Je venais d'arriver. Je me rappellerais toujours de ce matin là, celui où, vers dix heures, j'avais vu deux enfants. Une charmante petite fille qui se faisait poursuivre par un garçon. Ils se couraient après, s'arrêtaient deux minutes pour reprendre leur souffle, puis repartaient. Je les observais pendant longtemps. Les enfants finissaient leur course-poursuite en se sautant dessus. Puis ils se relevaient pour aller dans l'herbe. Maintenant, c'était au tour de la petite fille de choisir le jeu. Ils se mirent donc à jouer à la maîtresse.
Ils avaient l'émotion qui me manquait.

La main froide dans la sienne, elle traine son ami à travers le dédale de rues. Le chemin n'est pas clair, il se suppose beaucoup, se superpose même parfois. Les marches sont hautes et droites; faites pour perdre la foule qui s'y presse sans un regard pour ce qu'elle y piétine sans compassion. Aujourd'hui toutefois, il n'y a que ces deux silhouettes accompagnées d'un rideau de pluie et d'un disque d'argent.
Le rideau dans les yeux et le disque dans la poche, ils fuient le pays gris des marionnettes, à la recherche de véritables couleurs.

« Ma jolie Colombine, dis-moi ce que tu vois. »

Les lèvres grises s'ouvrent sur un silence. Toujours la même comédie, doux Pierrot; dommage que sa gorge brisée soit condamnée à ne pas pouvoir poser de mots sur ses réponses. A défaut de pouvoir aligner les syllabes et les consonnes elle met un pied devant l'autre et c'est la bruine mêlée au pavé qui répond à Pierrot. Secousses perplexes, ineffables.
Viens, on trouvera la raison et la chaleur ailleurs, loin de ces larmes qui ne blessent que nous, là où les fleurs qui poussent sur la bouche des morts ont un goût d'éternelle félicité.

Quand les pas des deux guignols les mènent jusqu'à la mauvaise porte, le couperet de la guillotine tombe. La chaleur les embrase comme Icare, mais il n'y a plus aucune plume à brûler, simplement des larmes à sécher.
Le bandeau de Pierrot tombe à terre, révèle des yeux morts et fixes.

« C'est beau, n'est-ce pas ? »

La main lui répond que oui et dans un bel ensemble les deux cœurs se mettent en branle.

Viens avec moi, là où les histoires ne finissent jamais mal.

Mesdames, messieurs, enfants de tous âges. N'avez-vous jamais rêvé un endroit merveilleux ? Un endroit où TOUT devient réalité ? Ouvrez grands vos yeux et vos oreilles, car la Pension Irvin vous ouvre ses portes !

Des propriétaires chaleureux et souriants accueilleront n'importe lequel d'entre vous* dans leur luxueux domaine. Nombreux jeux et divertissement animeront les cœurs, repas variés et d'horizons différents éveilleront les papilles, livres complets et rares raviront les esprits !

La liberté vous ouvre ses bras (et bien grands) ! Un parc, un lac, un jardin : que de lieux intéressants à découvrir ! Sans compter le château en lui-même d'un style élégant, mais sachant toutefois se montrer moderne. Une corne d'abondance de surprises dans chacun de ses recoins ! Ah ! Mais tant de merveilles n'a-t-il pas un prix ? TOTALEMENT NON. Venez comme vous êtes ! Pourquoi le bonheur devrait être payant ?

En moyenne chaque jour, un nouvel arrivant passe les portes majestueuses ! Des étoiles dans les yeux, il sera bien vite accueilli par un ami. Il n'y a que des amis à la Pension ! Tout le monde se connaît et tout le monde s'amuse dans d'amicales rencontres.

Alors, qu'attendez-vous pour venir ?

*Voir modalités.

Fenêtre oculaire jetant son regard émoussé dans le vague, il l’aperçoit, tel un opiomane destitué de sa pitance, elle, mirage de ses ardeurs, dessein de ses valeurs. Seins de chantilly voilés d’un aqueux halo d’argent, lèvres d’albâtres enrobant maintes paroles d’un velours enchantant, elle se profile à la manière d’un plat exquis, souveraines de toutes ses envies. Il la dévore, s’abreuve de cette douceur effilée qui tranche ses cauchemars et colore son univers de chaleur, se sustente de cette présence incomparable qui libère des papillons au creux de son estomac. Il l’approche, glisse ses phalanges sur des cuisses aux pores en calcite, attrape les pans d’une jupe en soie à l’intérieur de ses paumes. Perfection suzeraine, il la vénère de ses caresses innocentes, oscillant entre les yeux d’un enfant et ceux d’un homme. Si belle, son sourire goûte le gâteau à la fraise, sucre classique laissant frétiller ses papilles d’adoration. Bonheur. Il voudrait ne jamais la quitter, voudrait élire domicile dans cette étreinte rassurante pour l’éternité.

Il froisse la page entre ses doigts, quitte la photo du regard, pousse le rêve à son terme. Pourquoi ?