Se rencontrer grâce au hasard. Se plaire soudain. Se chercher du regard.
Se séduire, si puérilement. S'embrasser avec espoir. Se poser la question fatale.
Porter une tenue de blanc. Tendre une main dans un couloir sombre, élégamment éclairé pour l'occasion. Sourire, malgré le malheur. Et dire oui, dire oui deux fois.
Sentir son cœur battre follement. Croiser un regard aimant. Et capturer ces lèvres des siennes.
Être marié au pensionnat. Être béni malgré l'enfer. Et pour l'éternité, la vrai, l'infinie.
Pour la vie et pour la mort. Pour le pire... Et pour le meilleur.

« Une cigarette suspendue au bout des lèvres, il riait à n’en plus finir.
Ses lèvres étaient encore enflées des baisers d’amants de passage. Un coup de vent ébranla l’étagère, une pile de billets s’envola du lit ;
Le petit sentit une bise glaciale lui cingler le visage. Il charriait une pestilence sordide de transpiration. Machinalement, il tendit le bras. Mais, fatigué de supplier, il s’abattit sur le bitume ;
Il tomba, face contre terre, dans une flaque étale sur l’asphalte. Quelques bulles éclataient sur la surface miroitante parsemée d’astres. Il monta au ciel, bercé des aubades des cigales, loin de la gueule béante du canon. Rapidement, l’eau se teinta de carmin ;
Le bleu de Berlin remplaçait le rouge dans le tintamarre d’une ambulance. L’oxygène l’enivrait d’une odeur de renfermé, les cathéters emportaient en un bruissement brumeux ses prières. Une piqûre dans son bras détrôna la douleur ;
Des bras puissants le clouèrent au sol sans ménagement. Il avait jeté ses médicaments. La lumière ardente du plafonnier fit clore ses paupières au pantin démanché, un hurlement déchira sa gorge viciée de nicotine ;
Une cigarette suspendue au bout des lèvres, il riait à n’en plus finir… »
Un idiot lui singea un baiser depuis le sommet de la tour frappée d'une brise légère. Il leva le bras pour le saluer, lui et les premières étoiles, sans comprendre de ce que son ami lui racontait de là-haut ; l’air devait se faire rare. S’il ne le rejoignait pas, plaisanta-t-il, il sauterait et s’écraserait sur lui. Le gamin se lança de mauvaise grâce à l’assaut des escaliers. Une cigarette suspendue au bout des lèvres, il riait à n’en plus finir, contemplant sans la voir la meilleure de ses vies.

On toque à la porte de la chambre : on doit être meilleur, on doit lui dire ce que l’on éprouve pour elle, lui offrir notre cœur sur un plateau d’argent, et un couteau pour qu’elle le découpe. Finies la débauche, les aventures çà et là : on doit devenir meilleur, parce que cette fille, elle est incroyable. Parce qu’elle a un cœur pur et les plus beaux yeux, des iris bleus autour de ses pupilles, comme des couronnes bleues pour reine de feu. Le cœur qui bat trop fort dans la poitrine. On s’apprête à renier ce que l’on a été pour cette naïade. Angoisse et soulagement. Tambourine le cœur. Et enfin la porte qui s’ouvre.
Ce n’est pas celle que l’on est venu chercher qui ouvre : c’est la catin. Cette figure infernale, squelette vivant et sorcière héroïnomane ; et tout s’arrête ; c'est con. La princesse n’est pas là.
La traînée nous drague. On ne lui répond pas, on tourne les talons sans un mot, on reviendra demain. Mais demain, on le sait, le courage ne sera plus là et on ne deviendra pas meilleur.