vers nous. Même Lawrence et sa rapière française. Lawrence, que pouvais-tu seulement faire là ? Tu n'es pas japonais. Sous le fusillement de mon regard, il devint, en crépitant et glougloutant, un amas de chair noire qui fondit brusquement, sifflant sa propre destruction, et arborant finalement la forme d'une flaque huileuse et noire. Adieu Lawrence. Nous nous reverrons à ce lac. Ce lac. Je relevais mes yeux sur eux.
    Pourrait t-on se souvenir de moi, un jour ?
    Je crois bien que je ne voulais plus.

    « Abandonnez. Abandonnez ou je vous tuerais tous. »

    J'avnaçais vers eux, vers cette forêts de lances et de katanas. Je les trouvais, ces armes que le ninja me tendit. Je les trouvais, et je refermais mes doigts sur les gardes de ces wakizashi qu'il, par un sourire dans ses yeux, lorsque j'avais posé cette question silencieuse, derrière le revolver, m'avait fait prendre, en effaçant tous les doutes de ma tête. Sois un rônin, Zakuro. Ne crains pas la mort. Car le samuraï est intime avec l'idée de la mort. Et si tu veux être un rônin, Zakuro, respecte au moins ce fait ; ne doute pas. Et fais.

    « Je t'offre le choix des armes. Ce sont les miennes. »

    Je me retournais vers lui, m'emparant de ses mains. Mes doigts caressèrent ses poignets blancs, ses poignets maigres, et me rapprochant de lui, dans le silence d'une intimité qui ne nous appartenait pas, je refermais ses doigts sur les gardes de mes lames que je lui offrais. Un instant de silence, durant lequel je ne cherchais pas son regard, ajustant simplement la position de ses doigts sur les sabres courts, et puis mes phalanges effleurèrent les siennes, et je relevais mes yeux jusqu'à lui, sans lâcher ses mains. L'envie de pleurer. Indubitablement. Je posais ma bouche contre la sienne, pour un baiser silencieux, un baiser simple. Une sorte d'au revoir. Ma main pivota son poignet, que je maintins entre mes doigts, pour m'assurer de la solidité de sa prise. Et mon autre main se réfugia entre ses omoplates. Pour l'élan. Pour la violence. Pour la passion.

    Les sabres mordirent mon ventre, traversèrent mon corps, et ce fut simplement tout. Un suicide pour lui, un suicide par sa main, de ma main, de mes sabres, que je me plongeais dans le ventre, avec ses doigts. Je ne voulais pas lui laisser d'autre choix. Je ne me voulais pas me laisser d'autres alternatives. Par pour le perdre. Le sang explosa dans ma bouche, et appuyé sur son épaule, je vomis ma vie oubliée contre son dos. Doucement, lentement, sur son poignet, mes doigts lâchèrent. Mon visage contre sa gorge, noyait son épaule de ce sang qui coulait de ma bouche, de ce hoquet d'agonie. Pardon. Pardon. Je glissais.

    « Bonjour, toi. »
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Wonderland's Obscene Psychopath
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• AEA : Une bestiole verte et visqueuse, vaguement inutile, quoique armée d'un poison fascinant !
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MessageSujet: Re: Jouons à un jeu. Le premier qui hurle a perdu. (Chess)   Jouons à un jeu. Le premier qui hurle a perdu. (Chess) Icon_minitimeVen 6 Juin 2014 - 1:45

Des crissements d’ongle,
Contre cette même porte, si différente de celle de la première fois.
Spraying blood.

-

La foule étincelante, oscillante et fébrile se fendit au même rythme que mes bras écartés, répondant à ma requête, à ma mise en jeu de mon existence dans ce combat qui m’opposerait à un miroir sinueux, au reflet des mes doutes. Les chiennes grognaient et les lames sifflaient dans cette apposition de la violence, de la bataille, du rejet de tous ses doutes malsains qui ne cessaient de tourbillonner en moi sous la forme de virulents souvenirs sur lesquels je ne pouvais présentement exercer aucun pouvoir. Mes bras, soigneusement éloignés de mon corps, laissant mes côtes se présenter comme des cibles marbrées d’un rouge reluisant, communiquaient l’ouverture, toute l’hilarité mauvaise que me transmettait ce décorum tracer au marqueur par mon esprit sur chacune des parois de la Salle Yume. Un défi, une arrogance sans limite que je lançais sans ménagement dans toutes les directions créées par mon esprit tordu, ne m’encombrant pas même des limites de la physique ou du corps, car la réalité n’avait comme pouvoir ici que celui que la personne qui modulait l’endroit au gré de ses envies lui imposait. Considérant que le monde extérieur n’avait jamais eu sur moi qu’une emprise obsolète, ne serait-ce que le doré solaire des ondulations de Lawrence Evelynn, l’environnement présent ne s’allouait aucune limite, perdurait quelque part dans un espace-temps que nul ne pourrait prétendre réellement maîtriser. Il y avait des vestiges, des faux princes fondants de goudrons, des Yume aux sourires évasifs et des Zakuro. . . des Zakuro . . . Un Zakuro . . .

Un Zakuro qui foudroyait un coup hâtif de sa force de béhémoth, plus fluide encore que ce que mes mémoires vaseuses pouvaient me communiquer, je l’attrapai du regard, tétanisé, agonisant presque le fait que sa présence en ces lieux ne relevait encore une fois de rien de plus que d’un subconscient tout aussi haineux que capricieux. Et cette même question qui résonnait dans ma gorge, menaçant de bouillonner en travers de mes globes oculaires pour aller se graver dans toute chaire organique qui aurait le malheur de se tordre sous le joug de mon regard; pourquoi, pourquoi, pourquoi. Pourquoi suis-je parti et pourquoi m’as-tu laissé faire, hein, bout de toi, immensité stellaire ? Et pourquoi, dans ce que je m’efforce éperdument de dissocier d’un quelconque ‘maintenant’, t’opposes-tu à la vocalité de ma requête ? Un pari, moi contre toi, contre toutes ces manifestations difformes émanant de l’humour nauséeux porté en existence par mes flux synaptiques. Tu devais t’y plier, tu devais t’y plier, car je suis, car j’ai toujours été, beaucoup plus que Dieu, beaucoup plus que n’importe quelle entité que l’humain pourrait avoir eu l’audace de tenter d’intelliger.

Je sentis l’air se raidir à mes côtés, une lame inconnue perforant l’endroit où l’une de mes paumes se trouvait à peine une milliseconde auparavant, et je m’égarai brièvement, détachant mon regard des morsures simulées du passé, bleues et noires, s’exposant à mon regard, pour observer le chaos m’entourant. Muscles bandés, lèvres toujours retroussées en cette même manifestation du désir carnassier de tout dévorer, la foule s’était rompue en un mouvement symbiotique. Elle se jetait sur moi comme une seule et même entité, un peu comme pour me rappeler que chaque individu voué de pensées, aussi intriguant puisse-t-il être à mes yeux, s’insérait tout de même dans cette masse de cœurs bondissants qui composaient cette société que j’aberrais tant. Une ironie, une intrigue, qui vînt se loger quelque part entre mon cœur et mon cerveau, avec la même force que la réalisation finale de mon état d’humain, de mon abandon, lorsque j’avais peint les murs de mon appartement Lavallois avec le sang de Samuel. Je peindrais la salle Yume de ma recrudescence, brisant le cocon de mes pensées, rattrapant ces vieux vestiges qui m’avaient laissé courir dans la direction de celui que je souhaitais devenir. Ces vestiges oubliés, quelques part dans les fils dorés de Lawrence et les quintes de toux trop profondes de Carter.

Je ne commettrais plus jamais la même erreur. Pas deux fois. Non, mine rônin, double sournois, je n’abandonnerais plus jamais.

Une autre lame siffla.

« Abandonner. Comme je me suis abandonné auparavant ? Plus jamais et pas même pour ces yeux là. »

Zakuro pourfendait et j’esquivais, imitant les silhouettes guerrières dans cette manière de m’étendre dans un mouvement vicieux, j’étais un prédateur mortel, mais plus discret, qui ne dominait pas par sa force, mais par son intelligence et j’évitais donc les sifflements solennel pliés dans ma direction, dansant avec le son, à contre-sens du rythme. Puis les pommeaux des wakizashis portés en ma direction, la volonté de la copie du rônin de calcaire s’éparpillant au gré des respirations et des giclées de sueur, un moment d’inattention, si bref, si bref, le temps de voir Zakuro s’écraser sur les lames qu’il m’avait enfoncé entre les doigts, ses lames. Puis une pause, une incompréhension et ce déferlement de souvenirs jouant sous mes paupières ouvertes, superposant à ce clone issu de mes fantasmes, toutes les contemplations nerveuses de mon être. Je hurlai le silence, ouvrant ma bouche sur ce cri de douleur ressentie dans chacun de mes nerfs, sans qu’aucun mot ne trépasse. Mon souffle coupé court, si bien que cette douleur qui aurait due se faire stridente contre mon épaule chuinta comme une mort-née, sans même avoir le temps de se faire ressentir. Je ne voyais que ce suicide assisté et mes paumes qui s’imprégnaient d’un carmin tellement réel que les larmes vinrent perler contre mes cils inférieurs.

Zakuro, Litchi, toi.

Jusqu’où le rêve pouvait-il parvenir à me blesser ? Je savais pertinemment que l’individu qui s’écroulait sous mes yeux n’appartenait pas à l’univers s’étendant hors des remparts du pensionnat, rien qu’une autre création parmi tant d’autre qui puisait source au cœur de famines cérébrales. Je le savais pertinemment, mais l’onyx reluisant de mes iris intelligeait une ressemblance si longtemps convoitée que mon sang chantait littéralement de le savoir si près. Cette intelligeation bloquait ma logique, m’empêchait d’enfoncer ma botte sur cette gorge qui peinait déjà, un peu plus de secondes en secondes, à attraper la moindre goulée d’air. À l’instar d’une botte, il y avait des phalanges qui descendaient, suivant le rythme des genoux qui percutaient le sol, pour s’enfoncer dans des longueurs sombres, des mèches d’orage. Je tiraillais ses cheveux, contemplant sa forme, un peu plus vieillie, pas aussi jeune que celle vivant au creux de mes souvenirs, plus une adaption qu’un clone, maintenant que je prenais le temps de le détailler. Je tiraillais ses cheveux, imaginant sa forme se réparer, parce que cette salle se devait de suivre le fil décadent de mes pensées.

« Za . . . ku . . . ro. »

La chute, le crescendo, mes tempes pulsant l’agonie.

« Si tu ne fais rien, il va mourir, tu sais ? »

Mei et ses cheveux de jais, Mei est ses ongles écorchant mon poignet, Mei à qui j’ai volé son violet vitale, que j’ai crâmé comme une sorcière qu’on jette au bûcher. Elle était là sans vraiment l’être, à-demi transparente dans le décors chaotique de la salle des combats, de la salle où de loyaux canins s’affrontaient pour assouvir des soifs de sadismes typiquement humaines. J’avais parier ma vie et Zakuro n’avait pas voulu me la prendre, s’éxécutant dans ce moule qui me confirmait cette hantise d’avoir été pour lui une trop grande faiblesse. Il haletait contre mon torse, ses respirations indistinctes se perdant dans le bouillonnemnt de l’hémoglobine se déversant. La scène brillait de son réalisme, lourde contre mon cœur, alors que je luttais pour la contempler avec les yeux d’un rêveur rampant dans les limbes d’un cauchemar. Et Mei, Mei qui n’avait jamais été bonne qu’à trop bien parler, qu’à viser trop juste, me ramenait dans ce monde d’horreur. Sa voix, sa main, la portée de son corps à demi-penché au-dessus du mien, la moue inquisitrice s’étirant sur ses traits. Les traits d’un maccabé qu’on a maladroitement ramené à la vie, les mêmes qu’elle portait de son vivant. Si jeune, si belle, si prometteuse.

Tellement morte.

« Tu lui ferais la même chose qu’à moi ? »

Un clignement de yeux laissa nos cils s’entrechoquer dans un rapprochement que je n’avais point vu venir lorsque j’avais relevé la tête vers la sienne pour la contempler dans toute sa prestance fictive, pour faire mine de négliger la chaleur du corps qui pesait contre côtes. Juste un clignement de cil, une milliseconde, moins que le temps qu’il faut à un papillon pour battre des ailes. Je ne sentis rien, je ne vis rien, mais sans qu’on puisse l’expliquer, la salle avait changer, le monde avait muté.

Uniquement pour me projeter dans le même univers blanc, ce blanc nauséeux que je me refusais de considérer comme du véritable blanc, dans la chambre d’hôpital que j’avais quitté comme un voleur, à la course, descendant les marche résonnantes du pandémonium de ma tête pour fuir dans la torpeur de celui des hommes.

Et le mauvais doublon de Zakuro, vieilli comme pour me forcer à additionner des informations impossibles à processer, ne gisait plus contre moi, s’était matérialiser plus loin, emporté par le toucher gracile d’une Mei trop forte pour être humaine. Les limites infinies du pensionnant me charmeraient décidément toujours, songeais-je, aplatissant mes paumes ensanglantées sur mes genoux pour me relever en un arc brusque. Il y avait toujours à faire, dans ce grand royaume, et les limites ne possédaient de noms que ceux qu’on souhaitait bien leur donner. Fallait seulement apprendre à ne pas s’égarer dans la foulée de la folie ambiante.

Mon rire crissa comme des ongles sur un tableau noir et j’observai la fée des rues relier un Zakuro qu’elle avait couvert de bandages et de pansement à des machines destinées à la guérison, se chargeant de ses blessures sans même daigner m’accorder une œillade. Mais comme elle n’était qu’un pigment supplémentaire de mon esprit, une boutade de cynisme et d’ironie que vomissaient mes synapses, je savais pertinemment qu’elle attendait une réponse. Ou plutôt qu’elle savait, mais que j’allais répondre quand même.

Lui ferais-je la même chose qu’à elle ? Un pari contre moi à toi, pour tuer l’empreinte stellaire qui persistait doucereusement dans viscère, enfouie sous des tonnes de justifications et de prétentions, d’excuses à peine élaborées. Juste parce qu’au final, il n’y avait comme réponse que celle que je voyais lorsque je me laissais encore surprendre par mon reflet.

« Absolument. »

J’eus un toussotement faussement désabusé, élevant mes sourcils en une moue pompeuse tout en m’approchant du lit, tout en me laissant ensevelir par la tristesse que de voir ces traits, ceux-là, ces pommettes, ces lèvres, être reconfigurés et aspirés par le désordre de ma tête. Je ne voulais pas ressentir l’amplitude du trou noir qui coulait comme les yeux du Lawrence de la salle aux chiennes. Ce trou qu’on appelait regret et incompréhension, celui qui me demandait pourquoi j’étais parti et, bordel, criss, pourquoi il ne m’avait pas suivi. Ce truc qui me faisait parier ma damnation au profit de son souvenir, dans un élan de souveraineté candide à l’égard de ma propre personne.

Je susurrai.

« Il n’a aucune valeur à mes yeux s’il n’est pas le ciel. »`

J’enfonçai un ongle sous son œil, créant un croissant de lune rosé, soudainement si calme, l’opposé drastique au portrait de la salle où je m’étais offerts aux paris. Après tout, je n’avais pas de café à lui lancer au visage, juste un souvenir qui me souriait de par derrière d’une frange emmêlée, alors qu’elle épongeait son sang. Je m’étais toujours demandé comment il l’aurait trouvé, s’il l’avait rencontré, et de voir leurs portraits se superposer si vicieusement me tordit la gorge, noya ma trachée de bile.

Je fermai les yeux, un murmure filtrant hors de mes lèvres blafardes :

« Enveloppe sans âme. Prononce mon nom encore une fois. »

Je gravai un deuxième croissant sous le premier, puis un troisième, écrasant mon index le long de son visage, créant une route jusqu’à ses lèvres. Une manière de le sommer de parler, ignorant sa condition pitoyable, comme si ces wakizashis disparus avec les grognements gutturaux de la foule n’avaient jamais exister. Dans les faits, il ne l’avaient jamais fait, des figments obsolètes de mon imaginaire, de cette académie japonaise peuplée d’étrangers, de jolies Yume aux prunelles scintillantes, d’idiots aux amours féodaux aberrants.

Je ricanai la nostalgie, m’accrochant à ses lèvres sans douceur, dédaignant cette douleur qui l’habitait, intolérant à l’idée que mon cerveau la porte en existence. Mon épaule ne saignait pas abondamment, non, ce n’était du sang qui perlait au bout de mes phalanges et ce n’était pas du sang que j’essuyais de la surface de ses lèvres avec ma langue.

Un souffle.

« Deuxième chance. Dis-moi pourquoi je suis parti. »

Je n'abandonnerais pas. Je ne me perdrais pas.

Plus jamais.
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MessageSujet: Re: Jouons à un jeu. Le premier qui hurle a perdu. (Chess)   Jouons à un jeu. Le premier qui hurle a perdu. (Chess) Icon_minitimeLun 3 Nov 2014 - 0:12

Le bleu du ciel.
Ton sourire déformé, et mes doigts qui cherchent ton poignet.
Où es-tu ?



Si la douleur est mortifère et si le monde est incongru, il aurait fallu que je tombe. Qu'on ne me rattrape jamais et qu'on laisse s'effondrer ce colosse qui me servait de corps, afin que, dans son écroulement, il administre ainsi à l'univers la présentation de son corps explosé suite à l'écroulement. Sans doute y aurait-il eu des morceaux d'argile partout, et de la poussière digne de mes savoirs trop féodaux. Il aurait fallu que la quantique ne soit pas quantique, et que les surfaces dures restent dures. Mais le monde était devenu gaz, tapi de gaz, nuages et cotons belliqueux, dans lesquels je m'enfonçais, ma conscience se précipitant en premier, pour s'y noyer et y disparaître complètement. La mort était cotonneuse. Je détestais cela, considérais-je. Le sang renversé et les larmes ne coulaient pas dans une réalité telle que celle-là, car, car -

Retiens-moi, Kohaku.

C'était ma seule supplication, dans cette chute à la destination finale. Les souvenirs m'avaient murmurés que tomber était comme voler, mais que la position de fin était permanente. Je n'avais jamais voulu voler, Joshua, car tu m'avais offert ce qui était au dessus des ailes, et je m'en étais si satisfait que je n'avais jamais considéré que tu puisses me regarder tomber. Tu sais, je commençais à voir le champs de bataille, étalé en ces gravas de mon corps qui partait en arrière. Pourquoi ne me retenais-tu pas, Kohaku Joshua ? Pourquoi est-ce que tu ne tendais pas les doigts, et pourquoi est-ce que tu ne m'attrapais pas ? Mes yeux glissaient déjà sur la réalité d'une passation à autre chose, et je ne parvenais plus à accrocher le regard de ce qui aurait du se retrouver au dessus de moi. Le sang que vomissait mon âme ne faisait-il donc paniquer que moi ? Est-ce qu'il n'y avait que moi qui était en train de m'enfoncer dans la terreur de cette chute ? C'était ma seule supplication, retiens-moi, ramène moi, car je n'étais pas Alice, je ne suivais plus de lapin blanc, et mon cri, tu étais en train de refuser de l'entendre. Le silence des mondes se froissant dans ma poitrine, déchirant tout espoir. Merci pour tout, merci pour le froid et le silence, merci pour la haine et la souffrance, merci pour la démence et la mort. Merci à rien, je vous détestais tous.

Mes genoux contre le sol, et mes yeux qui se ferment. Destination finale. Le monde est mort, le monde est mort, le monde est mort. Je ne voyais plus, le noir envahissait ma conscience. C'était beau de croire en la vie et en l'avenir. C'était beau d'y croire quand il ne restait plus rien, et que les mensonges amoncelés tombaient, les châteaux de bobards s'écroulant face à ce vide qui persistait. La haine glaçait tout, maintenant. Des doigts contre ma gorge, dans mes cheveux, mais j'ignorais. Tu ne m'avais pas retenu, n'est-ce pas ? Tu ne me retenais plus.

Noir.

Toi et ton silence, et ton cri qui ne vient pas. Toi et ce silence que tu ne brises pas, ce noir qui m'envahit et qui m'a détruit, qui me noie et dans lequel tu ne me vois pas. Les années et le temps qui s'explosent et qui meurent, parce qu'ils n'ont jamais voulu exister. Je déteste le monde et son ignorance, je déteste le monde et ce qu'il m'oppose, je déteste tes souffles, ton absence, la distance et le dédain. Je te déteste. Toi et cette sale petite vie que je voulais tellement préserver pour tout ce qu'elle était. Je déteste ce départ qui se fait en silence, loin des bruits de la chair coupée et du sang versé. Je déteste ton visage, tes yeux, ton sourire. Je te déteste.

Tu aurais du me retenir.
C'était injuste que j'aie à effectuer cette éradication totale de mon être pour que ne subsiste que les preuves irréfutables d'une existence vouée depuis trop longtemps à ce que tu élevais. Un mot en trois lettres, en anglais, en français, en trois syllabes nippones, un mot que j'avais tellement prononcé, même dans ce silence qui inondait mes tripes. Et tu ne disais plus rien, tu restais juste là. C'était injuste que tu ne m'aies pas retenu. C'était injuste.
Ça faisait mal.

Mon souffle se perdait contre ta poitrine rougie par mon sang.

Les lames glissèrent, et mon dos vint finalement frapper le sol. Hoquet de survie, ce corps fut secoué par un tressaillement vicieux d'une tentative de continuation. Mais je ne voulais plus, et les cotons imbibés de sang, au delà de la réalité, devenaient maintenant sombre, trop engorgés, prêts à suinter. Les couleurs se tuaient, enfoncées sous les nuances trop sombres de cette couleur que tu m'avais raconté, sous le prénom de Michelle.

Tu es mort, Zakuro.

Mes lèvres auraient sans doute pu s'étirer en un sourire. Ferme la, toi. Quand bien même cela restait une invitation à ta présence, à tes yeux noirs, à ton visage calme et tes cheveux trop longs dans lesquels il aimait glisser ses doigts. A tes côtés, il y avait ce reflet des temps passés, et des possibilités jamais effectuées. Tu t'approchais, posant ta main sur les deux plaies trop béantes, trop présentes. Est-ce que tu en rirais, toi ? Tu secouais la tête, et j'abaissais mes yeux, mon visage adoptant cette expression froide.

C'est comme voler, Zakuro. Sauf que tu n'as rien de l'oiseau.

Je plongeais, ou on me poussait, sans qu'il n'y ait jamais rien derrière moi. La haine et la rage qui se succédaient à cette absence de résonance dans ma poitrine, la laissaient aussi statique qu'un corps mort. Est-ce que nous avions atteint ce niveau-là ? Je suis mort, et je ne suis pas Lazare. Je suis mort, et le hasard des mots avait voulu que ce soit pour toi. Est-ce que tu croyais sincèrement qu'en dehors de moi, il puisse y avoir réellement une autre personne que toi qui puisse empêcher que je ne vole trop profond sous nos yeux ? Pourquoi tu ne m'avais pas retenu ? Est-ce que la réponse se figurait dans cette question que tu devrais finaliser, cherchant à l'appliquer de tes lèvres contre ma conscience ?

Ta vie contre la mienne, Kohaku. Ton nom contre mon âme.
Ma poitrine se souleva. Une première fois.

Le Temps rugissait dans ma poitrine, déformé dans ce kaléidoscope de réalités qui se succédaient à pleine vitesse dans ma tête. Dragon de lumière, il absorbait et dévorait, vomissant les consciences de mes fibres en reconstitution, mon cerveau contraint à réajuster tous les calculs obsolètes de l'être qui vit. Les cordes et les vibrations pernicieuses des écarts s'annulant, des équations s'équilibrant. Les électrodes qui se branchaient et s'accordaient, et les encéphalogrammes qui tintaient, mon cœur frémissant la rage à son oisiveté éradiquée. Ton doigt contre ma peau, ma peau en mesure de ressentir, mon corps en éveil, mon souffle déchirant ma gorge, le sang continuant de couler. La mesure rythmée de mon existence attrapée. Le rythme dépassé, brusquement, et ta bouche contre la mienne. Je n'ai jamais aimé les histoires de princesses réveillées par le baiser, et les contes de fées.

« Deuxième chance. Dis-moi pourquoi je suis parti. »

Ma main vint frapper contre son visage, dans un contact trop violent, dans un mouvement visant à l'écarter, à l'éloigner. Le faire rouler hors du lit, me relever, l'attraper, et brusquer la conscience de toutes morales, de tout respect, de toutes barrières, pour l'atteindre, le toucher, le frapper. Et ce déferlement de haine, mes mains le griffant, le giflant, l'expédiant, jusqu'à ce qu'il vienne heurter un mur, jusqu'à ce qu'il se tienne debout face à moi. Ma main glissa sur le tissu, tirant, l'attrapant, pour le soulever à la hauteur de mes yeux, mon cœur battant déjà trop rapidement les efforts effectués.

« Imbécile. »

Et je brûlais cette chambre d'hôpital, je brûlais cette réalité qu'il avait imposé face à ma mort, je la brûlais, dans une vague de bleu qui se soulevait, dévorant le blanc tout autour de nous. Le bleu, contracté par mes doigts, les murs s'en teintant, et comme des tâches d'huile déversées sur du papier, le bleu se mit à dévorer toutes surfaces, évoluant en des centaines de nuance d'une seule réalité, celle de cette couleur que j'imposais, que je faisais hurler, dont je voulais barioler son champ visuel, quitte à devoir lui enfoncer la tête dans le sol. Mes doigts se pressèrent contre son visage, sans douceur, dans un simulacre avenant d'une tentative de broyer ses mâchoires, mes index appuyant près de ses paupières.

«  Tu ne sais même pas la réponse à la question que tu poses, Joshua. Ça sert à quoi de vouloir une réponse à laquelle tu ne t'attends pas ? Ça te sers à quoi de réfuter comme ça alors que c'est toi qui a créé ta propre réalité ? »

Le bleu tâcha sa joue, empreignant son sang pour noyer le rouge trop michellien. Amas noirâtre, aux reflets hésitant entre deux nuances qui s'affrontaient l'une à l'autre, je reculais, le jugeant du haut de ces centimètres qui nous séparaient. Les reliefs hospitaliers avaient disparus, maintenant remplacés par ceux de ma volonté ; le décorum dévoré par les monticules orageux qui s'amassaient tout autour de nous. Nuages de colères, sombres et bleutés, cumulus et nimbus lévitaient et sévissaient, déstructurant l'idée de pièces avec un sol et des murs. Les nues, projetées sur ce cadre dans lequel s'étalait le bleu et le ciel, mais en une alchimie destructrice. Le temps, figé contre sa peau, prenait le poids de mon souffle. Tes bulles d'hilarité, ton immatérialité, et la démangeaisons de tes sourires. Je voulais que tu mes les offres, dans ce spectacle de ton identité recouvrée. Au dessus de la terre et de l'Humanité, dans ton insanité, je voulais tellement, tellement te retrouver. Alors, je laissais lentement les nues s'ouvrir sur ce souvenir d'il y avait si longtemps. Ce souvenir matérialisé en cette silhouette maigre, à la peau trop pâle, étirée sur des angles exiguës, un visage encadré par des mèches blanches, et un sourire trop énorme pour son visage. Il arriva par derrière, marchant sans que son pas ne provoque le moindre bruit, et né directement d'une mémoire conservée de manière absolument intacte, ses yeux à l'hétérochromie artificielle vinrent se poser sur l'originel. Une lentille rouge pour un œil d'orage, et ses bottes limes. Un Kohaku de dix-sept ans, conservé dans mon intemporalité, souriant.

Le souvenir, dans une démarche assurée, absolument détachée de toute défaillance dans ce qu'elle représentait, s'approcha de lui, me dépassant, comme un souffle de vent, venant se pencher au dessus de lui, dans son sourire dérangeant.

«  Je suis tout ce que je veux, je ne suis rien de ce que je subis. Je deviens celui que je suis. Ne te l’aie-je pas dit . . . ? L’intérêt du jeu n’est point de le gagner en surface. De toute manière, on ne gagne pas contre moi. ~ La folie et la force, des concepts, des concepts . . . »



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